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Théorie de la catégorisation du leadership
La catégorisation implique la classification de stimuli perçus comme non-identiques en des catégories ou en groupes selon des similitudes avec des stimuli d'une même catégorie et par différences avec des stimuli appartenant à d'autres catégories. Le processus de catégorisation réduit la complexité du monde extérieur par l'organisation de l'information composée d'un nombre infini de stimuli dans un plus petit nombre de catégories. La catégorisation du leadership permet la représentation symbolique du monde en termes de labels accordés aux catégories de leadership et elle fournit un système de noms communs (étiquettes) qui permet la communication et l'échange d'informations sur des entités classées.
Les perceptions de stimuli correspondant à des attributs de leadership
Les perceptions du leadership sont fondées sur des processus de catégorisations cognitives par lesquels les percepteurs font correspondre des attributs perçus de leaders potentiels qu'ils observent avec un prototype cognitif des catégories de leadership. Un prototype (stéréotype[1]) peut être conçu comme une collection de traits caractéristiques ou d'attributs sont identifiés à la suite de la catégorisation cognitives ou de typifications (Alfred Schütz, 1973). Plus l'adéquation entre l'individu perçu et le prototype de leadership est forte, plus cette personne sera considérée comme un leader.
Être perçu comme un leader est une condition préalable pour pouvoir aller au-delà d'un simple rôle officiel de leader donner par les responsables de l'organisation et de pouvoir influencer les autres. La perception du leadership peut être basée selon deux procédés alternatifs : l'inférence et la reconnaissance. Premièrement, le leadership peut être inféré, par une méthode ontologique, à partir d'attributs saillants du concepts de leadership. Par exemple, le décollage d'une entreprise après une grave crise est souvent attribué à un «leadership» de haute qualité des cadres dirigeants ou du PDG. Un autre exemple du processus d'inférence déduit le leadership charismatique à partir de la réussite des entreprises; l'attribution du charisme pour un leader est plus probable lorsque la performance organisationnelle est élevée. Sinon, le leadership peut être reconnu sur la base de l'adéquation entre les caractéristiques d'une personne avec les idées implicites qu'incarne ce leader.
La hiérarchisation de la catégorisation du leadership par Robert Lord
La théorie de la catégorisation du leadership, proposée par Robert Lord et alii (1982, 1984, 1990, 1991), classe une organisation en trois niveaux hiérarchiques de catégories du leadership. La catégorie la plus générale est la catégorie des «leaders» se situant au niveau supérieur disposant d'attributs communs à la plupart des dirigeants et qui se chevauchent très peu avec la catégorie contrastée des «non-leaders. La catégorie de milieu de gamme ou niveau de base est moins inclusive. Elle affine la notion de leadership en intégrant des informations situationnelles ou contextuelles. Cela implique que les leaders soient différenciés en types spécifiques de leaders, comme le leader religieux, le leader militaire, le leader politique ou le leader économique. Au niveau de la catégorie la plus basse ou appelée également catégorie subalterne, les types de leaders au sein d'un contexte sont différenciés de façon plus fine (par exemple, leader politique de droite ou le leader politique de gauche). Ces catégories subalternes sont les moins inclusives. Par exemple, la différenciation chez les militaires s'exerce en fonction du grade des officiers, alors que dans l'entreprise, la différenciation s'effectue en fonction de la position dans la hiérarchie organisationnelle. Quelquefois, la limite entre les catégories de leaders et non-leaders est parfois difficile à tracer. Comme les autres catégories utilisées pour classer les individus, le leadership peut probablement être considéré comme une « catégorie floue ». Une catégorie est « floue » quand il n'y a pas de signes qui distinguent tous les membres de tous les non-membres. Dans certains cas, la frontière claire dans les stimuli n'existe pas, les individus utilisent les catégorisations abstraites apprises et transmises par la culture plutôt que de reposer entièrement sur les caractéristiques du stimulus.
L'approche cognitive autrichienne de la catégorisation du leadership
Comme le souligne Salvatore Rizzello, en étudiant la théorie cognitive de Friedrich Hayek, il existe une différence entre la neurognosis (C. Laughlin: 1996[2]) et une approche évolutionniste cognitive telle qu'elle fut initiée par Friedrich Hayek dans son ouvrage l'Ordre sensoriel. Le cerveau et l'esprit humain évoluent en suivant un chemin de dépendance qui dépend fortement de structures préexistantes innées. L'esprit humain tend donc à se préserver, autant que possible, du changement. Ceci semble une approche neurognistique correspondant à l'approche des théoriciens de la catégorisation du leadership. Les stimuli perçus par les individus sont "filtrés" dans des cases pré-existantes de correspondance de leadership. Les stimuli non conformes sont rejetés. Nous avons affaire ici à une matrice fixe de la structuration des catégorisations du leadership. En prenant appui sur la théorie cognitive de Friedrich Hayek, celle-ci semble être en mesure d'offrir un meilleur outil pour comprendre comment les structures mentales jouent un rôle central dans le processus de perception du leadership, et dans celui-ci de donner du sens pour construire des connaissances sur l'identification du leadership et de la raison de la création de nouvelles catégories de leadership.
Salvatore Rizzello utilise le concept d'exaptation[3] de la théorie évolutionniste en biologie, concept qui fut aussi adopté par les théoriciens évolutionnaires du changement technologique (Nicholas Dew, Saras Sarasvathy, Sankaran Venkataraman) et qui semble s'associer au concept de bissociation d'Arthur Koestler pour la stimulation de la créativité. L'exaptation permet de comprendre que la matrice de la catégorisation neuronale humaine n'est pas une structure fixe mais une matrice élastique (plastique). Nous partons toujours d'un système neuronal "pré-cablé" et "pré-structuré" à la naissance de l'être humain mais ce réseau synaptique se modifie quantitativement en synapses et se transforme qualitativement (sélectivement) en fonction des stimuli perçus par les individus. La nature de la carte neurocognitive de l'être humain est donc double. Elle est à la fois conservatrice car elle classe les nouveaux stimuli en les reliant à ce que l'individu sait déjà. Cette forme de catégorisation impose son propre ordre dans les processus de classification et de compréhension du leadership du monde extérieur. Mais, la carte neurocognitive est aussi une matrice élastique avec des capacités d'exaptation, c'est à dire des capacités pour utiliser des catégories neurocognitives pré-existantes afin de percevoir de nouveaux stimuli externes et jusqu'alors inconnus ou inutilisés ou non préalablement classés. Une fois qu'un nouveau stimulus est classé et donc qu'il est perçu à travers ce double mécanisme de neurognosis et d'exaptation, il va créer une "routine" entre les synapses, constituant une cyto-architecture qui est consolidée chaque fois que le stimulus est reçu de nouveau. Par conséquent, les catégories perceptives qui sont à la base de notre capacité pour construire des connaissances personnelles du leadership ne sont pas totalement inélastiques. Au contraire, elles évoluent lentement, selon la perception de nouveaux stimuli liés au leadership, qui peu à peu les transforment en catégories idiosyncratiques pour chaque individu. Après la naissance de l'être humain, ce processus évolutif dépend surtout de l'expérience personnelle, ce qui est strictement lié à son environnement culturel.
Ce processus de création catégorielle du leadership, sous la loupe de l'individualisme méthodologique, peut prêter à confusion en inférant l'idée d'une condition de désordre social du à des divergences de perceptions catégorielles individuelles. Loin d'aboutir à une anarchie sociale, c'est à dire à une forme d'instabilité de communication entre les individus, la méthodologie de l'école autrichienne introduit la dimension du subjectivisme méthodologique qui permet d'expliquer que les personnes qui perçoivent différemment des stimuli externes, les classent en fonction de leur expérience personnelle et idiosyncrasique, et qu'ils agissent librement dans une tentative de poursuivre leurs propres intérêts. Dans cette dimension, la communication est extrêmement importante car c'est elle qui contribue à donner naissance à un ordre social spontané. Les relations entre les individus sont des relations de stimulations interpersonnelles plutôt que des transactions inter-individuelles. Alors que le leadership transactionnel que l'on rencontre dans les modèles d'économie néo-classique guide les individus par un système de récompenses et de punitions, le leadership de stimulation inter-personnelle considère l'agent social dans un processus d'encouragement constant de communications tacites et explicites avec d'autres agents. Ceci explique aussi l'émergence des modèles implicites du leadership pour des individus qui évoluent et qui sont guidés par des normes sociales et des institutions, parmi lesquelles le système des prix et la propriété privée sont des éléments très importants dans leurs rôles d'intermédiaires.
Annexes
Notes et références
- ↑ 1979, D. L. Hamilton, "A cognitive-attributional analysis of stereotyping", In: L. Berkowitz, dir., "Advances in Experimental Social Psychology", Vol 12, Academic Press, New York, pp53-84
- ↑ C. Laughlin, 1996, "The properties of neurognosis", Journal of Social and Evolutionary Systems, 19(4), pp363–380
- ↑ Le terme d'exaptation a été inventé par les biologistes (S. J. Gould) afin de concevoir des situations dans lesquelles les systèmes évolutifs découvrent de nouvelles utilisations à partir de "stocks" anciens d'usages. Selon Gould, le cerveau humain est, par excellence, le modèle d'excellence de l'exaptation car il s'appuie en permanence sur des modèles du monde et sur lui-elle-même pour faire émerger de nouvelles structures neuronales et pour donner une signification aux données sensorielles à partir des anciennes.
- 1991, S. J. Gould, "Exaptation: A crucial tool for an evolutionary psychology", Journal of Social Issues, 47(3), pp43–65
Bibliographie
- 1979, W. Nemeroff, Gary A. Yukl, "Identification and measurement of specific categories of leadership behavior: A progress report", In: J. G. Hunt & L. L. Larson, dir., "Crosscurrents in leadership", Carbondale, IL: Southern Illinois University Press, pp164–200
- 1981, R. G. Lord, J. S. Phillips, "Causal attributions and perceptions of leadership", Organizational Behavior and Human Performance, 28, pp58-83
- 1982, Roseanne J. Foti, Robert G. Lord, J. S. Phillips, "A theory of leadership categorization", In: J. G. Hunt, U. Sekaran & C.A. Schriesheim, dir., "Leadership: Beyond establishment views", Carbondale: Southern Illinois University Press, pp104-121
- 1984, Christy L. DeVader, Roseanne J. Foti et Robert G. Lord, "A test of leadership categorization theory: Internal structure, information processing, and leadership perceptions", Organizational Behavior and Human Performance, Vol 34, n°3, pp343-378
- 1987, S. F. Cronshaw, R. F. Lord, "Effects of categorization, attribution, and encoding processes on leadership perceptions", Journal of Applied Psychology. 72, pp97-106
- 1990,
- Robert G. Lord et Karen J. Maher, "Perceptions of leadership and their implications in organizations", In: J. S. Carrol, dir., Applied social psychology and organizational settings, Hillsdale: N.J. Erlbaum, pp129-154
- J. B. Shaw, "A cognitive categorization model for the study of intercultural management", Academy of Management Review, 10, pp435-454
- 1991, Robert G. Lord et Karen J. Maher, "Leadership and information processing. Linking perceptions and performance", Boston: Unwin Hyman
- 1992, R. J. Foti et C. H. Luch, "The influence of individual differences on the perception and categorization of leaders", Leadership Quarterly, 3, pp55-66
- 1997,
- J. M. Duck, S. C. Hains, M. A. Hogg, "Self-categorization and leadership: Effects of group prototypicality and leader stereotypicality", Personality and Social Psychology Bulletin, 23, pp1087-1100
- K. S. Fielding, M. A. Hogg, "Social identity, self-categorization, and leadership: A field study of small interactive groups", Group Dynamics, Theory, Research, and Practice, 1, pp39-51
- 1998, S. C. Hains, M. A. Hogg, I. Mason, "Identification and leadership in small groups: Salience, frame of reference, and leader stereotypicality effects on leader evaluations", Journal of Personality and Social Psychology, 75, pp1248-1263
- 2003, M. A. Hogg, D. van Knippenberg, "Social identity and leadership processes in groups", In: M. P., dir., "Advances in experimental social psychology", Vol. 35, San Diego, CA: Academic Press, pp1–52
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