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Terrorisme intellectuel
Le terrorisme intellectuel est la pratique qui, au moyen d'arguments et de procédés intellectuels (conformes en général à la liberté d'expression), vise à intimider pour empêcher la formulation d'idées gênantes. On parle de "terrorisme" parce que le but caché est de faire taire l'adversaire en le discréditant ou en usant d'arguments émotionnels pour éviter un débat rationnel.
C'est une censure idéologique qui vise à empêcher de parler de tout ce qui n'entre pas dans les grilles de l’idéologie, et qui sera dénoncé par le politiquement correct comme étant un dérapage. C'est un moyen de favoriser ses propres idées et donc soi-même en tant qu'incarnation de ces idées (intellectuel défendant son statut, parti visant la conquête du pouvoir). La politique est un des domaines privilégiés du terrorisme intellectuel, mais la culture, l'enseignement, l'art, l'écologie, les "sciences sociales", etc. n'en sont pas exempts.
Procédés de terrorisme intellectuel
Parmi les procédés habituels qui sont au cœur du terrorisme intellectuel :
- l'emploi de la censure ou du mensonge
- l'emploi de sophismes (permet de remporter un débat avec une argumentation malhonnête)
- le catalogage, les "procès d'intention" (vous avez une intention cachée qui est « mauvaise »)
- l'insinuation, la généralisation abusive ("si vous êtes pour une liberté d'expression complète, vous êtes raciste")
- le relativisme (votre opinion vaut bien l'opinion contraire)
- le polylogisme (l'opinion ne compte pas, c'est la situation sociale de celui qui parle qui compte, ou son sexe, son ethnie, son âge, etc.)
- la diabolisation (l'opinion d'une personne doit être ignorée, car cette personne est « mauvaise »)
- l'emploi de motvirus analogues à des insultes, sans être nommément des insultes ("ultra-libéralisme", "néolibéralisme", "populisme", complotisme, etc.)
- les obstacles moraux au consentement
- la dénonciation d'un "complot libéral", etc.
Jean-François Revel définissait ainsi la "censure idéologique" :
« Il existe toutes sortes de censures : la censure d’État, officielle et préalable, ou officieuse et dissuasive ; la censure sociale, qui exclut les non-conformistes des carrières, des places, de la “réussite” ; l’autocensure, qui permet de faire des économies de temps et de personnel. Mais on a rarement prêté attention à une forme non officielle de censure, d’autant plus redoutable qu’elle est sincère, se croît honnête et n’a pas conscience d’être censure : c’est la censure idéologique. (...) Elle consiste, non pas à empêcher la diffusion des œuvres et des idées, puisqu’elle n’en a pas le pouvoir légal, mais à dissuader le public d’en prendre connaissance. Le lecteur, l’électeur ne sont pas invités à juger par eux-mêmes des arguments d’un auteur, mais à s’en détourner comme on se détourne du péché. Censure prophylactique, consistant à déconsidérer les auteurs dangereux pour la Foi, au lieu de les discuter; à les mettre à l’Index au lieu de les réfuter; à fanatiser le lecteur au lieu de l’éclairer. »
— Jean-François Revel, La Nouvelle Censure
Le terrorisme intellectuel en France
En France, il existe plusieurs procédés de terrorisme intellectuel utilisables facilement pour éviter tout débat :
- le classique « point Godwin » qui consiste à mettre son adversaire sur le même plan que les Nazis (argument ad hominem utilisé quand l'adversaire est à bout de ressources) ;
- spécifiquement français, le "point Poujade" (du nom de Pierre Poujade, défenseur des commerçants et artisans, activiste anti-impôts des années 1950) permet de clore tout débat sur la fiscalité ou le rôle de l'État : "tu n'es qu'un égoïste ordinaire, tu veux seulement payer moins d'impôts" ; toute contestation de la pression fiscale est disqualifiée comme preuve d'un "poujadisme" de bas étage, d'individualisme négateur de l'intérêt général (qui, pour ses partisans, se mesure exclusivement par la masse d'impôts collectés) ;
- le "point fasciste" est souvent une conséquence logique du "point Poujade" : "tu es contre la solidarité et pour le darwinisme social". George Orwell observait (déjà à l'époque du fascisme) que « le mot fascisme n’a plus aucun sens, si ce n’est dans la mesure où il recouvre quelque chose d’indésirable » ; en revanche, l'opinion reste aveugle sur les formes démocratiques de fascisme contemporain ;
- l'usure historique de l'accusation de "fascisme" est parfois palliée par l'emploi du terme moins infâmant de "populisme", qui permet de mettre pêle-mêle des accusations de "simplisme", d'esprit fermé, de démagogie, d'idéologie réactionnaire, etc. ;
- le terme de complotiste s'adresse commodément à tous ceux qui contestent les affirmations officielles comme mensongères et trompeuses ;
- liée à l'écofascisme et aux théories du réchauffement climatique, on rencontre parfois l'accusation de négationnisme écologique ou climatique ;
- le "point c-u-l" ("c'est ultralibéral") : quand les procédés précédents apparaissent trop datés et trop usés, l'accusation inusable d'"ultra-libéralisme" permet de qualifier l'adversaire d'extrémiste, comme si la liberté (confondue avec l'anomie) relevait d'une idéologie arbitraire, tolérable tant qu'elle ne serait pas "extrémiste".
Citations
- « Le terrorisme intellectuel, ce sont les moyens que mettent en œuvre ceux qui savent très bien qu'ils ont tort pour empêcher que les objections les atteignent. Ils n'ont pas d'autres méthodes. » (Jean-François Revel)
- « Qu'appelle-t-on terrorisme intellectuel ? Le fait de vouloir déconsidérer une personne qui exprime des opinions au lieu de les réfuter par des arguments. » (Jean-François Revel)
- « C'est un système totalitaire. Mais d'un totalitarisme patelin, hypocrite, insidieux. Il vise à ôter la parole au contradicteur, devenu une bête à abattre. À abattre sans que coule le sang : uniquement en laissant fuser des mots. Les mots de la bonne conscience. Les mots des grandes consciences. Les mots qui tuent. » (Jean Sévillia, Le terrorisme intellectuel : De 1945 à nos jours, éd. Perrin, 2004)
Voir aussi
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