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Objectivisme

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L'objectivisme désigne les doctrines philosophiques selon lesquelles il existe un monde réel objectif connaissable directement par l'esprit, ou qui admettent l'existence en soi, en dehors des hommes, des valeurs morales. Il s'oppose en cela au relativisme.

Une citation objectiviste typique est « Reality is that which, when you stop believing in it, doesn't go away -- Philip K. Dick » (La réalité, c'est ce qui ne disparaît pas quand on arrête d'y croire.)

Philosophie

L'Objectivisme (avec un grand O, pour ses zélateurs) est aussi le nom donné à sa philosophie par la philosophe Ayn Rand. Cet Objectivisme est un courant qui s'inscrit dans le prolongement de la philosophie dite réaliste (Aristote, Thomas d'Aquin). Il s'apparente au libéralisme non utilitariste. Il est inspiré du jusnaturalisme et de l'école autrichienne d'économie.

L'Objectivisme couvre les cinq branches classiques de la philosophie: métaphysique, épistémologie, éthique, politique et esthétique.

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Satanisme et objectivisme (for)
L'objectivisme et les éventuels problèmes (for)

Sa métaphysique énonce qu'il existe un monde objectif extérieur à la conscience (toute conscience), à la fois nécessaire et strictement déterminé par les lois de la causalité. Les trois axiomes de la métaphysique objectiviste sont les suivants, dans l'ordre d'importance[1] :

  • axiome d'existence : quelque chose existe, qui est perceptible ;
  • axiome d'identité et de causalité : chaque chose est spécifique et agit selon sa nature ;
  • axiome de la conscience : les choses sont perçues par la conscience, ces perceptions reflètent la réalité ; la conscience ne précède pas l'existence (rejet de l'idéalisme).

Son épistémologie énonce que la connaissance humaine est à la fois axiomatique et expérimentale. Un axiome, dans ce contexte, est une connaissance vraie du monde à la fois évidente et irréfutable. Dire qu'un axiome est « évident » signifie que tout être humain le perçoit immédiatement, par l'expérience, à la fois par l'introspection et par l'observation extérieure.

Les principaux axiomes sont les lois aristotéliciennes de la logique: axiome de l'identité (une chose est elle-même) et axiome de non-contradiction. L'Objectivisme y ajoute: l'axiome de l'existence (« l'existence existe ») et de la conscience (« la conscience existe »).

Pour l'Objectivisme, les sens nous fournissent l'information sur ce qui existe, la conscience met en ordre et intègre cette information sous la forme hiérarchisée de concepts. La méthode sur laquelle se fonde la conscience est la logique.

L'éthique Objectiviste s'appuie sur sa métaphysique et son épistémologie. Puisque le monde existe, et que l'homme existe, ce que l'homme doit faire, c'est agir de manière à survivre et à s'épanouir. Par conséquent, il doit vivre et agir en se fondant à chaque instant sur sa raison. Pour l'Objectivisme, la morale consiste à être « rationnel » et à choisir la vie - en l'absence de ce choix, la question de l'éthique ne se pose pas. L'homme doit donc rejeter toute forme de discours « irrationnel », qu'il soit théologique ou politique. Ceci est accepté par plusieurs philosophies et idéologies, mais l'Objectivisme se distance d'eux par sa déclaration que le plus haut but moral d'un homme est sa propre vie et que son propre bonheur constitue son plus haut but moral. La raison Objectiviste demande à chaque individu de chercher son propre bonheur, et en corollaire, de laisser aux autres la possibilité de chercher le leur. Par conséquent, un principe moral fondamental de l'Objectivisme est le principe de non-agression (physique). En aucun cas, un individu ne doit en agresser physiquement un autre. De plus, la recherche du bonheur personnel est incompatible avec le sacrifice pour les autres. Par conséquent, l'éthique Objectiviste consiste à rejeter toute forme de sacrifice sous quelque raison que ce soit : Dieu, la société, l'amour, etc. Les Objectivistes expriment cette idée en disant que « l'individu est une fin en lui-même, non un moyen au service des fins d'autrui ».

La politique Objectiviste est dérivée de l'éthique : elle prône la suprématie des « droits individuels » (en effet, une liste très spécifique des droits) sur les désirs des dirigeants ou les droits de la société. L'Objectivisme soutient le capitalisme « pur » (c'est-à-dire, le droit à la propriété privée est considéré comme un principe fondamental, à ne pas être violé même lorsqu'une telle violation peut sauver des vies humaines). Naturellement, l'Objectivisme a été beaucoup critiqué pour ces vues. Le plus grand adversaire de l'Objectivisme dans le domaine de la philosophie politique est l'utilitarisme (mais il y a aussi beaucoup d'autres, comme par exemple le Marxisme).

Epistémologiquement, l'Objectivisme s'oppose au positivisme, au relativisme et au théisme. Moralement, à l'altruisme. Politiquement, il s'oppose au totalitarisme, au nationalisme, à l'étatisme, à l'anarchisme, au socialisme, au communisme, et même au capitalisme modéré.

Les représentants les plus connus de la philosophie Objectiviste, outre Ayn Rand, sont Leonard Peikoff, Nathaniel Branden et Barbara Branden.

Plus de détails en anglais: Objectivist_philosophy

Objectivisme et libertarianisme

Les deux philosophies ont beaucoup de points communs, ce qui fait qu'on les confond parfois :

  • toutes deux individualistes, elles militent pour la réduction de l'État et en faveur de l'initiative individuelle ;
  • elles reposent toutes deux sur l'axiome de non-agression ;
  • elles admettent l'existence de droits inaliénables ("vie, liberté, propriété", à la suite de Locke) ;
  • elles sont en faveur du capitalisme.

En revanche l'objectivisme a une métaphysique propre alors qu'il n'y a rien de tel dans le libertarianisme, qui est le plus souvent déontologique ou conséquentialiste, et ne se revendique d'aucune métaphysique. L'objectivisme, qui est politiquement en faveur du minarchisme, s'oppose en revanche à l'anarcho-capitalisme.

Voir aussi Libertarianism and Objectivism sur Wikipédia, et l'essai de David Boaz Objectivists and Libertarians.

Objectivisme et subjectivisme

La connexion de l'objectivisme randien et du subjectivisme utilisé par l'École autrichienne d'économie rend le néophyte hagard ; il peut se demander à bon droit comment ces deux concepts apparemment opposés peuvent aussi bien se conjuguer :

«  L'objectivisme est un domaine subjectif dans lequel toutes les valeurs importantes sont tenues pour être objectives alors que les sciences économiques sont supposées être une étude objective pour laquelle toutes les valeurs importantes sont considérées comme subjectives. Je suis presque certain que la prochaine génération de libertariens appréciera un assemblage terminologique moins confus. »
    — Mark Thornton, The Freeman - June 1995, Vol. 45 No. 6

Critiques libérales et libertariennes

L'objectivisme d'Ayn Rand est critiqué sur divers plans :

  • un certain nombre de philosophes affirment que sa « métaphysique » n'est qu'une parodie de métaphysique ; il s'agit davantage d'une forme de positivisme philosophique antimétaphysique, qui découle d'un « réalisme naïf » sans profondeur : au lieu d'essayer de définir une réalité objective à partir de l'expérience que l'être humain a du monde (comme l'ont tenté avant elle, avec de grandes difficultés, Descartes, Hume ou Kant), elle affirme simplement que « la réalité existe » (« A est A »), que « la nature, c'est le donné métaphysique », ajoutant sans démonstration que sa métaphysique est objective et rationnelle[2] ;
  • l'objectivisme présente le défaut, comme d'ailleurs d'autres doctrines religieuses, de partir de postulats métaphysiques pour aboutir à des positions libérales ; si l'on peut partager ses conclusions, on peut mettre en doute ses postulats ; en particulier, il repose sur une hypostasiation de la "raison" comme capable de fournir des vérités absolues, les émotions ne pouvant servir de guide mais devant être filtrées par la raison, seul guide possible ; or la raison n'est pas en soi une condition nécessaire à la survie, c'est au contraire la survie qui permet de déterminer ex post ce qui est rationnel[3] ;
  • de même, on lui a reproché de fonder sa philosophie sur des postulats logiques ("A = A", "l'existence existe") alors que la logique ne permet que de valider la cohérence d'un système de pensée, et non de construire une éthique ou d'établir des "vérités" politiques ou économiques ; en prétendant fonder l'éthique uniquement sur la raison, l'objectivisme tombe dans le même travers rationaliste que Kant (qui procède de même, en aboutissant à une éthique différente) ;
  • sa justification de l'égoïsme repose sur un non sequitur : le bien le plus précieux de l’homme étant sa vie et son désir fondamental étant de rester en vie et d’être heureux, il s’ensuivrait qu’il devrait nécessairement être égoïste ;
  • tout en critiquant l'impératif catégorique kantien, l'objectivisme pose lui-même des impératifs catégoriques moraux, par exemple l'obligation morale de répliquer à une agression[4] ;
  • l'objectivisme affirme un primat de la raison, et voit la volonté comme dérivée de la conscience ; le volontarisme nie ce rationalisme naïf en affirmant plutôt un primat de la volonté, la raison venant ex post pour aider à obtenir les objets visés par la volonté
  • pour Robert Nozick l'éthique objectiviste est mal fondée, elle n'explique pas pourquoi le choix par une personne de la mort ou de l'absence de valeurs serait impossible ou irrationnel ; pour lui la défense objectiviste de la moralité de l'égoïsme est une pétition de principe ; le passage de l'être au devoir-être (problème de Hume) dans l'objectivisme est confus (“ought from is” : Rand affirme sans preuve que "ce qu'une entité est, détermine ce qu'elle doit faire") ; on ne voit pas comment l'éthique ou le droit peuvent découler de l'égoïsme et de l'intérêt personnel ;
  • l'axiome de non-agression, qui pour Rothbard est un concept irréductible, est considéré comme un "principe" découlant de la philosophie objectiviste ; cependant, on pourrait très bien imaginer un dictateur objectiviste qui opprime la population au nom de sa propre recherche du bonheur et de son égoïsme personnel ; à l'objection objectiviste qu'il se place "en contradiction avec la réalité", il répondra que sa dictature fait aussi partie de la réalité, et que c'est le moyen qui lui convient pour satisfaire son égoïsme (la "réalité" ne le rattrapera que le jour où il sera renversé, mais il peut très bien estimer qu'en attendant le risque en vaut la peine) ;
  • est critiquée également la vision de l'univers et de la nature humaine propre à l'objectivisme et à Ayn Rand ; il est faux de soutenir que « la raison est pour l’homme le seul moyen de percevoir la réalité et son seul guide d’action »[5] :

«  À l'instar de son maître à penser Aristote, elle catégorise les objets et les phénomènes comme s'ils possédaient une « essence » éternelle dans un univers statique. (...) L'anthropologie et la psychologie évolutionniste nous disent quant à elles que la raison n'est qu'une stratégie parmi d'autres pour traiter l'information toujours limitée qui nous permet d'agir de façon optimale: l'instinct, les émotions diverses programmées dans notre héritage génétique, restent essentiels pour nous guider, comme c'est le cas chez tous les animaux. Enfin, les mêmes sciences nous apprennent que l'altruisme a au contraire une fonction importante dans le développement de la coopération sociale de même que dans la propagation des gènes, et n'est en rien un pur « sacrifice » de soi, comme le déplore Rand. »
    — Martin Masse, Non-croyance et liberté

  • l'élitisme que promeut l'objectivisme randien (illustré par des personnages de roman comme Howard Roark ou John Galt) laisse de côté le fait que la valeur d'une réalisation n'est pas intrinsèque, mais découle de l'appréciation d'autrui. Cette forme d'élitisme semble découler de la pensée de Nietzsche[6], elle occulte la coopération sociale et la division du travail pour insister sur le héros romantique inébranlablement fidèle à sa propre vision des choses, souvent condamné pour cela à demeurer seul et incompris ;
  • plusieurs critiques (Murray Rothbard, David Friedman, Roy Childs, Norman Barry, Chandran Kukathas) soutiennent que l'éthique objectiviste est davantage compatible avec l'anarcho-capitalisme qu'avec le minarchisme ; en particulier, Roy Childs[7] souligne notamment qu'il y a une contradiction à approuver l'existence d'un monopole de la violence (confié à l'État) qui agirait plus "objectivement" et moins "arbitrairement" que chaque individu suivant son égoïsme rationnel ; les conflits entre États (guerres) sont bien plus destructeurs que les conflits supposés entre agences de protection envisagées dans le paradigme anarcho-capitaliste ;
  • Rothbard critique aussi le soutien de Rand à des politiciens conservateurs, comme Barry Goldwater, Richard Nixon et Gerald Ford ;
  • son mépris des populations primitives et sa justification de la domination occidentale sur les Indiens d'Amérique ou les Palestiniens ont été critiqués[8]
  • plusieurs libertariens ont critiqué le caractère sectaire de l'objectivisme à l'époque de Rand, promu par une organisation comparable à une secte religieuse ou un parti communiste : refus de la critique, culte du chef, pression psychologique, purges, obligations absurdes ("fumer est une obligation morale"), etc. :

«  Le pouvoir, et non la liberté ou la raison, tel était le moteur central du mouvement randien. Le grande leçon de l'histoire du mouvement libertarien est que cela peut arriver chez nous, que les libertariens, malgré leur dévotion explicite envers la raison et l'individualité, ne sont pas à l'abri d'un culte mystique et totalitaire, qui envahit les mouvements idéologiques comme les mouvements religieux. Il faut espérer que les libertariens, ayant déjà attrapé le virus une fois, se montreront désormais immunisés. »
    — Murray Rothbard, Sociologie du culte d'Ayn Rand, 1972

Voir aussi Critique d'Ayn Rand sur Liberpedia.

Citations

  • Je ne défends pas avant tout le capitalisme, mais l'égoïsme ; je ne défends pas avant tout l'égoïsme, mais la raison. Dès qu'on reconnaît la suprématie de la raison et qu'on l'applique de façon cohérente, le reste suit. C'est bien cela, la suprématie de la raison, qui a été, est et sera l'objectif principal de mon oeuvre, et l'essence de l'objectivisme. (Ayn Rand, "Brief Summary", The Objectivist, septembre 1971)

Publications

  • 1968, Albert Ellis, "Is Objectivism a Religion?", New York: Lyle Stuart
  • 2003, Scott Ryan, "A Randian Roundup: A Review of the Objectivist Literature", Transactions of the Charles S. Peirce Society, Vol 39, n°3, Summer, pp469-489
  • 2007, Susan Love Brown; "Society: Toward an Objective View", Journal of Ayn Rand Studies, 9(1), pp113-138
  • 2014, Leonard Peikoff, Marlene Trollope, "Teaching Johnny to Think: A Philosophy of Education Based on the Principles of Ayn Rand’s Objectivism", Ayn Rand Institute
  • 2019, Harry Binswanger, "Anarchism versus Objectivism", In: Robert Mayhew, Gregory Salmieri, dir. "Foundations of a Free Society: Reflections on Ayn Rand's Political Philosophy", Series: Ayn Rand Society Philosophical Studies, University of Pittsburgh Press, pp228-236

Notes et références

  1. Objectivism Wiki: Metaphysics
  2. On notera que le marxisme (avec son matérialisme dialectique) prétendait lui aussi parvenir à une représentation de la « réalité objective ».
  3. "La seule définition rigoureuse au plan pratique, empirique et mathématique, que j'aie trouvé de la rationalité est celle de la survie – et de fait, contrairement aux théories modernes élaborées par les soi-disant psychologues, elle correspond aux classiques. Tout ce qui entrave la survie à un niveau individuel, collectif, tribal ou général, est jugé « irrationnel »." (Nassim Nicholas Taleb, Jouer sa peau, 2017)
  4. « All the reasons which make the initiation of physical force an evil, make the retaliatory use of physical force a moral imperative. » (The Nature of Government, The Virtue of Selfishness, 108)
  5. Interview d’Ayn Rand donnée au magazine Playboy, en mars 1964.
  6. Voir Nietzsche And Ayn Rand.
  7. Objectivism and the State - An Open Letter to Ayn Rand (1969)
  8. Objectivism's rejection of the primitive

Liens externes


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