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Gratuité

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Un bien ou un service est gratuit lorsqu'il peut être obtenu sans qu'aucune contrepartie, en particulier pécuniaire, n'ait à être fournie. Néanmoins, au-delà de cette illusion d'optique, la gratuité n'existe pas, il y a toujours quelqu'un qui paye, que ce soit le contribuable, le producteur, etc. Elle reste néanmoins défendue par ceux qui ont à y gagner, par la publicité, le marketing ou la politique. Notons que la notion de gratuité est corollaire de celle de coût ou de peine.

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De la gratuité des services publics

Tout d'abord, aucun service public n'est gratuit, même s'il ne coûte rien à l'instant où l'utilisateur en profite. Tous sont financés par les impôts, eux-mêmes extorqués au contribuable sans que son avis ne lui soit demandé. La gratuité apparente a alors un coût qui ne se voit pas ou plus : se croire créditeur net d'un service revient à oublier qu'un politicien dévoué aidé d'un fonctionnaire serviable se sont chargés de dépenser, à leur place, l'argent de ses administrés. La démagogie permet de subventionner les uns avec l'argent des autres, au nom de la solidarité ou de la justice sociale.

Il est cependant à la discrétion du Prince (même en régime démocratique où l'on sait bien que, par essence, une certaine opacité des décisions doit, au final, être de mise sous le fard des discours lénifiants) de décider quelle part de l'enveloppe globale viendra alimenter telle ou telle ligne budgétaire, selon des priorités toutes relatives, et correspondant à une échelle de valeur choisie parmi une infinité possible, et selon des stratégies ou des clientèles variées.

Par contre, dans un régime où seule règne la propriété privée, les contributions, comme lors de tout échange, deviennent volontaires et le système plus juste car chacun finance effectivement ce qu'il est amené à utiliser, ou ce qui correspond à ses propres valeurs. De manière complémentaire, le régime de la concurrence - plutôt que des monopoles bureaucratiques rendus inefficaces par la déresponsabilisation que produisent les privilèges des fonctionnaires -, par la pression maintenue sur le prestataire, assure au client une meilleure gestion de son argent.

La gratuité n'est jamais gratuite ! Réclamer la gratuité, ce n'est pas autre chose que revendiquer le droit de vivre aux dépens des autres, en réduisant les libertés de tous :

On parle beaucoup depuis la République d’instruction gratuite. C’est le communisme appliqué à une branche de l’activité humaine. L’instruction est gratuite ! et ce n’est pas seulement l’instruction gratuite qu’il faudrait demander à l’État, mais la nourriture gratuite, etc. Mais quoi ! Est-ce que l’alimentation n’est pas plus nécessaire encore ? Qu’on y prenne garde. Le peuple en est presque là. Dupes d’un mot, nous avons fait un pas vers le communisme. Quelle raison avons-nous de n’en pas faire un deuxième, puis un troisième, jusqu’à ce que toute liberté, toute propriété, toute justice y aient passé ? Primo vivere, deinde philosophare : vivre d’abord, philosopher ensuite, dira le peuple, et je ne sais en vérité ce qu’on aura à lui répondre." (Frédéric Bastiat)

Exemples

  • gratuité de l'éducation (payée par le contribuable : en France, le quart du budget est consacré à cette « gratuité »)
  • gratuité de la médecine, tiers-payant (avec des cotisations de sécurité sociale confiscatoires)
  • gratuité des livres scolaires (pris en charge par les régions)
  • prêt à taux zéro (payé par le contribuable)
  • gratuité des chèques bancaires (compensée par l'absence de rémunération des dépôts)
  • gratuité de l'air que l'on respire
  • gratuité des promenades en forêt (sentiers forestiers payés par le contribuable)

De la gratuité des actions humaines

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Une gratuité sortie de nulle part

D'un point de vue anthropologique, croire à la gratuité d'une action humaine est de la même portée que de croire à la génération spontanée en biologie. Rien n'est sans raison et concevoir un individu agissant autrement que par intérêt reviendrait à penser à une marionnette stupide ou un être voulant tester le pouvoir de sa liberté en la confondant avec la liberté d'indétermination dans une vacuité confondante, sachant que même le fanatique, le saint, le martyr se remboursent parfois en amour-propre et en arrogance de ce qu'ils perdent en plaisirs terrestres. Du point de vue de l'individualisme méthodologique, le véritable altruisme (celui qui ne s'exerce pas aux dépens d'autrui) n'est en fait pas du tout contraire à l'intérêt personnel : pour certaines personnes, généreuses de nature, il est bien plus gratifiant que le simple égoïsme narcissique.

Ne se contentant pas de ce narcissisme, d'autres feront payer à leurs prochains un engagement altruiste que nul ne leur avait réclamé (une offre sans demande), ou imposeront de manière despotique un plan sociétal que leurs frères rechigneraient à trouver idéal, ce despotisme pouvant aussi être le fait de libéraux soucieux de ne pas laisser un peuple, abusé par la démagogie collectiviste, sombrer dans un régime dangereux et inefficace. Il est d'ailleurs révélateur que le fascisme revendique la gratuité des actions humaines à seule fin de subordonner l’économique au politique :

Prétendre que les faits économiques suffisent à expliquer l’histoire humaine, à l’exclusion des autres facteurs, est une absurdité. Le fascisme croit encore et toujours à la sainteté et à l’héroïsme, c’est-à-dire aux actions dans lesquelles n’agit aucun motif économique proche ou lointain. (Mussolini)

La gratuité est le masque de la spoliation, tout comme la "solidarité" sociale-démocrate est le masque de l'assistanat.

« Noblesse oblige »

L'idée de gratuité peut relever d'une part d'une vision aristocratique du monde, où une poignée de demi-dieux géniaux détachés de la raison instrumentale qui guide l'ensemble d'une humanité dépréciée, se permet de cultiver des odes à la grandeur, à l'authentisme, aux vraies valeurs, à l'art, tout en oubliant que son génie incompris, son spleen sublime ou ses pensées profondes sont permises par tout un ensemble de "fourmis" qui s'attachent à assurer, par leur activité, la base bêtement matérielle de ces grands élans. On y retrouve le mépris, très noble, contre le bourgeois, le marchand, le terre-à-terre, le travailleur manuel, la religion juive (sans complexe face à l'argent et sans forme propre d'art), que des penseurs de la gauche éclairée - mais sans la superbe d'un Nietzsche ni l'arrière-plan métaphysique d'un Platon - comme Baudrillard, Debord ou Adorno, contempteurs de la « société de consommation » ou du « spectacle », ont incarné après beaucoup d'autres.

Il est aussi nécessaire d'observer sur quelle inégalité statutaire repose la structure sociale de ce que Louis Rougier nomme les « civilisations qualitatives » (opposées au rigorisme ascétique protestant dont Adam Smith et son mépris pour les « improductifs » serait un exemple parlant). Peut-on libérer une classe toute dévouée à la chose publique sans l'institution de l'esclavage ? Quel argent dépense avec générosité le noble d'Ancien Régime ou le politicien du nouveau ? Sur quelle rente de leur bourgeois de parents (ou étatique) ont vécu la plupart des poètes maudits ? D'où provenaient la plupart des phares de l'humanité qui avaient le temps de s'adonner à la philosophie ou à l'art ?
Aucun égalitariste, aucun collectiviste mû par des positions morales ne pourra soutenir sans contradiction profonde le financement de cette "gratuité" géniale tant qu'un seul être humain meurt encore de faim sur Terre : cultiver la grandeur n'est-il pas immoral quand d'autres n'ont pas même un pied dans la vulgaire consommation du nécessaire ? Qui de l'artiste ou de l'affamé a plus de droit sur la caisse commune des deniers ? Tout ce qui sort du commun et de la simple vie quotidienne besogneuse (monuments historiques, œuvres) est permis soit par un régime inégalitaire impossible à justifier en vertu d'une quelconque justice sociale, soit parce qu'en régime individualiste un être décide de créer le palais qu'on visitera des siècles plus tard avec admiration plutôt que de construire des habitations et de nourrir ses concitoyens moins chanceux...

De même, dans l'impossibilité de discriminer unanimement lesquels de la toile blanche fendue, du pissoire, du tag, du jappement de chien sur fond de musique atonale, d'un rap, du vaudeville chanté ou de la série télévisée..., sont de l'art, du vrai, il faut encore souligner en quoi il est tout à fait intéressant, pour se distinguer socialement de la plèbe (cf. Les Règles de l'art de Pierre Bourdieu), de goûter certaines formes d'art, en pur esthète et en total désintéressement, cela va sans dire... les profits symboliques réalisés par le détenteur de ce capital culturel renvoyant l'idée de gratuité à sa fausseté hypocrite.

Romantisme

D'autres encore se rattachent à l'idée de gratuité en vertu de préjugés concernant l'utilité ou du fait d'avoir trop pris au sérieux des considérations de pure théorie comme la pureté des intentions, le véritable pardon, la charité pure, l'autre comme fin en soi, sans concupiscence, etc. qui ne peuvent servir aux philosophes ou aux théologiens que de notions-limites. À partir du moment où il est donné comme axiome que le fait de servir un intérêt est préjudiciable à la valeur de l'action, il faut soit subir la schizophrénie d'une praxis nécessairement en désaccord avec sa théorie, soit devenir un éternel grincheux désabusé à la façon des moralistes, soit devenir un cynique (à la façon des politiciens).
Supprimer cette erreur axiomatique permet de rétablir l'action humaine dans sa réalité sans être victime des connotations péjoratives des mots, provenues d'une pensée romantique totalement inconséquente, qui fait, au moment de leur réveil, les êtres les plus dangereux car les plus désillusionnés.
Ainsi dire que l'homme est mû par intérêt ou que l'égoïsme est une vertu (cf. Ayn Rand), que la distinction d'un secteur marchand et non-marchand est une erreur, etc. n'est ni une provocation, ni sombrer dans des considérations pathétiques sur fond de Chute et de dévalorisation de la condition humaine.
Au contraire, s'aperçoivent-ils quelle idée de sacrifice réclament ceux qui en appellent au don, à la générosité, à l'intérêt unilatéral ? Voient-ils combien le bénévolat ou le dévouement sans contrepartie seraient proches du stakhanovisme, qui est la forme ultime de l'esclavage en ce qu'il réussit à faire aimer à l'exploité sa propre exploitation ? Reconnaître le besoin d'une contrepartie pour tout acte, placer les rapports humains sous le prisme de l'échange et du commerce jusqu'à en faire un modèle de société (société de marché, catallaxie), n'est dégradant que pour ceux qui, s'y refusant, oublient que ceux-ci ont remplacé la « naturelle » violence qui est l'apanage du si moral collectivisme.

Aussi, bien que l'homme vive « en poète » et ne puisse vraiment jouer son rôle dans la comédie sociale qu'en oubliant le travail de la coulisse qui produirait une distanciation douloureuse ou intenable (comme l'homme qui croit pouvoir poser sur le papier l'équation de tous ses choix ou la pondération quantifiée de tous ses actes), on ne fonde pas une conception anthropologique, on ne fonde pas un système politique sur des vues tronquées ou littéraires.

Erreur courante : les libéraux sont opposés au don

Que la gratuité n'existe pas ne signifie pas que les libéraux soient opposés à tout don. C'est même plutôt le contraire : en effet, les libéraux plébiscitent le rôle de l'initiative privée et du don volontaire, quand il émane du propriétaire légitime du bien.

La fausse gratuité est donc tout sauf un don, mais un vol. Comme le note l'économiste Jean-Louis Caccomo :

« L'État, en proposant des biens et services « gratuits » (comme la santé ou l'éducation) ou en distribuant gratuitement des livres et des ordinateurs dans les écoles, n'a pas le pouvoir de supprimer la rareté. Mais il a le pouvoir de transférer le coût des richesses sur telles ou telles catégories sociales en fonction de ses choix politiques »[1].

Citations

  • Dans le langage officiel, « gratis » veut généralement dire aux frais des contribuables. (Vilfredo Pareto)
  • A la vérité, le mot gratuit appliqué aux services publics renferme le plus grossier et, j'ose dire, le plus puéril des sophismes. [...] Mais il n’y a de vraiment gratuit que ce qui ne coûte rien à personne. Or, les services publics coûtent à tout le monde ; c’est parce que tout le monde les a payés d’avance qu’ils ne coûtent plus rien à celui qui les reçoit. Celui-ci, qui a payé sa part de la cotisation générale, se gardera bien d’aller se faire rendre le service, en payant, par l’industrie privée. (Frédéric Bastiat)
  • Le symbole de toute relation [...], le symbole moral du respect de l’être humain, c’est le commerce. Nous qui vivons de nos valeurs et non du pillage, sommes des commerçants, à la fois matériellement et spirituellement. Un commerçant est un homme qui gagne ce qu’il possède et donne ce qu’il doit en retour. Un commerçant ne demande pas d’être payé pour ses manquements, pas plus qu’il ne veut être aimé pour ses défauts ; un commerçant ne donne pas son corps en pâture ni son âme en aumône. De même qu’il ne donne le fruit de son travail qu’en échange de valeurs matérielles, il donne les valeurs de son esprit, son amour, son amitié, son estime, seulement en échange de vertus humaines, en paiement pour le plaisir personnel et égoïste, qu’il reçoit des hommes qu’il juge dignes de traiter avec lui. Les parasites mystiques qui, à travers les âges, ont insulté et méprisé les commerçants, tout en honorant les mendiants et les pillards, avaient un motif secret : le commerçant était l’être qu’ils redoutaient, le modèle de l’homme juste. (Ayn Rand, Atlas Shrugged, part. III, chap. 7, John Galt parle)
  • There is no free lunch. (il n'y a pas de repas gratuit, on ne rase pas gratis) (Milton Friedman)
  • Les économistes disent souvent « il n'y a pas de repas gratuit ». C'est fondamentalement vrai. Il y a toujours quelqu'un qui paie. Ce que l'on vous donne « gratuitement » provient toujours d'autres personnes qui l'ont produit. (Jean-Louis Caccomo[2])
  • Nous sommes le seul pays d'Europe où […] l'action publique est lourdement entravée par le manque de conscience collective de vérités comme « la gratuité n'existe pas, tout service a toujours un coût » ou comme « tout déficit doit finalement être résorbé, tout prêt doit finalement être remboursé ». (Michel Rocard[3])
  • L'argent public n'existe pas, il n'y a que l'argent des contribuables. [...] On parle de service gratuit, mais ce n'est pas gratuit, vous devez payer pour ça. (Margaret Thatcher).
  • Ça ne coûte rien, c'est l’État qui paie. (François Hollande, 06/11/2014)
  • Admettre un but non lucratif, c’est admettre qu’on agit à partir de rien ou qu’on est prêt à détruire le patrimoine qu’on possède en propriété. (Georges Lane)
  • Une des erreurs les plus graves est répandue dans le public par le mot « gratuit ». Des braves gens se figurent que l'État peut leur donner gracieusement toutes sortes d'avantages, et nombre de législateurs et d'hommes d'État s'imaginent qu'ils ne prennent à personne ce qu'ils donnent aux autres. De même qu'un chimiste, en entrant dans un laboratoire, prend pour règle indiscutable cette constatation : Rien ne se crée, rien ne se perd, tout homme qui s'occupe de questions financières et économiques doit toujours se rappeler que Tout se paye, Rien n'est gratuit. (Yves Guyot, La démocratie individualiste)
  • Que l'État impose la gratuité dans n'importe quel domaine, et l'on récoltera la pénurie. (Jean-Louis Caccomo, Le modèle français dans l'impasse, 2013)

Notes et références

  1. Jean-Louis Caccomo, « L'illusion de la gratuité », [lire en ligne]
  2. Jean-Louis Caccomo, « Les mensonges de l'État-providence », Le Québécois Libre, 11 octobre 2003, [lire en ligne]
  3. « L'inculture économique française n'épargne personne », Sylvain Besson, Le Temps, 3 juin 2008, p. 10

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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