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Communautarisme
Le communautarisme est une notion équivoque, selon que son utilisation soit plutôt faite dans un sens de rhétorique politique visant à la rendre illégitime, soit dans un emploi de critique philosophique. Selon cette dernière acception, il s'agit d'une base de réflexion philosophique ou courant de pensée, souvent rattaché d'abord à une posture critique en réaction à l’ouvrage de philosophie politique de John Rawls, Théorie de la Justice (1971). La controverse libéralo-communautaire s'est ouverte dans les années 1970 et 1980, s'agissant notamment d'une discussion critique communautarienne vis-à-vis du libéralisme politique au sens rawlsien. Autrement dit, le terme « communautarisme », lorsqu'il est utilisé par les libéraux, identifie des positions politico-philosophiques qui se sont développées comme une alternative à l'individualisme plus ou moins radical issu de la tradition libertarienne de l'anarchisme individualiste. Les premiers auteurs communautaristes libéraux[1] ont mis l'accent sur la force des liens culturels et du contexte éthique au sein des institutions.
Communauté, sens, évolution et usages dans le débat politique
Le communautarisme, néologisme en langue française, est une notion indissociable de l'idée et référence à toute communauté, communauté morale, politique, culturelle, régionale ou familiale. Classée comme groupe humain, la plus petite communauté connue est celle de la famille. Vient ensuite la communauté de localité avec le voisinage et l'amitié jusqu'à la communauté de village. Dans une communauté les individus sont liés par le sang, le sentiment, la coutume et la religion en tant qu'éléments d'une identité personnelle et partagée. La communauté se manifeste aussi par des relations sociales réunissant des personnes formant des liens d'entente.
Le communautarisme est aussi la reconnaissance et l'affirmation de différents modes de vie, modes d'action, de croyances et convictions. Souvent associé au multiculturalisme, le discours politique assimile le communautarisme à des groupes minorisés porteurs de revendications archaïques mettant en cause les valeurs majoritairement admises dans une société laïque.
Sur le plan politique, particulièrement en France, le discours sur le communautarisme est présenté comme une sorte d'évidence, sans autre discussion, traduisant le communautarisme comme un danger, une situation à éviter et combattre, une sorte de maladie sociale dont souffrirait la société française. Devenu un produit politique du socialement indésirable, est communautariste toute problématique de radicalisation identitaire avec ses replis communautaires, ses ghettos et quartiers mal famés. L'entassement épidémique s’intègre mal dans la validation institutionnelle de la communauté des citoyens égaux de la nation.
Ainsi, le seul et unique discours politique de valeur, excluant tout autre, est celui qui fait valoir la « volonté générale », l'accord du citoyen par le « contrat social », le modèle républicain du vivre-ensemble par intégration, le « nous », société unique à valeur unique et commune, et les « autres », les barbares avec ou sans culte, mettant en péril l'idée d'identité nationale et les valeurs de la république et la laïcité.
Dans le discours politique franco-français moderne, l'emploi du mot communautarisme a un accent fortement répulsif visant à catégoriser ce que doit être une bonne ou mauvaise communauté, comme si toutes les identités sociales étaient vues de la bonne manière par la bonne communauté. De cette façon, le communautarisme est perçu comme un péril pour la culture républicaine, laïque et nationale. Le communautarisme désignerait une problématique mélangeant des thèmes comme le terrorisme, l'islamisme, l'immigration et l'idéologie néolibérale mondialiste avec sa frénésie multiculturaliste.
Le débat entre la conception libérale de la justice et les communautariens
Selon l'approche philosophique communautarienne, la société est fondée sur le pluralisme de communautés. Ce sont ces dernières qui créent les identités et les valeurs morales. Au sein de toute société existent des liens multiculturels, des réseaux et des relations entre groupes d'individus. Il existe des communautés limitées dans un territoire ou région, d'autres qui ne se limitent pas à un territoire limité, ce sont des groupes ethniques et religieux. Le communautarisme n'est pas une école de pensée clairement identifiable, mais plutôt une prise de position par certains penseurs qui se réclament de l’aristotélisme et de l’éthique des vertus, exposant une critique envers philosophie des Lumières, et notamment une critique envers la question de la justice soulevée par la Théorie de la justice de Rawls.
John Rawls est un auteur libéral au sens américain, il soutient que la valeur du Juste (right) prévaut sur toute conception particulière du Bien (good). Pour lui, une théorie de la justice doit prendre acte du fait du pluralisme existant dans nos sociétés. Selon Rawls, le fondement du juste se retrouve dans les relations intersubjectives, par l'usage de la raison et le dialogue, dans le but d'un accord commun sur les principes de la vie en société. La justice est la première vertu des institutions sociales selon la formulation et approche rawlsienne. Il conçoit sa théorie de justice comme équité, comme étant neutre. Sa conception politique doit rendre possible la cohabitation de différentes doctrines. La justice comme équité est fondée sur la raison pratique au sens kantien, les jugements impartiaux des différents individus sont soumis à un test procédural qui doit aboutir à des normes universalistes.
Les sociétés contemporaines sont caractérisées par le pluralisme des valeurs et l'égale valeur morale de tous les individus. Ce constat est au centre des réflexions du libéralisme politique défendu autant par Rawls, Dworkin ou encore Isaiah Berlin. Dans ce sens, la liberté de choix entre diverses fins a été affirmée par Isaiah Berlin : selon lui « le pluralisme, avec ce degré de liberté négative qu'il implique, me semble un idéal plus véridique et plus humain que l'idéal de maîtrise de soi positive des classes, des peuples ou de l'humanité tout entière que certains croient trouver dans les grands systèmes bien ordonnés et autoritaires ».[2] Conformément à la vision pluraliste de Berlin, les individus sont confrontés à l'existence d'une opposition entre valeurs. Le choix de certaines valeurs peut rendre impossible la réalisation d’autres valeurs, ainsi la poursuite des idéaux d'égalité serait difficilement conciliable avec la liberté individuelle. Cette situation serait la caractéristique inéluctable du fait de pluralisme des valeurs. Toutefois pour Rawls, le « pluralisme n'est pas perçu comme un désastre, mais plutôt comme le résultat naturel de l'activité de la raison humaine ».[3]
Aux relations déterminées soit sur le calcul, le conflit, l'utilité ou le contrat, les penseurs communautariens vont opposer un autre type de relations humaines basées sur l'attachement à la communauté. C'est aussi l'importance que les individus attribuent à l'engagement au sein d'une communauté donnée dans le rôle de la constitution d'un sens ou d'une identité propre.
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Charles Nordhoff, dans son ouvrage The Communistic Societies of the United States publié pour la première fois en 1875 et réédité en 1965 par Schocken à New York, nous offre un compte rendu de première main sur les premières communautés américaines telles que les Harmonistes, les Shakers et les Oneida Perfectionists aux États-Unis. L'ouvrage de Nordhoff est une étude détaillée et une exploration approfondie des communautés utopiques et communautaires qui ont fleuri aux États-Unis au XIXe siècle. L'auteur s'immerge dans ces communautés, vivant avec leurs membres et observant leur mode de vie, leurs croyances, leur organisation sociale, et leurs pratiques économiques. Nordhoff offre ainsi un aperçu précieux des idéaux, des défis et des réussites de ces expériences communautaires. En se fondant sur ses observations directes, The Communistic Societies of the United States fournit des informations essentielles sur ces groupes utopiques tout en les replaçant dans leur contexte historique et social. L'ouvrage est une source inestimable pour quiconque s'intéresse à l'histoire des mouvements utopiques et à la diversité des expériences communautaires aux États-Unis.
- ↑ Éloge de la liberté, Isaiah Berlin, 1969
- ↑ John Rawls, Libéralisme politique, 1993
Bibliographie
- 2010, Justine Lacroix, "Libéralisme et communautarisme", In: Gilles Kevorkian, dir., "La pensée libérale. Histoire et controverses", Paris, Ellipses, pp343-356
Citations
- « La communauté traditionnelle, celle de la pré industrialisation, se distingue par son autosuffisance, que le pouvoir centralisateur a atomisée et détruite. La recherche d’une communauté où l’autorité n’est pas le pouvoir est la tragédie moderne de l’homme ». - Robert Nisbet
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