Vous pouvez contribuer simplement à Wikibéral. Pour cela, demandez un compte à adminwiki@liberaux.org. N'hésitez pas !
Stakhanovisme
Stakhanovisme | ||
Définition de Stakhanovisme : Apologie du travailleur très productif et dévoué à son travail | ||
---|---|---|
Penseurs | Alekseï Stakhanov | |
Courants | Communisme, stalinisme | |
Exemples | ||
Étymologie | ||
Synonymes | Stakhanoviste | |
Antonymes | ||
Citation | ||
Articles internes | Autres articles sur Stakhanovisme |
En URSS, le stakhanovisme était une propagande destinée à promouvoir une méthode de travail caractérisée par l'émulation des travailleurs pour augmenter le rendement de la production. Comme une parabole, le stakhanovisme est devenu une apologie du travailleur très productif et dévoué à son travail.
Alekseï Stakhanov, était un haveur, c'est-à-dire un mineur qui, à l'aide d'un marteau piqueur, enlevait les veines de charbon. Durant la nuit du 30 au 31 août 1935, il établit selon la propagande soviétique un nouveau record qui fit immédiatement l'objet d'une formidable campagne de propagande. Les résultats se présentent comme extraordinaires. Il aurait extrait à lui seul 102 tonnes de charbon en six heures, soit environ quatorze fois le quota minimal demandé à chaque mineur.
La propagande stakhanoviste et ses raisons
Instrumentalisé par le pouvoir politique, Alekseï Stakhanov a connu un parcours politique remarquable (député du Soviet Suprême) et obtenu des récompenses au-delà de sa simple condition de mineur (voiture de prestige). Des portraits de l’ouvrier modèle sont affichés dans toutes les entreprises du pays. Des films reconstituent fictivement la scène du record où une foule anonyme, à l'extérieur de la mine, attend impatiemment le nouveau héros et l'accueille avec liesse et applaudissements.
La narratologie, c'est-à-dire la science de la narration, considère que le récit est souvent inséré dans une mise en scène. Le narrateur n'est plus l'acteur, mais le récit est repris voire subtilisé par le pouvoir politique et la machine d’État, puis « modifié », et amputé de faits pour mieux servir à la campagne de propagande.
Le prédécesseur de Staline, Lénine, avait vanté les principes scientifiques du taylorisme[1]. L'organisation scientifique du travail adapté au régime socialiste de l'URSS devait permettre d'améliorer la productivité. Or les idées de Frederick Taylor appliquées au régime socialiste n'ont dans les faits pas donné leur meilleur résultat. Alors que les pays occidentaux connaissaient une grave crise économique dans les années 1930, Staline a voulu montrer la capacité à mobiliser des ressources humaines pour décupler la production.
En 1930, la majorité de la population est encore paysanne, le récit stakhanoviste présente une métaphore de la classe ouvrière comme l'exemple à suivre de « l'homme nouveau » disposant de capacités productives extraordinaires qui ne demandent qu'à être mobilisées dans un esprit de communauté homogène constituée d'individus productifs sans aspérité de personnalité.
En dehors d'une motivation interne au pays, le récit du stakhanovisme fut diffusé à l'extérieur pour « démontrer » l'adhésion de la masse des travailleurs au stalinisme et faire croire que le communisme était une alternative crédible si ce n'est supérieure au système capitaliste.
Les mensonges de la propagande
Alors que le discours du stakhanoviste a créé un mythe de la performance surhumaine d'Alekseï Stakhanov, son instrumentalisation a provoqué deux effets pervers. En premier lieu, le record établi ne fut pas spontané mais programmé à l'occasion du 20ème anniversaire de la jeunesse communiste. La performance de ce record était tellement extraordinaire que la Pravda mit plus de 50 ans pour avouer qu'Alekseï Stakhanov n'était pas seul mais que son résultat provenait d'une équipe de production. Le discours a donc dérivé en changeant de mains, entre ceux qui ont initié l'opération, ceux qui relatent la performance et le parti d'État, qui en utilise les ressorts populistes.
Conséquences
Le stakhanovisme est un exemple de la stratégie de l'industrialisation à outrance menée par Staline dans les années 1930, au mépris de toute considération environnementale. C'est littéralement une « religion de la croissance » qui sévit alors en URSS[2]. Comme l'écrit Thomas A. Harbor dans le journal Contrepoints, « la doctrine du stakhanovisme, sorte d’utilitarisme patriotique exacerbé, en a été une expression très aboutie. Malgré les inflexions positives qu’avait laissé espérer le Symposium de 1957, la mystique khrouchtchévienne du dépassement du Plan a eu des conséquences désastreuses sur l’environnement. Ce productivisme est aggravé par les déséquilibres sectoriels causés par la politique économique planifiée, au profit d’industries lourdes polluantes »[3].
L'autre conséquence des objectifs irréalistes de production, dans un système économique sans marché, était généralement une production sans lien avec les besoins réels des agents économiques, mais qui permettait juste de « cocher les cases » des objectifs de la bureaucratie. Le journal satirique soviétique Krokodil publia ainsi un jour le dessin d'un atelier fabriquant des clous, avec, suspendu au plafond, un clou - et un seul - énorme sous lequel une pancarte triomphale annonçait : « le plan mensuel est atteint ». Au lieu de 5 tonnes d'un clou, un clou de 5 tonnes...
Usage contemporain du terme stakhanovisme
Le terme de stakhanovisme a gagné en utilisation pour désigner des comportements qui n'ont plus rien à voir avec l'exemple initial mais vise tout ce qui est mis en œuvre par une organisation pour accroître la productivité du travailleur au-delà de la moyenne et l'inciter à adhérer aux objectifs et également pour viser une personne à l'efficacité hors normes, avec une nuance péjorative (on parle de stakhanoviste). On sous-entend généralement par le terme une production exceptionnelle, mais décorrélée des besoins ou attentes des consommateurs.
Citations
- « Si le Communiste voit en toi un homme et un frère, ce n'est là que sa manière de voir des dimanches ; les autres jours de la semaine il ne te regarde nullement comme un homme tout court, mais comme un travailleur humain ou un homme qui travaille. Si le premier point de vue s'inspire du principe libéral, le second recèle l'illibéralité. Si tu étais un « fainéant », il ne reconnaîtrait pas en toi l'homme, il y verrait un « homme paresseux » à corriger de sa paresse, et à catéchiser pour le convertir à la croyance que le travail est la « destination » et la « vocation » de l'homme. » (Max Stirner)
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ * Robert Linhart, 1976, Lénine, les Paysans, Taylor, Paris: éditions du Seuil
- ↑ Josyane Stahl, « Les problèmes de la protection de l’environnement en URSS : discours et prises de position », Revue d’études comparatives Est-Ouest, numéro 16, p. 51, 1985.
- ↑ (fr)La question environnementale en URSS : productivisme et bureaucratie, Thomas A. Harbor dans le journal Contrepoints
Bibliographie
- 1984, Éric Vigne, "Stakhanov, ce héros normatif", Vingtième Siècle. Revue d'histoire, Vol 1, n°1, pp23-30
- 1988, Lewis H. Siegelbaum, "Stakhanovism and the Politics of Productivity in the USSR, 1935-1941", Cambridge University Press
Liens externes
- (fr)La question environnementale en URSS : productivisme et bureaucratie, Thomas A. Harbor dans le journal Contrepoints
Accédez d'un seul coup d’œil au portail consacré au libéralisme politique. |