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Scepticisme
Le scepticisme (du grec skeptikos, « qui examine ») est une forme de pensée ou doctrine philosophique qui adopte une position d'incertitude et doute concernant la capacité de nos connaissances et l'existence de vérités que nous tenons pour certaines. Dans l'optique sceptique, notre prétention à l’égard de la connaissance et de la raison pour atteindre la vérité n'a aucune légitimité et il n'existe aucune réponse définitive validant cette prétention.
Scepticisme antique
- « Les philosophes sceptiques passaient leur temps à détruire les dogmes des autres sectes et n’en établissaient aucun pour leur part. En énonçant ou en expliquant les doctrines des autres philosophes, ils ne définissaient rien eux-mêmes, pas même ceci qu’ils s’abstenaient de définir ». Diogène Laërce (Pyrrhon, Isolés et Sceptiques)
Pyrrhon d'Élis (360-270 avant notre ère) est reconnu comme la figure fondatrice du scepticisme. Bien que peu de choses soient connues sur sa vie, sa postérité et renommée, connue sous le nom de pyrrhonisme, a exercé une forte influence sur ce que nous qualifions aujourd'hui de scepticisme philosophique. Sa notoriété s'est notamment affirmée via son élève Timon de Phlionte, principal héritier de sa pensée. Le pyrrhonisme n'est pas une véritable école, il exprime au mieux une manière de vivre (éthos) de façon indépendante, à l'image du principe de suspension du jugement (épochè) ou du détachement imperturbable (ataraxie).
Les sceptiques antiques étaient connus pour être des adversaires déclarés des « doctrines vides » des sophistes (savants). En effet, les sceptiques considéraient les discussions des sophistes comme vaines. L'attitude du sceptique antique était plutôt basée sur la recherche de la sérénité de l'âme, la libération des opinions et préjugés, renonciation aux disputes interminables. Ils considèrent que nos opinions ne sont ni vraies ni fausses, qu'il vaut mieux rester sans opinion. Pour un sceptique il existe une certaine impermanence des choses qui nous empêche des les saisir, d'où un certain rapprochement entre le scepticisme antique et les sagesses orientales.
Selon les écrits de Diogène Laërce[1]Pyrrhon fut ami et disciple d'Anaxarque d'Abdère. Pyrrhon suivit Anaxarque dans l'expédition d'Alexandre le Grand en Asie, pendant ce voyage il aurait connut les gymnosophistes (philosophes nus), des sages et mages indiens.
Formes de scepticisme
Parfois qualifiée de philosophie du soupçon, ou de mauvaise foi, la pensée sceptique se présente comme un problème philosophique difficile à qualifier, même si elle peut être identifiée comme une démarche critique.
Le doute sceptique est une pratique qui remonte à l'Antiquité, alors associé au pyrrhonisme, persistant au cours de l'histoire, sa méthodologie a été adoptée par des multiples auteurs.
Le scepticisme peut aussi être identifié dans différents domaines :
- En métaphysique, il s'oppose aux doctrines dogmatiques qui posent des principes absolus, tant matérialistes que spiritualistes. L'attitude dogmatique consiste à ne rien remettre en question, à écarter toute forme de doute, ce qui est à l'opposé de l'attitude sceptique. Le premier représentant du scepticisme est Pyrrhon d'Élis, 360–275 av. J.-C., un philosophe influencé par la pensée orientale qu'il rencontra en accompagnant les expéditions d'Alexandre le Grand.
- En religion, le scepticisme conteste les fondements de la croyance religieuse. Pour le sceptique, il n'existe aucune certitude prouvant l'existence de Dieu, aucune connaissance humaine ne démontre l'existence d'entités surnaturelles dotées de capacités extraordinaires se manifestant dans la nature. Il n'existe aucun plan ou projet divin, toute croyance religieuse est fondée sur des superstitions.
- Dans les sciences, le Scepticisme scientifique met en doute les procédés scientifiques, les méthodes et recherches ; les découvertes scientifiques sont présentées comme des vérités qu'on accepte sans examen, le sceptique refuse systématiquement le dogmatisme scientifique qui vire au scientisme.
- En éthique, le scepticisme moral, pouvant être retrouvé dans le scepticisme de David Hume, consiste à affirmer que nos jugements moraux ne sont ni vrais ni faux, de ce fait Hume met particulièrement en doute le rationalisme moral. Toutefois Hume conteste le scepticisme radical, celui-ci est pour lui intenable dans ses excès, il repose sur un vice de circularité pouvant mener au dogmatisme au lieu de le combattre.
- En politique, la position sceptique remet en cause la fiabilité du pouvoir politique, il dénonce les sophismes des politiciens, leur arrogance et prétention à une connaissance exacte des réalités. La présomption politicienne est plutôt le reflet de calculs partisans, sur des probabilités incertaines, des surestimations et exagérations. Le planisme ou l'interventionnisme sont présentés par les politiques comme des panacées inébranlables, comme des remèdes contre tous les maux. Le scepticisme doute de l'aptitude du politicien à pouvoir tout résoudre en toute situation et circonstance.
Le scepticisme radical est une position difficile et intenable sur n'importe quel sujet, en revanche le scepticisme modéré admet que l'on puisse aboutir à des certaines certitudes même provisoires, toujours à réexaminer.
Nassim Nicholas Taleb se décrit lui-même comme un « sceptique empirique », inspiré par Sextus Empiricus, Montaigne ou Karl Popper, et souligne que « ce que nous savons compte moins que ce que nous ne savons pas » (théorie des Cygnes Noirs).
Citations
- « Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou. » (Friedrich Nietzsche]
- « L'intolérance, en plaçant la force du côté de la foi, a placé le courage du côté du doute. » (Benjamin Constant)
- « On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter. » (Emmanuel Kant)
- « Qu’on ne se laisse point égarer : les grands esprits sont des sceptiques. Zarathustra est un sceptique. La force et la liberté issues de la vigueur et de la plénitude de l’esprit, se démontrent par le scepticisme. Pour tout ce qui regarde le principe de valeur ou de non-valeur, les hommes de conviction n’entrent pas du tout en ligne de compte. Les convictions sont des prisons. Elles ne voient pas assez loin, elles ne voient pas au-dessous de soi ; mais pour pouvoir parler de valeur et de non-valeur, il faut voir cinq cents convictions au-dessous de soi, — derrière soi... Un esprit qui veut quelque chose de grand, qui veut aussi les moyens pour y parvenir, est nécessairement un sceptique. » (Friedrich Nietzsche, L’Antéchrist, 54)
- « L’existence de convictions chez l’homme est un signe de sous-développement intellectuel. Elles ne font que compenser son incapacité à comprendre rapidement et exactement tel ou tel phénomène dans sa réalité concrète. Ce sont des idées a priori permettant d’agir dans une situation concrète sans en comprendre le caractère concret. L’homme à convictions est rigide, dogmatique, assommant et, comme il se doit, stupide. Le plus souvent, d’ailleurs, les convictions n’ont aucune influence sur la conduite des gens. Elles ne font qu’enjoliver la vanité, justifier les consciences troubles et masquer la sottise. » (Alexandre Zinoviev, Homo Sovieticus)
- « Si la tolérance naît du doute, qu'on enseigne à douter des modèles et des utopies, à récuser les prophètes de salut, les annonciateurs de catastrophes. Appelons de nos vœux la venue des sceptiques s'ils doivent éteindre le fanatisme. » (Raymond Aron, L'Opium des intellectuels)
- « Peut-être cette espèce de scepticisme qui sous-tend le libéralisme est-il l'aboutissement nécessaire du développement de nos civilisations. » (Raymond Aron, Liberté et égalité, 1978)
- « Chaque motif allégué à l'appui d'une opinion, a besoin lui-même d'un motif, et nous pouvons ainsi reculer continuellement jusqu'à l'infini. Ajoutez à cela que nous-mêmes, aussi bien que les objets, nous nous modifions et nous changeons incessamment ; il n'y a rien de stable ni de constant. Et la richesse en diversités est si grande, qu'il devient désespérant de tenter d'établir des lois ou des types généraux. Aucune loi ne saurait épuiser la variété des cas. Plus l'examen est exact, plus on découvre de différences. Et en essayant de ramener les différences trouvées à des points de vue communs, on verra qu'elles sont en contradiction intime entre elles, de telle sorte que la comparaison ne saurait mener à aucun résultat. » (Michel Eyquem de Montaigne)
- « Le libéral est foncièrement un sceptique - et on pourrait dire qu'il lui faut un certain degré d'humilité pour laisser les autres chercher leur bonheur à leur guise, et pour adhérer de façon constante à cette tolérance qui caractérise essentiellement le libéralisme. » (Friedrich Hayek, Pourquoi je ne suis pas un conservateur)
- « Qui voudrait douter de tout n'irait pas même jusqu'au doute. Le jeu du doute lui-même présuppose la certitude. » (Ludwig Wittgenstein, De la certitude, 115)
- « Quiconque n'est pas un sceptique absolu, est un salaud absolu. » (Ladislav Klíma)
- « Une petite somme de connaissances est une chose dangereuse. » (Alexander Pope, Essai sur la critique)
- « Toute croyance rend insolent ; nouvellement acquise, elle avive les mauvais instincts ; ceux qui ne la partagent pas font figure de vaincus et d'incapables, ne méritant que pitié et mépris. Observez les néophytes en politique et surtout en religion, tous ceux qui ont réussi à intéresser Dieu à leurs combines, les convertis, les nouveaux riches de l'Absolu. Confrontez leur impertinence avec la modestie et les bonnes manières de ceux qui sont en train de perdre leur foi et leurs convictions... » (Cioran)
- « S'inféoder, s'assujettir, telle est la grande affaire de tous. C'est précisément ce que le sceptique refuse. » (Cioran, La chute dans le temps)
- « Mourir pour des idées, c'est bien beau, mais lesquelles ? Et comme toutes sont entre elles ressemblantes, quand il les voit venir, avec leur gros drapeau, le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau. » (Georges Brassens)
- « C’est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique. Celui qui ne sait rien croit enseigner aux autres ce qu’il vient d’apprendre lui-même ; celui qui sait beaucoup pense à peine que ce qu’il dit puisse être ignoré, et parle plus indifféremment. » (La Bruyère)
- « La science ne consiste pas à construire un ensemble de « faits » connus. C'est une méthode pour poser des questions délicates et pour les confronter à la réalité, en évitant de cette façon la tendance humaine à croire tout ce qui nous arrange. » (Terry Pratchett)
- « Le scepticisme est le désespoir du diable. » (Cioran)
- « Chacun sa drogue ; la mienne, c'est le scepticisme. J'en suis intoxiqué. Mais ce poison me fait vivre, et, sans lui, il me faudrait quelque chose de plus fort et de plus pernicieux. » (Cioran, Cahiers)
- « Le scepticisme commence quand, assis dans une église entre un flic et une bonne sœur, vous constatez que votre portefeuille a disparu. » (Colin Bowles)(humour)
Bibliographie
- Richard Popkin, Histoire du scepticisme. De la fin du Moyen Âge à l'aube du XIXe siècle, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Benoît Gaultier, préface de Frédéric Brahami, Agone, « Banc d’essais », 884 p
Notes et références
- ↑ Diogène Laërce, Les Vies des plus illustres philosophes de l’Antiquité
Voir aussi
Liens externes
- (fr)Le scepticisme de Sextus Empiricus, par Maël Goarzin
- (fr)Questions sur le scepticisme pyrrhonien, revue Philosophie antique
- (en)The Skeptical Libertarian, blog en anglais cherchant à démystifier les théories et allégations de la pseudoscience et du complot promues chez les libertariens
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