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Révolution conservatrice
La « révolution conservatrice » ou « révolution libérale » désigne le retour en grâce des idées libérales et conservatrices à travers le monde à partir de la fin des années 1970. Elle se manifeste dans le champ politique par les élections de Margaret Thatcher ou de Ronald Reagan.
Manifestations
Après plusieurs décennies autour des idées keynésiennes, le début des années 1980 voit un tournant général dans les idées dominantes. Comme l'écrit Guy Sorman en 1984, « au début des années 80 s'expriment en fait beaucoup plus que des ruptures électorales ou un échec momentané des doctrines étatistes. Ici comme ailleurs, les hommes politiques tentent de s'adapter à un mouvement qui les précède, à un retournement complet de l'idéologie dominante : une sorte de révolution conservatrice et libérale »[1]. On pourrait résumer rapidement la révolution conservatrice des années 1980 aux États-Unis principalement et en Grande-Bretagne en un certain libéralisme économique mâtiné, surtout aux États-Unis, de conservatisme sociétal[2]. La situation américaine avait également été analysée par Guy Sorman dès 1983 dans La Révolution conservatrice américaine. Dans cet ouvrage il relate ses rencontres avec 70 Américains pour mieux comprendre le bouleversement alors à l'œuvre dans la société américaine. Il la résume ainsi : « La jeunesse repousse la contestation, les femmes luttent contre le féminisme, les contribuables contre l'impôt, les Églises les plus conservatrices rallient en masse de nouveaux fidèles, les intellectuels défendent le capitalisme, les syndicats ouvriers s'effondrent, les Noirs dénoncent la politique des droits civils. »
Et Theodore Lowi, politologue américain de gauche, de déclarer alors, « Être conservateur, c'est être à la mode » ou « la gauche américaine est intellectuellement aujourd'hui en faillite »[3].
Au Royaume-Uni, émergent des figures comme celles de Keith Joseph ou de Margaret Thatcher, influencées directement par des penseurs comme Milton Friedman et surtout Friedrich Hayek. Révélateur du basculement qui s'opère alors, Keith Joseph déclare en 1974 : « je ne suis devenu conservateur que récemment »[4], il appelle aussi à mettre fin à trente ans de socialisme, incluant donc dans celui-ci les précédents gouvernements conservateurs. Avec l'arrivée à la tête du parti conservateur de Margaret Thatcher, le programme du parti s'oppose progressivement au socialisme du Labour qu'il avait en partie intégré auparavant jusqu'à la rupture libérale permise par l'hiver du mécontentement, quand la politique socialiste de contrôle des salaires s'écroule en hiver 1979.
La Nouvelle-Zélande prend elle aussi un tournant libéral, en particulier avec Roger Douglas comme ministre des finances en 1984. Même en Chine, une modernisation vers plus de liberté s'esquisse avec la politique menée par Deng Xiaoping
On observe également un renouveau de la pensée libérale et libertarienne, en particulier sur les campus américains. Le parti libertarien est fondé en 1971, le Cato Institute en 1977. Des écoles comme celle du Public Choice ou l'école de Chicago se développent et des figures comme celles de Murray Rothbard ou de David Friedman émergent[5].
Économie
La fin des années 1970 et les années 1980 voient une diffusion des idées de l'école de Chicago de Milton Friedman et George Stigler. Les idées libérales gagnent les politiques américains en rupture avec la politique d'assistance du New Deal. En 1978, la Californie vote dans un référendum d'initiative populaire la Proposition 13 qui limite l'impôt sur le foncier et marque le progrès des idées anti-impôts. Dans son discours d'investiture en 1981, le président américain Ronald Reagan déclare que « le gouvernement n’est pas la solution, il est le problème ». La dérégulation est importante dans certains secteurs économiques (Télécoms, compagnies aériennes) et permet une baisse du coût pour le consommateur. Néanmoins ce libéralisme reste nuancé par une réaffirmation de la puissance militaire des États-Unis (America is back) et une très forte hausse des dépenses militaires.
Société
Dans les années 1970, la société américaine est majoritairement à gauche mais la crise du Watergate, le bourbier vietnamien ou l'affaire des otages en Iran plongent les États-Unis dans une décennie de doute. Par opposition, les années 1980 verront la remise en cause de certaines idées libérales aux États-Unis : retour de la peine de mort ou de la prière à l'école.
Figures de la « révolution conservatrice »
- Ronald Reagan, président américain
- Barry Goldwater, homme politique républicain
- Margaret Thatcher, Premier ministre britannique
- Keith Joseph, homme politique britannique
- Thomas Sowell, économiste noir-américain, opposé à la discrimination positive, libéral conservateur.
Explications
Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer la révolution conservatrice américaine:
Pour l'économiste libéral Milton Friedman, elle tient davantage à la prise de conscience de l'échec du communisme et du socialisme qu'à la diffusion des idées des penseurs comme Friedrich Hayek; il déclare ainsi dans la préface de l'édition de 1982 de Capitalisme et liberté[6] :
« Le changement dans l'opinion est le résultat de l'expérience et non de la théorie ou de la philosophie. La Russie ou la Chine, grands espoirs des intellectuels, avaient clairement échoué. La Grande-Bretagne dont le socialisme Fabien exerçait une influence dominante sur les intellectuels américains était dans de grands troubles »
— Milton Friedman, Capitalisme et liberté
L'écrivain français Guy Sorman avançait deux facteurs complémentaires en 1984 :
- La montée en puissance de technologies qui ne nécessitent plus les mêmes concentrations en un lieu unique d'énormes quantités de travailleurs pour de la production de masse. A l'inverse, la micro-informatique naissante et la multiplication des canaux télévisés favorisent l'individualisme[7]
- L'arrivée au pouvoir des anciens contestataires de la fin des années 1960[8]. De cette période de contestation, ils ont selon Sorman conservé le refus de l'Etat sous toutes ses formes. D'où la multiplication des « capitalistes soixante-huitard » selon Alain Minc[9].
On peut probablement y adjoindre un facteur qui a joué une grande importance, en particulier dans le monde anglo-saxon, la multiplication des think tanks libéraux et conservateurs. Sous l'impulsion notamment d'Antony Fisher et la Fondation Atlas, de très nombreux think tanks voient le jour. La Société du Mont-Pèlerin appuie également ce phénomène, qui prépare le terrain à l'application concrète des idées libérales repensée à partir de l'entre-deux guerres (Colloque Walter Lippmann par exemple en 1938).
Erreurs courantes
Au yeux des antilibéraux, tout ce qui est sorti de la révolution conservatrice est libéral ou découle des idées libérales. Une assimilation hâtive qui nécessite évidemment beaucoup plus de nuances. On notera par exemple que le recours à un déficit massif sous la présidence de Ronald Reagan est tout sauf libéral. L'évolution de la révolution conservatrice vers le néo-conservatisme n'a rien de libéral, puisque ce dernier est un interventionnisme étatique.
Notes et références
- ↑ Guy Sorman, La Solution libérale, 1984, Fayard, p.23
- ↑ Philippe Chassaigne, La Grande Bretagne dans le monde de 1815 à nos jours, 2003, p. 283
- ↑ repris par Guy Sorman in La Révolution conservatrice américaine, 1983.
- ↑ Margaret Thatcher, 10 Downing Street, Mémoires, p. 23.
- ↑ Voir à ce sujet Henri Lepage, Demain le capitalisme, 1980, Livre de poche
- ↑ Préface à l'édition de 1982 de Capitalisme et liberté, p. xiii de l'édition de 2002
- ↑ Sorman, 1984, p.29-31
- ↑ Sorman, 1984, p.32-34
- ↑ Alain Minc, L'Avenir en face, Seuil, 1984
Voir aussi
Bibliographie
- 1970, Jean-François Revel, Ni Marx, ni Jésus, Robert Laffont, (ISBN 2221098889) (Réédition 2002)
- 1978, Henri Lepage, Demain le capitalisme, Livre de Poche, coll. « Pluriel »
- 1980, Henri Lepage, Demain le capitalisme, Livre de poche
- 1983, Guy Sorman, La révolution conservatrice américaine, Fayard, (ISBN 2213012962)
- 1984,
- a. Guy Sorman, La Solution libérale, Fayard
- b. Jean-François Revel, Le Rejet de l’État, Grasset
- 1998, Nicolas Kessler, Le conservatisme américain, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 3364
Articles connexes
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