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Louis-Philippe
Louis-Philippe | |||||
Homme politique | |||||
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Dates | 1773-1850 | ||||
Tendance | Libéral conservateur | ||||
Nationalité | France | ||||
Articles internes | Autres articles sur Louis-Philippe | ||||
Citation | « Nous chercherons à nous tenir dans un juste milieu, également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal. » | ||||
Interwikis sur Louis-Philippe | |||||
Louis-Philippe, né Louis-Philippe d'Orléans (Paris, 6 octobre 1773 - Claremont dans le Surrey, Angleterre, 26 août 1850), connu sous la Révolution comme le citoyen Chartres ou encore Égalité fils, puis duc d'Orléans et roi des Français de 1830 à 1848. Dernier souverain français à porter le titre de roi, son règne illustre l'impossibilité de rétablir durablement la monarchie en France mais annonce la mise en place de la démocratie parlementaire. Son nom est associé à un courant qui a joué un rôle important dans la vie politique française, l'orléanisme.
La Maison d’Orléans a été fondée par Monsieur, Philippe (1640-1701) frère unique de Louis XIV. Bien que sodomite, il devait laisser un fils (le Régent) et trois filles mariées. A la mort du Régent, les Orléans perdent le titre d’Altesse Royale et doivent se contenter d’Altesse sérénissime. La branche aînée n’a cessé d’empêcher les unions des princes de cette maison avec des princesses de maisons royales, tout en favorisant les unions avec les branches bâtardes issues de Louis XIV. Le futur régent avait du épouser Mlle de Blois, fille de madame de Montespan et le grand-père de Louis-Philippe avait épousé Louise-Henriette de Conti, petite-fille d’une bâtarde de Louis XIV. Enfin, le père de Louis-Philippe par son mariage avec la fille du duc de Penthièvre, Louise-Marie Adélaïde, récupérait toute la richesse accumulée par les successions de toutes les lignées bâtardes issues de Louis XIV. Ainsi les quatre grands-parents de Louis-Philippe étaient des descendants de Louis XIV et de Mme de Montespan. Il descendait donc davantage de Louis XIV que de Monsieur. Cela explique sa ressemblance physique avec le Roi Soleil. Louis-Philippe a été le prince le plus capétien et le plus bâtard parmi les rois qui ont régné en France. Il était aussi apparenté au cardinal Mazarin, au cardinal de Richelieu et au pape Urbain VIII.
L’élève de Mme de Genlis 1773-1789
Il est né au Palais-Royal le 6 octobre 1773 : accouchement public pour éviter toute contestation, en présence du duc de chartres, du duc de Penthièvre, du prince de Conti. Il reçoit le titre de duc de Valois. C’est seulement en 1788, à 15 ans, tout danger de mortalité ayant été écarté, qu’il reçoit ses prénoms et est solennellement baptisé dans la chapelle royale de Versailles : Louis-Philippe. Le roi et la reine sont ses parrains.
La Bonne Amie
Félicité du Crest (1746) comtesse de Genlis, maîtresse du duc de Chartres et meilleure amie de la duchesse qui ne se doutait de rien, obtient l’éducation non seulement des filles du duc mais aussi des deux fils, les jeunes Valois et Montpensier dans un pavillon d’éducation édifié au couvent de Bellechasse, faubourg Saint-Germain, en 1778. Elle fait écarter le chevalier de Bonnard pour s’attribuer cette éducation : il était d’usage que les princes soient confiés à des hommes. De 1782 à 1791 l’éducation de Louis-Philippe a été assurée par madame de Genlis, la Bonne Amie qui a idéalisé son rôle dans ses Mémoires. Louis-Philippe : « Mme de Genlis éloignait toutes les personnes qui, par leur caractère ou leur instruction, pouvaient briller plus qu’elle à nos yeux, ou pénétrer et nous faire connaître sa superficialité. » Elle va renvoyer l’un après l’autre les excellents professeurs même ceux qu’elle avait choisi. Elle avait publié en 1782 un roman pédagogique, Adèle et Théodore. Louis-Philippe était Théodore (don de Dieu). Horace Walpole l’avait surnommée : « la poule de Rousseau » mais elle se voulait surtout la disciple de Fénelon.
L'Éducation
Le roi doit gouverner par les lois, ne pas exercer un pouvoir arbitraire. Le prince doit être simple, accessible, affable, paraître toujours tranquille. Elle préfère les langues vivantes aux langues mortes : il s'agit de tenir une conversation en anglais en allemand et en italien. L’éducation était surtout littéraire, avec un peu de mathématique, physique et sciences naturelles. Le régime était sévère : les princes mangent dans de la faïence, couchent sur des planches, doivent se laver les pieds à l’eau froide, les sucreries et friandises sont proscrites. L'accent mis sur l’éducation physique (musculation, saut, course, natation) est original : ni chasseur, ni danseur, ni bretteur ni tireur, honnête cavalier le jeune prince arrache des haltères, monte à la corde, grimpe aux arbres et plonge tête la première. On écarte la musique au profit du dessin et Mme de Genlis lui fait apprendre la menuiserie et l’art de saigner.
Les limites d'une éducation
Mme de Genlis : « Il était prince, j’en ai fait un homme ; il était lourd, j’en ai fait un homme habile ; il était ennuyeux, j’en ai fait un homme amusant ; il était poltron, j’en ai fait un homme brave ; il était ladre, je n’ai pu en faire un homme généreux. » Cette éducation reste cependant superficielle : « Ses idées étaient le résultat de ses lectures, et rarement de ses réflexions. » selon son élève qui néanmoins s’imaginait avoir reçu une éducation encyclopédique. Elle en a fait un homme raisonnable, réfléchi, bon mais dépourvu d’imagination. Elle est surtout incohérente : « Mme de Genlis faisait de nous des républicains honnêtes et vertueux ; et néanmoins sa vanité lui faisait désirer que nous continuassions à être princes. » L'éducation religieuse rigoriste de Mme de Genlis fait de Louis-Philippe un agnostique respectant extérieurement les « devoirs de la religion ».
Les Orléans dans l'opposition
Par naissance, Louis-Philippe était propriétaire du brevet de colonel du régiment de Chartres-Infanterie. Il était aussi gouverneur militaire du Poitou. Il est présenté officiellement au roi et à la famille royale le 26 décembre 1786 : il a 14 ans. C’est froid, le roi ne l’embrasse ni ne lui tend la main. En effet, il n'apprécie guère les cadets soupçonnés d'être rebelles. Lors de la réunion de l’Assemblée des notables par Calonne, son père le duc d’Orléans s’oppose aux propositions de réforme et se présente comme le défenseur du peuple. Le torchon brûle lors de la séance royale du 19 novembre 1787 : Louis XVI prétend faire enregistrer son édit sans vote. Le duc d’Orléans s’exclame : « Mais c’est illégal ! » Louis XVI rétorque : « Si, c’est légal, parce que je le veux. » Devenu chef des rebelles, le duc est immédiatement exilé par lettre de cachet à Villers-Cotterêts. Les Condé et Conti lui témoignent leur soutien : c’est l’union des cadets contre la branche aînée.
Entre 1788 et 1791, Louis-Philippe vit la brouille de ses parents, la duchesse ayant appris la trahison de son amie, Mme de Genlis. Cette dernière fait ce qu’elle peut pour monter le jeune prince et ses frères contre leur mère et leur grand-père Penthièvre. Louis-Philippe finit par lui demander de pouvoir l’appeler Maman « en tête à tête » : il écrit le 22 novembre 1789, « votre emprise sur moi est absolue, vous ferez de moi tout ce que vous voudrez ».
Le révolutionnaire 1789-1793
Le duc d'Orléans aux États Généraux
Le duc d’Orléans s’efforce d’influer sur la rédaction des cahiers de doléances en faisant publier deux textes, l’un écrit par Choderlos de Laclos et l’autre par l’abbé Sieyès. Il est élu député de la noblesse de Crépy-en-Valois. Lors de la procession des Etats-Généraux le 4 mai 1789, le duc est applaudi par la foule au grand mécontentement de la reine et Louis XVI devait apostropher son cousin qui avant la formation du cortège était mêlé au Tiers État : « A votre rang, mon cousin, à votre rang ! » Le lendemain, le duc refusa de siéger avec les princes du sang mais avec les députés et c’est son fils, Chartres qui occupe son pliant à la droite du trône. Le 25 juin, le duc d’Orléans fait partie des 47 députés de la noblesse qui rallie les députés du Tiers. Le 3 juillet, il est même élu président de l’Assemblée nationale mais il recula et la refusa. Mirabeau aurait aimé en faire un lieutenant-général du Royaume mais l’homme était trop velléitaire.
Le jeune jacobin
Le jeune Louis-Philippe est un spectateur enthousiaste des séances de l’Assemblée. Ne dit-on pas que le 5 octobre 1789, le jeune Chartres aurait crié qu’ « il fallait encore des lanternes pour les aristocrates ». Lui ou l’un de ses amis... Le lendemain, la famille royale était ramenée de force à Paris par la foule. Le 9 février 1790, il vient prêter le serment civique au district de Saint-Roch, rayant ses titres sur le registre pour les remplacer par le mot « citoyen » et signant « Chartres, citoyen de Paris ». C’était 4 mois avant l’abolition des titres de noblesse et le petit démocrate interdit qu’on l’appelle Monseigneur. La médiocrité de son père qui sombre dans l’alcoolisme et a perdu sa popularité lui ouvre la voie d’une carrière personnelle. En octobre 1790, il a désormais 17 ans ce qui le rend indépendant de toute tutelle selon l’habitude des familles princières.
Il entre au Club des Jacobins en novembre 1790. Il y écoute beaucoup et y parle peu. Soucieux de soigner sa popularité, le jeune prince en sortant du club va à l’Hôtel-Dieu pour y saigner et panser les malades. C’est le parfait fils de famille jouant au petit gauchiste.
La famille a éclaté entre-temps, la duchesse, fidèle à la cause royaliste, ayant vainement exigé le renvoi de Mme de Genlis, a fini par demander la séparation de biens d'avec son mari.
Le général révolutionnaire
Il avait opté pour le commandement effectif de son régiment de cavalerie, le Chartres-Dragons devenu 14e dragons, à Vendôme, qu’il rejoint le 15 juin 1791. Quelques jours plus tard, le roi tente de fuir mais est arrêté à Varennes. Le duc d’Orléans va-t-il devenir le régent ? En tout cas, il est reçu avec acclamations au club des Jacobins le 24 juin. Le fils revient à toute vitesse de Vendôme pour demander à monter la garde aux Tuileries comme garde national. Cherchant à tout prix la gloire militaire, il obtient que son régiment soit transféré à Valenciennes. Il rêve d’être le général victorieux qui se rendra maître de la Révolution. En attendant, du fait de l’émigration de nombreux officiers, le colonel de 18 ans est nommé maréchal de camp (général) à l’ancienneté ! Le 15 septembre 1792, le duc se fait appeler Philippe Égalité et le 19 devient député de la Convention.
Devenu lieutenant général (général de division), Louis-Philippe appelé Égalité fils participe à la bataille de Valmy le 20 septembre. De retour à Paris, il rencontre Danton qui lui conseille de taire l’indignation que lui inspirent les massacres de septembre : « il arrive souvent, surtout en temps de révolution, qu’on ait à s’applaudir de trouver accomplis des actes qu’on n’aurait peut-être pas voulu, ni osé faire soi-même. (…) On ne vous demande pas votre approbation, on ne vous demande que votre silence. » Et c’était le responsable de la mort de sa tante qui lui cause amicalement : « réservez votre avenir. » Il penche pour les Girondins alors que son père à la Convention est le pantin des Montagnards. Il retourne au front. Dumouriez prépare l’invasion de la Belgique. Le 6 novembre 1792 à Jemmapes, Égalité fils commande l’aile droite. Très fier d’avoir contribué à la victoire, il tire néanmoins du spectacle de la guerre une durable répulsion qui va expliquer son pacifisme ultérieur. La Belgique occupée, le ci-devant prince rentre à Paris. Sa sœur Adélaïde a été inscrite sur la liste des émigrés, Mme de Genlis ayant trop traîné pour accepter de rentrer d’Angleterre en France.
Le procès du roi et la fuite
Plus grave la victoire de Jemmapes rend le procès du roi inévitable. Ainsi désormais, Louis-Philippe sera aux yeux des vrais royalistes le destructeur de la monarchie et le meurtrier du roi pour avoir participé à Valmy et Jemmapes. Égalité allait-il voter la mort du roi ? Son fils « dégoûté » désormais par la révolution, lui propose le départ de toute la famille pour l’Amérique. Le père refuse. Le 4 décembre, Louis-Philippe repart pour la Belgique où il doit conduire sa sœur Adélaïde. Le 15 janvier, Égalité vote la mort du roi. Son fils est atterré. Le 18 mars 1793, dans sa tentative pour envahir la Hollande, Dumouriez se fait battre à Neerwinden. Évacuant la Belgique, le général envisage de faire un coup de force sur Paris pour rétablir la constitution de 1791 avec le jeune Louis XVII. La Convention ordonne l’arrestation de Dumouriez et des fils Égalité. Louis-Philippe suit Dumouriez chez les Autrichiens. Il a 19 ans et demi. Il n’est plus ni prince, ni riche, ni général. Il n’est plus qu’un déserteur rejeté par tous les camps. Traître pour les royalistes, traître pour les républicains.
Le prince errant 1793-1799
La Suisse
Toute sa famille a été mise en prison. Il refuse donc toutes les offres des Autrichiens. Il décide de passer en Suisse avec sa sœur Adélaïde. Mauvaise idée : les Suisses étaient indignés de l’ignoble massacre de la garde suisse par les émeutiers du 10 août 1792. Les deux Orléans en exil devaient subir de nombreuses insultes publiques. L-P essaie de se dissimuler sous l’identité d’un négociant anglais. Le 30 juin 1793, Louis-Philippe laisse sa sœur et Mme de Genlis aux bons soins du général de Montesquiou à Bremgarten. Il ne devait plus la revoir avant 1814. Il va errer de l’été 1793 à l’automne 1796. « Absolument seul » écrit-il dans ses mémoires ne comptant pas son fidèle valet de chambre qui l’accompagnait toujours. Il est accueilli sous le nom de Chabaud comme professeur d’histoire, de géographie et de géométrie au collège de Reichenau (octobre 93-mai 94) : les propriétaires de l’établissement étaient un catholique, un luthérien et un calviniste qui gardèrent, note Louis-Philippe, religieusement le secret. C’est là qu’il apprend l’exécution de son père du 6 novembre 1793. Il est désormais à 20 ans le chef de la Maison d’Orléans. Après avoir séjourné chez Montesquiou à Bremgarten (juin 1794-mars 1795) sous le nom de Corby. Il a rompu définitivement avec Mme de Genlis qui désormais le traite partout de « monstre jacobin ». La question financière devient difficile : le banquier de son père à Londres prétendant que celui-ci n’a laissé que des dettes. Mais un autre banquier londonien, Coutts, envoie une aide financière, sans doute à l’instigation d’un membre de la famille royale.
Faute d’argent, Louis-Philippe songe à partir pour l’Amérique. Gouverneur Morris, l’ambassadeur américain qui avait des relations amicales avec la famille d’Orléans, propose à L-P d’embarquer avec lui à Hambourg, lui payant les frais du voyage. Orléans lui écrit le 24 février 1795 : « Je suis tout disposé à travailler pour me rendre indépendant. » Sous le nom de Müller, il gagne Hambourg. Là il retrouve Dumouriez toujours à la recherche d’un roi qui mettrait fin à la révolution sans la renier. Ne pouvant s’entendre avec Morris, il décide de faire un voyage incognito en Scandinavie (avril-décembre 1795). Incognito mais le prince est néanmoins accueilli partout avec tous les égards : les rois de Danemark et de Suède visiblement considèrent le duc d’Orléans comme un personnage non négligeable. Du Danemark, il passe en Suède puis en Norvège dans sa volonté de gagner le Cap Nord, se promène à pied pendant trois semaines en Laponie en campant tous les soirs. Au retour, il apprend la mort de Louis XVII. Désormais le comte de Provence se fait appeler Louis XVIII. Faut-il se rallier à lui mais comment le faire sans renier son père et son passé et sans mettre en danger sa famille ? Au moment où il s’apprête à embarquer pour l’Amérique, son banquier fait faillite. Les directoriaux soucieux d’écarter le duc d’Orléans libèrent les princes en exigeant le départ des trois Orléans pour l’Amérique en échange d’une pension (que la république ne devait jamais régler).
L'Amérique
Il débarque le 21 octobre 1796 à Philadelphie la cocarde tricolore à son chapeau. Il va vivre en Amérique trois longues années (octobre 1796-décembre 1799) totalement écarté des affaires européennes. Vivait alors à Philadelphie un groupe d’anciens constituants libéraux comme La Rochefoucauld-Liancourt et Noailles. Le 7 février 1797, les deux frères du duc débarquent à leur tour : Montpensier et Beaujolais rapportent de leur longue captivité une tuberculose pulmonaire. Après avoir été reçu par Washington, ils remontent la vallée de l’Ohio et vont admirer les chutes du Niagara. Le directoire profite du coup d’État antiroyaliste du 18 fructidor (4 septembre 1797) pour expulser la duchesse d’Orléans en Espagne et la priver de ses biens alors même qu’elle n’avait jamais été une émigrée. Le duc décide donc de gagner Cuba en descendant la vallée de l’Ohio puis du Mississippi. Les Orléans arrivent à la Havane le 31 mars 1798 bien accueillis par les créoles qui voient en eux des parents de Philippe V. Ils vont vivre pendant 18 mois une existence insouciante mais le gouvernement de Charles IV soucieux de bonnes relations avec le directoire n’a pas l’intention de permettre aux princes de gagner l’Espagne. En août 1799, les Espagnols expulsent les Orléans de la Havane et leur conseillent d’aller en Louisiane qu’ils ont décidé de céder à la France. Scandalisés par l’attitude de la métropole, les riches Cubains organisent une collecte en faveur des Orléans qui rassemble plus de 50 000 francs or.
Que faire désormais ? Louis-Philippe songe sérieusement à proposer ses services comme général au roi de Prusse ou au Tsar de Russie. En attendant, le 27 janvier 1800, il débarque en Angleterre.
Le prince disponible 1800-1815
Le 13 février 1800, le comte d’Artois reçoit son cousin d’Orléans « avec une grande cordialité ». C’est le premier pas de la réconciliation avec Louis XVIII qui affirme vouloir oublier le passé. Néanmoins les émigrés continuèrent à battre froid à leur égard. Il écrit à Adelaïde en août 1805 : « Nous ne pouvons pas commander les événements, mais quels qu’ils soient, jamais ni renonciation, ni soumission, ni rien de semblable. » Louis XVIII en exil en Courlande désirait échapper à l’hospitalité incertaine d’Alexandre Ier et être reçu comme un invité et non comme un fugitif en Angleterre mais il se méfiait de son frère, Artois. Il va donc confier cette mission à Louis-Philippe (1806-1807). Chassé de Russie par le rapprochement entre Alexandre et napoléon, Louis XVIII arrive au large des côtes anglaises en novembre 1807 et il reçoit aimablement à bord le duc d’Orléans, l’embrassant à trois reprises. Mais les grands airs de Louis XVIII qui se plaint de ne pas être accueilli par les Anglais comme le roi de France finissent par lasser Louis-Philippe : « C’est absolument bêtise sur bêtise, maladresse sur maladresse ». Subissant l’influence des émigrés, Louis XVIII montrait de nouveau de la méfiance à l’égard de son cousin trouvé trop anglais. Aux yeux des princes d’Orléans, les Bourbons apparaissaient de plus en plus comme un tronc usé.
A la différence des aînés et des Condé, les Orléans sont fêtés et adoptés par la haute aristocratie anglaise. Le 3 novembre 1801 : « Il me semble que je prends racine dans le pays. Vous n’imaginez pas combien je suis bien partout, et j’ajouterai franchement combien je me trouve bien partout. » Lors d’une revue militaire (26 octobre 1803) où il est invité, il porte la cocarde noire, c’est à dire la cocarde anglaise. Il caresse l’espoir d’épouser une des filles de George III. Il écrit au comte d’Antraigues (17 avril 1809) : « Je suis prince et français et cependant je suis anglais, d’abord par besoin parce que nul ne sait mieux que moi que l’Angleterre est la seule puissance qui veuille et qui puisse me protéger ; je le suis par principes, par opinions et par toutes mes habitudes. » Il perd ses frères : Montpensier en 1807 qui est enterré à Westminster et Beaujolais à Malte en 1808. Mais retrouve sa sœur Adélaïde qui ne supportant de vivre avec sa mère en Catalogne débarque en Angleterre en 1808. Le frère et la sœur allaient désormais être inséparables. Il cherche désespérément à être employé soit par les Anglais, soit par les Sardes, soit par les Espagnols. Combattre les Français tel est son unique obsession entre 1808 et 1814. Mais l’hostilité des Anglais devait beaucoup lui servir politiquement après 1815.
La Sicile est devenu un protectorat anglais et en 1808, la perspective d’un mariage entre le duc d’Orléans et la dernière fille non mariée du roi de Naples est envisagée. Marie-Amélie fille du roi de Naples Ferdinand IV, cousin germain des rois de France et de Marie-Caroline, une Habsbourg-Lorraine. Ce mariage était une éclatante revanche : devenir le gendre du roi de Naples et le beau-frère de l’empereur d’Autriche et le neveu par alliance de Louis XVIII. Les Bourbons paraissant voués à l’extinction, c’était à lui d’assurer l’avenir dynastique. Union purement politique, ce mariage (25 novembre 1809) devait devenir un mariage d’amour. Pour plus de quarante ans, le couple devait être uni : Marie-Amélie devait idolâtrer son mari. Louis-Philippe devait désormais avancer dans la vie entourée de ces deux femmes complices : son épouse et sa sœur.
En 1810, Louis-Philippe tente une nouvelle aventure en Espagne : il débarque le 20 juin à Cadix à la demande du conseil de régence pour commander des troupes contre les Français. Mais les Anglais font pression sur le gouvernement espagnol pour contrecarrer les ambitions du duc d’Orléans. L-P doit donc quitter l’Espagne le 2 octobre et il devait imputer son échec aux Cortès élus démocratiquement. Mais en Sicile, il se retrouve dans une situation inconfortable pris entre sa réputation de prince libéral, ses intérêts matériels qui le rendaient dépendant de la pension anglaise et sa situation familiale de gendre de souverains absolutistes et anglophobes. Lors du conflit qui oppose le parlement aristocratique de Sicile aux souverains, L-P prend le parti de l’opposition à la grande indignation de ses beaux-parents (1810-1812). En mars 1813 les Anglais lancent un ultimatum au roi, réclamant notamment le départ immédiat de la reine et la mise en place d’un gouvernement constitutionnel. Louis-Philippe va servir d’intermédiaire.
Mais désormais l’Empire napoléonien s’effondre et Louis-Philippe se voit reléguer aux oubliettes de l’histoire.
Le prétendant 1814-1830
Une Restauration ambiguë
La chute de Napoléon l’enthousiasme, « le plus beau phénomène dont l’histoire ait à faire mention. » Il rentre en France incognito, arrivant à Paris le 16 mai 1814. Louis XVIII le reçoit aimablement, lui confirme son grade de lieutenant général donné sous la révolution et le nomme colonel général des Hussards, emploi qu’avait son père avant 1789. Le roi se montre résolu à adopter une ligne libérale. Il s’empresse de se montrer en uniforme de général français à la différence des aînés, ce qui est apprécié des généraux et maréchaux de Napoléon, surtout les anciens de l’armée du Nord qui s’étaient battus à Valmy et Jemmapes. La Charte de 1814 suscite ses critiques : le roi n’est pas soumis à la Charte, c’est la Charte qui dépend de la volonté royale. La Charte établissait une distinction entre les membres de la famille royale et les princes du sang. De plus l’article 31 soumettait la présence des princes à la Chambre des Pairs au bon plaisir du roi. Pour Louis-Philippe c’était une machine de guerre contre les Orléans.
Les Cent Jours
Très vite la Restauration suscite l’hostilité. Diverses conspirations se nouent mais Orléans se garde bien de se compromettre. Napoléon par crainte d’un coup d’état militaire au profit du duc d’Orléans, décide de tenter le tout pour le tout. Louis XVIII demande à Louis-Philippe de suivre Monsieur à Lyon, le duc peste d’être réduit au rôle d’aide camp. Il fait remarquer qu’il n’est pas prudent d’envoyer les princes sans troupes. Les faits lui tombent raison : à l’approche de Napoléon, les deux princes doivent quitter Lyon précipitamment le 10 mars 1815. Convaincu du danger, contrairement à Louis XVIII, il envoie secrètement sa femme et ses enfants à Londres. Le roi finit par lui donner le commandement de l’armée du Nord. Le 16 mars, il part pour Péronne mais dès le 22 le roi en fuite arrive à Lille. Le duc d’Orléans propose au roi de se retrancher à Dunkerque avec la Maison du Roi mais Louis XVIII décide de franchir la frontière, voyant dans le projet de son neveu un traquenard. Le duc gagne Londres.
Les Alliés résolus à écraser Napoléon ne sont plus très enthousiasmés par l’idée d’une seconde restauration des Bourbons. Le tsar Alexandre, humilié par Louis XVIII, met en avant le nom du duc d’Orléans. Aussi Louis XVIII demande-t-il à son neveu de le rejoindre à Gand, les princes devant former le « faisceau » mais en réalité pour le neutraliser. Finalement les Anglais restent fidèles à Louis XVIII en dépit des efforts de Louis-Philippe qui écrit dans une lettre à Wellington, le 12 juin à propos des Français : « Ils ne veulent ni du système ancien de Buonaparte, ni de ses guerres éternelles, ni de son arrogance, ni de son despotisme, de sa police, de ses vexations et de ses fraudes commerciales, mais les Bourbons leur sont suspects et désagréables, ils haïssent la noblesse, les prêtres, les émigrés, qui malheureusement leur paraissent aujourd’hui inséparables des Bourbons. » Aux yeux de Metternich et Wellington, le duc d’Orléans ne serait qu’un usurpateur de bonne famille : la légitimité leur paraît un principe nécessaire. Pour les Anglais, le meilleur gouvernement français était celui qui laissait la France la plus faible possible.
L'exil volontaire
Pour marquer sa désapprobation de la réaction mise en place au début de la Seconde Restauration, Louis-Philippe souhaite ne pas rentrer en France mais le gouvernement pour l’obliger à rentrer ne l’a pas mis sur la liste des biens libérés du séquestre décrété par Napoléon ! Il doit rentrer pour entreprendre les démarches nécessaires (28 juillet – 18 août) mais repart vite à Londres. Revenu pour l’ouverture des Chambres du 7 octobre, il s’oppose à un projet d’adresse des Pairs qui réclame plus de justice que de clémence dans le châtiment des coupables des Cent jours (13 octobre) : bon prétexte pour regagner l’Angleterre. Il n’approuve pas les exécutions de Murat à Naples et Ney en France : « Quant à moi, à qui les horreurs de la Révolution (…) ont achevé de donner l’horreur du sang, que j’ai toujours eue par nature et par système, je ne me réconcilierai point à l’idée qu’on en verse pour des délits politiques. » Aussi reste-t-il en Angleterre pour ne pas cautionner la politique des Ultras et éviter d’être pris entre ses convictions libérales et sa loyauté dynastique. Il refusait surtout de lier son sort à celui de la branche aînée.
Pour écarter les Orléans, Louis XVIII décide de marier le duc de Berry à une Bourbon-Naples et d’envoyer son « neveu » à Naples définitivement. Bien que la duchesse soit la nièce de Marie-Amélie, il n’est pas invité au mariage (17 juin 1816). A un proche qui lui reproche son absence, il répond : « Je suis un cosmopolite qui ne prend racine nulle part et le lieu que j’habite m’est indifférent. » En 1816, à l’occasion de l’anniversaire du duc de Kent, Louis-Philippe déclare qu’il va inculquer à ses enfants « those libéral principles and institutions wich may have so much distinguished this country » ce qui provoque l’indignation de l’ambassadeur de France. Mais convaincu que Louis XVIII va bientôt mourir, il rentre en France en 1817.
Les mesquineries de Louis XVIII
Mesquineries d’étiquette aux Tuileries : la duchesse d’Orléans, Altesse royale, voit s’ouvrir deux battants et on referme un battant pour le duc qui n’est qu’Altesse Sérénissime. En 1818, il n’est pas invité aux obsèques du prince de Condé. Toutes ces mesquineries contribuent à la popularité du duc. Le 16 décembre 1819 pour le baptême de Mademoiselle, le grand aumônier de France, cardinal de Talleyrand-Périgord, présente la plume aux membres de la famille royale. Arrivé au duc d’Orléans, Louis XVIII s’écrie : « laissez la plume et faites-la présenter par un clerc de la Chapelle. » Mme de Boigne : « c’est par ces petites tracasseries sans cesse renouvelées qu’en s’aliénant les d’Orléans, on se les rendait hostiles. » Fin 1819, le duc de Chartres entre en 6e à Henri-IV à la grande indignation de Louis XVIII et du grand-père Ferdinand roi de Naples. Le roi : « c’est à la récréation que j’ai le plus d’objections. Il y aura des tu et des toi, de la polissonnerie. » En réalité le jeune prince se rendait au lycée en voiture aux armes d’Orléans avec son précepteur et suivait seulement 4 heures de cours avec les autres élèves, le reste à part avec son précepteur. Il déjeunait aussi en particulier. Après la mort de Louis XVIII, les princes vont déjeuner au réfectoire et envoyés à la cour de récréation.
Louis XVIII en avril 1821 : « Son nom est un drapeau de menace ; son palais un point de ralliement. Il ne se remue pas, et cependant je m’aperçois qu’il chemine. Cette activité sans mouvement m’inquiète. Comment s’y prendre pour empêcher de marcher un homme qui ne fait aucun pas ? » En 1824, le duc avait reconstitué une fortune comparable à celle de son grand-père avec un revenu annuel de 5 à 6 millions. Prince d’Ancien Régime, il possède 125 000 ha de forêts mais ne s’intéresse pas aux activités industrielles. Il se partage entre le Palais-Royal et sa demeure de campagne Neuilly (château mis en sac et incendié en 1848).
Le prince libéral
Politiquement, après avoir combattu Napoléon, il s’empresse de récupérer son héritage : il commande à Horace Vernet des toiles consacrées à des victoires de Napoléon. Chateaubriand note : « Neuilly est le rendez-vous des mécontentements et des mécontents. On soupire, on se serre la main en levant les yeux au ciel, mais on ne prononce pas une parole assez significative pour être reportée en haut lieu. » On y voit des maréchaux (Mortier, Marmont, Macdonald, Molitor), des généraux (Foy, Sebastiani), les survivants de l’aristocratie libérale (La Rochefoucauld-Liancourt, Girardin), le banquier Jacques Laffite, et diverses figures de l’opposition. Prince libéral, il s’intéresse aux sociétés savantes et aux œuvres d’enseignement et de bienfaisance : président de la société asiatique de Paris, un des fondateurs de la société royale pour l’amélioration des prisons et il organise une grande exposition de peintures au Palais Royal en 1824 faisant une large place aux peintres romantiques (Gros, Girodet, Gérard, Géricault...) avec les œuvres de Vernet exaltant Valmy, Jemmapes et Montmirail.
Bien qu’économe, d’où sa réputation d’avarice, il avait au Palais-Royal trois bureaux de secours et n’hésitait pas à annoter lui-même les réponses pour les solliciteurs : il distribue chaque année entre 11 000 et 13 000 francs d’aumônes, la duchesse entre 6 et 8000 francs.
Réchauffement sous Charles X
Louis XVIII meurt et Charles X va se montrer beaucoup plus bienveillant : Dès la cérémonie de l’eau bénite sur le cercueil du défunt roi, il donne ordre au grand aumônier de présenter lui-même le goupillon au duc. Les Orléans obtiennent en fait l’Altesse Royale. Charles X lui déclare : « Il faut convenir que votre position est délicate. Moi je veux vous en parler comme un père, vous savez que je vous aime, je vous crois loyal et aussi fidèle qu’on puisse l’être, mais on s’est amusé à faire toutes sortes de rapports sur votre compte, et, quoique je n’y croie nullement, j’ai voulu vous mettre sur vos gardes. » Seul le duc de Bordeaux, un enfant, le sépare du trône, le roi souhaite que tous les princes soient unis pour écarter la candidature des Bourbons d’Espagne. Le duc se montre très courtisan aux Tuileries, jouant la partition du prince du sang fidèle, éperdu de reconnaissance pour son roi généreux.
Mais lors des obsèques du général Foy, il envoie son carrosse – vide – avec ses armes ce qui suscite la mauvaise humeur du roi. La politique réactionnaire et cléricale du gouvernement suscite une opposition grandissante : « la France est incrédule encore plus que libérale » (Thiers). Alexandre Dumas, employé dans les bureaux du duc fait représenter Henri III et sa cour (1829) : le lendemain de la première, aux Tuileries : « Eh bien, que diable disaient-ils donc ? Que j’étais Henri III, un roi dévot et vous le duc de Guise ! – Moi, le duc de Guise ? je n’ai jamais conspiré contre le roi et ma femme n’est pas infidèle !… » Par l’entremise de Talleyrand, le duc de Bourbon choisit le duc d’Aumale pour héritier (1829) soit un capital d’une cinquantaine de millions.
Le roi des barricades 1830
Charles X engage le combat
Charles X va provoquer la révolution en remplaçant Martignac par Polignac.Lors de l’ouverture de la session parlementaire, le roi fait un discours menaçant à l’égard de l’opposition et dans un geste un peu vif fait tomber son chapeau que ramasse le duc d’Orléans qui le rend à Charles X avec une profonde révérence. Le roi n’est pas disposé à renvoyer ses ministres : « j’aime mieux monter à cheval qu’en charrette. » Le roi a décidé de dissoudre la Chambre et s’engage dans la lutte électorale en publiant un appel aux Français. Au château de Rosny, le 14 juin, chez la duchesse de Berry, le duc déclare au roi : « Hors de la Charte, il n’est qu’abîme et perdition » et le roi de répondre : « Oui, abîme et perdition, c’est bien dit, et vous avez grande raison, j’en suis fermement convaincu. Hors de la Charte, point de salut, il n’y a pas de doute à cela. Aussi je vous réponds qu’ils auront beau faire, ils ne viendront jamais à bout de me faire sortir de la légalité, et je resterai ferme dans l’ordre légal. » Mais le roi s’en tient à une lecture restrictive de la Charte en déniant aux députés toute influence dans le choix des ministres. Et il est résolu à ne faire aucune concession.
Les Trois Glorieuses
En attendant, Talleyrand vient plusieurs fois dîner au Palais-Royal. Le duc reine attend son heure : il y a quarante ans qu’il attend. Les quatre ordonnances royales parus le 26 juillet remettent en cause de nombreux articles de la Charte en suspendant notamment la liberté de presse et en écartant la patente du calcul du cens électoral. Le duc d’Orléans est sous le choc à Neuilly : « voilà le coup d’État ! » Le mécontentement tourne à l’émeute le 27 juillet. Le lendemain, Marmont envoie au roi un message : « Ce n’est plus une émeute, c’est une révolution ». Paris est mis en état de siège. Les trois couleurs flottent sur l’Hôtel de ville puis Notre-Dame. Le 29, des régiments passent aux insurgés et Marmont décide d’évacuer Paris. Dans le reflux, les soldats tirent à boulet pour détruire la barricade de la porte Maillot et quelques boulets tombent dans le parc de Neuilly. Cette injuste agression va servir à justifier la trahison. La ville est aux mains de quelques milliers d’émeutiers et les députés, restés longtemps très prudents, songent à récupérer la révolution au profit du duc d’Orléans. Le 30, la manœuvre est lancée par Laffitte et Thiers, avec dans l’ombre Talleyrand.
L'appel au duc d'Orléans
Thiers et Mignet rédigent un texte qui va être répandu dans tout Paris sous forme d’affiche : « Charles X ne peut plus rentrer dans Paris : il a fait couler le sang du peuple. La République nous exposerait à d’affreuses divisions ; elle nous brouillerait avec l’Europe. Le duc d’Orléans est un prince dévoué à la cause de la Révolution. Le duc d’Orléans a porté au feu les couleurs tricolores. Le duc d’Orléans peut seul les porter encore ; nous n’en voulons pas d’autres. Le duc d’Orléans s’est prononcé ; il accepte la Charte comme nous l’avons toujours voulue et entendue. C’est du peuple français qu’il tiendra sa couronne. »
La meilleure des républiques
Le velléitaire La Fayette se dérobe devant l’idée d’une république. Mais Louis-Philippe, craignant toujours une arrestation possible, a quitté Neuilly pour son château de Raincy. Au soir, revenu discrètement dans le parc du château, le duc se concerte avec sa femme et sa sœur et accepte la lieutenance générale. Il quitte Neuilly à pied, s’arrête rue Saint-Florentin (Talleyrand) et rejoint le Palais-Royal à minuit. Au petit matin, Charles X a quitté Saint-Cloud pour Trianon, signe qu’il abandonne la partie. Louis-Philippe reçoit une délégation de députés et un texte de proclamation est adopté se terminant par les mots : « La Charte sera une vérité ». Les républicains furieux menacent de fusiller Chartres tombé entre leurs mains : La Fayette doit intervenir.
Le 31 juillet, monté sur un cheval blanc, Louis-Philippe quitte le Palais-Royal en uniforme de la Garde nationale suivi d’une centaine de députés aux cris de « Vive le duc d’Orléans ! » Au fil du parcours des cris éclatent « A bas les Bourbons ! » mais aussi « A bas le duc d’Orléans ! » et à l’Hôtel de ville la foule n’est guère favorable. Enveloppés dans les plis du drapeau tricolore, La fayette et le duc se donnent une accolade théâtrale qui retourne la foule. C’est le voyage à Reims de la monarchie de Juillet. Au retour, le lieutenant général distribue des poignées de main aux spectateurs, extraordinaire nouveauté pour l’époque. On l’acclame, Casimir Périer regrette que la « monarchie se soit prostituée devant les républicains ». Marie-Amélie arrivant au Palais-royal : « le drapeau tricolore flottait partout ; les fenêtres et les murailles étaient percées de balles ; des chants et des danses sur la place ; partout un air de désordre et de confusion qui faisaient mal. »
Charles X, en abdiquant et en faisant abdiquer le duc d’Angoulême, essaie de sauver la couronne en faisant de Louis-Philippe le régent du jeune Henri V, en vain. Louis-Philippe s’assure que Charles X et sa famille quittent en toute sûreté et avec tous les égards le territoire français : il lui fait même remettre 600 000 francs pour lui éviter des tracas d’argent. Il suffit d’un régicide dans la famille.
Le roi bourgeois
Le 3 août, il ouvre solennellement la session des Chambres au Palais-Bourbon et prononce son discours d’une voix sourde : « Attaché de cœur et de conviction aux principes d’un gouvernement libre, j’en accepte d’avance toutes les conséquences. » Il annonce la double abdication de Charles X et de son fils, ce qui indigne les tenants d’une révolution radicale. Louis-Philippe doit faire des concessions et accepter des modifications sensibles : suppression de l’hérédité de la pairie, le catholicisme cesse d’être religion d’État, les chambres reçoivent l’initiative des lois, etc. La chambre des députés appelle au trône Louis-Philippe sous le titre de Roi des Français. Le 7 au soir, les députés se rendent au Palais-Royal et le duc d’Orléans déclare son adhésion. La foule l’acclame au balcon du Palais-Royal. Cuvillier-Fleury note : « le peuple paraît enchanté d’avoir un roi, et surtout de l’avoir fait lui-même »
Il doit prendre le nom de Louis-Philippe Ier pour marquer la rupture et non Philippe VII comme il l’aurait souhaité. La cérémonie du 9 août efface tout aspect religieux et souverain : il n’y a ni évêque, ni crucifix, ni bible. Pairs et députés sont en costume de ville. Le lieutenant-général est en uniforme de général. Il se lève pour prêter un serment inspiré de celui de la constitution de 1791 : « En présence de Dieu, je jure d’observer fidèlement la Charte constitutionnelle (...) ; de ne gouverner que par les lois (...) d’agir en toute chose dans la seule vue de l’intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. » Quatre maréchaux lui présentent les insignes de la royauté sur leur coussin mais aussi la caution des gloires de l’Empire : la couronne (MacDonald, ancien de Jemmapes), le sceptre (Oudinot), le glaive (Mortier, ancien de Jemmapes), la main de justice (Molitor). Il n’est pas couronné mais intronisé. Le 29 août, il est acclamé par la garde nationale de Paris, milice bourgeoise qui lui fait dire : « Cela vaut mieux pour moi que le sacre de Reims ! »
Le roi veut présider lui-même son conseil des ministres et conduire la diplomatie de la France. Hors de France, un moment inquiet par une possible victoire des républicains, les monarchies se sont vite résignées au nouveau régime. Pour l’Angleterre, la révolution a renversé une monarchie qui par ses expéditions militaires d’Espagne, de Grèce et d’Algérie, par son rapprochement avec la Russie, l’inquiétait singulièrement. Louis-Philippe envoie à tous les souverains une lettre où il assure qu’il s’est dévoué pour sauver la France de l’anarchie et l’Europe de la guerre. Talleyrand est nommé ambassadeur à Londres. A l’exception du duc de Modène, tous les souverains européens reconnaissent le nouveau régime. Louis-Philipe réussit à conjurer le péril de guerre et à briser la Sainte-Alliance en obtenant l’appui de l’Angleterre pour la création d’un État belge neutre.
En attendant Louis-Philippe joue la comédie du roi bourgeois ce qui suscite le dégoût d’un Alfred de Vigny de garde au Palais-Royal qui évoque « un homme au chapeau gris, à l’habit brun, au large parapluie sous le bras, qui donnait de tous côtés des poignées de main hasardées ». Les salons du faubourg Saint-Germain s’amusent de Fipp Ier roi des épiciers. En réalité, rien de bourgeois dans le nouveau régime : les postes clefs de l’État sont toujours contrôlés par les propriétaires terriens, les fonctionnaires et les professions libérales. La moitié des ministres de Louis-Philippe étaient nobles et même les 2/3 pour ceux qui sont restés en fonction plus d’un an. Guizot et Thiers qui n’étaient pas des grands bourgeois ont tous deux refusé un titre de noblesse. Le changement est politique et non social : ce sont les partisans de l’esprit de 89 au sein du même groupe social qui ont pris la place de ceux qui lui était hostile.
Mais très vite se manifeste l’opposition entre le « mouvement » et la « résistance ». Guizot déclare : « Eh bien ! Messieurs, nous aimons le progrès, nous désirons le mouvement progressif, (...) mais le désordre n’est pas le mouvement, le trouble n’est pas le progrès, l’état révolutionnaire n’est pas l’état ascendant de la société. » (25 septembre 1830). Désirant « lever l’hypothèque » de la gauche, Louis-Philippe accepte de laisser Jacques Laffitte composer un ministère favorable au mouvement.
Le roi des Français 1830-1848
L'indépendance de la Belgique
Louis-Philippe ayant obtenu la démission de Lafayette (décembre 1830) peut reprendre en main la garde nationale tandis que Soult réforme l’armée pour accroître ses effectifs, créant au passage la Légion étrangère (9 mars 1831). La conférence de Londres, dominée par Talleyrand et Palmerston reconnaît l’indépendance de la Belgique. Louis-Philippe refuse le trône qui est proposé à son fils Nemours. Léopold de Saxe-Cobourg, vieil ami du roi, veuf de la fille de George IV, est élu roi des Belges (4 juin 1831) et fait appel à l’armée française face à une invasion néerlandaise : cette promenade militaire donne un grand prestige diplomatique au régime. Le mariage du roi des Belges et de la princesse Louise au château de Compiègne, le 9 août 1832, paraît consolider la monarchie de Juillet en Europe. En novembre 1832, une nouvelle intervention militaire française oblige les néerlandais à évacuer Anvers.
Le juste milieu
Il répond à une adresse de la ville de Gaillac, le 29 janvier 1831 : « Nous chercherons à nous tenir dans un juste milieu, également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal. » Soucieux de ne pas favoriser les adversaires du régime (républicains, légitimistes et bonapartistes), le régime va rester attaché à un suffrage réduit. Les violentes manifestations anticléricales des 14 et 15 février 1831 introduisent une période de troubles à Paris et provoquent la chute de Laffitte (9 mars 1831). Après le laisser-aller du « mouvement », la reprise en main par la « résistance » amène au pouvoir un autre banquier, Casimir Périer, président du conseil autoritaire qui inaugure les réunions de cabinet pour mieux souligner la solidarité ministérielle. Les principes qui vont guider le gouvernement : « au-dedans, nous voulons l’ordre, sans sacrifice pour la liberté ; au-dehors, nous voulons la paix, sans qu’il en coûte rien à l’honneur. » (18 mars). A la demande son président du conseil qui souhaite rehausser le prestige de la monarchie, Louis-Philippe doit quitter le Palais-Royal pour s’installer aux Tuileries (21 septembre 1831).
Régner ou gouverner ?
La mort de Casimir Périer, victime du choléra (16 mai 1832) n’est pas trop mal accueillie par le roi qui supportait impatiemment la tutelle de son premier ministre. Il lui choisit comme successeur le maréchal Soult, dont l’inexpérience et l’absence de conviction sont les gages qu’il pourra gouverner aisément à travers lui. La « coalition de tous les talents » (11 octobre 1832) réunit le duc de Broglie, Guizot et Thiers ce qui ne tarde pas à agacer le roi : « Quand ces trois messieurs sont d’accord entre eux, je ne peux plus faire prévaloir mon avis. C’est Casimir Périer reconstitué en trois personnes ! » Broglie s’en va (31 mars 1834) puis Soult (18 juillet 1834) ce qui ouvre une longue période de crise ministérielle avec une éphémère tentative d’un gouvernement présidé par le maréchal Gérard puis par Maret duc de Bassano et enfin par le maréchal Mortier (18 novembre 1834) mais ces présidents du conseil apparaissent comme autant de soliveaux placés par le roi pour mieux exercer son pouvoir personnel. Comme le souligne la duchesse de Maillé début 1835 : « Les ministres détestent Louis-Philippe, il les impatiente horriblement par son tatillonnage et sa manière de tout faire, de tout savoir, et de vouloir les tenir dans sa dépendance. »
Le roi répète à Thiers et à Guizot : « Qu’avez-vous besoin d’un président du conseil ? Est-ce que vous n’êtes pas d’accord entre vous ? Est-ce que je ne suis pas d’accord avec vous ? Vous avez la majorité des Chambres. Vous y faites les affaires comme vous l’entendez et je trouve que vous les faites bien. Pourquoi s’inquiétez d’autre chose ? » Mais après la démission de Mortier (20 février 1835) et après trois semaines de crise, le roi doit appeler le duc de Broglie (12 mars) reconstituant la Trinité du 11 octobre 1832. Désavoué par un vote de la Chambre, ce ministère démissionne le 5 février 1836, soulignant une évolution vers le régime parlementaire.
La violence de la presse
La presse légitimiste (La Gazette de France, la Quotidienne) et républicaine (la Tribune, le National) attaquent très violemment la personne du roi par l’écrit et le dessin. Il est qualifié d’un grand nombre de sobriquets : « Quelqu’un », « Lui », « Chose », « le juste milieu » « La poire », voire « … », etc. Les jurys d’assise se montrent indulgents à l’égard des prévenus et les poursuites font de la publicité et augmentent les tirages. Ce matraquage journalistique va finir par former une image légendaire du roi, mélange de Robert Macaire (brigand de mélodrame), Mayeux et Joseph Prudhomme, petits bourgeois vaniteux et matérialiste. Charles Philippon a réuni au service de la Caricature puis du Charivari, trois caricaturistes au trait cruel, Honoré Daumier, Jean-Jacques Granville et Édouard Traviès. La liberté de la presse va être limitée par les lois du 9 septembre 1835 qui fait suite à l’attentat de Fieschi.
Des opposants de tous bords
- La duchesse de Berry qui a tenté en vain de soulever la Vendée (mai 1832) est arrêtée à Nantes (7 novembre 1832) ce qui embarrasse le roi.
- Les insurrections républicaines : lors de l’enterrement du général Lamarque pour déclencher une insurrection (5-6 juin 1832) puis à Lyon (9-13 avril 1834) et de Paris (13-14 avril 1834), tentative avortée à Paris (12 mai 1839)
- Les attentats contre le roi : un coup de pistolet (19 novembre 1832) par un étudiant républicain ; la machine infernale de Fieschi (28 juillet 1835) qui tue 18 personnes (dont le maréchal Mortier) boulevard du Temple, discrédite les républicains ; la canne fusil d’Alibaud (25 juin 1836) ; de Meunier (27 décembre 1836) qui est gracié par le roi ; de Darmès (15 octobre 1840)
- Les tentatives bonapartistes : Louis-Napoléon à Strasbourg (30 octobre 1836) et à Boulogne (6 août 1840).
La division des centres
Le roi soucieux de gouverner personnellement s’efforce désormais d’opposer Thiers à Guizot, c’est à dire le centre gauche au centre droit, affaiblissant ainsi le régime. Les doctrinaires sont donc écartés du gouvernement Thiers (22 février 1836) mais l’entente entre le roi et son bouillant président du conseil est éphémère. Le 26 août, Guizot revient au gouvernement dont la présidence est confiée à Molé, aristocrate sans grande conviction qui doit être la bouche et la plume du roi.
Le ministère du château
Le départ de Guizot fait du second cabinet Molé le « ministère du château » (15 avril 1837) qui ne peut pas s’appuyer sur une majorité stable à la Chambre. Le roi lui écrit (20 septembre 1838) : « Vous aurez d’autant plus de mérite et de gloire à avoir mené la barque à bien avec un équipage où se trouve des médiocrités. » Le roi peut ainsi « mener son fiacre » à son guise particulièrement dans le domaine des affaires étrangères. Une coalition du centre droit, du centre gauche et du tiers parti va se faire sur la revendication d’un ministère parlementaire mais pour le roi se réfère à la charte : les ministres émanent du roi et gouvernent sous sa direction. Les députés acceptent ou rejettent les projets de loi mais n’ont aucun droit à participer au gouvernement. Molé usé par le combat parlementaire contre la coalition souhaite se retirer et le roi décide de dissoudre la chambre pour renforcer sa majorité mais le 2 mars 1839, ce sont les opposants qui reviennent en force, bien incapables cependant de constituer une majorité de rechange.
Sortie de crise
D’interminables tractations s’ensuivent dont l’échec entraîne la constitution d’un ministère provisoire (31 mars 1839). Le maréchal Soult réussit enfin à constituer un gouvernement (12 mai 1839-20 février 1840) mais qui ne dure guère, amenant le retour de Thiers au pouvoir. Le petit Marseillais pense que l’heure de son triomphe a sonné, celle d’une monarchie constitutionnelle où « le roi règne mais ne gouverne pas » et où la majorité parlementaire impose au roi le chef du gouvernement. Brouillé avec les personnalités du centre gauche, il compose un cabinet d’hommes de second plan qui ne peuvent lui faire de l’ombre. Résigné à cette « humiliation », le roi accepte la liste qui lui est présentée. Il va profiter de l’échec diplomatique de son belliqueux chef de gouvernement dans la question d’Orient pour s’en débarrasser (29 octobre). Le roi se tourne alors vers le centre droit et appelle Guizot, qu’il n’apprécie guère : ce protestant froid et dédaigneux l’intimide.
Guizot au pouvoir
Tout le monde pense à un cabinet de circonstance. Habilement, Guizot laisse la présidence du conseil à Soult tout en étant le chef effectif du gouvernement. Le gouvernement, très homogène, rassemble tous les conservateurs et Guizot s’impose comme le chef de la majorité parlementaire. Il réussit surtout à se faire apprécier du roi qui a l’impression d’être le seul à gouverner. Ils ont tant en commun : un père guillotiné, l’anglomanie, le goût de la paix, du travail et de l’ordre. Guizot va s’opposer obstinément à la réforme électorale qui ne pourrait que favoriser les républicains et les carlistes. Lamartine passe à l’opposition en déclarant : « Que fonde-t-on de grand avec de petits moyens ? » (Janvier 1843).
Entente cordiale
Le voyage triomphal de la reine d’Angleterre en 1843 consacre le prestige international qu’a obtenu le roi des Français. La reine Victoria est la fille du duc de Kent, vieil et fidèle ami du roi, la nièce du roi des Belges et la cousine germaine de la duchesse de Nemours. Cette visite présente un caractère privé et Louis-Philippe joue le numéro du patriarche accueillant la petite reine au château d’Eu. Il offre une pêche dans son verger, sortant de sa poche un canif : « Quand on a été comme moi un pauvre diable réduit à vivre à quarante sous par jour, on a toujours un couteau dans sa poche. » En octobre 1844, Louis-Philippe est très bien reçu à Londres et Victoria revient en France (1845).
Le père de famille
Soucieux d’assurer l’avenir de sa dynastie, le roi se heurte au blocus matrimonial des grandes dynasties catholiques aussi doit-il se tourner vers des petites maisons luthériennes : il marie le prince royal à Hélène de Mecklenbourg-Schwerin, nièce du roi de Prusse (30 mai 1837). Sa seconde fille Marie épouse peu après le duc Alexandre de Wurtemberg (18 octobre 1837), mais meurt prématurément (6 janvier 1839). Le duc de Nemours épouse à son tour une princesse luthérienne, Victoire de saxe-Cobourg-Kohary, nièce du roi des Belges (27 avril 1840) et Clémentine le prince Auguste de Saxe-Cobourg, frère de Victoire (20 avril 1843). Joinville obtient cependant la main à Rio de Janeiro la fille de l’empereur du Brésil et de l’archiduchesse Léopoldine d’Autriche (1er mai 1843) et Aumale la cousine du roi de Naples, Marie-Caroline de Salerne (25 novembre 1844) ce qui permet enfin à Louis-Philippe d’avoir une bru Bourbon ! La mort accidentelle du duc d’Orléans (13 juillet 1842) fragilise le régime : « Dieu vient de supprimer le seul obstacle qui existait entre la monarchie et la république » écrit Dumas sur le registre de condoléances. C’est se trouver avec l’éventualité d’une minorité royale : le comte de Paris ne serait majeur qu’en 1856. Surtout le duc, qui n’avait pas 32 ans, était populaire, incarnant la jeunesse et l’avenir de la dynastie. Il avait acquis la gloire militaire en Algérie et était le seul rival capable d’arrêter la marche au pouvoir de Louis-Napoléon.
Un triomphe trompeur
Le triomphe électoral de 1846 qui voit l’élection de 291 ministériels contre 168 députés d’opposition ne fait que renforcer Louis-Philippe dans la conviction qu’il a encore et toujours raison. Mais deux tentatives d’assassinat (le 16 avril, Comte un ancien employé de la couronne mécontent ; le 29 juillet, Henri, un artisan désespéré) et l’évasion de Louis-Napoléon du fort de Ham (25 mai) soulignent la fragilité d’un régime qui ne repose que sur la personne d’un roi vieillissant. Surtout l’affaire des mariages espagnols voit la rupture de l’entente cordiale en raison des manœuvres de Lord Palmerston : le duc de Montpensier épouse l’infante d’Espagne (10 octobre) et la reine Isabelle II le duc de Cadix alors que les Anglais souhaitaient faire épouser un Saxe-Cobourg à l’une des deux princesses.
Dissensions familiales
Le roi qui atteint 74 ans en octobre 1847 a vieilli, Thiers remarque : « c’est un homme abattu, épuisé, et s’il ne meurt pas, ce sera tout comme. Déjà il se trouve fatigué d’esprit ; il confond les personnages et les choses ; il rabâche. » La retraite de Soult fait de Guizot le président du conseil (15 septembre 1847). Des clivages familiaux apparaissent, le duchesse d’Orléans, Joinville et Aumale s’inquiétant de l’avenir. Joinville écrit : « Il n’y a plus de ministres, leur responsabilité est nulle, tout remonte au roi. Le roi est arrivé à un âge auquel on n’accepte plus les observations ; il est habitué à gouverner, il aime à montrer que c’est lui qui gouverne ; son immense expérience, son courage et toutes ses grandes qualités font qu’il affronte le danger audacieusement ; mais le danger n’en existe pas moins » (lettre à Nemours, 7 novembre 1847). Le 31 décembre, madame Adélaïde, la seule ayant avec le roi une totale liberté de parole, meurt. Victor Hugo avait noté : « Il la consultait sur tout et ne faisait rien de très grave contre son avis. » Le roi envoie Joinville et Aumale en Algérie, se privant de deux appuis précieux.
L’effondrement et l’exil 1848-1850
L'aveuglement du roi
Le roi campe sur ses certitudes, il répond à Montalivet qui lui assure que la garde nationale est acquise à la réforme : « Que peut me faire la Garde nationale ? Je suis dans la Charte. Je n’en sortirai pas comme Charles X. Je suis donc inexpugnable. » Vieillissant, persuadé de son infaillibilité, Louis-Philippe n’écoute rien ni personne : « ce ne sont pas les banquets de veaux froids ni les Bonaparte qui me désarçonneront » répond-il au prince de Ligne, ambassadeur de Belgique. A Guizot qui lui propose de changer le cabinet avant l’ouverture de la session parlementaire, il rétorque : « Restez avec moi, défendons jusqu’au bout la politique que tous deux nous croyons bonne. » Le roi confie à un diplomate le 1er janvier 1848 : « Deux choses sont désormais impossible en France ; la révolution et la guerre. »Tandis que le roi Léopold écrit à son neveu le duc de Saxe-Cobourg-Gotha : « Mon beau-père sera chassé sous peu, comme Charles X ».
La révolution de février
Quelques jours plus tard, abasourdi, Louis-Philippe apprend la défection de la Garde nationale, « la colonne du trône », passée à l’ennemi. Face à l’émeute républicaine, les légions n’ont pas répondu à l’appel le 23 février 1848 et se sont ralliées au cri de : « Vive la réforme, à bas Guizot ! » Il devait dire plus tard à Duchâtel : « Est-ce que je pouvais faire tirer sur mes électeurs ? » Ne voulant pas faire tirer sur la garde par l’armée qui reste fidèle, il va perdre la partie. L’alliance de la bourgeoisie et du peuple comme en juillet 1789 et en 1830 assuraient le succès de l’insurrection. Décidant de renvoyer Guizot, le 23 février, le vieux roi, loin de désarmer les émeutiers, incitait les républicains à déclencher l’assaut final. La fusillade du boulevard des Capucines, sous les fenêtres du ministère des Affaires étrangères, leur fournit l’incident sanglant qui leur était nécessaire. Louis-Philippe, refusant d’assumer le coût humain exigé par l’écrasement de l’insurrection, démoralisé, abdique le 24 février avant de fuir les Tuileries en redingote et chapeau rond. Il est pourchassé comme un malfaiteur par la République qui a ordonné son arrestation.
Le dernier exil
Le 2 mars, traversant l’estuaire de la Seine, de Honfleur au Havre, sous son déguisement de bourgeois normand nanti d’un passeport anglais, le roi a la douleur d’entendre des chanteurs en tournée interpréter l’air de Blondel extrait de Richard Cœur de Lion : Ô Richard, ô mon roi, l’univers t’abandonne, celui-là même que les officiers du régiment de Flandre avaient chanté à Louis XVI et Marie-Antoinette le 1er octobre 1789 en foulant aux pieds la cocarde tricolore. La reine Victoria accueille les exilés sans enthousiasme et le prince Albert déclare : « il est impossible que le roi reste ici ». Finalement le « comte de Neuilly » reste à Claremont, d’autant que sa situation financière est difficile. C'est là qu'il devait mourir en 1850.
Bibliographie
- Paul Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de Juillet, 7 vol., 1884-1892
- Guy Antonetti, Louis-Philippe, Fayard, 1994
- Laurent Theis, François Guizot, Fayard, 2008
- Jean-Baptiste Noé, La Parenthèse libérale, Calmann-Lévy, 2018, Acheter en ligne
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