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Lénine
Lénine | |||||
Personnage historique | |||||
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Dates | 1870-1924 | ||||
Tendance | communiste, Marxisme | ||||
Nationalité | Russie | ||||
Articles internes | Autres articles sur Lénine | ||||
Citation | Cacher aux masses la nécessité d’une guerre exterminatrice, sanglante et sans concession, comme objectif immédiat de l’action future, c’est se tromper soi-même et tromper le peuple. (Proletaryi, n°2, 29 août 1906) | ||||
Interwikis sur Lénine | |||||
Vladimir Illitch Oulianov dit Lénine est un idéologue et homme politique russe né à Simbirsk le 22 avril 1870 et mort le 21 janvier 1924. Créateur du premier État communiste, l'URSS, il a donné une réalité aux idées de Marx et de Engels, tout en transformant profondément la doctrine marxiste. Le marxisme-léninisme jette ainsi les bases du totalitarisme. En associant pour la première fois l’idée d’un parti unique, d’une police politique et d’un système concentrationnaire, il a été l’inspirateur de toutes les variantes du communisme développées au XXe siècle. (stalinisme, trotskisme, maoïsme, castrisme, etc.) tout en exerçant une influence sur le fascisme et le nazisme. En ce sens, il a été la personnalité majeure du siècle dernier, et le principal ennemi du libéralisme.
Biographie
Pour une biographie détaillée de Lénine, on pourra se référer à cette présentation d'après Hélène Carrère d'Encausse.
Le théoricien
Chez Lénine, la théorie est liée à la pratique. Il n'y a pas de dogme : l'orthodoxie est ce que dit le parti en ce moment et dans la forme où il le dit. L'effort intellectuel principal consiste à assurer la cohérence dialectique du côté de l'action politique et du côté de la théorie. Il faut conférer à chaque pas politique un sens idéologique. Il n'y a pas plus de vérité qu'il n'y a de liberté : la vérité bourgeoise s'oppose à la vérité prolétarienne. La pensée de Lénine est foncièrement dualiste.
Dès Que Faire ? (1902), il montre le parfait mépris qu’il éprouve à l’égard des ouvriers : ceux-ci ne songent qu’à améliorer leur situation matérielle, et non à détruire l’ordre social existant. Le prolétariat ignore ce qui est bon pour lui. Le Parti, composé d’une élite intellectuelle qui détient la science, est l’incarnation (et non la représentation) du mouvement ouvrier. Ce parti doit être organisé de façon hiérarchisée et autoritaire comme une fabrique ou comme une armée. Le « centralisme démocratique » exclut toute liberté de critique au sein du Parti : « La liberté est un grand mot, mais c’est sous le drapeau de la liberté de l’industrie qu’ont été menées les pires guerres de brigandage ; c’est sous le drapeau de la liberté du travail qu’on a spolié les travailleurs. L’expression « liberté de critique » telle qu’on l’emploie aujourd’hui renferme le même mensonge ». Le Parti bolchevik, créé en 1912 et modèle de tous les Partis communistes ultérieurs, répond à cette conception.
Dans L’État et la Révolution (1917), opuscule rédigé entre les révolutions de février et d’octobre, il se présente comme le restaurateur du vrai marxisme. Contre les opportunistes partisans d’une prise de pouvoir légal, Lénine souligne la nécessité d’une prise de pouvoir violente pour supprimer l’État bourgeois et le remplacer par un État prolétarien. Instrument d’oppression, l’État doit être au service de la classe révolutionnaire : la violence sera au service de la majorité (le peuple) contre la minorité bourgeoise. Avec la disparition des exploiteurs, les intérêts de tous seront en harmonie avec ceux de tous et l’État dépérira. Cette première phase de dictature du prolétariat, le socialisme, va donc inévitablement déboucher sur le communisme, règne de l’abondance. Par la suite, tout au long de l'histoire de l'URSS, le communisme sera évoqué en termes messianiques, comme un but très lointain mais capable de justifier toutes les souffrances présentes. En attendant, tous sont soumis à l’État, dans une bureaucratie autogestionnaire généralisée : « Recensement et contrôle, voilà l’essentiel et pour l’organisation et pour le fonctionnement régulier de la société communiste dans sa première phase. Ici, tous les citoyens se transforment en employés salariés de l’État constitué par les ouvriers armés. Tous les citoyens deviennent les employés et les ouvriers d’un seul cartel du peuple entier, de l’État. »
Il ébauche le modèle d’une système totalitaire : « Quand la majorité du peuple commencera par elle-même et partout ce renversement, ce contrôle des capitalistes (transformés alors en employés) et de la gent intellectuelle qui aura conservé les pratiques capitalistes, alors ce contrôle sera vraiment universel, général, national, et nul en pourra plus s’y soustraire, de quelque manière que ce soit ; on n’aura plus où se mettre ».
Lénine rejette la morale « bourgeoise » : « Notre morale est entièrement subordonnée aux intérêts de la lutte du prolétariat », aussi « nous disons : est moral ce qui contribue à la destruction de l’ancienne société d’exploiteurs et au rassemblement de tous les travailleurs autour du prolétariat en train de créer la nouvelle société communiste ». La violence est légitime quand elle exercée par les opprimés, le mensonge et le cynisme sont nécessaires pour faire triompher la cause portée par le mouvement de l’histoire. Le droit est à ses yeux également une « illusion bourgeoise ». La création de la Tchéka, la police politique est suivie rapidement par l’ouverture du premier camp de concentration. « Un bon communiste c’est aussi un bon tchékiste ». Le but de la politique est de détruire l'adversaire : « Cacher aux masses la nécessité d’une guerre exterminatrice, sanglante, désespérée comme objectif immédiat de l’action future, c’est se tromper soi-même et tromper le peuple. »
L’importance décisive de 1918 et du communisme de guerre
À l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, ceux-ci ne contrôlent pas grand-chose dans un pays qui a sombré dans l’anarchie. Les paysans se sont emparés des terres et les ouvriers ont pris le contrôle des usines. Il n’y a plus ni noblesse ni bourgeoisie industrielle. De plus, la paix de Brest-Litovsk (mars 1918) enlève à la Russie les régions agricoles les plus riches et les régions industrielles les plus productrices. Pour Martin Malia, c’est le vide social de tout ce qui existe au-dessus du peuple (tout ce qui n’est ni paysan ni ouvrier) qui laisse au Parti la possibilité de s’organiser en bureaucratie idéocratique universelle : « Le Parti va remplacer la société ». La destruction du capitalisme révèle ce constat fâcheux : le socialisme ne se manifeste nulle part : il faut le construire. Comme Eduard Bernstein l'avait compris, on ne peut compter sur le prolétariat pour accomplir seul la révolution, ce doit être l'affaire de révolutionnaires professionnels.
À l’été 1918, le processus de désintégration menace le pouvoir bolchevique : le communisme de guerre va permettre de sauver le régime tout en posant les bases du futur État soviétique. Les soviets sont épurés en juillet et tous les partis sont mis hors la loi en août. Le terme ennemi de classe désigne désormais ceux qui sont hostiles à l’État à Parti unique. De plus, entre avril et décembre, par une série de « mesures improvisées », l’ensemble de l’économie est nationalisé. Il faut donc créer un organisme central pour remplacer le marché : le Soviet panrusse de l’économie nationale, préfiguration du Gosplan. Sans marché, seul le plan peut décider des investissements. Pour battre les armées blanches, l’État doit également mettre sur pied une armée, l’Armée rouge : la militarisation de la société va de pair avec l’étatisation de l’économie. L’Armée rouge réussit, en dépit de sa médiocrité, à triompher de ses adversaires : les armées blanches étaient divisées, peu populaires aux yeux des paysans, et s’appuyaient sur l’étranger, ce qui faisait jouer le réflexe nationaliste en faveur des bolcheviques. La Tcheka, créé en décembre 1917, devient à l’automne 1918 un organisme centralisé au service du Parti.
Une des conséquences importantes de la crise de 1918 est la bureaucratisation du Parti. Le Politburo devient le comité directeur aux dépens du Comité central et un Secrétariat (sans le nom) est créé sous la direction de Sverdlov qui inaugure le système de domination d’en haut que devait développer ensuite Staline. À l’automne, les membres des soviets sont désormais nommés par l’appareil de l’État. Les effectifs du parti augmentent : de 125 000 à 600 000 en 1920. D’origine modeste, les nouveaux membres y trouvent un moyen d’ascension sociale inouï : à demi incultes, ils vont s’identifier plus facilement à un Staline qu’à un intellectuel comme Trotski.
Le seul groupe social qui conserve son autonomie, c’est la paysannerie. Le communisme de guerre n’a pu en venir à bout. Pour le reste, il n’y a plus de société civile : il ne peut donc y avoir ni Thermidor, ni Restauration. Avec la révolte de Kronstadt, Lénine prend conscience de la nécessité du centralisme démocratique : avec le Xe Congrès, le caractère « monolithique » du Parti est établi définitivement par l’interdiction des factions. La NEP improvisée en 1921 est une concession faite aux graves problèmes économiques. Elle repose sur une contradiction entre le système politique et l’économie de marché : le Parti qui ne peut pas admettre le pluralisme politique ne peut admettre non plus le pluralisme économique.
Lénine : combien de morts et différences avec Staline
Il est fréquent de lire dans une certaine histoire que Lénine représente le « vrai » communisme avant sa dérive en totalitarisme sous Joseph Staline. Cette lecture très favorable à Lénine mérite d'être très fortement remise en cause.
C'est déjà sous Lénine que le bilan humain du communisme soviétique commence à s'alourdir de manière dramatique :
- les grandes famines de 1921-1922 en URSS laissent un bilan dramatique d'environ 5 millions de morts. Loin d'être causées par la « malchance », ces famines sont causées par des raisons politiques, orchestrées directement par Lénine : collectivisation forcée des moyens de production agricole
- toute la violence et la répression stalinienne s'inscrit dans la droite ligne des processus totalitaires mis en place sous Lénine. Loin d'être en rupture contre le léninisme, le stalinisme capitalise sur ses acquis (création de la police politique ou Tchéka, interdiction des journaux d’opposition, arrestations et exécutions massives des opposants au régime (nobles, bourgeois, mencheviks, SR de gauche, anarchistes, paysans), et répression brutale des grèves ouvrières et des révoltes (exemple bien connu des marins de Kronstadt).
Bibliographie
- Œuvres complètes
- Œuvres choisies
- 1899 : Le développement du capitalisme en Russie
- 1902 : Que faire ?
- 1904 : Un pas en avant, deux pas en arrière
- 1905 : Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique
- 1908 : Marxisme et révisionnisme ; Matérialisme et empiriocriticisme
- 1913 : Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme
- 1915 : La faillite de la IIe Internationale
- 1916 : L'impérialisme, stade suprème du capitalisme ; L'opportunisme et la faillite de la II° Internationale
- 1917 : Thèses d'Avril ; L'État et la révolution
- 1918 : Sur l'infantilisme "de gauche" et les idées petites-bourgeoises ; La révolution prolétarienne et le rénégat Kautsky
- 1919 : De l'État ; Les tâches de la IIIe Internationale
- 1920 : La maladie infantile du communisme (le gauchisme)
- 1923 : Testament politique
Sources
- Philippe Nemo, Histoire des idées politiques aux temps modernes et contemporains, PUF 2002.
- Alain Besançon, Les origines intellectuelles du Léninisme, Calmann-Lévy 1977.
- Hélène Carrère d'Encausse, Lénine, Fayard 1998.
- Martin Malia, Comprendre la Révolution russe, Le Seuil Points histoire 1980.
- Lénine, L'inventeur du totalitarisme, Stéphane Courtois, Perrin, 2017
Citations
- La société tout entière deviendra un seul immense bureau et une seule immense usine avec égalité de travail et égalité de rétribution. (L'État et la Révolution)
- Le peuple n'a pas besoin de liberté, car la liberté est une des formes de la dictature bourgeoise. Le peuple veut exercer le pouvoir. La liberté ! Que voulez-vous qu'il en fasse ? (L'État et la Révolution)
- Pourquoi faudrait-il tolérer la liberté d'expression et la liberté de la presse ? Pourquoi un gouvernement qui fait ce qu'il juge bon devrait-il tolérer la critique ? Il ne tolèrerait pas une opposition qui utiliserait des armes mortelles, or les idées sont bien plus mortelles que les fusils.
Citations sur Lénine
- Lénine était le plus grand des hommes après Hitler et la différence entre le communisme et la foi d’Hitler est très subtile. (Joseph Goebbels)
- Lénine lui-même et la plupart de ses compagnons conspirateurs n'ont jamais rien appris sur le fonctionnement de l'économie de marché et n'ont jamais voulu le faire. Tout ce qu'ils savaient sur le capitalisme, c'était que Marx l'avait dépeint comme le pire de tous les maux. Ils étaient des révolutionnaires professionnels. Leurs seules sources de revenus étaient les fonds du parti, qui était approvisionné par des contributions volontaires et le plus souvent involontaires (extorquées), ainsi que par des souscriptions et les "expropriations" violentes. (Murray Rothbard, La mentalité anti capitaliste)
- La dernière lettre du malade fut pour rompre avec Staline toute relation. C’était la lutte ouverte à brève échéance. Qu’en serait-il sorti ? Quels épisodes atroces, quelle lutte intestine allaient s’ajouter aux malheurs de la Russie ? Toutes les suppositions sont possibles. Mais Lénine succomba à une nouvelle attaque le 21 janvier 1924. Sa dépouille embaumée devint aussitôt l’objet d’un culte officiel, qui allait permettre de déguiser le reniement de fait de toutes ses théories, reniement auquel la réalité des choses, plus forte que sa volonté fanatique, l’avait peu à peu contraint. (Jacques Bainville, Les dictateurs, 1935)
- Lénine porte une responsabilité personnelle majeure pour avoir cherché par tous les moyens à détruire le mouvement socialiste fidèle à la culture démocratique, au bénéfice d’un communisme totalitaire dans son essence comme dans sa pratique. En attaquant sans cesse ses rivaux et en instaurant une culture de la violence et de la soumission, il favorisa la montée des extrêmes qui endeuilla le XXe siècle et blessa à mort la vieille Europe. La fracture de la social-démocratie allemande, qui était le phare du socialisme international, eut par exemple des conséquences dramatiques : elle porta Hitler sur les fonts baptismaux et déboucha sur la Seconde Guerre mondiale, rendue inéluctable par l’alliance éphémère des deux grands mouvements totalitaires, communiste et nazi. (Stéphane Courtois, Lénine, l'inventeur du totalitarisme)
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