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Réputation

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Dans les années 1920, Henry Ford, grand industriel de l'automobile a eu cette formule : « Deux choses n’apparaissent pas au bilan d’une entreprise, sa réputation et ses hommes ». Cette phrase est reprise aujourd'hui par les Directions des Ressources Humaines, et les défenseurs des parties prenantes, qui accentuent la fonction de Responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) avec ses volets humains, sociaux et environnementaux.

La réputation comme actif du capital humain

La première idée venant à la pensée incite à croire que la réputation est un actif de l'entreprise ou d'un être humain. C'est ainsi que Viktor Vanberg[1] conçoit que la bonne réputation peut être perçue comme un « capital humain ». Les individus peuvent être motivés pour agir moralement, non seulement en raison des inconvénients immédiats provoqués par des sanctions formelles ou informelles, mais aussi en raison des avantages les plus éloignés. Il peut être alors avantageux pour une entreprise ou un être humain d'investir dans une bonne réputation en agissant moralement.

La réputation comme comportement axé sur le suivi de règles de conduite

Un individu, isolé ou regroupé dans une organisation, ne peut pas percevoir, avec certitude, l'évolution d'une situation donnée. Comme il est impossible de prédire l'avenir des situations particulières, ou en d'autres termes, lorsqu'on est incertain s'il faut obéir à une règle dans une situation particulière ou non, il est alors rationnel d'adopter des routines de comportements moraux. Cette obéissance "aveugle" aux règles morales est indépendante des avantages ou des inconvénients attendus.

Lorsqu'un individu modifie sans cesse son comportement, il provoque une réaction de défi et de méfiance au sein du groupe social qui aura tôt fait de lui donner une mauvaise réputation. Ceci a pour conséquence d'accroître les coûts d'incertitude de tous les membres. Par exemple, les hommes d'État qui pratiquent, de façon idéologique ou opportuniste, les nationalisations ou l'expropriation, sans égard à la propriété privée des individus et des entreprises, accroissent l'incertitude et affaiblissent la réputation de stabilité des institutions, écartant de ce fait des perspectives d'investissement et de croissance. L'engagement moral d'un individu, pour adopter et conserver une bonne réputation, répond à des règles de sanctions morales du groupe social afin de limiter l'incertitude des comportements au bénéfice de tous ses membres.

Les individus ne considèrent pas seulement les résultats à court terme au moment où ils décident de suivre ou non une règle particulière, mais ils prennent aussi en compte les conséquences à plus long terme, comme leur réputation. Dans les actes d'altruisme, par exemple, le comportement d'auto-sacrifice compense la connaissance de l'existence de free-riders. Une règle peut apparaître comme défavorable à une personne, dans un certain sens limité, lorsque cette personne s'attend à un comportement de réciprocité de la part des autres membres du groupe. Cependant, cela ne l'empêche pas de se conformer à un groupe pour différentes raisons qui lui appartiennent (sécurité, réputation, etc.)

La réputation comme arbitrage des conflits

Dans une société organisée, la loi n'est pas nécessaire. Par contre le Droit est indispensable. Lorsque des différends naissent entre des personnes physiques ou morales, et qu'un arbitrage est demandé, la justice, "fille ainée" du Droit, s'organise sous la forme d'une cour de justice. En dehors de sa mission première d'arbitrage, la justice attribue des gages de bonne ou de mauvaise réputation aux parties jugées. Le fait, même, d'aller en cour de justice pour un individu ou une entreprise influe sur sa réputation avant qu'une décision définitive ne soit prise. Mais, la cour de justice, elle-même, en tant que prestataire de services, est tributaire de sa propre réputation. L'honnêteté, l'équité, la fiabilité et la promptitude sont des qualités qui viennent enchérir ou dévaluer la bonne réputation d'une cour de justice.

Chaque individu ou organisation ne vient pas "vierge" dans une cour de justice. Si son casier est déjà bien rempli, sa réputation est entachée, et sa convocation par les juges a fait l'objet, dès l'entame de son interpellation, d'une analyse circonstanciée par les forces de police. Et, même si les juges ne s'autorisent qu'à évaluer les affaires relatives à la chose jugée, il n'en demeure pas moins qu'un récidiviste fait l'objet de sanctions plus lourdes que celui qui a une réputation encore intacte. La réputation est, en quelque sorte, un critère d'arbitrage des conflits.

Les institutions afin de renforcer la réputation dans un groupe de grande taille

Dans un petit groupe, les gens sont souvent en interaction et leur réputation est suffisamment bien connue grâce aux relations de confiance directes et indirectes. Dans ce cas là, il n'y a pas besoin de mécanismes institutionnels formels au-delà de ceux qui existent par l'intermédiaire de la famille immédiate ou du clan. Mais, lorsque le groupe devient de plus en plus important ou moins stable, de nouveaux arrangements institutionnels apparaissent pour contrôler la réputation dans les interactions. L'échange, dans un groupe plus large, où l'on ne connaît pas la réputation d'autrui, augmente le risque d'apparition de comportements opportunistes et de free-riders.

Dans les échanges économiques avec les consommateurs, la réputation du pays d'origine joue comme comme cliché, un "made in China" n'a pas la même signification qu'un "made in Germany" ou qu'un "made in France". C'est la raison pour laquelle, les entreprises évitent de délocaliser complètement leur production dans des pays à faible réputation de qualité.

Informations complémentaires

Citations

  • Les deux choses les plus importantes n'apparaissent pas au bilan de l'entreprise : sa réputation et ses hommes. (Henry Ford)
  • L'honneur, c'est comme les allumettes, ça ne sert qu'une fois. (Marcel Pagnol)

Notes et références

  1. * Viktor Vanberg, 1994, "Rules and Choice in Economics", Routledge: London, p53

Bibliographie

  • 1983, Robert Barro et D. B. Gordon, Rules, discretion and reputation in a model of monetary policy, Journal of Monetary Economics, Vol 12, pp101-121
  • 1989, Avner Greif, Reputation and Coalitions in Medieval Trade: Evidence on the Maghribi Traders, Journal of Economic History, 49(4), December, pp857-882
  • 1992, Douglas W. Allen et Dean Lueck, The ‘Back-Forty’ on a Handshake: Specific Assets, Reputation, and the Structure of Farmland Contracts Journal of Law, Economics, and Organization avril
  • 1997,
    • Daniel B. Klein, dir., Reputation, Ann Arbor: The University of Michigan Press
    • Daniel B. Klein et Jeremy Shearmur, "Good Conduct in the Great Society: Adam Smith and the Role of Reputation", In: Daniel B. Klein,, dir., Reputation: Studies in the Voluntary Elicitation of Good Conduct, Ann Arbor: University of Michigan Press
  • 2008, Ronald S. Burt, "Commérages et réputation", In: M. Lecoutre, P. Lièvre, dir., "Management et réseaux sociaux, ressource pour l'action ou outil de gestion ?", Paris, Hermès Lavoisier, pp27–42
  • 2010,
    • Pierre-Marie Chauvin, "Le Marché des réputations. Une sociologie du monde des Grands Crus de Bordeaux", Bordeaux, Féret
    • Pierre-Marie Chauvin, "La signature œnologique. Frontières et transferts de réputation chez les consultants vitivinicoles", Sociologie du travail, Vol 62, n°4, pp461-479
  • 2013, Pierre-Marie Chauvin, "La sociologie des réputations. Une définition et cinq questions", Communications, Vol 93, n°2, pp131-145
  • 2014, Pierre-Marie Chauvin, "Réputation", In: Pierre-Marie Chauvin, Michel Grossetti, Pierre-Paul Zalio, dir., "Dictionnaire sociologique de l’entrepreneuriat", Paris: Presses de Sciences Po, pp473-490