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Antisémitisme

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L’antisémitisme, parfois appelé antijudaïsme ou judéophobie, est un néologisme désignant une forme de racisme liée à la discrimination et à l'hostilité à l'encontre des Juifs en tant que groupe ethnique, religieux ou racial. En se focalisant sur le groupe et non sur l'individu, et en promouvant une société fermée à l'opposé de la société ouverte libérale théorisée par Karl Popper, l'antisémitisme, comme le racisme, s'inscrit en totale contradiction avec les idées libérales.

Définition d'antisémitisme

L'expression d'antisémitisme renvoie à une réprobation critique stigmatisant les juifs, les considérant comme une anormalité au cours de l'histoire, appuyée par un discours ciblant la manière de vivre du juif, son identité, son comportement envers les non-juifs, ses ruses ou manipulations, son hypocrisie ou malhonnêteté et, dans beaucoup de cas, son pouvoir d'influence sur les affaires du monde.

Les origines du mot antisémitisme remontent au XIXe siècle, il a été forgé et vulgarisé par le journaliste Wilhelm Marr, auteur d'un essai polémique intitulé « La victoire de la judéité sur la germanité ».

La combinaison des mots antisémite et sémite est à prendre avec précaution, car, même si par sémite il peut être entendu une langue ou le peuple parlant cette langue, ils sont plutôt source d'amalgame et confusion. Le néologisme antisémite, au-delà d'une classification, prétend avoir une portée scientifique[1], d'autre part, la langue sémite est le fruit d'une classification linguistique[2]. Sont donc désignées comme langues sémitiques l'hébreu, le phénicien, l'assyrien, l'araméen, l'arabe, le sabéen, l’éthiopien, etc. Le mot « sémite » remonte à la fin du XVIIIe siècle, il fut inventé par le philologue allemand August Ludwig Schlözer.

L’antisémitisme a diverses origines, culturelles, religieuses, économiques ou politiques :

  • antisémitisme religieux, qui se rencontre principalement dans le christianisme et dans l'islam, opposés au judaïsme (dont ils émanent pourtant) pour diverses raisons (accusation de déicide pour le christianisme, haine d'Israël et théorie d'une conspiration juive mondiale pour l'islam)
  • antisémitisme politique et racial, notamment dans le nazisme et dans l'antisionisme (par exemple stalinien)
  • antisémitisme économique (les Juifs sont accusés de constituer une ploutocratie ou une cryptocratie) ; souvent lié à l'anticapitalisme, on le trouve aussi bien à gauche qu'à droite (Karl Marx, Proudhon, Édouard Drumont, Philippe Pétain, etc.)
  • antisémitisme philosophique (Heidegger), les juifs symbolisant le « déracinement », la « raison calculante », la « non-essence », etc.
Exposition « Le Juif et la France » de l'Institut des questions juives, sous le régime de Vichy.

Antisémitisme de gauche et antisémitisme de droite

Affiche antisémite soviétique (1923), dépeignant le juif comme un banquier rapace caché derrière le prétexte de la religion

Le débat public identifie généralement bien l'antisémitisme d'extrême droite, en particulier via les atrocités de la Seconde Guerre mondiale. De la même manière, l'antisémitisme à l'extrême droite en France dans les années 1930 est particulièrement bien connu et enseigné dans les cours d'histoire.

Néanmoins, et malheureusement, cet antisémitisme ne se limite pas à la droite et à l'extrême droite. Karl Marx écrivait ainsi en 1844 La Question Juive :

« C'est du fond de ses propres entrailles que la société bourgeoise engendre sans cesse le Juif. Quelle était en soi la base de la religion juive ? Le besoin pratique, l'égoïsme. Le monothéisme du Juif est donc, en réalité, le polythéisme des besoins multiples, un polythéisme qui fait même des lieux d'aisance un objet de la loi divine. Le besoin pratique, l'égoïsme est le principe de la société bourgeoise et se manifeste comme tel sous sa forme pure, dès que la société bourgeoise a complètement donné naissance à l'état politique. Le dieu du besoin pratique et de l'égoïsme, c'est l'argent. L'argent est le dieu jaloux, d'Israël, devant qui nul autre dieu ne doit subsister. »

De la même manière, l'antisémitisme de l'URSS, sous Joseph Staline en particulier mais pas que, était un facteur structurel du régime communiste russe. Dès les années 1920, la lutte contre le judaïsme et contre l'hébreu fut élevée au rang d'une politique nationale en URSS selon l'historienne Inna Gérassimova[3]. Les procès de Moscou entre 1936 et 1938 visent tout particulièrement les juifs selon Trotsky. Les poursuites contre Trotsky et Zinoviev justement renforcent l'antisémitisme d’État dans le pays sous Staline. Le pacte germano-soviétique qui allie secrètement l'URSS et les Nazis est l'occasion d'une collaboration active, rare mais réelle, et de l'expression d'un antisémitisme structurel. Envoyés en première ligne, les soldats juifs représentent 25% des effectifs de l'armée soviétique, mais 40% des pertes selon l'historien Marc Steinberg. Les instructions officielles pour les médailles sont claires : « Décorer les représentants de toutes les nationalités, mais limiter celles attribuées aux Juifs »[4].

L'antisémitisme soviétique se renforce après la Seconde Guerre mondiale. L'expression du souvenir de la Shoah est vu comme une menace pour l'URSS dans le sens où il affirme des identités autres que celle de l'homme nouveau totalitaire. Comme l'écrit l'historien Oleg Bounditskiï pour l'Ukraine : « les autorités ont menacé de raser tous les obélisques sur lesquels l'étoile de David ne serait pas remplacée par l'étoile soviétique à cinq branches »[5]. Le faux complot des blouses blanches en 1953 permet encore à Staline d'éliminer de nombreux médecins juifs. Nikita Khrouchtchev ne renonce pas à l'antisémitisme de son prédécesseur. Il ne cessera d'exister au plus haut de l'Etat jusqu'à la fin de l'URSS. Profitant de l'ouverture des frontières avec la fin de l'URSS, un million de juifs fuient la Russie post soviétique dans les années qui suivent.

Aujourd'hui en France, l'antisémitisme s'incarne tant à l'extrême droite (Rivarol ou un Jérôme Bourbon condamnés à plusieurs reprises pour cela) qu'à l'extrême gauche. Sans se réclamer ouvertement de l'antisémitisme, Jean-Luc Mélenchon et La France Insoumise (LFI) en additionnent les marqueurs selon l'analyste Rafaël Amselem : « Antisémite ou pas, ce qui est certain, c'est que LFI déploie un ensemble de tropes qui, consciemment ou non, renvoient bien à de l'antisémitisme. À charge aux analystes de déceler les intentions malveillantes ou non qui se cachent derrière. Dans tous les cas, le déni répété de ce fait élémentaire expose le parti Insoumis à la faute politique »[6].

En application du théorème de Mario, l'un prend d'ailleurs la défense de l'autre. C'est Rivarol, à l'extrême droite, qui est venu soutenir l'homme politique d'extrême gauche, sur fond d'accusation du « lobby » juif de « diaboliser » Jean-Luc Mélenchon comme « hier Le Pen »[7]. Lors d'une manifestation transpartisane à Paris le 12 novembre 2023, LFI est le seul parti national qui refuse de s'associer à la manifestation.

Antisémitisme et antisionisme contemporain

Searchtool-80%.png Article détaillé : Sionisme.

Alors que l'antisémitisme pouvait être très clairement affiché avant la Seconde Guerre mondiale, par exemple dans l'entre deux guerres chez des politiques et écrivains de tout bord, son expression est devenue quasiment tabou à la suite de l'holocauste et de ses conséquences dramatiques (six millions de juifs assassinés à travers l'Europe).

Si l'antisionisme (notion très ambigüe) peut parfois être parfaitement justifié, une part non négligeable de cet antisémitisme, qui n'a pas pour autant disparu, se retrouve aujourd'hui derrière le cache-sexe actuel d'antisionisme, non sans un vrai danger. Comme l'écrivait Habib Bourguiba, président tunisien : « Dans le cas de la Palestine, cette haine conduit à confondre l'antisionisme avec l'antisémitisme, ce qui engendre […] un fanatisme qui sera dangereux le jour où il faudra négocier »[8].

Pour Rafaël Amselem, parlat de « cécité » et d'« indignité », « on ne peut pas dissocier l’antisionisme de l’antisémitisme » aujourd'hui en France[9].

Citations

  • « Je n’ai pas encore rencontré d’Allemand qui veuille du bien aux juifs ; les sages et les politiques ont beau condamner tous sans réserve l’antisémitisme, ce que réprouvent leur sagesse et leur politique, c’est, ne vous y trompez pas, non pas le sentiment lui-même, mais uniquement ses redoutables déchaînements, et les malséantes et honteuses manifestations que provoque ce sentiment une fois déchaîné. On dit tout net que l’Allemagne a largement son compte de juifs, que l’estomac et le sang allemands devront peiner longtemps encore avant d’avoir assimilé cette dose de « juif », que nous n’avons pas la digestion aussi active que les Italiens, les Français, les Anglais, qui en sont venus à bout d’une manière bien plus expéditive : — et notez que c’est là l’expression d’un sentiment très général, qui exige qu’on l’entende et qu’on agisse. « Pas un juif de plus ! Fermons-leur nos portes, surtout du côté de l’Est (y compris l’Autriche) ! » Voilà ce que réclame l’instinct d’un peuple dont le caractère est encore si faible et si peu marqué qu’il courrait le risque d’être aboli par le mélange d’une race plus énergique. Or, les juifs sont incontestablement la race la plus énergique, la plus tenace et la plus pure qu’il y ait dans l’Europe actuelle ; ils savent tirer parti des pires conditions — mieux peut-être que des plus favorables, — et ils le doivent à quelqu’une de ces vertus dont on voudrait aujourd’hui faire des vices, ils le doivent surtout à une foi robuste qui n’a pas de raison de rougir devant les « idées modernes » ; ils se transforment, quand ils se transforment, comme l’empire russe conquiert : la Russie étend ses conquêtes en empire qui a du temps devant lui et qui ne date pas d’hier, — eux se transforment suivant la maxime : « Aussi lentement que possible ! » » (Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, chap. 8)
  • « Ce sont les chrétiens qui ont créé le juif en provoquant un arrêt brusque de son assimilation et en le pourvoyant malgré lui d’une fonction où il a, depuis, excellé. Mais de ce souvenir les sociétés modernes se sont emparées, elles en ont fait le prétexte et la base de leur antisémitisme. Ainsi, si l’on veut savoir ce qu’est le juif contemporain, c’est la conscience chrétienne qu’il faut interroger : il faut lui demander non pas « qu’est-ce qu’un juif ? » mais « qu’as-tu fait des juifs ? » Le juif est un homme que les autres hommes tiennent pour juif : voilà la vérité simple d’où il faut partir. » (Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la Question juive)
  • « L'antisémite reconnaît volontiers que le Juif est intelligent et travailleur ; il s'avouera même inférieur à lui sous ce rapport. Cette concession ne lui coûte pas grand-chose : il a mis ces qualités entre parenthèses. Ou plutôt elles tirent leur valeur de celui qui les possède : plus le Juif aura de vertus plus il sera dangereux. Quant à l'antisémite, il ne se fait pas d'illusion sur ce qu'il est. Il se considère comme un homme de la moyenne, de la petite moyenne, au fond comme un médiocre ; il n'est pas d'exemple qu'un antisémite revendique sur les Juifs une supériorité individuelle. Mais il ne faudrait pas croire que sa médiocrité lui fasse honte : il s'y complaît au contraire ; je dirai qu'il l'a choisie. Cet homme redoute toute espèce de solitude, celle du génie aussi bien que celle de l'assassin : c'est l'homme des foules ; si petite que soit sa taille, il prend encore la précaution de se baisser, de peur d'émerger du troupeau et de se retrouver en face de lui-même. S'il s'est fait antisémite, c'est qu'on ne peut pas l'être tout seul. Cette phrase : « Je hais les Juifs », est de celles qu'on prononce en groupe ; en la prononçant on se rattache à une tradition et à une communauté : celles des médiocres. » (Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la Question juive)
  • « Si nous sommes socialistes, alors nous devons automatiquement être antisémites, car, autrement, il n’y aurait que matérialisme et culte du veau d’or, contre quoi nous nous dressons résolument. » (Adolf Hitler à Munich en août 1920)

Notes et références

  1. Ludwig von Mises : Le Gouvernement omnipotent - chapitre 8, « La doctrine raciale des antisémites prétend être une science naturelle ; mais la source dont elle dérive n'est pas le résultat de l'observation d'un phénomène naturel ».
  2. La doctrine de l’inégalité des races s'est appuyé sur la classification des langues afin de déterminer la classification ethnique du genre humain. Voir à ce sujet « L’Antisémitisme, son histoire et ses causes » de Bernard Lazare.
  3. Inna Gerassimova :Confrontation des rabbins biélorusse à la politique anticléricale du pouvoir soviétique en 1920-1930-s, "La politique répressive du régime soviétique en Biélorussie", Memorial
  4. Книга нашей памяти, anciennement accessible à sem40.ru/anti/20482/
  5. (ru)Комиссары, партизаны, антисоветчики: Евреи в ВОВ// Partisans, antisoviétiques, commissaires : Les Juifs dans la Grande Guerre
  6. La nauséeuse rhétorique antisémite de La France insoumise, Le Point, 31 octobre 2023
  7. « Courage certain », « sauve l’honneur » : Mélenchon encensé par le journal antisémite Rivarol et le site d’Alain Soral, Valeurs Actuelles, 24 octobre 2023
  8. Cité par Alain-Gérard Slama, « Arafat et la mystique du peuple martyr », Le Figaro, 8 novembre 2004
  9. On ne peut pas dissocier l’antisionisme de l’antisémitisme, par Rafaël Amselem

Bibliographie

  • 1968, Arnold A. Rogow, "Anti-sémitisme", In: David L. Sills, dir., "International encyclopedia of the social sciences", Vol 1, London: Macmillan and the Free Press, pp345-350
  • 2007, Alexis Lacroix, Le Socialisme des imbéciles, biblios-essais
  • 2012, Jean-Philippe Feldman, "Racisme et antisémitisme", In: Mathieu Laine, dir., Dictionnaire du libéralisme, Paris: Larousse, pp510-511
  • 2017, Alexis Lacroix, J'accuse!... 1898-2018, permanences de l'antisémitisme, Éditions de l'Observatoire

Voir aussi

Liens externes


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