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Régime de Vichy

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Le nom de régime de Vichy désigne le régime politique dirigé par le maréchal Philippe Pétain, qui assure le gouvernement de la France au cours de la Seconde Guerre mondiale, du 10 juillet 1940 au 20 août 1944 durant l’occupation du pays par l’Allemagne nazie, et dont le siège se situe à Vichy (ville du département de l'Allier), situé en zone libre jusqu'en novembre 1942 (invasion de la zone libre, qui devient « zone sud », par les Allemands et les Italiens à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord).

On présente souvent le régime de Vichy comme une parenthèse détestable de l'histoire de France, une période sombre qui ne mériterait que de tomber dans l'oubli. Or c'est au contraire une période fondatrice d'une forme française de collectivisme étatique (notamment en comparaison avec la Troisième République, nettement plus libérale), qui s'est développée dans la seconde moitié du XXe siècle dans ce pays et perdure largement aujourd'hui, y compris sous la forme de prétendus "acquis sociaux" jamais remis en cause ni par la droite ni par la gauche.

Les régimes politiques qui ont suivi le régime de Vichy s'inscrivent entièrement dans la continuité de l'action de ce dernier. Les nationalisations opérées après la Libération, la longue influence du parti communiste (résultat du pacte franco-soviétique de 1944), ont conduit à une société fortement administrée, sclérosée, faite de privilèges, de prétendus acquis sociaux, au prix d'une fiscalité étouffante et d'un étatisme omniprésent.

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Caractéristiques

A partir du 10 juillet 1940 (vote des pleins pouvoirs à Pétain) le régime est désigné sous le nom d’« État français » et la mention « République française » disparaît des actes officiels. Les principales caractéristiques du régime sont les suivantes :

  • « révolution nationale » antilibérale, traditionaliste et nationaliste, tendant vers un fascisme à la française
  • politique de collaboration avec les nazis (collaboration économique, policière et militaire) à partir du 30 octobre 1940
  • cléricalisme
  • corporatisme, planisme
  • idéologie socialisante (un quotidien anticapitaliste tel que La France socialiste, accueillant des hommes de gauche ralliés à la collaboration, tirera constamment à plus de 100 000 exemplaires)
  • propagande
  • « contrôle postal » (droit d'ouvrir le courrier) et écoutes téléphoniques
  • censure : en août 1940 « liste Bernard » d'ouvrages interdits, suivie de trois « listes Otto » censurant des écrivains antinazis, juifs et anticommunistes (!)
  • statut des juifs : port de l'étoile jaune obligatoire, rafles, convois de déportation
  • arrestations de résistants, de francs-maçons, et d'opposants
  • fin de l'état de droit, création de « sections spéciales », tribunaux d'exception chargés de condamner des otages désignés par les nazis
  • début de mise en place d'une "protection sociale" étatisée, imposant entre autres un système de retraite par répartition à la place du système de capitalisation existant (les fonds des caisses vieillesse privées sont confisqués)

De l'époque du Régime de Vichy date aussi une prise de pouvoir de la technocratie (future "énarchie"), qui sera ensuite formalisée à la Libération avec la création de l'école nationale d'administration (ENA) :

L’originalité du Régime de Vichy est aussi l’arrivée en force de « technocrates », hauts fonctionnaires vite promus et qui rêvent de mettre en œuvre, sans contre-pouvoirs, leur programme de modernisation. (Jean-Marc Dreyfus, Dictionnaire de la Shoah, Larousse, 2015)

L'héritage de Vichy

L'historien américain spécialiste de Vichy Robert Paxton estimait que « c’est dans l'administration publique, dans la modernisation et la planification économique que les mesures – et le personnel – de Vichy se perpétuent avec le plus d’évidence » après 1945. On y trouve l'origine de l'interventionnisme étatique, du corporatisme et de la social-démocratie redistributrice qui caractériseront la France dans le reste du siècle :

  • Les premières mesures d'aménagement du territoire ;
  • La création des premières administrations régionales ;
  • Le début de la politique publique d'urbanisme qui fit tant de désastres ;
  • Les premiers projets de villes nouvelles ;
  • La création de grandes bureaucraties ;
  • La fusion de la Compagnie du Métropolitain de Paris et de la Société des Transports en Commun de la Région parisienne dont le nouvel ensemble prendra le nom de RATP en 1948 ;
  • La création des Comités Sociaux d'Entreprise dont les pouvoirs seront renforcés en 45 et prendront le nom de comités d'entreprise ;
  • La création de la médecine du travail ;
  • La fondation de l'Institut National d'Hygiène qui deviendra en 1964 l'INSERM ;
  • La retraite par répartition : le décret-loi du 14 mars 1941 "réforme" l'assurance-vieillesse pour imposer le système de la répartition à la place du système de la capitalisation, en créant une allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS), indépendante des "cotisations versées". Les fonds des caisses vieillesse privées (20 milliards de francs de l'époque) sont confisqués (ils deviennent inutiles dans le cadre de la répartition et permettent de financer immédiatement l'allocation) ;
  • le numéro de sécurité sociale, inventé par le contrôleur général de l'Armée René Carmille (« numéro de Français »), destiné à ficher la population (le "code sexe" à un chiffre servait aussi à recenser les juifs, les musulmans d’Algérie, les étrangers...)
  • les tickets restaurant

Liste de quelques mesures héritées de Vichy et toujours en vigueur selon l'historienne Cécile Desprairies :

  • le "délit de non-assistance à personne en danger", qui a été conçu dans le but d'obliger les Français à porter secours aux soldats allemands blessés (par les attentats communistes), loi nazie existant aujourd'hui seulement en France et en Allemagne,
  • essais de sirène chaque premier mercredi du mois,
  • institution de la police nationale (au lieu des gardes champêtres et polices municipales), dont l'uniforme est calqué sur celui des Allemands,
  • institution du salaire minimum (loi du 4 octobre 1941),
  • institution du carnet de santé,
  • réorganisation statutaire du cinéma, des professions de médecin et d'architecte,
  • création de l'hôpital public,
  • institution de la carte hebdomadaire ouvrant droit à une réduction dans les transports,
  • mise en place d'une loi « sur la protection des naissances » que l'on traduira par « accouchement sous X »
  • carte d'identité,
  • licence IV pour les débits de boisson vendant de l'alcool ou des liqueurs,
  • extension des allocations familiales,
  • heure d'hiver,
  • rugby à XV,
  • sport au bac,
  • retraite à 60 ans,
  • statut de PDG,
  • fête des mères.

Sources

  • Cécile Desprairies, L'héritage de Vichy, Armand Colin, 2012, 256 p

Citations

  • Devant la faillite universelle de l'économie libérale, presque tous les peuples se sont engagés dans la voie d'une économie nouvelle. Nous devons nous y engager à notre tour et, par notre énergie et notre foi, regagner le temps perdu. Deux principes essentiels nous guideront : l'économie doit être organisée et contrôlée. La coordination par l'État des activités privées doit briser la puissance des trusts et leur pouvoir de corruption. Bien loin donc de brider l'initiative individuelle, l'économie doit la libérer de ses entraves actuelles en la subordonnant à l'intérêt national. La monnaie doit être au service de l'économie, elle doit permettre le plein essor de la production, dans la stabilité des prix et des salaires. (Philippe Pétain, discours du 11 octobre 1940, L’ordre nouveau)
  • Les historiens de notre vie sociale savent que la Sécurité sociale a été conçue à Vichy en 1940 par René Belin, ex-responsable de la CGT devenu secrétaire d’État à la Production industrielle et au Travail dans le premier gouvernement de Pierre Laval. (Ambroise Croizat, Chronique syndicale de juin 2006)
  • Dans le domaine économique, notre administration est la fille du gouvernement de Vichy. (...) La rage du contrôle était née de la pénurie des années 1940-1944. S'y ajoutait, à l'époque, la méfiance maurrassienne contre l'économie libérale. Or, parallèlement, la Résistance sous sa forme administrative et politique se pénétrait de la même méfiance en partant d'une idéologie différente mais de réactions analogues. Depuis la fin de la guerre, des générations de fonctionnaires ont été formées dans l'esprit que l'intérêt général se confond non pas seulement avec la primauté de l'État mais avec l'interventionnisme étatique et la défiance à l'égard de l'entreprise privée. (Georges Pompidou, Le nœud gordien, 1974)
  • L’armée française a connu une déroute en 1940, et cette déroute était prévisible. Ce n’est pas glorieux, mais c’est un fait. Le dernier parlement français élu (celui de 1936) a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, ce qui a conduit au régime de Vichy, qui a été le régime légal de la France pendant plus de quatre années. Et ce régime a été un régime de collaboration. Ce n’est pas glorieux non plus, mais c’est un fait, là encore. Il y a eu au temps de Pétain et de Vichy, comme l’a écrit Henri Amouroux quarante millions de pétainistes. Ce n’est pas glorieux, toujours, mais c’est un fait, toujours. (Guy Millière, 04/08/2019)
  • Vichy n’est pas un régime fasciste, mais un régime réactionnaire, sans parti unique, sans volonté de conquête, sans véritable entreprise totalitaire. Il y a du fascisme chez Doriot, ancien communiste et fondateur du Parti populaire français, chez Déat, ancien socialiste, fondateur du Rassemblement national populaire pronazi, chez Darnand, le chef de la Milice, mais, outre leur manque complet d’unité entre eux, ils ne gouvernent pas. Le régime de Pétain est autoritaire, antisémite, antirépublicain, artisan d’un nouvel ordre moral, mais pas « fasciste ». (Michel Winock, L'Express, 16/07/2020)
  • Le régime de Vichy a mis sur notre histoire une tache d’une autre nature, plus profonde, le consentement d’un appareil d’État français au crime ontologique du génocide. Mais cette tache ne doit pas non plus nous faire oublier que si nous aimons proclamer notre amour de la liberté, nous nous sommes très vite collectivement affranchis de ses exigences, passant de l’absolutisme de la souveraineté royale à l’absolutisme de la souveraineté populaire, qui, s’exprimant dans la volonté générale, ne pouvait errer. (François Sureau, Sans la liberté, 2019)

Liens externes


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