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École de Salamanque

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Francisco de Vitoria

L'École de Salamanque est l’un des principaux foyers de la scolastique moderne des XVIe siècle et XVIIe siècle. L'école de Salamanque est aussi liée au renouveau de la pensée dans divers domaines, conduit par des théologiens dominicains espagnols à partir du travail intellectuel et pédagogique initié par Francisco de Vitoria. Dès le début du XVIe siècle, les conceptions traditionnelles de l’homme dans sa relation avec Dieu et le monde avaient été remises en question par l’apparition de l’humanisme, la Réforme protestante, les explorations et grandes découvertes maritimes ainsi que leurs conséquences. Ces nouveaux problèmes furent abordés par Francisco de Vitoria, Domingo de Soto, Martin de Azpilcueta, Tomás de Mercado ou Francisco Suárez, tous jusnaturalistes et moralistes, fondateurs d’une école de théologiens et de juristes qui réalisa la réconciliation de la doctrine thomiste et du nouvel ordre économique. Les sujets d’étude se centrèrent principalement sur l’homme et ses problèmes pratiques (moraux, économiques, juridiques, etc.), mais il ne s’agit pas, loin de là, d’un corpus unique accepté par tous, comme le démontrent les désaccords ou, même, les aigres polémiques.

Selon la spécialisation, la doctrine et cursus théologique, mais aussi selon les auteurs et leur origine, il a été convenu de distinguer rigoureusement deux écoles : celle des Salmanticenses et celle des Conimbricenses. Les Salmanticenses, très fidèles à la doctrine de saint Thomas, sont principalement représentés par Francisco de Vitoria (1483-1546) et Domingo de Soto (1494-1560). L’école des Conimbricenses, serait formée par les jésuites de Coimbra qui, à partir de la fin du XVIe siècle, prirent la relève intellectuelle des dominicains. Parmi ces jésuites, nous trouvons des personnes de l’envergure de Luis de Molina (1535-1600) et Francisco Suárez (1548-1617).

Droit et justice

Avec les grandes explorations et découvertes maritimes entrepris par les européens aux XVe siècle et XVIe siècle, la découverte de peuples aux mœurs différents a modifié la perception et la représentation culturelle du monde. La pensée juridique est alors poussée à des nouvelles réflexions sur l’idée d’unité du genre humain face aux entreprises à caractère colonial. Il s'est posé alors la question de savoir quels droits avaient les conquistadores sur les « conquis » indigènes. Est aussi soulevée la question de la souveraineté et de l'ingérence, et une remise à jour du droit entre les personnes, du droit des gens.

Selon Francisco de Vitoria « personne n’a l'empire du monde en vertu du droit naturel »[1].

La doctrine juridique de l'École de Salamanque signifia la fin des conceptions médiévales du droit, avec une revendication de la liberté inhabituelle dans l’Europe de l’époque. Les droits naturels de l’homme devinrent, d’une manière ou d’une autre, le centre d’attention, aussi bien ceux relatifs au corps (droit à la vie, à la propriété) que ceux liés à l’esprit (droit à la liberté de pensée, à la dignité).

Droit naturel et droits humains

L’École de Salamanque reformula le concept de droit naturel. Ce dernier surgit de la nature même, et tout ce qui existe selon l’ordre naturel partage ce droit. La conclusion évidente est que, puisque tous les hommes partagent la même nature, ils partagent les mêmes droits - tels ceux d’égalité ou de liberté. Face à la conception prédominante en Espagne et en Europe qui voyait les Indiens d’Amérique comme infantiles ou incapables, la grande nouveauté fut la reconnaissance de leurs droits, comme celui de rejeter la conversion par la force ou le droit de propriété de leurs terres.

Puisque l’homme ne vit pas isolé mais en société, la loi naturelle ne se limite pas à l’individu. Ainsi, par exemple, la justice est un exemple de la loi naturelle qui se réalise au sein de la société. Pour Gabriel Vázquez (1549-1604), agir avec justice est un devoir dicté par la loi naturelle.

Souveraineté

L’École de Salamanque distingua deux domaines, le naturel ou civil et le surnaturel, qui à l'époque du Moyen Âge ne se différenciaient pas. Une des conséquences directes de la séparation des domaines est que le roi ou l’empereur n’avait aucune juridiction sur les âmes, ni le Pape de pouvoir temporel. Il fut même proposé que le pouvoir du gouvernant connaisse des limitations. Ainsi, selon Luis de Molina, une nation est analogue à une société marchande dans laquelle les gouvernants seraient les administrateurs, mais où le pouvoir résiderait dans l’ensemble des administrés considérés individuellement. Cependant, le pouvoir de la société sur l’individu et plus grand que celui de ce dernier sur lui-même, car le pouvoir du gouvernant est une émanation du pouvoir divin.

La Couronne anglaise élargissait la théorie du pouvoir royal par dessein divin (l’unique récepteur légitime de l’émanation du pouvoir de Dieu est le roi), de telle sorte que les sujets ne pouvaient que se plier à ses ordres pour ne pas contrevenir audit dessein. Face à cela, différents membres de l’École soutinrent que le peuple est le récepteur de la souveraineté, qui la transmet au prince gouvernant sous diverses conditions. Celui qui milita le plus en ce sens fut sans aucun doute Francisco Suárez, dont l’ouvrage Defensio Fidei Catholicae adversus Anglicanae sectae errores (1613) fut la meilleure défense de la souveraineté du peuple à l’époque. Les hommes naissent libres de par leur propre nature et non serfs d’un autre homme, et ils peuvent désobéir et même déposer un gouvernant injuste. Comme Molina, il affirme que le pouvoir politique n’appartient concrètement à personne, mais il se différencie de lui par la nuance avec laquelle il considère que le récepteur est le peuple comme un tout, et non comme un ensemble de souverains individuels.

Pour Suárez, le pouvoir politique de la société est contractuel dès son origine parce que la communauté se forme par le consensus de volontés libres. La conséquence de cette théorie contractualiste est que le gouvernement naturel est la démocratie, alors que l’oligarchie ou la monarchie apparaissent comme des institutions secondaires, qui sont justes si le peuple les choisit.

Droit des gens et droit international

Francisco Suárez

Francisco de Vitoria fut certainement le premier à développer une théorie sur le ius gentium (droit des gens) qui, sans doute aucun, peut-être qualifiée de moderne. Il extrapola ses idées d’un pouvoir souverain légitime sur la société au domaine international, en concluant que ce domaine devait également être régi par des normes justes et respectueuses des droits de tous. Le bien commun du monde est d’une catégorie supérieure au bien de chaque État. Ce qui signifie que les relations entre États doivent cesser d’être justifiées par la force pour l'être par le droit et la justice. Francisco de Vitoria devint le créateur du droit international.

Le ius gentium se diversifia. Francisco Suárez, qui travaillait déjà avec des catégories bien profilées, distingua ius inter gentes et ius intra gentes. Alors que le ius inter gentes, qui correspond au droit international moderne, était commun à la majorité des pays (pour être un droit positif, non naturel, il ne doit pas être obligatoire à tous les peuples), le ius intra gentes ou droit civil est spécifique de chaque nation.

Guerre juste

Puisque la guerre est un des pires maux qui frappent l’homme, les membres de l’École établirent que l’on ne peut y recourir sous aucune condition, sauf pour éviter un mal plus grand. Un accord médiocre, même provenant de la partie la plus puissante, sera préférable à une guerre. Des exemples de guerre justes :

  • pour sa propre défense, pour autant qu’il existe des possibilités de succès ; si d’avance, elle était condamnée à l’échec, ce serait faire couler le sang inutilement ;
  • guerre préventive contre un tyran qui est sur le point d’attaquer ;
  • guerre punitive contre un ennemi coupable.

Mais la guerre n’est pas seulement licite ou illicite par son motif déclencheur, elle doit respecter toute une série d’exigences additionnelles :

  • il est nécessaire que la réponse soit proportionnelle au mal ; si l’on utilisait plus de violence que celle strictement nécessaire, ce serait une guerre injuste ;
  • le gouvernant est celui qui doit déclarer la guerre, mais sa décision n’est pas une cause suffisante pour la commencer ; si la population s’y oppose, elle est illicite et si, malgré tout, le gouvernant veut entreprendre une guerre injuste, il est préférable de le déposer et le juger ;
  • une fois la guerre commencée, tout n'est pas permis, comme attaquer des innocents ou tuer des otages ; il existe des limites morales à l’action ;
  • il est obligatoire d'épuiser toutes les options de dialogue et de négociation avant de commencer une guerre ; seule est licite la guerre comme ultime recours.

Sont injustes les guerre expansionnistes, de pillage, pour convertir les infidèles ou les païens, pour la gloire, etc.

Conquête de l’Amérique

À cette époque des débuts du colonialisme, l’Espagne fut l’unique nation européenne où un important groupe d’intellectuels posa la question de la légitimité d’une conquête au lieu de la justifier par des motifs traditionnels.

Francisco de Vitoria commença son analyse en rejetant les titres illégitimes. Il fut le premier qui osa nier le fait que les bulles d’Alexandre VI (connues uniment comme les Bulles de Donation) puissent être un titre valide de possession des terres découvertes. De même étaient aussi peu acceptables le primat universel de l’Empereur, l’autorité du Pape (auquel manque le pouvoir temporel), la soumission ou la conversion volontaire des Indiens. On ne pouvait les considérer comme pécheurs ou peu intelligents, mais libres par nature et maîtres légitimes de leurs propriétés. Quand les Espagnols arrivèrent en Amérique, ils ne disposaient d’aucun titre légitime pour occuper ces terres qui déjà avaient un maître.

Vitoria analysa également s’il existait des motifs qui justifiaient un quelconque type de possession des terres découvertes. Il découvrit jusqu’à huit titres légitimes de possession. Le premier qu’il signale, sans doute le plus fondamental, est en relation avec la communication entre les hommes, qui forment ensemble une société universelle. Le ius peregrinandi et degendi est le droit de tout être humain à voyager et à commercer partout sur la Terre, indépendamment de savoir qui est le gouvernant ou quelle est la religion de chaque territoire. Pour cette raison, si les Indiens ne permettaient pas le libre passage, les agressés auraient le droit de se défendre, et à conserver les territoires qui obtiendraient dans cette guerre.

Le second titre fait référence à un autre droit dont la négation serait également une cause de guerre juste. Les Indiens pouvaient rejeter volontairement la conversion, mais pas empêcher le droit des Espagnols à prêcher, auquel cas la situation serait analogue à celle du premier titre. Toutefois, Vitoria note que bien que cela puisse être une cause de guerre juste, il n’est pas souhaitable que l’on arrive là, à cause des morts qui pourraient en résulter.

Les titres suivants, beaucoup moins importants, sont :

  • si les souverains païens forcent les convertis à revenir à l’idolâtrie ;
  • s’il y a un nombre suffisant de chrétiens convertis, ils peuvent recevoir du Pape un gouvernant chrétien ;
  • s’il y a tyrannie ou des dommages causés à des innocents (sacrifices, etc.) ;
  • pour aider des associés et des amis attaqués, comme les Tlaxcaltèques, alliés des Espagnols mais soumis, avec beaucoup d’autres peuples, par les Aztèques ;
  • le dernier titre légitime, bien que qualifié de douteux par Vitoria lui-même, est la carence de lois justes, de magistrats, de techniques agricoles, etc. Dans tout les cas, ce serait toujours avec charité chrétienne et pour l’utilité des Indiens.

Ces titres légitimes et illégitimes ne satisfirent pas l’empereur Charles-Quint car ils signifiaient que l’Espagne ne disposait d’aucun droit spécial. Raison pour laquelle il tenta, sans succès, de dissuader les théologiens d’exprimer leurs opinions sur ces sujets.

Économie

Luis de Molina

La reconnaissance définitive du terme École de Salamanque d'économistes fut établie par Joseph Schumpeter dans son Histoire de l’analyse économique (1954), bien que beaucoup d’historiens économiques employèrent cette appellation avant lui. Schumpeter étudia la doctrine scolastique en général et l’espagnole en particulier, et fit l’éloge du haut niveau de la science économique dans l’Espagne du XVIe siècle. Selon lui, cette école fut le groupe méritant le plus le titre de fondateur de la science économique. L’École de Salamanque n’arriva pas à élaborer une doctrine économique complète, mais elle établit les premières théories économiques modernes pour affronter les nouveaux problèmes qui avaient surgi. Malheureusement, il n’y eut pas de poursuite à partir du XVIIe siècle, et beaucoup de ses apports finirent dans l’oubli, pour être redécouverts des décennies plus tard.

Bien que l’on ait pas rencontré d’influence directe, l’École de Salamanque a été souvent comparée à l’École autrichienne, beaucoup plus qu'avec l'école néo-classique libérale. Alors que l'école néoclassique libérale établit une asymétrie naturelle entre les individus, justifiant ainsi les inégalités tout en accordant une égalité formelle sur le marché et la propriété, l'école de Salamanque adopte une approche différente. Elle met l'accent sur l'égalité entre les hommes dans la société, en se basant sur le concept du "ius communicationis" qui reconnaît le droit de tous les hommes à la société et à la communication naturelle.

En outre, l'école de Salamanque remet en question la conception protestante de la prédestination et de la domination des puissants. Par exemple, Francisco Suárez a rationalisé la loi divine en la déconnectant de Dieu et en l'associant à la nature rationnelle de l'homme. Cette perspective a ouvert la voie à une morale autonome et a affaibli le concept absolu de divinité, contrairement à la doctrine protestante de la prédestination, qui justifie le pouvoir des élites. Ces différences fondamentales illustrent les divergences entre ces deux écoles de pensée économique, parallèle que l'on peut retrouver dans la différence entre l'école autrichienne et l'école néo-classique libérale.

Cependant, malgré ces différences, il existe également des points communs entre l'école de Salamanque et l'école néoclassique libérale. Les deux approches reconnaissent l'importance du marché et de la propriété privée, bien que l'école de Salamanque insiste sur leur régulation éthique et morale.

Antécédents

En 1517, Francisco de Vitoria, alors à la Sorbonne, fut consulté par les marchands espagnols résidents à Anvers sur la légitimité morale de commercer pour augmenter la richesse personnelle. D’un point de vue actuel, on peut dire qu’il s’agissait d’un avis sur l’esprit d’entreprise. À partir de ce moment et durant les années suivantes, Vitoria et d’autres théologiens prêtèrent attention aux affaires économiques. Ils s’éloignèrent des positions déjà obsolètes et tentèrent des les remplacer par de nouveaux principes extraits de la loi naturelle.

L’ordre naturel se base sur la liberté de circulation des personnes, des biens et des idées, de manière à ce que les hommes puissent se connaître entre eux et augmenter leurs sentiments de fraternité. Ceci impliquait que les commerçants non seulement n’étaient pas moralement réprouvables, mais prêtaient un service important pour le bien-être général.

Propriété privée

Avec la floraison des ordres mendiants au XIIIe siècle commença un mouvement qui, avec chaque fois plus de force, insistait sur la pauvreté et la fraternité des hommes, déplorant l’accumulation des richesses dans l’Eglise. Les ordres mendiants autres que les Dominicains considéraient la possession de biens et la propriété privée comme, à tout le moins, moralement répréhensibles. Face à eux, les Dominicains en général, et Thomas d'Aquin en particulier, défendaient le fait que la propriété privée était, en soi, une institution humaine moralement neutre.

Les membres de l’École de Salamanque coïncidaient avec le fait que la propriété privée avait un effet bénéfique pour stimuler l’activité économique, et par là le bien-être général. Diego de Covarrubias y Leiva (1512-1577) considérait que les propriétaires avaient non seulement le droit de propriété sur le bien mais également, et c’est là un trait moderne, le droit exclusif sur les bénéfices qui pouvaient dériver du bien, même si ceux-ci pouvaient profiter à la communauté. De toute manière, dans les moments de grandes nécessités, toutes les choses sont communes.

Luis de Molina la considéra comme une institution aux effets pratiques positifs car, par exemple, les biens étaient mieux soignés par un maître que s’ils étaient de propriété commune.

Argent, valeur et prix

Les développeurs les plus complets et méthodiques d’une théorie de la valeur furent Martín de Azpilcueta (1493-1586) et Luis de Molina. Intéressé par l’effet des métaux précieux qui arrivaient d’Amérique, Martín de Azpilcueta constata que, dans les pays où ces biens étaient rares, les prix des biens étaient inférieurs aux pays où l’on trouvait ces métaux en abondance. Le métal précieux, comme simple marchandise, possédait moins de pouvoir d’achat lorsqu’il était abondant. Il développa ainsi une théorie de la valeur-rareté anticipant la théorie quantitative de l’argent, qui devançait de plus d’une décennie Jean Bodin (1529-1596).

La théorie de la valeur prédominante jusqu’à ce moment était une théorie médiévale du coût de production comme juste prix. Diego de Covarrubias et Luis de Molina développèrent une théorie subjective de la valeur et du prix qui consiste à dire que, puisque l’utilité d’un bien varie d’une personne à une autre, le prix juste sera celui auquel on arrive par un accord mutuel dans un commerce libre (sans monopole, tromperies ou intervention du gouvernement). En l’exprimant dans des termes actuels, les membres de l’École défendirent le marché libre, où le prix juste est donné par l’offre et la demande.

Intérêt

L’usure (c’est ainsi que l’on appelait à l’époque tout type de prêt avec intérêt) a toujours été mal vue par l’Église. Le 2e Concile de Latran condamna le fait que le remboursement d’une dette soit supérieur au capital prêté ; le Concile de Vienne interdit explicitement l’usure et on qualifia d’hérétique toute législation qui la tolérait ; les premiers scolastiques condamnaient la perception d’intérêts. Dans l’économie médiévale, les prêts étaient conséquence de la nécessité (mauvaise récolte, incendie de l’atelier) et, dans ces conditions, on ne pouvait que blâmer moralement la réception d'un intérêt pour celui-ci.

À la Renaissance, la plus grande mobilité des gens favorisa une augmentation du commerce et l’apparition des conditions appropriées pour que les entrepreneurs se lancent dans des négoces neufs et lucratifs. Puisque le prêt n’était plus destiné à la consommation propre mais à la production, on ne pouvait plus l’observer sous le même angle. L’École de Salamanque trouva diverses raisons qui justifiaient la perception d’un intérêt. Ainsi, la personne qui recevait le prêt obtenait un bénéfice grâce à l’argent obtenu. D’un autre côté, l’intérêt pouvait être considéré comme une prime pour le prêteur qui risque de perdre son argent. Il y avait également le fait que le prêteur perdait la possibilité d’employer son argent pour autre chose. Enfin, et c’est un des apports les plus originaux, il y avait la considération que l’argent était une marchandise pour laquelle on pouvait recevoir un bénéfice (qui serait l’intérêt).

Martín de Azpilcueta considéra également l’influence du temps. À égalité de conditions, il est préférable de recevoir une quantité maintenant que dans le futur. Pour que cette dernière soit plus attractive, il est nécessaire qu’elle soit supérieure. Dans ce cas, l’intérêt suppose le payement du temps.

Théologie

À la Renaissance, la théologie était en décadence face au puissant humanisme, avec une scolastique convertie en une méthodologie vide et routinière. L’Université de Salamanque conduisit, à partir de Francisco de Vitoria, un retour de la théologie, spécialement comme une renaissance du thomisme, qui influença la vie culturelle en générale et dans d’autres universités européennes. L’apport fondamental de l’École de Salamanque à la théologie est sans doute l’étude de problèmes plus proches des hommes, qui avaient été ignorés auparavant, en plus de l’étude de questions jusqu’alors inédites. Pour cette raison, on utilise parfois le terme de théologie positive pour distinguer son aspect pratique face à la théologie scolastique.

Morale

À une époque où la religion (catholicisme, calvinisme, Islam, etc.) imprégnait tout, analyser la moralité des actes étaient l’étude la plus pratique et utile qui pouvait se faire pour servir la société. À tel point que les apports novateurs en droit et en économie de l’École de Salamanque ne sont, à l’origine, rien d’autre que des analyses concrètes des défis et des problèmes moraux occasionnés à la société par de nouvelles situations.

Une idée révolutionnaire est que l’on peut faire le mal bien que l’on connaisse Dieu, et que l’on peut faire le bien bien qu’on ne le connaisse pas. C’est-à-dire que la morale ne dépend pas de la divinité. Ceci est très important dans le traitement des païens, car le fait qu’ils ne soient pas chrétiens ne présuppose pas qu’ils ne puissent être bons.

Avec les années, on obtint une casuistique de réponses face aux dilemmes moraux. Mais comme une casuistique ne peut jamais être complète, on chercha également une règle ou un principe plus général. À partir de là commença à se développer le probabilisme, suivant lequel le critère ultime n’est plus la vérité, mais l'assurance de ne pas choisir le mal. Développé principalement par Bartolomé de Medina et complété par Gabriel Vázquez et Francisco Suárez, le probabilisme devint l’école morale la plus importante des siècles suivants.

Polémique De auxiliis

Cette polémique entre jésuites et dominicains fut une dispute qui se déclencha à la fin du XVIe siècle au sujet de la grâce et de la prédestination, c’est-à-dire sur le fait de savoir comment concilier la liberté humaine et l’omniscience de Dieu. En 1582, le jésuite Prudencio Montemayor et le frère Luis de León parlèrent de la liberté humaine lors d’un acte public. Domingo Báñez considéra qu’on lui donnait un poids excessif et qu’étaient employés des termes qui sonnaient hérétiques, raison pour laquelle il les accusa devant le Saint Office de pélagianisme. Cette doctrine vantait le libre arbitre humain au détriment du péché originel et de la grâce octroyée par Dieu. Le résultat fut que Prudencio Montemayor et le frère Luis de León furent écartés de l’enseignement et qu’il leur fut défendu de défendre de telles idées.

Báñez fut accusé devant le Saint Office par le frère Luis de Leon de commettre l’erreur de Luther. Selon la doctrine de ce dernier, qui est à la base du protestantisme, l’homme est corrompu comme conséquence du péché originel et ne peut se sauver par ses propres mérites, mais seulement si Dieu lui concède la grâce. Báñez fut acquitté.

Cependant, la polémique ne s’arrêta pas, qui fut reprise par Luis de Molina avec son Concordia liberi arbitrii cum gratiae donis (1588). Cet ouvrage est considéré comme la meilleure expression de la position des jésuites. La polémique se poursuivit des années durant, avec une tentative des dominicains pour que le Pape Clément VIII condamne la Concordia de De Molina. Finalement, en 1607, le Pape Paul V reconnut la liberté des jésuites et des dominicains de défendre leurs idées, interdisant qu’aucune de celles-ci ne fût qualifiée d’hérétique.

Existence du mal dans le monde

Vitoria offrit une nouvelle image de la divinité pour tenter d’expliquer la présence du mal dans le monde. L’existence de celui-ci rendait difficile la croyance que Dieu puisse être à la fois infiniment bon et puissant.

Vitoria expliqua ce paradoxe en faisant appel au libre arbitre de l’homme. Puisque la liberté est concédée par Dieu lui-même à chaque homme, il n’est pas possible que ce dernier agisse en choisissant toujours le bien. La conséquence est que l’homme peut provoquer volontairement le mal.

Bibliographie

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    • Lew Rockwell, "Free Market Economists: 400 Years Ago", The Freeman, September, Vol 45, n°9, pp544-547 (L'auteur part à la découverte des vrais fondateurs de la science économique à l'école de Salamanque)
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  • 2014, Francisco Pérez de Antón, "El legado de la Escuela de Salamanca", Altar Mayor, n°157, pp61-71
  • 2019, L. G. Rivas, "Campeones de la libertad: Los maestros de la Segunda Escolástica española e iberoamericana", Unión Editorial y Centro Diego de Covarrubias

Notes et références

  1. Vitoria, Leçon sur les Indiens, (1539)

Liens externes

En français et en espagnol

Court article rappelant l'existence de l'École de Salamanque... pour ceux qui n'auraient pas lu cet article...

En anglais

Leonard P. Liggio

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