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Bureaucratie

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La bureaucratie désigne, pour les libertariens, dans la fonction publique, la caste d'individus vivant exclusivement de la coercition et de la spoliation étatique, généralement installée dans des bureaux, d'où son nom - les dits bureaux servant à isoler les bureaucrates de fâcheux appelés « contribuables », « assujettis » ou « usagers ».

Dans le privé, elle désigne l'appareil administratif entourant les fonctions plus commerciales de l'entreprise, avec un sens péjoratif.

Mais qu'est-ce que la bureaucratie en tant que telle ? C'est essentiellement un monde dans lequel il est impossible de savoir si les ressources utilisées sont employées au mieux. Comme les notions de profit, de calcul économique et donc de satisfaction du client n'y ont pas cours, il est impossible de connaître l'efficacité réelle d'une administration, ni même de savoir si cette efficacité existe. Les fonctionnaires et autres bureaucrates ne supportent jamais personnellement les conséquences éventuellement négatives de leur travail. Ils dépendent avant tout de ce que pensent d'eux leurs supérieurs hiérarchiques. La bureaucratie est donc le règne opaque de l'irresponsabilité :

La bureaucratie est un mécanisme par lequel une personne est confortablement coupée des conséquences de ses actes. (Nassim Nicholas Taleb, Jouer sa peau, 2018)
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Les lois de la bureaucratie

Diverses lois empiriques régissent le développement de la bureaucratie :

  • la loi de C. Northcote Parkinson affirme que « le travail s’étale de façon à occuper le temps disponible pour son achèvement ». D’après Parkinson, cela est dû à deux forces : le fait qu'un fonctionnaire entend multiplier ses subordonnés, pas ses rivaux, et la tendance des fonctionnaires à se créer mutuellement du travail. Laissée à elle-même, la bureaucratie tend toujours à s'étendre davantage.
  • le principe de Peter affirme que « tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence. » Le corollaire est que, « avec le temps, tout poste sera occupé par un incompétent incapable d'en assumer la responsabilité. »
  • le principe de Dilbert est une version plus pessimiste encore : « Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : l'encadrement. » Les principes de Peter et de Dilbert expliquent l'évolution des gouvernements vers l'inaptocratie.
  • la loi de Max Gammon : « Dans une bureaucratie, l’augmentation des dépenses sera accompagnée d’une diminution de la production ». Augmenter les budgets étatiques n'améliore pas les services pour autant, au contraire.
  • la loi de David Friedman : « Tout ce que fait le gouvernement coûte au moins deux fois plus cher que ce que coûterait l'équivalent dans le privé. » Elle avait été formulée auparavant par Edward Savas sous le nom de loi de Savas.

Loyd S. Pettegrew et Carol A. Vance énoncent les 7 lois de la bureaucratie de la façon suivante[1]

  1. Il faut maintenir à tout prix les "problèmes", bases du pouvoir ("guerres" contre la pauvreté, contre le réchauffement climatique, contre le travail au noir, guerre contre la drogue...)
  2. Il faut utiliser les crises pour accroître son pouvoir (exemple : les attentats du 11 septembre 2011)
  3. S'il n'y a pas assez de crises, en fabriquer (guerres préventives, planche à billets, prétexte du réchauffement climatique...)
  4. Il faut contrôler l'information tout en prétendant pratiquer l'ouverture
  5. Il faut s'attirer les faveurs de la presse en prétendant aider les gens (prétexte de la "justice sociale")
  6. Il faut s'attirer les faveurs de certains groupes de pression en leur distribuant des privilèges dont le coût est réparti sur ses opposants
  7. Il faut diaboliser ceux qui affirment que "le roi est nu".

Les bureaucrates sont aussi des "bullocrates" (titre d'un livre écrit par Jean-François Kahn en 2006) : ils finissent enfermés dans leur bulle et perdent tout contact avec la réalité.

L'influence de la bureaucratie devient parfois tellement prépondérante qu'elle occulte les aspects politiques ou économiques du pouvoir. Quand le pouvoir réel est entre ses mains, on parle alors d'État profond.

L'analyse de Ludwig von Mises

L'économiste autrichien Ludwig von Mises développe une analyse de la bureaucratie dans son ouvrage de 1944, La Bureaucratie. Comme le rappelle Mises, dans une économie de marché, les signaux de profits et de pertes sont assurés par le mécanisme des prix et, surtout par la préservation d'un système de propriété privée. Si les besoins des clients ne sont pas satisfaits, cela ne remet pas en cause le fonctionnement de l'économie. Donc, lorsque le marché est remplacé par un tiers, en particulier l'État, pour pallier soi-disant une défaillance du marché, alors le profit n'est plus le critère de réussite. Il en résulte des conflits irréconciliables sur le meilleur usage des ressources limitées. Cela peut aller jusqu'à la violence indique l'économiste autrichien, Ludwig von Mises[2] et à la création d'une organisation éducative bureaucratique qui évince les économistes favorables à un système de marché[3].

L'analyse de William Niskanen

William Niskanen, à l'inverse de Ludwig von Mises, développe une approche purement économique de la bureaucratie. Il utilise le modèle de l'agent rationnel et maximisateur (homo œconomicus) pour décrire le comportement des bureaucrates.

Selon lui, les bureaucrates agissent rationnellement en maximisant le budget qui leur est alloué par les législateurs. Or, les bureaucrates ont des informations que les législateurs n'ont pas. Cela les conduit à révéler des informations fausses aux législateurs, de façon à obtenir un budget plus important que nécessaire. Les quantités de biens et de services collectifs produites étant plus grandes que ce qui est effectivement désiré par les citoyens, la conclusion de Niskanen est que la démocratie sociale contemporaine ne peut pas parvenir à un résultat optimal.

Citations

  • « L'outil de l’entrepreneur est la création de valeur, celle du bureaucrate est la création de peur. » (Ayn Rand)
  • « Quand on n’a pas vu l’administration de l’ancien régime à l’œuvre, en lisant les documents secrets qu’elle a laissés, on ne saurait imaginer le mépris où finit par tomber la loi, dans l’esprit même de ceux qui l’appliquent, lorsqu’il n’y a plus ni assemblée politique, ni journaux, pour ralentir l’activité capricieuse et borner l’humeur arbitraire et changeante des ministres et de leurs bureaux. » (Alexis de Tocqueville)
  • « Si le gouvernement, un jour, silencieusement, fermait ses portes, si tous les bureaucrates quittaient sans bruit leurs grandes salles de marbre, il faudrait aux gens de ce pays un temps assez long pour commencer à se dire que quelque chose leur manque, ou même pour savoir que les bureaucrates sont partis. » (Ronald Reagan, Écrits personnels)
  • « La bureaucratie, avec les développements excessifs qu'elle a reçus dans quelques pays étrangers, n'a pas seulement pour résultat de blesser les intérêts ; elle se montre plus funeste encore en abaissant les âmes et les intelligences. En soumettant les citoyens à des fonctionnaires irresponsables, elle propage sans cesse deux sentiments qui dégradent également le caractère d'une nation, le désir des révolutions et la résignation momentanée devant l'oppression et l'injustice. Elle fait descendre à la condition de solliciteurs obséquieux les classes supérieures de la société qui, dans toute bonne constitution, ont pour mission spéciale de cultiver les vertus dérivant de l'indépendance individuelle. (...) Ce régime pervertit les esprits en ce qui concerne les principes fondamentaux de l'activité sociale, en les habituant à croire que l'État a qualité pour se charger de toutes les fonctions qui, chez les peuples libres et prospères, appartiennent exclusivement aux individus et aux familles. Il a fait ainsi éclore en 1848 les doctrines dites socialistes, à la stupéfaction des citoyens les plus expérimentés, qui n'ont pu d'abord se rendre compte d'une telle aberration. Le doute n'est plus possible aujourd'hui : les faits prouvent que le fléau du socialisme n'a nullement atteint les peuples libres, et qu'il a sévi chez les autres exactement en proportion des exagérations de la vie publique. » (Frédéric Le Play)
  • « Nous avons en France une maladie qui fait bien des ravages : cette maladie s'appelle la bureaumanie » (propos de Vincent de Gournay en 1764, rapportés dans La société de confiance d'Alain Peyrefitte)
  • « Ainsi que Brille-Babil l'expliquait sans relâche, c'est une tâche écrasante que celle d'organisateur et de contrôleur, et une tâche qui, de par sa nature, dépasse l'entendement commun. Brille-Babil faisait état des efforts considérables des cochons, penchés sur des besognes mystérieuses. Il parlait dossiers, rapports, minutes, memoranda. De grandes feuilles de papier étaient couvertes d'une écriture serrée, et dès qu'ainsi couvertes, jetées au feu. Cela, disait encore Brille-Babil, était d'une importance capitale pour la bonne gestion du domaine. Malgré tout, cochons et chiens ne produisaient pas de nourriture par leur travail, et ils étaient en grand nombre et pourvus de bon appétit. »' (George Orwell, La Ferme des animaux, [lire en ligne])
  • « La société tout entière deviendra un seul immense bureau et une seule immense usine avec égalité de travail et égalité de rétribution ». (Lénine, L'État et la Révolution)
  • « Un escalier de ministère est un endroit où des gens qui arrivent en retard croisent des gens qui partent en avance. » (Georges Clemenceau)
  • « Il me semble qu'à la suite d'une rotation des cadres à tous les échelons du pouvoir, sensiblement plus rapide qu'en Russie ou en URSS, il existe aujourd'hui sur les rives de la Seine une société bureaucratique qui emploie presque un Français sur quatre. Comme Soviétique, je m'étonne en permanence de voir à quel point toute la société française est contaminée de haut en bas par l'esprit bureaucratique. » ("Un soviet au pays de Tonton" [et si l'URSS nous avait transmis son mal bureaucratique?], Kirill Privalov, éd. Robert Laffont, 1991)
  • « - Alors on vous paie pour vous tourner les pouces ? - On nous paie pour enrayer la marche des affaires qui iraient très bien toutes seules sans ça ! » (film "Messieurs les Ronds de cuir", 1959)
  • « La bureaucratie réalise la mort de toute action. » (Albert Einstein)
  • « La bureaucratie peut être considérée comme un ensemble parasitaire où se développent toute une série de blocages, d'embouteillages qui deviennent un phénomène parasitaire au sein de la société. » (Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe)
  • « Chaque révolution s'évapore en laissant seulement derrière elle le dépôt d'une nouvelle bureaucratie. » (Franz Kafka)
  • « La bureaucratie est un mécanisme par lequel une personne est confortablement coupée des conséquences de ses actes. » (Nassim Nicholas Taleb, Jouer sa peau)
  • « Nous cherchons un homme et nous trouvons des bureaux. Nous cherchons une décision et nous trouvons une Circulaire Recommandée. Où est donc le mal ? En ceci, que le formidable État, composé de militaires, de diplomates et d'administrateurs, n'a point de maître. Cet instrument aveugle marche seul. Le peuple puissance agit ; le peuple pensée n'est point représenté ; enfin le gouvernement n'est que la pointe extrême de l'engin mécanique. Cette situation du Bureaucrate régnant est nouvelle. » (Alain, Le citoyen contre les pouvoirs, 1926)

Notes et références

  1. The Seven Rules of Bureaucracy
  2. "La base ultime d'un système complètement bureaucratique est la violence. (Ludwig von Mises)
  3. "Après la mort des vieux professeurs qui avaient été nommés pendant la courte période d'épanouissement du libéralisme allemand, il devint impossible d'entendre parler de science économique dans les universités du Reich. Il n'y avait plus d'économistes allemands, et on ne trouvait plus les ouvrages des économistes étrangers dans les bibliothèques des universités. (...) Tout ce que les étudiants en sociologie apprenaient de leur professeur était que la science économique est une fausse science et que les soi-disant économistes sont, comme le disait Marx, d'hypocrites défenseurs des injustes intérêts de classe des exploiteurs bourgeois, prêts à vendre le peuple au gros capitalisme de l'industrie et de la finance. Au sortir de l'université, les licenciés étaient des partisans convaincus du totalitarisme soit de marque nazie, soit de variété marxiste. Dans les autres pays, les conditions étaient les mêmes. L'établissement d'enseignement français le plus célèbre est l'École Normale Supérieure ; ses anciens élèves occupaient les postes les plus importants de l'administration, de la politique et de l'enseignement supérieur. Les marxistes et les autres partisans du contrôle généralisé de l'État y exerçaient une influence dominante. En Russie, le gouvernement impérial refusait de confier une chaire universitaire à quiconque était suspect d'attachement au libéralisme ou à la science économique "occidentale". Mais, par contre, il nommait de nombreux marxistes, parmi les marxistes "loyaux", c'est-à-dire ceux qui restaient à l'écart du fanatisme révolutionnaire. (...) Le totalitarisme européen est une conséquence de la prééminence de la bureaucratie dans le domaine de l'éducation. Les universités ont frayé la route aux dictateurs." (Ludwig von Mises, La Bureaucratie)

Bibliographie

  • 1970, M. Albrow, "Bureaucracy", Basingstoke, Palgrave-Macmillan
  • 1976, E. Jaques, "A general theory of bureaucracy", London: Heinemann
  • 1991, Clayton A. Coppin et Jack High, “Entrepreneurship and Competition in Bureaucracy: Harvey Washington Wiley’s Bureau of Chemistry, 1883-1903,” in Jack High, ed., Regulation, Ann Arbor, MI: University of Michigan Press, pp95-118
  • 1994, P. Du Gay, "Making up managers: bureaucracy, enterprise and the liberal art of separation”, British Journal of Sociology, Vol 45, n°4, pp655-674
  • 1996, P. S. Adler et B. Borys, Two Types of Bureaucracy: Enabling and Coercive, Administrative Science Quarterly, vol. 41, n°1, pp61-89
  • 1999, Richard Haass, "The Bureaucratic Entrepreneur: How to Be Effective in Any Unruly Organization", Washington: Brookings Institution Press
  • 2002, Rossette Nicolaï et Gilbert Tosi, Bureaucratie et confiance, In: Alain Leroux et Alain Marciano, dir., Traité de Philosophie Economique, de Boeck

Liens externes

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En Anglais


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