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État de droit

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L'État de droit, conjonction de l’État et de Droit, est une notion née au XIXe siècle en Allemagne sous le nom de der Rechtsstaat, et qui a connu un développement important dans la doctrine juridique allemande. L'expression est redéfinie par le juriste autrichien Hans Kelsen, selon lui, un État de droit est un « État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve limitée ».

Le juriste Robert von Mohl est considéré comme le premier à avoir utilisé le concept d’État de droit de manière systématique. Pour ce dernier, la notion d'État de droit fait référence à un type d'État, l'État rationnel (Verstandesstaat), dont le fondement est la plus grande liberté des citoyens garantie par les institutions du droit, notamment par une limitation constitutionnelle du domaine du pouvoir de l'État.

Le juriste Carré de Malberg qualifiera d’ailleurs le système institutionnel français d’État légal par opposition à État de droit, dans la mesure où le législateur n’est soumis à aucun principe de limitation.

L’objectif de l’État de droit consiste à encadrer et à limiter le pouvoir de l'État grâce à un ensemble de normes juridiques. Dans le cadre de la théorie hobbesienne de l’auto-limitation, le pouvoir absolu de l’État est au moins tenu de respecter les normes juridiques qu’il a lui-même édictées.

Ne pas confondre avec la Rule of Law, que l'on traduit parfois par « état de droit ».

Principes fondamentaux de l’État de droit

  • La séparation des pouvoirs : principe régulateur de la puissance d'État, le principe de séparation des pouvoirs sert à prévenir l’arbitraire et empêcher les abus. La séparation des pouvoirs distingue trois fonctions : fonction législative, exécutive et juridictionnelle.
  • Le respect de la hiérarchie des normes : les compétences des différents organes de l'État doivent être précisément définies et les normes qu'ils édictent ne sont valables qu'à condition de respecter l'ensemble des normes de droit supérieures. À savoir par ordre d'importance : la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, des règlements, puis des décisions administratives ou des conventions entre personnes de droit privé.
  • L'égalité des sujets de droit : tout individu, toute organisation, doivent pouvoir contester l'application d'une norme juridique, dès lors que celle-ci n'est pas conforme à une norme supérieure. L'État est lui-même considéré comme une personne juridique : ses décisions sont ainsi soumises au respect du principe de légalité, à l'instar des autres personnes juridiques. Ce principe permet d'encadrer l'action de la puissance publique en la soumettant au principe de légalité, qui suppose au premier chef, le respect des principes constitutionnels.
  • L'indépendance de la Justice : la doctrine de l'État de droit nécessite l'existence de juridictions indépendantes, compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques en appliquant les principe de légalité et d'égalité. Cela implique un strict respect de la séparation des pouvoirs : seule l'indépendance de la Justice à l'égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l'application des normes de droit.
  • Le contrôle de constitutionnalité : une loi ou une convention internationale contraire à la Constitution doit ainsi être écartée par le juge et considérée comme non valide. Compte tenu du caractère complexe d'un tel contentieux, Hans Kelsen a proposé de le confier à une juridiction unique et spécialisée, ayant la qualité de Cour constitutionnelle.

Critiques

Le modèle de l'État de droit ne reste qu'un modèle théorique qui n'est jamais totalement efficient ou mis en œuvre dans la pratique. D'après certains théoriciens comme Holcombe, tout État, même dictatorial, est un État de droit. De même, pour le juriste Hans Kelsen, l’État nazi pouvait être regardé comme un État de droit. Même la pire des dictatures est liée par certaines procédures quand elle a affaire à ce qu'elle appelle des « cas sociaux », assassins, fraudeurs du fisc, esprits contestataires et autres catégories ou classes de citoyens considérées comme dangereuses. En Union soviétique, par exemple, le traitement des dissidents en asile psychiatrique était connu de tout le monde. Il faisait partie du « contrat social ». S'ils respectaient les règles du jeu, les individus ordinaires n'avaient pas à craindre d'être envoyés en asile. S'ils se lançaient dans une protestation ouverte contre les autorités, ils savaient ce qui les attendait. Même dans les régimes les plus répressifs, les gouvernants suivent des règles de nature constitutionnelle qui garantissent aux citoyens que, s'ils obéissent à ces règles, ils ne seront pas poursuivis par l'État. Bref, même l'État le plus dictatorial n'échappe pas à la logique de l'échange protection contre tribut.

On peut noter que la conception de l'État de droit – orthographié avec E majuscule – n'a pas de sens pour les libéraux car, même si elle offre un certain nombre de garanties, le Droit élaboré par l'État relève fondamentalement du domaine du droit positif, et non du domaine du Droit naturel. Ainsi, pour un libertarien, l'État violera dans tous les cas de figure le Droit naturel, et le droit positif qu'il élabore ne se cantonne, à ses yeux, qu'à la légalité et non à la légitimité. Si l'État est soumis, dans la théorie de l'État de droit, au respect du principe de légalité, cela ne l'empêche pas de punir les vols et les violations de propriété des individus et en même temps de s'exempter de se condamner lui-même, en instituant le vol organisé, c'est-à-dire l'impôt.

En réalité, les libéraux défendent la Rule of Law, qui équivaut à l'isonomia des Grecs, laquelle n'est rien d'autre que l'égalité devant la loi. Pour exister et être respectée, celle-ci n'exige pas l'existence d'un appareil étatique, bien au contraire comme nous l'avons vu plus haut. Aussi, afin d'éviter toute confusion, la seule conception libéralement valable doit s'écrire état de Droit.

On peut donc conclure que le droit positif créé et institué par l'État n'est pas légitime : miroir des intérêts du moment, il ne sert que l'État.

Expressions rattachées

L'État peut invoquer la raison d'état pour violer le Droit, et même le droit positif qu'il a défini. Ce type de comportement qui apparaît antithétique avec la notion d'État de droit et du principe de légalité associé est pourtant souvent utilisé, même dans les États démocratiques (écoutes de particuliers, destruction de propriété : affaire du Rainbow Warrior, etc.)

Les zones de non-droit sont une invention langagière récente qui s'applique aux lieux où la population décide de respecter un droit contractuellement défini, non imposé par l'État. Ce point doit être fortement limité car il s'agit bien souvent de zones où seule la loi du plus fort règne

Citations

  • « Le concept clé du libéralisme est celui de l’État de droit, en anglais Rule of Law. Nous sommes d’ailleurs tellement déformés par le mot État que pour beaucoup, l’état de droit est l'État qui fait le droit. Non, l’État de droit est l’État qui est soumis à un droit qui lui est antérieur et supérieur. C’est un ordre juridique des sociétés d’hommes libres dans lequel le droit positif est soumis à un droit supérieur. » (Alain Madelin[1]
  • « Comme format normatif et institutionnel, l’État de droit n’a qu’un mérite : celui de nous prémunir, toujours imparfaitement mais mieux que n’importe quelle alternative, des empiètements arbitraires de l’État. » (Drieu Godefridi, 19 novembre 2013)
  • « La France, et bien d'autres États avec elle, ont une fâcheuse tendance à confondre, de plus en plus, l'état de droit avec le droit de l’État. L'idée qui tend à prévaloir est que ce qui est bon pour l’État est juste. Et pourtant ça n'a rien à voir ou presque. Le danger est précisément de considérer le droit comme un outil au service de la majorité, modulable par elle à merci. » (Jean-Philippe Delsol, Pourquoi je vais quitter la France)
  • « L’État de droit n'a qu'une seule mission et prérogative, et elle est fondamentale : assurer justice et sécurité. Dans ce contexte, les agents économiques pourront assumer leur mission : créer des richesses. Si le premier sort de son rôle, les seconds ne peuvent exercer le leur. » (Jean-Louis Caccomo)

Bibliographie

Notes et références

Liens externes


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