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Multiculturalisme

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L'idée du multiculturalisme pris dans un sens unilatéral et quasi dogmatique par la pensée bienveillante de gauche est qu'aucune culture n'est meilleure qu'une autre. Pour les tenants doctrinaires de cette vision, il est donc juste que nous prêtions attention à toutes les cultures avec un traitement égalitaire. Ce faisant, la culture de l'étranger ou de l'immigrant devrait avoir la même faveur que la culture du résident national. Or, ce précepte est mal fondé car toutes les cultures ne se valent pas. Une société de liberté peut être multiculturelle et pratiquement toujours l'histoire de l'humanité le démontre. Mais le débat essentiel n'est pas de savoir si une société libre doit être multiculturelle ou pas mais quelles sont les valeurs, hors ou dans un pays, qui sont miscibles avec les valeurs de liberté.

Le faux précepte que toutes les cultures se valent

En conséquence, il y a beaucoup d'agitation intellectuelle débattant du refus d'établir une hiérarchie dans les Grands Livres. Donc les écrits principalement européens, fondateurs principaux de notre liberté, auraient la même valeur d'attachement et d'enracinement identitaire que tout autre écrit en dehors de notre culture. Il est certes sage et profond d'exiger des étudiants qu'ils rencontrent toutes les cultures sous formes écrites ou par d'autres moyens, mais cela ne peut pas se faire sans prendre en compte la contrainte temps de l'étude et des priorités qu'exige la formation d'un individu à la tête bien pleine et bien faite. Comment étudier toutes les cultures puisque celles-ci sont presque aussi nombreuses que ceux qui constituent l'humanité au fil de l'Histoire ?

Face au multiculturalisme fort, présenté par les soutiens au financement public de la diversité, Chandran Kukathas présente un multiculturalisme faible où la société ouvre ses portes à quiconque désire y entrer. L'assimilation n'y est pas obligatoire mais elle est déterminée par le désir et la capacité de chaque individu de le faire. L'inconvénient de cette approche est qu'elle nie les contraintes politiques et néglige les gâchis économiques d'une telle politique publique en omettant d'y inclure la dimension hiérarchique des valeurs culturelles compatibles avec la liberté.

D'un côté, peut-on affirmer que toutes les cultures dans le monde sont pacifiques et tolérantes ? Dans certaines parties du monde, les individus ne se soucient pas d'équité et de tolérance culturelle, mais s'agitent réactivement et presque hystériquement pour neutraliser, éliminer quiconque défie les coutumes locales. D'un autre côté, est-il possible de définir précisément ce qu'est une culture unifiée ? Les valeurs que ces cultures incarnent ont-elles le même niveau d'exigence éthique ? Le philosophe Tibor Machan (1996), s'interrogeait sur ce point. Au nom d'un multiculturalisme aux valeurs égales, devrions-nous inclure la culture mafieuse de la Cosa Nostra ou celle d'un système politique menant au chaos comme celui des nazis ? Évidemment non.

Une société de liberté est historiquement vouée à la diversité culturelle

Ce défaut de la recherche d'identité, les philosophes parleraient d'ontologie, provient d'un lent et profond glissement sémantique du mot culture. Maintenant, le multiculturalisme semble assez innocent, principalement parce qu'il est teinté de valeurs touristiques et nous avons tendance à penser aux différences culturelles principalement en termes de nourriture, de vêtements, de musique, de danse ou de coutumes. Sorti de son cadre socio-politique et de ses conséquences de dysharmonie sociale, ce genre de multiculturalisme a toujours fait partie des cultures occidentales de liberté comme la société américaine ou les grandes nations européennes.

D'ailleurs, un homme de la rue pourrait très bien faire lui-même l'enquête du degré de liberté qui excelle dans un pays en observant la diversité des architectures et des couleurs des maisons individuelles, des vêtements, des coiffures, des mœurs et des coutumes qu'il rencontre au hasard dans la rue. Il est manifeste que la diversité est plus grande dans une société où se développe la liberté que dans les régimes autoritaires. Dans un pays où chacun jouit de la liberté et de l'indépendance, les personnes de presque toutes les nations du monde accourent, comme pour trouver un asile face à l'oppression mono-culturelle de leur pays d'origine.

Les diversités culturelles ne sont pas toutes miscibles. Certaines pratiques doivent être répudiées

La diversité culturelle est omniprésente dans toutes les sociétés libres. Mais certaines différences qui existent principalement dans les rites religieux, les régimes policiers et politiques, les formes de décisions de justice (jurisprudence) ou les types de mariages, etc., sont incompatibles avec les valeurs d'une société de liberté. Il est alors sain et du devoir de chaque citoyen de critiquer à haute voix le multiculturalisme contraire à la décence et au respect de l'être humain.

Dans certains pays, les délits de faible importance, comme le larcin ou le rapprochement entre deux amoureux, sont punis si sévèrement que la punition infligée est tout simplement intolérable pour toute société qui reconnaît les droits individuels et qui valorise la décence humaine au sommet de la hiérarchie des valeurs. Dans certains endroits du monde, les femmes sont tellement soumises aux hommes que même le fait de suggérer aux dirigeants politiques de ces pays d'effectuer des changements se heurte à de violentes rebuffades. Dans d'autres pays, on mutile en les excisant des jeunes filles au nom d'une pratique religieuse dépassée. Un tel traitement ne peut pas être considéré comme une simple différence culturelle.

La violence physique ou morale infligée à un quiconque dans le monde, qu'elle soit ainsi reconnue ou non, est une attaque aux valeurs culturelles défendues par les sociétés de liberté. Encore une fois, cette différence culturelle est loin d'être bénigne. Nos dirigeants politiques doivent prendre en compte la dimension axiologique du multiculturalisme, c'est-à-dire que les valeurs incarnées par les diverses cultures ne sont pas toutes miscibles dans une société de liberté. Il existe une hiérarchie des valeurs que la société doit accepter et défendre au risque d'y perdre sa propre liberté. Comme l'ont présenté les grands penseurs en sciences sociales, tel Friedrich Hayek, cette hiérarchie de valeurs n'est pas établie une fois pour toutes par prétention idéologique par les dirigeants politiques d'une société, au risque de tomber dans un constructivisme social, néfaste à la liberté. Ces règles sont partagées universellement et évoluent de manière stable. Cette hiérarchie des valeurs n'est pas construite à l'intérieur d'une seule culture. Elle est façonnée par l'évolution des sociétés qui ont prospéré dans l'histoire grâce à des règles de comportement ayant permis non seulement d'assurer leur survie mais aussi leur développement économique, social et culturel. Peu de gens prennent le temps et la peine de réfléchir au fait de savoir si les règles de conduite qu'ils adoptent dans leur propre culture presque quotidiennement répondent à ces critères de stabilité et d'universalité.

Publications

  • 1993, Chandran Kukathas, dir., "Multi-Cultural Citizens: The Philosophy and Politics of Identity", Sydney: CIS
  • 1994, M. Waltzer,"Multiculturalism and individualism", Dissent, Spring, pp185-191
  • 1997,
    • Chandran Kukathas, "Liberalism, Multiculturalism and Oppression", In: Andrew Vincent, dir., "Political Theory: Tradition and Diversity", Cambridge: Cambridge University Press, pp132-153
    • Chandran Kukathas, "Survey Article: Multiculturalism as Fairness: Will Kymlicka's Multicultural Citizenship", Journal of Political Philosophy, Vol 5, n°4, pp406–427
  • 1998, Chandran Kukathas, "Liberalism and multiculturalism : The politics of indifference", Political theory, vol 26, n°5, pp686-699
  • 2000, José Antonio Aguilar Rivera, "El sonido y la furia : crítica de la persuasión multicultural" ("Le Bruit et la Fureur : critique multiculturelle de la persuasion"), Isonomía, Mexique, n°12, avril, pp53-74
  • 2008, Chandran Kukathas, "Anarcho-multiculturalism: the pure theory of liberalism", In: "Political Theory and Australian Multiculturalism", Berghahn Books