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Totalitarisme
Le totalitarisme désigne un système politique dans lesquel l'État et la société sont considérés comme un tout indissociable.
Le terme de totalitaire commence à être utilisé en 1933 pour qualifier l'Allemagne nazie, et Jacques Maritain parle de "totalitarisme fasciste ou raciste" dans son œuvre Humanisme intégral en 1936. A la même époque, l'essayiste autrichien Franz Borkenau (1900-1957) esquisse une première théorie du totalitarisme dans son livre Modern Sociologists: Pareto (Chapmann & Hall, 1936) en avançant que fascisme, national-socialisme et bolchevisme expriment tous un même schéma : l'ingérence de l'État dans l'économie. Il publie ensuite The Totalitarian Enemy (Londres, Faber and Faber, 1940) où il établit un parallèle (repris ensuite par George Orwell) entre national-socialisme et bolchevisme.
Présentation
Le concept d'État totalitaire a été forgé par le théoricien du fascisme italien, Giovanni Gentile, qui écrivait les textes de Mussolini ayant un contenu théorique. L'État totalitaire doit prendre le contrôle de la société tout entière et de tous ses secteurs, jusqu'à faire disparaître celle-ci, englobée dans l'État, devenu « total ».
Le gouvernement a donc toute légitimité pour décider de tout ce qui concerne les relations sociales, c'est-à-dire en pratique contrôler la vie des individus, ne leur laissant aucune liberté individuelle et surtout aucune liberté d'expression, ni par conséquent de pensée.
Les régimes totalitaires apparaissent pourvu d'un « parti unique » qui contrôle l'État, qui lui-même contrôlerait la société et plus généralement tous les individus. D'un point de vue totalitaire, cette vision est erronée : il n'existe qu'un parti parce qu'il n'existe qu'un tout, un seul pays. Vouloir un autre parti c'est déjà de la trahison ou de la maladie mentale (schizophrénie : se croire plusieurs alors qu'on est un). Le totalitarisme tel qu'il est ainsi décrit par Hannah Arendt n'est pas tant un régime politique qu'une dynamique auto-destructive reposant sur une dissolution des structures sociales et une terreur permanente. Edgar H. Schein montre comment le totalitarisme moderne utilise les techniques de brainwashing [lavage de cerveau]. Ce phénomène a été analysé par Gustave Le Bon, dans La psychologie des foules et par C.G Jung, dans l'analyse de la conception de la psychologie collective. Plus généralement, le film I comme Icare montre aussi le degré d’assujettissement des individus à l'autorité ou au pouvoir, qu'il soit totalitaire ou démocratique, au travers de la célèbre expérience de Stanley Milgram, dans le mécanisme de la dilution des responsabilités, lors de prises de décisions et d'exécutions et dans les processus, la façon dont les ordres sont appliqués avec à chaque fois une radicalisation de ces ordres de plus en plus brutaux.
L'identité sociale des individus laisse place au sentiment d'appartenance à une masse informe, sans valeur aux yeux du pouvoir, ni même à ses propres yeux. La dévotion au chef et à la nation devient le seul moyen d'exister qui déborde au-delà de la forme individuelle pour un résultat allant du fanatisme psychotique à la neurasthénie.
Les sociétés totalitaires se distinguent par la promesse d'un « paradis », la « fin de l'histoire » ou la « pureté de la race », ou la « pureté de la classe sociale » par exemple, et fédèrent la masse contre un « ennemi objectif ». À un moment donné, ces totalitarismes s'allient, montrant leur opposition commune aux notions de Liberté, de Démocratie parlementaire et de Propriété privée, comme ce fut le cas pour le Pacte germano-soviétique établi le 23 août 1939[1]. Celui-ci est autant extérieur qu'intérieur et sera susceptible de changer. Les sociétés totalitaires créent un mouvement perpétuel et paranoïaque de surveillance, de délation et de retournement. Les polices et les unités spéciales se multiplient et se concurrencent dans la plus grande confusion. Des purges régulières ordonnées par le chef de l'État, seul point fixe, donnent le tempo d'une société qui élimine par million sa propre population, se nourrissant en quelque sorte de sa propre chair. Ce programme est appliqué jusqu'à l'absurde, les trains de déportés vers les camps de l'Allemagne nazie restèrent toujours prioritaires sur les trains de ravitaillement du front alors même que l'armée allemande perdait la guerre.
Le terme est souvent utilisé à tort pour désigner des régimes autoritaires de droite ou de gauche, ce qui est en toute rigueur impropre. Par exemple, on considère généralement que l'URSS déstalinisée ou les dictatures militaires d'Amérique du Sud n'étaient pas totalitaires car bien que généralement impitoyables, en pratique elles ne cherchaient pas à contrôler toutes les facettes de l'activité humaine et n'entretenaient pas cette dynamique de pouvoir autodestructive. Elles pouvaient s'accommoder d'une dissidence intellectuelle tant que leur pouvoir restait solide. Le régime totalitaire se caractérise par des moyens de terreur violents ou sophistiqués, un système de contrôle de la pensée et de flicage des citoyens, une société civile interdite et l'isolement de chaque individu.
Caractéristiques
Le totalitarisme repose essentiellement sur les principes suivants :
- constructivisme : volonté de construire un certain type de société ; « les connaissances et les croyances des hommes doivent servir d'instrument pour la réalisation d'un but unique » (Friedrich Hayek) ;
- collectivisme : le collectif (nation, peuple, prolétariat...) est une entité supérieure à l'individu ; le totalitarisme repose sur « une conception d'ensemble du tout » (Friedrich Hayek) ;
- esprit monopoleur (protection contre l'étranger, l'ennemi interne ou externe désigné, etc.) ;
- une idéologie, soit sociale, soit politique, soit religieuse, soit pseudo-mystique (dans le cas du communisme, c'est la conception de la lutte des classes, dans le cas du nazisme, c'est la conception de la supériorité d'une race) ;
- utilisation de motvirus, afin de conditionner les esprits et de les sidérer ;
- usage de la terreur et de la violence pour museler toute opposition politique ou sociale (ainsi la Tcheka léniniste est le premier appareil de répression qui concentre à la fois les fonctions d'enquête, arrestation, instruction, jugement et exécution).
Lorsqu'une société admet l'un ou les deux ou les trois ou les quatre ou la totalité de ces principes, alors elle devient pré-totalitaire ou totalitaire à part entière, irrévocablement. En revanche, lorsqu'une société ne souhaite plus ces principes, elle peut devenir libérale.
Une des caractéristiques du totalitarisme est aussi une volonté politique de "régner en maître à l'intérieur des consciences" (comme l'écrivait Jean-François Revel), ce qui se traduit par un éventail de procédés qui vont du terrorisme intellectuel, jusqu'à l'autocritique obligatoire pour les adeptes de l'idéologie, la méfiance et la surveillance mutuelle et la répression violente de la dissidence.
On peut remarquer que la social-démocratie présente certains symptômes du totalitarisme, par exemple à partir d'un emploi outrancier du motvirus "solidarité" et l'utilisation du terrorisme intellectuel par les milieux dits "progressistes".
« Le libéralisme est une idéologie totalitaire tout comme le communisme »
Ce point de vue à l'emporte-pièce, asséné par certains antilibéraux, est aisément réfutable. Le libéralisme ne répond pas aux caractéristiques du totalitarisme énoncées plus haut :
- constructivisme : le libéralisme n'a pas la volonté de construire un certain type de société : il laisse chaque individu ou groupe d'individus décider de la façon dont il veut vivre dans la société, le seul impératif étant la non-agression et le consentement des personnes (ce refus libéral du constructivisme est fréquemment critiqué par les constructivistes comme "refus d'une vision commune", "atomisme social", etc.) ;
- collectivisme : il n'y a pas d'entité supérieure par sa nature à l'individu (nation, peuple, prolétariat, "générations futures", …) ; toute entité collective ne tire sa légitimité que du consentement des personnes qui la composent ;
- refus de tout monopole (l'exception souvent admise pouvant être le monopole des fonctions régaliennes de l'État) ;
- toute idéologie est tolérée dans le cadre d'une liberté d'expression absolue, ce qui n'est pas admis est la mise en pratique d'une idéologie donnée quand elle procède de la coercition et de la violence pour attaquer les personnes dans leur liberté et leur propriété (c'est en réalité ce que fait constamment la politique).
Une variante de cette affirmation est que ce n'est pas le libéralisme qui serait une idéologie totalitaire, mais l'ultralibéralisme. Or cet "ultralibéralisme" n'est qu'un fantasme antilibéral, à moins de désigner par là le capitalisme de connivence, qui est un produit de l'étatisme et non du libéralisme.
Une critique usuelle consiste également à voir le libéralisme comme une « dictature des marchés », une religion dont les adeptes croiraient au Dieu-marché :
- Les détracteurs du libéralisme prétendent que la sphère économique irait jusqu’à absorber l’intégralité de la société civile. Là encore, l’argument est paradoxal puisque le libéralisme, en tant qu’individualisme, signifie l’exact contraire du totalitarisme, en tant que holisme – lequel valorise la totalité sociale et méprise l’individu. Alors que le totalitarisme se définit comme le primat de la totalité sur l’individu, le libéralisme pose des limites au Pouvoir.[2]
Points de vue libéraux
Pour Hayek, le totalitarisme n'est pas un accident historique qui proviendrait uniquement de mauvais choix politiques. C'est la conséquence logique de l’ordre institutionnel imposé par la planification socialiste.
Pour Philippe Nemo, la Première République française (proclamée par la Convention nationale en 1792) est le premier régime totalitaire connu[3].
Les libéraux soulignent souvent que la démocratie elle-même, minée par la démagogie et l'extension indéfinie des pouvoirs et de l'interventionnisme de l'État, devient une démocratie totalitaire :
- Qu'il se pare des vertus démocratiques ou qu'il apparaisse dans sa force brute, l’État poursuit inexorablement sa croissance, il devient nécessairement, logiquement, totalitaire. Il est bien, en ce sens, le Léviathan qui dévore les êtres ; et il y arrive même avec leur assentiment. (Pascal Salin, préface à L’État, la logique du pouvoir politique d'Anthony de Jasay)
Totalitarisme et maladie mentale
Dans Le fou et le prolétaire (1979), le sociologue Emmanuel Todd avance la thèse selon laquelle la tentation totalitaire serait l'expression d'une maladie mentale frappant une partie de la société. L'adhésion au totalitarisme présente une parenté psychique très proche de la psychose, et notamment de la schizophrénie. Cette folie se reflète au plus haut niveau : "Les États deviennent fous parce que les hommes qui les constituent, les dominent ou les construisent, sont largement psychotiques."
Cette thèse pourrait être confirmée par le traitement des dissidents dans les régimes totalitaires, que l'on interne précisément pour maladie mentale, tant il est vrai qu'on projette aisément sur autrui ses propres turpitudes. Échapper à la folie collective devient le seul moyen d'être dans le vrai :
- Il y avait la vérité, il y avait le mensonge, et si l'on s'accrochait à la vérité, même contre le monde entier, on n'était pas fou. (George Orwell, 1984)
Certains historiens, comme Jacob Talmon, soulignent les tendances paranoïaques de Rousseau, « théoricien de la démocratie totalitaire », ainsi que de Robespierre, Saint-Just ou Babeuf.
Citations
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Pacte Germano-soviétique
- ↑ Idée reçue : le libéralisme, un nouveau totalitarisme
- ↑ Entretien du 6/4/2007 sur Lumière 101, webradio
Bibliographie
- 1968, Herbert J. Spiro,"Totalitarianism", In: D. L. Sills, dir., "International encyclopedia of the social sciences", Vol 16, London: Macmillan and the Free Press, pp106-113
- 2002, P. P. Portinaro, "Il totalitarismo rivisitato", Teoria politica, Vol XVIII, n°1, pp107-122
- 2012, Jean-Philippe Feldman, "Totalitarisme", In: Mathieu Laine, dir., Dictionnaire du libéralisme, Paris: Larousse, pp597-599
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