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Leadership dispersé
L'importance des relations sociales dans le contrat informel de leadership, la nécessité pour un leader d'être accepté par les autres membres du groupe et la prise en compte que personne n'est un leader idéal en toutes circonstances, ont donné naissance à une nouvelle vision du leadership «émergent», "informel" ou «dispersé». Cette approche soutient un modèle moins formalisé du leadership où le rôle des leaders est dissocié de la hiérarchie organisationnelle. Il propose que les individus, à tous les niveaux dans l'organisation et dans tous les rôles (et pas simplement ceux qui ont une dimension de gestion manifeste), peuvent exercer une influence de leadership sur leurs collègues et ainsi influencer la direction générale de l'organisation. Dans un sens générique, la théorie du leadership dispersé représente la structure et le processus des compétences en leadership et des prises de responsabilité à travers une organisation. Il se différencie principalement du leadership distribué ou du leadership partagé car le leadership dispersé s'attache aux actions humaines qui ont émergé, qui émergent et qui émergeront en réponse à l'adoption généralisée de nouvelles formes organisationnelles post-bureaucratiques, comme par exemple, l'organisation en réseau d'internet.
Différence épistémique entre leadership dispersé et leadership distribué
Les organisations sont organiques dans leur orientation, c'est-à-dire qu'elles sont évolutionnistes et modulaires, ce qui donne leur caractère d'institutionnalisation. La «dispersion» suggère que le leadership existe en différents points de l'organisation. Ces points sont localisés à la fois spatialement mais également temporellement. Le leadership dispersé n'a pas une contenu monocentrique mais polycentrique, au sens où l'entendait Michael Polanyi. Cette polycentricité du leadership implique son émergence en des points temporels non linéaires. Ils peuvent apparaître et disparaître dans le temps et dans l'espace organisationnel. Dans une école, par exemple, le leadership ne repose pas seulement sur une équipe de direction scolaire, mais il existe également au sein des ministères, au niveau de la coordination et de l'inspection pédagogique, au niveau des enseignants, au niveau des représentants syndicaux ou non du personnel pédagogique ou non, au niveau des parents d'élèves et de certaines communautés, sans oublier le leadership des élèves et des étudiants. La terminologie de «densité» de leadership pourrait s'appliquer ainsi comme une mesure temporaire de l'extension et de la présence de leadership au sein d'une organisation.
Le leadership dispersé englobe et se différencie du leadership distribué tout comme le concept de la dispersion de l'information de Friedrich Hayek se distingue de la notion de l'information distribuée de Herbert Simon, sachant que l'information est un critère sur lequel repose le leadership mais pas uniquement. Le leadership distribué insiste sur une délégation de pouvoir, comme s'il s'agissait de distribuer des cartes aux valeurs différenciées, bien souvent provenant des supérieurs hiérarchiques de l'organisation. Le leadership dispersé insiste, pour sa part, sur un monde informationnel et de pouvoir disjoint, voire éparpillé. Le leadership distribué est avant tout un acte managérial tandis que le leadership dispersé s'intègre dans un processus divergent, convergent ou stagnant du pouvoir. Le leadership distribué et le leadership dispersé ont en commun la non centralisation des capacités et des talents ; toutefois, le leadership dispersé porte plus l'accent sur la dispersion de la cognition, c'est-à-dire un système épistémique complexe, distribué en réseaux à travers des individus, des artefacts[1] et des représentations internes et externes distincts, et dont la cognition est à la fois la source de la séparation des entités et une incitation à leur connexion.
Avec l'utilisation d'internet, les objectifs de leadership n'ont pas changé, mais un nouveau support a surgi pour la réalisation des objectifs de l'organisation. Les objectifs fondamentaux du leadership sont toujours les mêmes, et abordent les questions de vision, d'orientation, de motivation, d'inspiration, de confiance, etc. Le e-leadership est un nouveau paradigme de leadership qui exige que le leader atteigne ses objectifs de leadership dans un espace médiatisé par l'ordinateur avec des équipes virtuelles dispersées dans l'espace et dans le temps. Avec le e-leadership, le principal moyen de communication entre les leaders et les suiveurs est une voie électroniques dont les terminaux sont des ordinateurs et autres objets communicants (smartphone, tablette etc.).
Le registre du leadership dispersé est davantage centré sur la motivation exploratoire des individus et notamment de leur curiosité épistémique. Israel Kirzner indique que l'entrepreneur est en état de vigilance, ce qui indique qu'il ne se contente pas d'un partage ou d'une distribution acquise de l'information. Il y a dans le leadership kirznérien cette notion de curiosité épistémique qui fait que le système du libre marché est sans cesse mu par un mouvement entrepreneurial. Le leadership dispersé tient compte à la fois des écarts informationnels mais aussi de la nature humaine à anticiper, à chercher et à combler ces écarts pour en tirer des avantages qui sont convertis en différentes formes de bénéfices (profit, gloire, trophée, honneur, sainteté, etc.)
Le leadership dispersé établit un "brouillage" des différences entre leader et suiveur
La revue de la littérature indique que les approches "orthodoxes" du leadership mettent en lumière une frontière claire, si ce n'est précise, de l'identité entre celui ou celle qui est «leader» et celui ou celle qui est "suiveur". Dans les stratégies de leadership dispersé, le partage du pouvoir entre les leaders et les suiveurs brouille cette frontière. Les premières formes organisationnelles fondées sur un modèle de leadership bureaucratique et militaire sont représentées par des concepts de différenciation (des limites claires existent entre l'identité du leader et celui du suiveur) et de domination (Supériorité des leaders sur les suiveurs). En revanche, l'approche du leadership dispersé sous-tend des concepts de dé-différentiation (l'autonomisation (empowerment) brouille les frontières de l'identité dans les relations basées sur un pouvoir hiérarchique) et de démocratie (Partage du pouvoir et du contrôle). Contrairement à la nature dualiste dans la relation de pouvoir entre les leaders et les suiveurs promus par les approches orthodoxes du leadership, la théorie du leadership dispersé adopte un partage du pouvoir entre les leaders et les suiveurs. L'approche s'écarte de l'analyse des traits et des attributs de la personnalité ou du style de ces personnes extraordinaires reconnues en tant que leader. La théorie du leadership dispersé déplace son attention de la personne "leader" vers l'analyse du "processus" de leadership. Implicitement, le leadership n'est pas nécessairement quelque chose qu'un individu a fait ou fait, mais plutôt quelque chose que certaines personnes peuvent faire ou aider à faire.
Le leadership dispersé accentue la notion de Frédéric Bastiat entre "ce qui se voit" et "ce qui ne se voit pas"
La théorie du leadership dispersé tente de rendre compte de la dynamique de groupe lorsque des individus, au sein de l'organisation, détiennent une position de pouvoir et qu'ils se retrouvent confrontés avec d'autres leaders désignés ou non. La théorie montre que même une organisation couronnée de succès, en apparence, avec une surface plane et calme, peut cacher des porosités et des problèmes latents et insolvables en profondeur, du fait d'un chemin de dépendance de la constitution historique de l'organisation du pouvoir. Par conséquent, une répartition du pouvoir décisionnel, de façon autoritaire ou même participative, peut cacher des "principes acquis" (taken for granted) bloquant l'expression ouverte des individus et provoquant des effets induits négatifs. Par exemple, le principe du vote à la majorité peut être dénoncé sous l'angle du leadership dispersé du fait que ce principe serait incontournable (taken for granted) et donc indiscutable. La théorie du leadership dispersé tient compte non seulement des personnes disposant du pouvoir, mais également de l'architecture formelle et informelle dans l'organisation, ainsi que du processus de leadership (J. L. Pierce et J.W. Newstrom, 1972[2]; D. M. Hosking, 1991[3]; D. Knights et H. Willmott, 1992 [4]). Dans le "taken for granted", il y a toutes ces formes de pensées étouffées qui, sans remise en question font croire que des principes acquis de longues dates sont inévitables et irréfutables comme : "Il faut dépenser plus dans telle activité....", "Il n'y a pas de leader, cela ne peut pas marcher...", "Il suffit d'investir dans...". Toutes ces pensées invisibles, car enfouies dans les modes de pensée des individus, empêchent de se rendre compte que des leaders dispersés existent et qu'ils ne doivent pas être ensevelis et paralysés par des actions politiques générales ou ciblées qui les étoufferaient.
Dans la théorie du leadership dispersé, le pouvoir n'est pas manifestement concentré. Il se définit comme des formes diverses, inégales et intégrées plus ou moins facilement identifiables. Ces formes intégrées de pouvoir se constituent quotidiennement, dans la pratique et dans le cadre de la vie quotidienne où elles sont prises pour acquises (évidentes) dans l'ordre naturel des choses. Dans la stratégie de la délégation de pouvoir, une forme d'encouragement à la responsabilisation et à l'autonomisation est lancée auprès des collaborateurs menant presque à un self-leadership.
Annexes
Notes et références
- ↑ E. Hutchins, 1995, "Cognition in the wild", Cambridge, MA: MIT
- ↑ * J. L. Pierce et J.W. Newstrom, 1972, dir., Leaders & the Leadership Process - Readings, Self-assessments & Applications, McGraw-Hill Higher Education
- ↑ * D. M. Hosking, 1991, "Chief Executives, Organizing Processes and Skill", European Journal of Applied Psychology, 41, pp95-103
- ↑ * D. Knights et H. Willmott, 1992, "Conceptuaiizing Leadership Processes: A Sudy of Senior Managers in a Financial Services Company", Journal of Management Studies, 29, pp761-782
Publications
- 2001, John Politis, "Dispersed Leadership Predictor of Knowledge Acquisition", The 2nd European Conference on Knowledge Management, Vol 1, pp449-458
- 2004, S. Clegg, R. Gordon, T. Ray, "A new look at dispersed leadership: Power, knowledge and context", In: J. Storey, dir., "Leadership in Organizations", London: Routledge, pp319-336
- 2005, John Politis, "Dispersed leadership predictor of the work environment for creativity and productivity", European Journal of Innovation Management, 8 (2), pp182-204
- 2007, Keith Grint, "Dispersed Leadership", In: J. R. Bailey et S. Clegg, dir., "International Encyclopaedia of Organization Studies", London: Sage
- 2008, Raymond D. Gordon, "Dispersed leadership, power and change: An empirical study using a critical management framework", Business papers School of Business, Bond University
- 2010, Raymond D. Gordon, "Dispersed Leadership: Exploring the Impact of Antecedent Forms of Power Using a Communicative Framework", Management Communication Quarterly, May, Vol 24, n°2, pp260-287
- 2014, Udo Konradt, "Toward a theory of dispersed leadership in teams: Model, findings, and directions for future research", Leadership, August, Vol 10, n°3, pp289-307
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