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Société ouverte

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Antonyme : société close - voir aussi : société ouverte et société close

Massoud-esclavage.png

Caractéristiques

Ouverte

Le degré d'ouverture de la notion est tributaire de la notion de société retenue. A minima, elle correspond à une société collectiviste refusant l'autarcie et appliquant le libre-échange (bien qu'en gardant quelques mesures protectionnistes qui en assurent l'identité) et participe à la division inter-étatique du travail. A maxima, la mondialisation du commerce (donc de tout le reste) tendant à unifier le genre humain, il ne peut plus exister de sociétés collectivistes clairement dissociées par un État qui en marque les frontières géographiques, politiques, juridiques, etc. mais une seule société "ouverte".

Mettant en contact distant une multitude de personnes anonymes, son mode de fonctionnement, la catallaxie, fait que beaucoup d'échanges sont commerciaux et l'argent est à son fondement.

Plurielle

Ouverture peut être entendu comme tolérance, refus d'imposition d'une normalité et concurrence des modèles de tous ordres, la notion de société n'interdisant pas qu'en son sein coexistent de multiples sociétés sur le principe du communautarisme (la bonne et la mauvaise société, sociétés privées : associations, entreprises, familles, etc., groupes d'affinités). L'idée de société perd son statut univoque, public, et aucun individu ne dénote l'idée de société comme son voisin : si deux personnes qui n'ont rien en commun font partie de la même société collective-étatique, dans une société ouverte il se peut qu'ils ne partagent rien, sinon quelques règles minimales de vie collective (droit positif minimal, ordres spontanés : langue, monnaie, règles abstraites : bienséance, éthique minimale) assurant respect de l'autre et non-ingérence.
Logos, culture marchandisée, publicité, médias, s'ils assurent la fonction de fétiches rassembleurs ou sont vecteurs d'idéologie, n'ont pas le caractère impératif qu'ils ont en régime collectiviste : si le citoyen abstentionniste est directement stigmatisé de ne pas se prêter au jeu, aucun marchand ne peut directement accuser le consommateur de ne pas choisir ou de ne pas être fidèle à son produit et, s'il utilise des méthodes de pression et de propagande plus diffuses, le jeu de dupe y est posé cartes sur table, les individus mis face à leur responsabilité. Il est même permis à ceux qui refuseraient d'être manipulés par la pernicieuse idéologie capitaliste, de créer leur propre système autononome, qui ne sera dès lors qu'un sous-système au sein de la grande société, chose qui n'est pas possible (ou de manière totalement contradictoire, cf. NEP en URSS) en sens inverse.

Spontanée

Ordre spontané donc non-totalitaire, la société ouverte repose sur le capitalisme libéral : c'est-à-dire la propriété privée, le polycentrisme, la concurrence, la responsabilité, le libre-choix par l'individu de ses solidarités et de ses despotes localisés, etc. Ainsi, elle est gage de complémentarité, d'accroissement de la complexité, de flexibilité, de renouvellement (destruction créatrice) et d'adaptation.

« Ce fut lorsque l'on passa de la société de face à face, ou du moins du groupe restreint composé de membres connus et reconnaissables, à la société ouverte, abstraite, qui n'était plus soudée par des buts communs, mais seulement par l'obéissance aux mêmes règles abstraites. Ce que l'homme eut le plus de mal à comprendre, fut probablement que les seules valeurs communes d'une société ouverte et libre n'étaient pas des objectifs concrets à atteindre, mais seulement des règles de conduite abstraites admises par tous, lesquelles assuraient le maintien d'un ordre tout aussi abstrait qui procurait simplement à l'individu de meilleures perspectives de réussite dans ses initiatives, mais ne lui ouvrait aucune créance sur des biens particuliers. »
Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté, t.III, p.196

La morale de la société ouverte

« Dans un ordre de marché de grande étendue les producteurs sont amenés à servir les gens sans connaître leurs besoins individuels. …[Cela] implique et requiert des vues morales assez différentes de celles d'une société où les gens voient à qui leur travail est utile. L'orientation indirecte par des revenus monétaires probables, qui servent d'indicateur des demandes d'autrui, […] ne prescrivent pas des buts particuliers mais plutôt des règles générales bornant le champ des actions licites. » (Hayek, DLL II, p.175)

Les groupes qui ont adopté cette morale ne l’ont pas fait grâce au pouvoir de la raison, mais par empirisme parce « les groupes et les sociétés qui se comportaient de cette façon prospéraient davantage que les autres ». (Id.) Toujours est-il que, sachant ceci, l'individu doit s'efforcer de raisonner à long terme et à une échelle plus large que ce qu'il voit autour de lui, et de refuser toute sympathie, qui - bien que donnant bonne conscience - s'avère contre-productive comme toutes les théories humanistes collectivistes ou religieuses (charité). Cela demande de :

  • agir à l’aune de son propre intérêt, se plaçant sur un marché et ne pas tomber dans la tentation planificatrice qui est l'hybris de la raison : « le premier des devoirs est de poursuivre le plus efficacement possible une fin librement choisie, sans se préoccuper du rôle qu'elle joue dans le tissu compliqué des activités humaines. »
  • ne pas soulager la misère mais agir de sorte à faire augmenter l’activité : « investir sa fortune dans des instruments rendant possible de produire davantage à moindre coût [plutôt] que de la distribuer aux pauvres »
  • pourvoir aux besoins de milliers d'inconnus plutôt que de répondre aux demandes d'un petit nombre de voisins connus :
« Le but pour lequel l'entrepreneur qui réussit désire employer ses profits peut aussi bien être de créer un hôpital ou une galerie d'art dans sa ville natale. Mais tout à fait indépendamment de la question de ce qu'il compte faire de ses profits après les avoir gagnés, il est amené à faire du bien à des gens en plus grand nombre en recherchant le bénéfice maximum, qu'il n'aurait pu en faire en se consacrant à satisfaire aux besoins de gens connus de lui. Il est amené par la main invisible du marché à procurer le bienfait des inventions modernes aux plus pauvres des foyers, qu'il ne connaît même pas. » (Id., p.176)

En effet, la charité met des pansements sur une blessure que l’on ne fait que soulager très précairement, quand l'ordre du marché, parce qu'il est le modèle adéquat aux activités humaines, soigne bien mieux (et quoique la perfection ne soit de ce monde) la gangrène du chômage, de la pauvreté, de la faim.

C'est une morale en tous points différente de celle de la proximité, du « regard », de l'héroïsme aristocratique du désintérêt et de l'altruisme romantique ; non pas austérité calviniste comme une approche wébérienne pourrait le laisser penser (La fable des abeilles de Bernard Mandeville développe un autre modèle où tout en poursuivant vices et passions l'individu contribue involontairement mais sûrement à la prospérité de la société), mais une certaine ascèse demandant de ne pas céder aux sirènes des bons sentiments qui ne pavent que l'enfer.

Problèmes

  1. Si certains, comme Hayek et à sa suite Philippe Nemo, pensent que la société ouverte est un progrès historique obtenu par l'évolution des mentalités, comment comprendre selon ce schéma-là si bonne santé de l'antique tribalisme alors que la société ouverte, qui est la "superstructure" par excellence de la Modernité, peine à s'imposer. Si le sélectionnisme prétend que le plus efficace l'emporte (et non pas le plus fort, pris individuellement) le romantisme et le simplisme démagogique dont peuvent user ses défenseurs ne doivent-ils pas mener au scepticisme ? Même si les échecs patents des sociétés closes militent en faveur de l'autre modèle, l'efficacité médiatique des théories collectivistes n'en assure-t-il pas la domination sur le marché des idées, le "progrès" étant dès lors retardé ad vitam aeternam ?
  2. Synonyme de « fin de l'histoire » (politique), de « fin des idéologie » (ou du moins d'individualisation du ré-enchantement du monde qui lui fait perdre son attrait de fusion avec le groupe ou de rêve unanimement partagé), la société ouverte est appréhendée, y compris chez des libéraux, comme un monstre froid, machine dénuée de sens, usine sans remous et sans la chaleur des luttes, des slogans et des drapeaux. On la craint de peur de s'y ennuyer, on devient conservateur au nom de la diversité, le romantisme gagne sur une rationalité jugée vide et creuse...
  3. Grand marché commun, la société ouverte pâtit de la défiance envers le caractère spontané des marchés : interventionnistes libéraux (libéraux classiques, ordolibéraux, y compris un certain Hayek), enfants rebelles du libéralisme (Keynes, Joseph Schumpeter, etc.) ou anti-capitalistes viscéraux (Marx, altermondialistes) s'y opposant et en retardant par leur pouvoir de nuisance, son advenue... les sociétés étatisées étant-elles l'indépassable transition vers la société pleinement libérale que fut le capitalisme d'État pour le communisme ?

Bibliographie


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