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Conservatisme

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"Le conservatisme est souvent plus proche du socialisme que du vrai libéralisme." (Friedrich Hayek)

Le conservatisme est une philosophie politique ou un ensemble de philosophie politique qui ont en commun la préservation d'une situation ou le retour à une situation passée. Elle s'exprime par la défense des valeurs traditionnelles, et de la primauté du droit naturel sur le droit positif. Il existe de nombreuses formes de conservatisme, avec des expressions dans les domaines social, politique, moral, culturel, religieux.

L'expression est soit associée à un parti politique, une pratique politique, un état d'esprit, un comportement ou attitude. Le mot conservateur vient du latin conservare, signifiant maintenir, préserver ou garder.

D'une façon précise, le conservateur est un tenant du conservatisme, et donc qui adhère à certains principes :

  1. visant à conserver un certain mode de vie, culture ou ordre de choses. Toutefois cette posture ne doit pas être confondue avec l'immobilisme ou le passéisme.
  2. la liberté et la propriété sont intimement connectées et constituent les bases d'une civilisation stable. La propriété privée s'inscrit dans une forme d’enracinement comportant certains devoirs et obligations morales.
  3. la nature humaine et l'harmonie morale sont permanentes, il ne s'agit pas d'objets éphémères transformables selon l'arbitraire. La juste mesure et le principe de prudence sont des vertus et doivent guider la conduite humaine.
  4. les communautés humaines ne sont pas parfaites et infaillibles, il ne suffit pas de transformer la société pour supprimer les maux et souffrances humaines. Il existe des limites à tout pouvoir politique, la croyance aveugle dans un tout puissant progrès sans limites raisonnables met en péril la stabilité et la continuité de toute communauté sociale.

Le conservatisme en philosophie politique

En tant que courant de pensée, le conservatisme existe depuis plus de trois siècles et s'exprime dans une disposition et relation d’être au monde. Souvent ostracisé et critiqué, rares sont les penseurs qui s'y identifient ouvertement, par crainte d'être méprisés, accusés de nostalgie d'un monde traditionnel disparu ou encore d'être traités de réactionnaires. Pourtant, l'idée de société civile autonome, de responsabilité et vertu ne sont pas des idées obscures et absentes de nos champs de vision culturels. Historiquement le conservatisme a comme point de départ une réflexion sur la condition humaine. Deuxièmement, la notion et le sens de la continuité et permanence des institutions humaines fait aussi partie des valeurs importantes du conservatisme.

Historiquement, le phénomène dit conservateur est né en réaction aux trois grandes révolutions, la révolution anglaise de 1688, la révolution américaine de 1783 et la révolution française de 1789. Même s'il est un produit des Lumières, il est tout aussi l'héritier d'une tradition philosophique remontant à la Grèce antique.

Malgré l'héritage et la tradition, il n'existe pas de système conservateur universel, encore moins une idéologie conservatrice. Pour cette raison, un conservateur peut être caractérisé par son scepticisme envers tout système dogmatique rationnel. Loin d'être un sentimentaliste moderne, un conservateur vit la modernité dans son actualité, le passé est selon lui un réservoir d'expériences non-idéalisé, mais les plans et promesses renvoyant à un avenir radieux sont à mettre en cause et propres à inspirer la méfiance. De tendance réactive, le conservateur prend comme sienne la citation de Confucius selon laquelle « l'expérience est une lanterne que l'on porte sur le dos et qui n'éclaire jamais que le chemin parcouru ».

Conservatisme et libéralisme

Un libéral ne se positionne pas pour ou contre le conservatisme : il est à la fois conservateur sous un certain plan, ce qui peut être résumé par l'affirmation de Mathieu Laine selon laquelle « le libéralisme est la seule idéologie qui n’aspire pas à changer l'homme mais à le respecter »[1], et progressiste sous un autre, car selon Friedrich Hayek « le libéralisme n'est hostile ni à l'évolution ni au changement ; et là où l'évolution spontanée a été étouffée par des contrôles gouvernementaux, il réclame une profonde révision des mesures prises »[2].

Bien que Friedrich Hayek considère le conservatisme comme une attitude légitime, il en dresse une critique en soulignant certaines différences entre la tradition américaine et la tradition européenne. Il souligne que «  le défenseur de la tradition américaine était un libéral au sens européen du terme », ainsi la tentative de transplanter dans la tradition américaine le type européen de conservatisme, étranger à la tradition américaine, a produit certaines confusions et constitue une source de malentendus.

Hayek dresse une série d'objections à tout conservatisme proprement dit[3] :

  • il ne propose pas une réelle alternative à la direction actuelle et n'indique aucun autre chemin ;
  • la propension à user des pouvoirs du gouvernement pour empêcher le changement ;
  • son manque de compréhension des forces spontanées sur lesquelles se fonde une politique de liberté ;
  • complaisance envers les actions de l’autorité établie ;
  • méfiance envers les théories abstraites et les principes généraux permettant la formulation de principes politiques postulant une compréhension des forces générales coordonnant la société ;
  • la position conservatrice repose sur une vision élitiste de la société, même si un libéral n'est pas égalitariste non plus ;
  • son interventionnisme pour raisons morales, alors que pour un libéral « les convictions morales qui concernent des aspects du comportement personnel n'affectant pas directement la sphère protégée des autres personnes ne justifient aucune intervention coercitive » ;
  • sa résistance à tout progrès des connaissances, même si un libéral ne tient pas tout changement comme un progrès ;
  • sa propension à rejeter les connaissances nouvelles débouche sur une sorte d'obscurantisme, car le conservateur craint que les nouvelles théories bouleversent les croyances auxquelles il est attaché.

Conservatisme et libertarianisme

Hans-Hermann Hoppe estime qu'il existe deux sens possibles du terme conservateur. Selon lui, le « conservatisme moderne, aux États-Unis et en Europe, est une notion de nos jours confuse et diversifiée »[4]. Cette confusion résulte de l'influence de la démocratie représentative et « évolua en un mouvement d’étatistes culturellement conservateurs : l’aile droite des socialistes et socio-démocrates ». Selon Hoppe la définition exacte du conservatisme, qui n'est pas une opposition au changement, préservation du status quo ou conservation de l’ordre établi, mais qui est liée à sa conception d'un ordre naturel[5] :

« Est conservateur celui qui croit en l'existence d'un ordre naturel, correspondant à la nature des choses : celle de la nature et celle de l'homme. »

« Le « conservateur » reconnaît l’ancien et le naturel à travers la contingence des anomalies et accidents et le défend, le soutient et aide à le préserver du temporaire et de l’anormal. »

Pour Edmund Burke, le conservatisme libéral découle d'un refus de faire table rase du passé : la tradition, la famille, la religion, la hiérarchie, etc. fournissent des cadres de référence aux individus qui leur permettent de se développer. Ce sont de précieux garde-fous contre les doctrinaires constructivistes. Ainsi, Burke critique la conception française des droits de l'homme, construction abstraite et universaliste, pour lui préférer les droits des Anglais, héritage du passé. Pour son disciple Russell Kirk, le conservatisme est lié à la foi religieuse et en la croyance en « une sorte d'ordre moral transcendant ».

Hans-Hermann Hoppe conteste l'idée que le libertarianisme et le conservatisme soient incompatibles ou même antagonistes, car selon lui, Ludwig von Mises et Murray N. Rothbard furent des conservateurs culturels assumés. En effet, tant le libertarianisme comme le conservatisme considèrent que le normal et le naturel sont anciens et omniprésents. Il existe donc une certaine affinité substantielle entre les deux dispositions : « la propriété et les relations entre propriétaires n’existent pas hors des familles et des relations entre pairs ». De cette manière le libertarianisme peut être entendu aussi comme une critique radicale de la désintégration et déclin moral et culturel des noyaux familiaux par l’état providence moderne.

Conservatisme antilibéral

Searchtool-80%.png Articles détaillés : Réaction, antilibéralisme et nationalisme.

De nombreux conservateurs de droite ou de gauche sont antilibéraux par nationalisme, traditionalisme, bellicisme, étatisme, interventionnisme, anti-individualisme, corporatisme, etc. Ils considèrent généralement que la coercition et la violence sont justifiées pour sauvegarder des "valeurs" nationales ou des "valeurs" morales.

Conservatisme contemporain aux Etats-Unis

Le mouvement conservateur américain de la seconde moitié du XXe siècle s'est largement construit autour de la doctrine du fusionnisme. Ce terme politique américain désigne la « fusion » entre conservateurs classiques et libertariens dans le mouvement conservateur. On parle parfois également de libertarianisme conservateur. C'est Frank S. Meyer, un auteur conservateur américain, qui est le père de la notion.

Plus que dans d'autres pays, en particulier en France, les conservateurs américains ont incorporé des éléments libéraux voire libertariens dans leur doctrine. Dans son livre, paru en 1987, sur le mouvement conservateur aux Etats-Unis, John Porter East cite 7 personnalités importantes : Russell Kirk, Richard Weaver, Frank S. Meyer, Willmoore Kendall, Leo Strauss, Eric Voegelin et Ludwig von Mises. Ce dernier, penseur majeur de l'école autrichienne est aussi proche du libertarianisme.

Citations

  • « Le conservatisme est une utopie car l’État finit toujours par devenir un Léviathan incontrôlable. « Si l’on rejette le laissez-faire à cause de la faillibilité de l’homme et de sa faiblesse morale, il faut aussi, pour les mêmes raisons, rejeter toute espèce d’action du gouvernement », écrit Ludwig von Mises. » (Damien Theillier[6])
  • « Être conservateur, c’est donc préférer le familier à l’inconnu, ce qui a été essayé à ce qui ne l’a pas été, le fait au mystère, le réel au possible, le limité au démesuré, le proche au lointain, le suffisant au surabondant, le convenable au parfait, le rire de l’instant présent à la béatitude utopique. » (Michael Oakeshott[7])
  • « L'affaire des progressistes est de continuer à faire des erreurs. L'affaire des conservateurs est d'éviter que ces erreurs ne soient corrigées. » (G.K. Chesterton)
  • « Le conservateur est un homme d’État qui est épris des maux existants, ce qui le distingue du progressiste qui souhaite remplacer ces maux par d'autres. » (Ambrose Bierce)
  • « Un véritable conservateur, c'est quelqu'un qui vous explique que le gouvernement ne marche pas, qui est élu et qui prouve ainsi ses dires ! » (Milton Friedman)
  • « Le terme de conservateur suggère le maintien du statu quo, même quand cela peut impliquer un ensemble de règles inadéquates ou des programmes gouvernementaux excessivement interventionnistes. Cela peut aussi correspondre à des formes de conservatisme social que je juge peu attrayantes : par exemple des restrictions sur l'avortement, des lois anti-drogues strictes, des contraintes sur l'immigration, des limitations dans le commerce international. Je préfère de beaucoup les termes de libertarien ou de libéral classique. » (Robert J. Barro[8])
  • « Les conservateurs sont partisans d’une économie mixte et d’un État-providence. Leur différence avec les progressistes n’est qu’une différence de degré et non de principe. » (Ayn Rand)
  • « L’état actuel de dégénérescence morale, de désintégration sociale et de pourrissement culturel est précisément le résultat de trop de tolérance – et avant tout, une tolérance totalement erronée et faussement appréhendée. (...) Comme de vrais conservateurs, qui devront se dissocier des faux conservateurs socialistes tels les buchananiens et néoconservateurs, les vrais libertariens doivent se dissocier visiblement et avec ostentation de ces imposteurs que sont les faux libertariens de gauche, adeptes du multiculturalisme, de la contre-culture et de l’antiautoritarisme égalitariste. » (Hans-Hermann Hoppe[9])

Informations complémentaires

Notes et références

  1. Entretien avec Mathieu Laine pour le « Dictionnaire du libéralisme » – Seconde partie, Contrepoints
  2. Pourquoi je ne suis pas un conservateur
  3. Friedrich A. Hayek, Pourquoi je ne suis pas un conservateur, texte publié en annexe de La Constitution de la Liberté
  4. Hans-Hermann Hoppe , On conservatism and libertarianism
  5. Democracy: The God that Failed, 2001, chapter 10
  6. Damien Theillier, Libres ! 100 idées, 100 auteurs
  7. Michael Oakeshott, Du conservatisme (trad. Jean-François Sené, préf. Adrien Guillemin), Paris, Éditions du Félin, p.38
  8. “This concept suggests maintenance of the status quo, even when that situation involves an array of unfortunate rules and overly activist government programs. It could also encompass forms of social conservatism that I find unattractive—for example, restrictions on abortion rights, enforcement of strict drug laws, curbs on immigration, and restraints on international trade. I much prefer the words libertarian and classical liberal”, in "Compassionnate conservatism: look beyond the label", Business Week, 4 septembre 2000
  9. Hans-Hermann Hoppe, Democracy, the God That Failed - On conservatism and libertarianism

Bibliographie

  • 1953, Russell Kirk, "The Conservative Mind: From Burke to Santayana", Chicago: Regnery
    • Nouvelle édition en 1960, "The Conservative Mind", Chicago: Regnery
    • 7ème édition en 1986, Chicago, IL, Regnery
  • 1966, Jeffrey Hart, "The American Dissent: A Decade of Modern Conservatism", Garden City, NY, Doubleday
  • 1967,
    • Robert Goldwin, dir., "Left, Right and Center: Essays in Liberalism and Conservatism in the United States", Chicago, Rand McNally
    • Allan Guttman, "The Conservative Tradition in America", New York, Oxford University Press
  • 1976,
    • George H. Nash, "The Conservative Intellectual Movement in America", New York, Basic Books
      • Nouvelle édition en 1998, Wilmington, DE: Intercollegiate Studies Institute Press
    • N. O'Sullivan, "Conservatism", London, Dent
  • 1982, William R. Harbour, "The Foundations of Conservative Thought: An Anglo-American Tradition in Perspective", Notre Dame, IN, University of Notre Dame Press
  • 1985, Willmoore Kendall, "The Conservative Affirmation", Chicago, Henry Regnery
  • 1986, K. Mannheim, "Conservatism", London, Routledge & Kegan Paul
  • 1987, John P. East, "The American Conservative Movement", Washington, D.C.: Regnery
  • 1988,
    • William Buckley, Cjarles R. Kesler, dir., "Keeping the Tablets: Modern American Conservative Thought", Chicago, IL, Regnery
    • John Chamberlain, commentaire du livre de John P. East, "The American Conservative Movement", The Freeman, December, Vol 38, n°12
    • Paul Gottfried, T. Fleming, "The Conservative Movement", Boston, MA, Twayne
  • 1998, George W. Carey, dir., "Freedom and Virtue: The Conservative/Libertarian Debate", Wilmington, DE: Intercollegiate Studies Institute
  • 1999, Ronald Lora, William Longton, dir., "The Conservative Press in Twentieth Century America", Westport, Conn.: Greenwood
  • 2001, Roger Scruton, "The Meaning of Conservatism", Basingstoke, UK: Palgrave Macmillan, 3ème édition
  • 2003, Gregory Schneider, dir., "Conservatism in America since 1930: A Reader", New York: New York University Press
  • 2008,
    • George W. Carey, "CONSERVATISM", In: Ronald Hamowy, dir., "The Encyclopedia of Libertarianism", Cato Institute - Sage Publications, pp93-95
    • Robert P. Kraynak, “Conservative Critics of Modernity: Can They Turn Back the Clock?”, In: Mark C. Henrie, dir., "Arguing Conservatism: Four Decades of the Intercollegiate Review", Wilmington, DE: ISI Books, p63, pp70–71

Voir aussi

Liens externes

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