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Populisme

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Le populisme est une attitude ou rhétorique critique et idéologique opposant les intérêts et politiques d'une élite minoritaire aux désirs et intérêts d'un peuple majoritaire. Le populisme est aussi désigné comme l’exaltation du sentiment de fierté d’appartenir à un groupe qualifié « populaire » qui serait méprisé par ses dirigeants. Le populisme est un terme qui peut avoir plusieurs sens, un style rhétorique et démagogique, un certain autoritarisme décomplexé, un activisme protestataire ou encore une affirmation identitaire.

Le terme de "populiste" est d'abord une expression péjorative prenant la forme d'une injure, un motvirus utilisé autant dans le journalisme que dans le milieu politique. Elle prend la forme d'une accusation contre ceux qui profitent de toute situation de crise pour promouvoir des idées de complot afin d'installer le malaise général et le mécontentement des masses populaires. Selon cette idée, l'élite trahirait les intérêts de la plus grande partie de la population ; les populistes proposent donc de retirer l'appareil d'État des mains de cette élite égoïste, corrompue, voire criminelle, pour le « mettre au service du peuple ». Afin de remédier à cette situation, le leader populiste propose des solutions simplistes, mais ignore complètement les réalités de la société, notamment le fait qu'elles doivent tenir compte des avis parfois contradictoires de la société civile, comme de la complexité des situations décrites. Ces solutions sont présentées comme applicables tout de suite et émanent d'une opinion publique présentée comme monolithique.

Bénéficiant d'un certain charisme médiatique, les populistes critiquent généralement les milieux d'argent ou une minorité quelconque (ethnique, politique, administrative, etc.), censée avoir accaparé le pouvoir ; ils leur opposent une majorité postulée, qu'ils courtisent. S'ils accèdent au pouvoir, il peut leur arriver de supprimer les formes traditionnelles de la démocratie, au profit d'institutions autoritaires, présentées comme servant plus authentiquement "le peuple".

Les politiques s'intéressent au peuple. Ce n'est pas forcément une qualité : les puces s'intéressent bien aux chiens.

Histoire

D'un point de vue historique, nous retrouvons le phénomène populiste dans la seconde moitié du XIXe siècle, en Russie et aux États-Unis. En plein essor économique, les États-Unis sont divisés entre les sociétés agraires, particulièrement dans le sud, et la société industrialisée représentée par le nord. De l'âge doré américain (Gilded Age) surgit un mouvement de protestation exprimée par des exploitants agricoles contre les alliés des monopoles, les ploutocrates. Subissant les fardeaux de la fiscalité, les agriculteurs sont confrontés à des tarifs prohibitifs qu'un accès privilégié au domaine public avait permis aux compagnies de chemin de fer de leur imposer. D'autres mouvements, notamment ouvriers, se sont organisés contre des taux d'intérêt qu'ils jugeaient abusifs, sans forcément dénoncer les privilèges de monopole qui permettent de gonfler les marges bancaires. L'égoïsme à courte vue, assorti d'une confusion idéologique, aura empêché ces deux types d'intérêts organisés de s'unir contre la distribution par l'État de privilèges sur le dos des populations. Nous sommes ici loin de l'image idyllique du « rêve américain » imaginée par l'historien James Truslow Adam.

A la même époque, la Russie connaissait un mouvement politique radical qui s'opposait au tsarisme et qui visait à instaurer un système d'économie socialiste agraire, le mouvement des Narodniki (du terme russe narod signifiant peuple, narodnichestvo est la traduction de populisme au sens du XIXe siècle). Les militants narodniks considéraient la paysannerie russe comme la force principale de la révolution à venir. Rapidement interdit par la police, le mouvement devint ensuite une société secrète, recourant fréquemment à la violence et à l'assassinat pour faire entendre ses idées.

En France, le boulangisme, mouvement né vers la fin du XIXe siècle, est incarné par la figure du général Georges Boulanger qui fut ministre de la Guerre du gouvernement Freycinet. Dans un contexte social de crise et mécontentement, ce mouvement protestataire anti-élitiste oppose ceux d'en haut, le parlementarisme oligarchique corrompu, à ceux d'en bas, les couches populaires. Rassemblant les « les vaincus d'hier et les déçus de toujours », ceux qui se sentent abusés, ruraux, ouvriers, mineurs, cheminots et grévistes, le boulangisme est entretenu par l'esprit de revanche, le sentiment nationaliste et le désir de transformation sociale.

Le populisme latino-américain, notamment dans le cas brésilien qui va de la période entre 1930 et 1945, avec la figure du très populaire « père des pauvres », Getúlio Vargas. Viens ensuite la période de la république populiste entre 1945 et 1964 où se sont succédés une dizaine de présidents.

Par la suite, dans la foulée des nationalismes, le thème de l'émancipation du peuple a inspiré de nombreux partis politiques dits populistes, qui pouvaient dénoncer d'autres ennemis du peuple.

Le boulangisme, le péronisme, ainsi que le poujadisme sont des mouvements populistes. Pour la philosophe et romancière Chantal Delsol, le populisme est l'opposé de l’émancipation et universalité des Lumières et s'enracine dans le particulier, c'est un terme que l’on trouve déjà dans l'ancienne Grèce pour opposer un petit nombre d'universalistes à un grand nombre de particularistes (l'idiotès grec), l'idiot est un esprit imbu de sa particularité[1]. Dans son acception contemporaine, elle affirme qu' « est populiste le peuple qui n’est pas de gauche ».

Populisme contemporain

Le « populisme » est devenu un mot « populaire » parmi les journalistes, les politiques, les intellectuels, il s'est banalisé, devenu à la fois instrument d'opinion et arme de nuisance politique. On use souvent aujourd'hui de la qualification de populisme comme un synonyme de démagogie ou discours démagogique, surtout vis-à-vis de mouvements d'opposition. Ce qualificatif est tronqué, dans le sens où le démagogue utilise un discours cherchant à séduire par la ruse et la flatterie afin de gagner en popularité, alors que le populiste lui, bien qu'il puisse recourir à l'art de la démagogie, cherche avant tout à ébranler toute confiance vis-à-vis du pouvoir dirigeant, les élites ou les partis politiques traditionnels.

Une des explications de la montée du populisme est liée aux déceptions des promesses de la démocratie représentative et le sentiment d'abandon des classes moyennes et des couches populaires par les pouvoirs politiques. Devenu objet d'échange social, le « peuple » est convoité à la fois en tant qu'électorat et consommateur de services fournis par l'État. Le clientélisme politique est donc source de corruption et conflit d'intérêts. La vague populiste naît dans un climat d'interventionnisme politique aggravé où l'appel aux émotions identitaires et un rejet de la classe politique au pouvoir sont accentués. Dans l'opinion publique le pouvoir élitiste est perçu comme corrompu et coupé de la réalité.

Selon Francis Fukuyama, les leaders populistes en 2018 sont Donald Trump (États-Unis), qualifié de « pluto-populist » par Martin Wolf du Financial Times, Vladimir Poutine (Russie), Recep Tayyip Erdogan (Turquie), Viktor Orbán (Hongrie), Jaroslaw Kaczynski (Pologne) et Rodrigo Dutertre (Philippines). Selon Fukuyama, « ils revendiquent une connexion directe et charismatique avec "le peuple", souvent défini en termes étroitement ethniques qui excluent de larges parties de la population ».

Dans une atmosphère conspirationniste le populisme peut être perçu comme un endoctrinement des masses populaires dans une logique d'oppositions adverses : un groupe, par sa situation, condition, croyance ou affection est considéré comme une victime d'un autre groupe.

Crise de représentation démocratique et politique identitaire

Le populisme appartient désormais au vocabulaire de la démophilie, son emploi et son succès se retrouvent dans la presse et dans les commentaires politiques expliquant les résultats électoraux. Ainsi, les réussites électorales des partis « extrêmes » face aux partis traditionnels s'expliqueraient en grande partie par les symptômes manifestes d'une crise de la démocratie représentative.

Dans le discours actuel l’abstention électorale pourrait s'expliquer par une crise de représentativité s'exprimant par un malaise, un dégoût, voire une colère exprimée contre le système politique représentatif : les citoyens seraient mal représentés ou pas du tout, ni compris ni entendus. Dans ce sens la représentation serait une apparence trompeuse n'exprimant pas l'authentique volonté du peuple. Manifestement l'expression de la volonté de tout le peuple est l'idéal de toute démocratie. La représentation démocratique est cette idée que les élus se substituent aux représentés, supposés connaître les affaires publics en toute connaissance de cause.

Sans mesurer réellement les limites de la démocratie et de l'action politique, l'adjonction de l'idée de volonté populaire avec celle de l'application concrète de l'interventionnisme politique de l'État dans le fonctionnement d'un ordre social a créé un certain scepticisme envers les questions d'efficacité. Efficacité politique, économique, sociale, les échéances électorales sont vécues comme l'épreuve des réalisations concrètes. Une certaine idée démocratique renvoie à l'idée que le rôle de l'État est de garantir la réussite, non pas seulement de certains, d'une élite, d'un certain nombre de groupes d'intérêts subventionnés, mais de tous pris ensemble. Le peuple est pris pour une entité homogène comme un organisme unique, le commun est uni par l'idée d'identité.

Hier, la mouvance altermondialiste nous alarmait de l'impérialisme américain et son invasion culturelle et économique. Aujourd'hui, la peur de la mondialisation et son pouvoir de domination, pour aboutir à la peur du fondamentalisme islamique et son association à l'immigration et au multiculturalisme. Peur de perdre sa culture, son identité, quelle que soit la conjugaison du temps. Dans ce climat, la préoccupation sécuritaire et le protectionnisme économique prennent le pas sur toute autre considération d'actualité.

« Que voulons-nous dire quand nous parlons de civilisation ? Une civilisation est une entité culturelle ». - Samuel P. Huntington

Élitisme et démocratie

Une élite est qualifiée en tant que groupe social occupant une position dominante ou exerçant une domination éclairée. L'élite est tout groupe qui occupe les hautes positions produites par la société. Le processus de formation d'une élite au sein d'une organisation se fait par l'identification d'une hiérarchie (les gouvernants et les gouvernés) et une différenciation entre une élite du pouvoir et la société de masse. La démocratie suppose dans son idéal la participation authentique des citoyens à la souveraineté, par l’intermédiaire du suffrage universel. Au sein de l'élitisme démocratique s'est forgée l'idée d’ascension sociale, idée égalitariste qui consiste à donner à tous la possibilité d'accès aux hautes positions, que chacun dispose des mêmes chances d’appartenir à une élite. La promotion selon le mérite et la compétence participe activement de la vision élitiste démocratique.

L'élite bénéficie d'un certain prestige et une certaine excellence, par ses qualités et valeurs elle est sélectionnée et considérée comme le groupe des individus le plus aptes à gouverner. La vision élitiste de la société consiste dans la sélection des « meilleurs » dans l'exercice du pouvoir au sein d'une organisation, étatique, économique ou culturelle.

Voir aussi

Notes et références

  1. Chantal Delsol, "Populisme, les demeurés de l’histoire", Rocher, 2015.

Bibliographie

  • 2015, Chantal Delsol, "Populisme, les demeurés de l’histoire", Rocher
  • 2017, Cas Mudde, Cristébal Rovira Kaltwasser, "Populism, A Very Short Introduction", New York: Oxford University Press
  • 2018 : Identity: Contemporary Identity Politics and the Struggle for Recognition, Francis Fukuyama, Profile Books Ltd
  • 2020 : Le siècle du populisme, Pierre Rosanvallon, Seuil

Liens externes

Citations

  • La réalité du système actuel est qu'il est constitué d'une alliance malsaine entre la grande entreprise démocrate-sociale et des élites des médias qui, par le truchement d'un Etat obèse, privilégient et exaltent une sous-classe parasitaire, laquelle pille et opprime l'ensemble des classes moyennes et travailleuses de l'Amérique. Par conséquent, la bonne stratégie pour les libéraux et les paléoconservateurs est une stratégie de "populisme de droite," c'est-à-dire : exposer et dénoncer cette alliance maudite et inviter à descendre de notre dos cette alliance médiatique entre la social-démocratie et la classe exploiteuse des classes moyennes et travailleuses. (Murray Rothbard, Le populisme de droite, 1992)
  • Ce sont les communistes d'après-guerre qui, les premiers, eurent l'idée d'employer, jusqu'à plus soif, ce qualificatif de façon péjorative pour déconsidérer tout discours non stalinien s'adressant au peuple (trotskiste et titiste compris) et les amalgamer avec le nationalisme réactionnaire et le fascisme. (Jean-François Kahn, l'Hebdo, 04/04/2013)
  • J’apprends que le gouvernement estime que le peuple a trahi la confiance du régime et devra travailler dur pour regagner celle des autorités. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? (Bertolt Brecht, La Solution)
  • Si le populisme est à l’ordre du jour, c’est parce que la démocratie ne tient pas ses promesses. La classe politique s’est coupée de la société. Elle a pris le visage d’une partitocratie ou d’une oligarchie gouvernante, et les citoyens ont le sentiment de ne plus être écoutés, et encore moins représentés, d’être délaissés en matière économique et sociale. L’actualité du populisme, c’est l’actualité d’une fatigue démocratique, c’est l’ombre noire des dysfonctionnements démocratiques. (Pierre Rosanvallon, L'Obs, 01/12/2016)
  • Toute stratégie libertarienne réaliste de changement doit être une stratégie populiste. (Hans-Hermann Hoppe, 2017)
  • Le secret du populisme, c'est de faire croire au peuple qu'il existe en tant que tel. (Gaspard Koenig, Time to Philo, 2017)
  • Le populisme est une idéologie de synthèse qui permet à la droite de trouver le chemin des classes populaires en adoptant un style de gauche ; la radicalité est une mythologie qui rapproche les extrêmes dans un rejet commun de la réforme et du compromis et facilite, le cas échéant, la circulation de l'un à l'autre. Dans certaines conditions de température et de pression politiques la radicalité de gauche ou la radicalité populiste peuvent accéder au pouvoir. Elles en font alors – dans cet "alors" se niche l'Histoire – un usage qui satisfera, en proportions variées, le goût de l'absolu qui anime les radicaux et la servitude volontaire qui anime les populistes. On appelle ça une catastrophe. (Pascal Ory, Peuple souverain, 2017)
  • Les partis de gauche ont répandu l'idée que les problèmes politiques étaient tranchés par la force numérique des factions, alors qu'en pratique ils se sont comportés comme s'ils avaient saisi l'importance stratégique des intellectuels. Que ce soit par préméditation ou par la force des circonstances, ils ont toujours consacré leurs efforts à obtenir le soutien de cette élite, alors que les partis plus conservateurs ont régulièrement, mais sans grand succès, agi selon une conception naïve de la démocratie de masse, en essayant vainement de toucher et de convaincre l'électeur de base. (Friedrich Hayek, 1967)
  • Être populiste, c’est vouloir rendre au peuple le pouvoir décisionnel et le contrôle de sa vie confisqués par les élites mondialisées. C’est la seule façon pour un peuple d’être réellement libre. (Steve Bannon, Valeurs Actuelles, 15/03/2018)
  • Les partis populistes mainstream sont libéraux – au moins au sens minimal qu’ils soutiennent le règne de la loi, les droits individuels (y compris les droits des minorités), la division et la dispersion du pouvoir. Dans les termes qui sont ceux du Royaume-Uni, tant Nigel Farage, de l’Ukip, que Nick Clegg, des libéraux-démocrates, sont des libéraux. (David Goodhart, Figaro Magazine, 09/11/2018)
  • Si l’avenir est porté par les jeunes, les plus instruits et les citadins – et on se demande par qui d’autre il pourrait l’être – alors l’avenir n’est pas au populisme. (Christian Michel)
  • Les dirigeants populistes arrivent au pouvoir en promettant de voler les riches. Puis ils deviennent riches et les ennuis commencent. (Bill Bonner, janvier 2019)
  • Le populisme est politiquement une droite radicale, mais son génie propre est de l’être dans un style de gauche radicale, qui permet de ratisser large. Voilà pourquoi « populisme de gauche » est une contradiction dans les termes. (...) j’y vois surtout l’indice d’un échec intellectuel – l’impossibilité de continuer à raisonner sur les bases marxistes – et d’un échec politique – celui de la plus longue expérience de gauche radicale de l’histoire moderne (l’URSS) et de son effondrement, suivi par ceux du maoïsme et du castrisme. On jette le prolétariat avec l’eau du bain, on substitue à la lutte des classes les clivages bas/haut et peuple/élite. Lénine doit se retourner dans son mausolée. (Pascal Ory, L'Obs, 07/02/2019)
  • Etre populiste, c’est être à la fois opposé aux élites et favorable au principe de subsidiarité : la décision doit se prendre à l’échelle la plus basse possible. (Steve Bannon, Le Figaro Magazine, 12/04/2019)


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