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Construction sociale du leadership

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Les principes de base du constructivisme social du leadership suggèrent qu'il existe de multiples façons de voir une situation donnée. Cette théorie du leadership admet que d'autres individus utilisent des lentilles et des perspectives différentes d'une même réalité. La signification d'une entité, d'une organisation ou d'un événement sont déduites par les relations et les dialogues avec les autres individus. La langue et la conversation, selon les constructionnistes sociaux, ne décrivent pas la réalité mais elles servent à créer la réalité et à donner du sens aux actions des individus.

Élargissement de la théorie de la contingence et de la théorie situationnelle du leadership

Keith Grint (2005) a élaboré une théorie de la construction sociale du leadership en prenant appui sur l'invasion de l'Irak par les troupes de la Coalition. La prise de décision de cet acte militaire a reposé sur une situation qui s'est révélée plus tard comme brutalement infondée. Pourtant la stratégie des forces de la coalition n'a pas changé d'un iota. En fait, la prise de décision a effectivement pris appui sur un leadership de contingence ou un leadership situationnel, suggérant que la prise en compte du contexte est un élément essentiel de la prise de décision. Mais ces théories sont incapables d'expliquer les décisions de ceux qui sont les plus impliqués.

La théorie de la construction sociale du leadership suggère que les décideurs sont beaucoup plus actifs dans un processus de constitution du contexte que les théories classiques ne le présentent. Cette théorie est davantage reliée à la théorie discursive du leadership avec les nombreux outils méthodologiques d'analyse linguistique ainsi que des recherches qualitatives plutôt que des statistiques quantitatives. Pour utiliser une métaphore linguistique, le « leader » dans une vision traditionnelle implique un sujet, tandis que le « suiveur » implique un complément d'objet direct. À divers degrés, la théorie de la construction sociale voit le contexte du leadership de façon différente. Il envisage le leadership en mode multi-couches, co-créé, contestable et réalisé localement. La forme particulière d'action choisie parmi un ensemble large de différentes actions se rapporte souvent à un mode préféré d'engagement du décideur principal, plutôt que ce qu'exige apparemment 'la situation'. En effet le contexte est reconstruit dans une arène économique, sociale et politique qui n'est pas un laboratoire scientifique neutre et isolé de toute influence de l'observateur.

Une romance du leadership fondée sur une construction sociale

James Meindl a élaboré une romance du leadership fondée sur la théorie de la construction sociale. La romance représente ​​les pensées des suiveurs vis à vis des leaders, c'est-à-dire comment les leaders sont "construits" et représentés dans leurs systèmes de pensée. Le romantisme du leadership se concentre sur les liens entre les leaders et les suiveurs tels qu'ils sont construits dans l'esprit des suiveurs. Plutôt que de supposer que leaders et suiveurs sont liés d'une manière causale substantielle, l'idée de la romance suppose que la relation entre les leaders et les suiveurs est essentiellement un construit social, très influencé par des facteurs et des relations entre les suiveurs. La théorie s'éloigne d'une recherche de la personnalité du leader en tant que force causale et pilier important, mais elle s'oriente vers les pensées et les actions des suiveurs. La théorie suppose que les suiveurs réagissent et sont plus influencés par leurs constructions de la personnalité du leader plutôt que par la véritable personnalité de celui-ci. C'est la personnalité des leaders telle qu'elle est imaginée ou construite par les disciples qui devient l'objet d'étude, et non pas les personnalités en soi, «réelles» ou «cliniques».

Les liens comportementaux entre le leader et les suiveurs sont vus comme un dérivé de la construction faite par les suiveurs. Dans cette perspective, le comportement des suiveurs est supposé être beaucoup moins sous le contrôle et sous l'influence du leader, et plus sous le contrôle et sous l'influence des forces qui régissent le processus de la construction sociale elle-même. Mais cette approche ne saurait expliquer ou traiter le comportement du leader ainsi que l'impact direct de ce comportement sur les suiveurs. En d'autres termes, les effets directs des actions et des activités du leader ne sont pas abordés lorsqu'ils sont indépendants ou qu'ils ne sont pas modérés ou médiatisés par des processus de construction sociale. Ainsi, le leadership est supposé être révélé non dans les actions ou les efforts du leader, mais comme une partie de la façon dont les acteurs expérimentent des processus organisationnels. Alors que les programmes de recherche centrés sur le leader, comme la théorie comportementale du leadership, visent à comprendre quels sont les comportements du leader provoquant certaines réactions chez les suiveurs (idée que les comportements du leader causent le followership) et identification des comportements plus ou moins efficaces ; par contraste, l'ordre du jour de la théorie de la construction sociale du leadership adopte une recherche centrée sur les suiveurs en cherchant à comprendre la variance des constructions lorsqu'elles sont influencées par les processus sociaux, lorsque ces constructions sont produites entre les suiveurs et par des facteurs contextuels saillants, et non par les implications directes et diverses de leurs différents comportements.

En substance, le leadership réside beaucoup plus dans les yeux du spectateur, c'est-à-dire dans l'esprit des suiveurs, et non pas chez le leader et encore moins dans la définition tentée par beaucoup de chercheurs du leadership. Plutôt que d'envoyer les leaders en école aux programmes appropriés en leadership, la formation et le développement en leadership représenteraient des occasions d'inculquer les suiveurs potentiels avec la "bonne manière" pour construire le leadership. Dans cette perspective, le leadership n'existe pas sans followership, d'où une méthodologie fondée sur une approche scientifique du subjectivisme du leadership. Chaque individu a une opinion sur l'idée du leadership et de la personne qui assure les actions de leader dans son entourage. La hiérarchie formelle est remplacée par l'interdépendance et par une structure d'organisation sans forme, interconnectée et ayant des similarités avec le réseau réticulaire d'internet.

Les limites de la construction sociale du leadership à la lumière de l'épistémologie et de la méthodologie de l'école autrichienne

Comme dans presque toutes les théories contemporaines du leadership, la théorie de la construction sociale du leadership souligne l'importance de la perception subjective de l'individu pour le développement et l'établissement de relations de leadership. Pour les théoriciens de la construction sociale du leadership, les membres d'un groupe ou d'une organisation n'agissent pas sur la base d'une « réalité objective » dans laquelle la performance économique est importante. Au lieu de cela le comportement est guidé par une construction subjective de la réalité qui est propre à chaque individu, façonnée par les expériences passées ainsi que par les perceptions et les attentes actuelles. En conséquence, la réalité du leadership est interprétée par les perceptions individuelles ; et les attributions du leadership jouent un rôle majeur.

La lecture des principes de la théorie de la construction sociale du leadership laisse apparaître trois limites conceptuelles que l'école autrichienne permet de mettre en valeur.

Premièrement, l'épistémologie de l'école autrichienne précise de façon forte que la réalité n'est pas une construction sociale. La réalité existe même si aucune personne sur terre ne s'en préoccupe ou n'y est sensible. Certes, la perception de la réalité est individuelle et lorsque elle est partagée ou communiquée à autrui par l'échange verbal ou non verbal, sa perception devient une construction sociale. Mais il existe une différence fondamentale entre la construction sociale de la réalité et la construction sociale de la perception de la réalité. Une importance de taille que n'établit pas de façon très claire les théoriciens de la construction sociale du leadership. En occultant la réalité objective de leur analyse, la construction sociale du leadership se prive d'une cohérence et d'une pertinence d'analyse.

Deuxièmement, les théoriciens de la construction sociale du leadership s'appuient sur un subjectivisme méthodologique. Mais ce subjectivisme est radicalement différent de celui de l'école autrichienne. Le subjectivisme de la théorie de la construction sociale est un subjectivisme psychologique. Il insinue que les comportements et les attitudes d'un individu, compte tenu de la perception qu'il a de la réalité, sont d'ordre mental. Tout se passe dans l'esprit d'un individu et de la construction de son "capital" psychologique[1] au cours de son existence. Pour sa part, le subjectivisme de l'école autrichienne ne repose pas sur la psychologie, il est praxéologique. Les choix et les comportements des individus sont subjectifs, non pas parce qu'ils sont liés aux facultés mentales et psychologiques de celui-ci à percevoir la réalité ; mais, insistent les auteurs autrichiens, et Ludwig von Mises, le leader intellectuel de cette pensée, le subjectivisme a trait aux choix des individus au moment précis où ils effectuent leurs choix. Avant ces choix, la thymologie permet de comprendre les actes d'autrui. Au cours de l'action, c'est la praxéologie qui étudie les comportements. Après le moment présent, un autre cadre du couple d'analyse (thymologie-praxéologie) prend place.

Troisièmement, la théorie de la construction sociale du leadership tombe dans le piège de l'analyse du continuum de James Hunt (1991)[2]. Cet auteur a classé les différentes approches du leadership en les plaçant sur un continuum allant d'une analyse "objectiviste" à une analyse "subjectiviste". Il mêle ainsi d'un côté l'ensemble des théories du leadership ayant tendance à conceptualiser la réalité comme une perspective subjectiviste, car elles empruntent les idées du discours symbolique, de la construction sociale ou de la projection de l'imagination humaine ; et de l'autre côté sont placées les théories objectivistes de la réalité. L'école autrichienne a déjà été sensible dans le passé aux failles méthodologiques d'une telle présentation. Dans le domaine de l'analyse politique, le diagramme de Nolan et de Marshall Fritz montre que l'approche libertarienne, dont l'école autrichienne est un riche support d'idées, ne s'inscrit pas dans un cadre d'analyse classique du continuum entre droite et gauche. Et qu'un autre outil de compréhension est nécessaire pour sortir de ce cadre dichotomique défaillant. La même réaction est manifeste pour l'étude du leadership. La grille du continuum force à classer les théories dans deux camps opposés. D'un côté, il y a les théories qui reposent sur une vision objective de la réalité. De l'autre, se placent les théories subjectives de la réalité. De cette façon il est impossible de classer l'apport de la théorie autrichienne. Selon l'épistémologie et la méthodologie de l'école autrichienne, les individus ont une perception subjective de la réalité en raison de l'existence même d'une réalité objective. C'est l'existence de cette réalité objective qui rend les actions des individus concrètes et "économiques" dans le sens où elles se voient récompensées ou non. Nier l'existence de la réalité objective, c'est ouvrir la voie à l'irresponsabilité et au manque "d'accomptabilité", c'est-à-dire du devoir éthique de rendre des comptes. S'il s'agit de changer de perception de la réalité sans devoir affronter ses responsabilités ou de la remise de comptes-rendus, les théories subjectives de la réalité vivent alors dans une chimère. Car tout ou tard la réalité s'impose. Les leaders politiques, par exemple, peuvent très bien construire une réalité sociale en prétextant que les dettes publiques, qu'ils ont favorisées à créer et à se développer, sont la cause d'autrui (les prédécesseurs)[3], de la cause du système capitaliste et du libéralisme, de la cause de boucs émissaires comme les "riches" ou les fraudeurs du fisc. Mais un jour ou l'autre les dettes doivent se payer de façon visible ou non (par l'inflation qui est un impôt déguisé sur l'épargne), de façon légère ou lourde, de façon directe (le contribuable présent), de façon indirecte (par l’alourdissement de la TVA ou grâce aux contribuables des autres pays partenaires économiques et politiques) ou lâchement "léguées" aux générations futures (par l'endettement ; les prochaines générations de contribuables paieront des choix politiques qu'elles n'ont pas votés). La réalité objective existe de part l'existence de lois économiques objectives, indispensables et "inoxydables".

Annexes

Notes et références

  1. Bibliographie sur la capital psychologique
    • 2005, Bruce J. Avolio, W. Li, Fred Luthans, F. O. Walumbwa, "The psychological capital of Chinese workers: Exploring the relationship with performance", Management and Organization Review, 1(2), pp249-271
    • 2006, J. B. Avey, Bruce J. Avolio, G. M. Combs, Fred Luthans, S. M. Norman, "Psychological capital development: Towards a microintervention", Journal of Organizational Behavior, Vol 27, pp387-393
    • 2007,
      • J. B. Avey, Bruce J. Avolio, Fred Luthans, S. M. Norman, "Positive psychological capital: Measurement and relationship with performance and satisfaction", Personnel Psychology, Vol 60, pp541-572
      • Bruce J. Avolio, Fred Luthans, C. M. Youssef, "Psychological capital: developing the competitive edge", New York: Oxford University Press
    • 2008, J. B. Avey, Bruce J. Avolio, Fred Luthans, S. M. Norman, "The mediating role of psychological capital in the supportive organizational climate-employee performance relationship", Journal of Organizational Behavior, Vol 29, pp219-238
    • 2010,
      • J. B. Avey, Fred Luthans, R. M. Smith, N. F. Palmer, "Impact of positive psychological capital in employee well-being over time", Journal of Occupational Health Psychology, 15(1), pp17-28
      • J. B. Avey, F. Luthans, C. M. Youssef, "The additive value of positive psychological capital in predicting work attitudes and behaviors", Journal of Management, 36(2), pp430-452
    • 2014, Vishal Gupta, Shailendra Singh, "Psychological capital as a mediator of the relationship between leadership and creative performance behaviors: empirical evidence from the Indian R&D sector", The International Journal of Human Resource Management, Vol 25, n°10, May, pp1373-1394
    • 2019, J. Bhatnagar, R. Gupta, S. MacDermid Wadsworth, P. Mishra, "How Work–Family Enrichment Influence Innovative Work Behavior: Role of Psychological Capital and Supervisory Support", Journal of Management and Organization, Vol 25, pp58–80
  2. J. G. Hunt, 1991, "Leadership: a new synthesis", Sage, New York
  3. La technique du leadership discursif et rhétorique du leader politique consiste à puiser dans le crédit idiosyncrasique des gouvernements précédents en entamant leur capital de leadership. Cette technique a trois effets. Elle est faiblement énergétique. Elle n'a pas besoin de beaucoup de ressources conceptuelles et de mise en place rhétorique. C'est quelquefois l'impression d'un gimmick dans le discours du leader politique (notamment au moment des bilans pré-électoraux : "la demande d'un audit"). Cette technique permet facilement de s'excuser d'une faute qu'il prétend n'avoir pas commise devant les électeurs potentiels. Il n'entame pas ainsi son crédit idiosyncrasique de leadership. Enfin, inversement, cette technique permet d'affaiblir ses opposants politiques en demandant aux électeurs de débiter leur compte de crédit idiosyncrasique. Il estime ainsi y gagner par effet de balancier.

Bibliographie

  • 1991, Chao C. Chen et James R. Meindl, "The construction of Leadership images in the popular press: The case of Donald Burr and People Express", Administrative Science Quarterly, 36/4, pp521-551
  • 1993, Ruth A. Wallace, "The Social Construction of a New Leadership Role: Catholic Women Pastors", Sociology of Religion, Vol 54, n°1, Religion and Gender Relationships, Spring, pp31-42
  • 1999, D. Cooperrider, K. Kaczmarski, "Constructionist leadership in the global relational age", In: D. Cooperrider & J. Dutton, dir., "Organizational Dimensions of Global Change", London: Sage Publishing, pp57-87
  • 2005, Keith Grint, "Problems, problems, problems : The social construction of 'leadership'", Human relations, vol 58, n°11, pp1467-1494
  • 2006,
    • Eric Guthey, Brad Jackson, "Visualising the Social Construction of Leadership", In: Michelle C. Bligh, Boas Shamir, Rajnandini Pillai, Mary Uhl-Bien, dir., "Follower-centered perspectives on leadership: A tribute to the memory of James R. Meindl", Greenwich, CT: Information Age Publishing
    • Rajnandini Pillai, Mary Uhl-Bien, "The Romance of Leadership and the Social Construction of Followership", In: Michelle C. Bligh, Boas Shamir, Rajnandini Pillai, Mary Uhl-Bien, dir., "Follower-centered perspectives on leadership: A tribute to the memory of James R. Meindl", Greenwich, CT: Information Age Publishing
  • 2008, J. K. Barge et Gail T. Fairhurst, "Living leadership: A systemic, constructionist approach", Leadership, 4, pp227-251
  • 2011,
    • Anne M Greenhalgh, Christopher I Maxwell, "Images of leadership: a new exercise to teach leadership from a social constructionist perspective", Organization Management Journal, Vol 8, n°2, June, pp106-110
    • Maurice L. Hall, "Sensing the Vision: Sense Making and the Social Construction of Leadership in the Branch Office of an Insurance Company", Atlantic Journal of Communication, Vol 19, n°2, April, pp65-78

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