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Épistémologie

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Le terme épistémologie vient du mot grec epistêmê (« connaissance », « savoir », « science ») et de logos (« discours »). L’épistémologie[1] est donc l'étude des connaissances scientifiques, parfois désignée sous le nom de philosophie des sciences.

L'épistémologie s'occupe, pour l'essentiel, d'étudier, évaluer et analyser les systèmes et concepts scientifiques, les formes de raisonnement et méthodes scientifiques, les évolutions de la pensée scientifique, l'orientation des recherches et découvertes, l'intérêt et signification des différentes théories, la capacité des différentes théories à répondre à certaines objections, les difficultés, les obstacles, les ruptures et problèmes des connaissances, la culture et didactique des sciences. La démarche épistémologique s'intéresse à tous les processus de compréhension des sciences en général.

Le positionnement épistémologique de l'école autrichienne

L'épistémologie de l'école autrichienne se caractérise par quelques points de vue communs sur les conditions, possibilités et difficultés de la science économique. C'est pourquoi l'école autrichienne est très attachée à la méthodologie utilisée en sciences sociales. De nombreux auteurs de cette école ont réalisé des travaux pour mieux faire comprendre l'approche scientifique des sciences sociales. Parmi eux et historiquement le premier, on compte Carl Menger, puis Ludwig von Mises et Friedrich Hayek. Toutefois, des nuances et différences existent dans cette école entre :

Tout ceci pourrait faire penser qu'il existe une forme d'anarchisme épistémologique comme le défendait Paul Feyerabend. Bien que cette position soit défendue par de nombreux sociologues des organisations (théorie de la traduction, théories des logiques d'action) son éloignement d'une épistémologie réaliste et son aspect relativiste sont très contestables.

Le rejet de certaines méthodes

Les trois courants de l'école autrichienne se sont construits sur le refus de l'induction en sciences sociales. L'induction consiste à généraliser des faits à partir de l'observation d'événements concrets qui ont une apparition historique. Carl Menger, dès 1883, s'oppose à cette méthodologie car la théorie économique doit être universelle. Or, l'inductivisme ne peut pas empêcher l'émergence d'exceptions. Le courant B renforce cette position avec Ludwig von Mises. Dans son ouvrage, L'Action humaine, il propose une théorie générale fondée sur la praxéologie et l'apriorisme :

« Ses affirmations et ses propositions ne sont pas déduites de l'expérience. Elles sont, comme celles des mathématiques et de la logique, a priori. Elles ne sont pas susceptibles d'être vérifiées ou confrontées sur la base d'expériences ou de faits. Elles sont à la fois logiquement et chronologiquement antécédentes à toute compréhension de faits historiques. »

Carl Menger, dans sa célèbre querelle des méthodes (Methodenstreit), fait reposer l'analyse économique sur des lois exactes et universelles en opposition à Gustav Schmoller et de l'école historique allemande qui tient compte uniquement de l'interprétation des événements situés dans un contexte historique. Les défauts de l'historicisme sont identiques à ceux de l'inductivisme. L'historicisme prétend que l'Homme est déterminé et modelé par des forces extérieures à l'histoire qui façonnent ses pensées, ses actions et sa destinée, avec une très faible latitude accordée à l'individu pour choisir et guider son propre futur et son destin.

L'être humain n'est pas une victime sans espoir ou un prisonnier du passé. Il fabrique sa propre histoire en réfléchissant sur ce qui s'est passé, en se projetant mentalement dans le futur. Il réfléchit sur ce qui a été conforme à ses attentes jusqu'alors et il décide ce qu'il doit changer pour améliorer son futur.

  • Le behaviorisme[2]

Dans son livre, Théorie et Histoire, Ludwig von Mises se demande si le behaviorisme avait raison, pourquoi celui-ci n'explique pas que différentes personnes s'adaptent aux mêmes conditions de façons différentes.

« Le behaviorisme propose d'étudier le comportement humain selon les méthodes développées par la psychologie animale et infantile. Il recherche à étudier les réflexes et les instincts, les automatismes et les réactions inconscientes. Mais il ne nous a rien appris sur les réflexes qui ont construit les cathédrales, les voies ferrées et les forteresses, les instincts qui ont produit les philosophies, les poèmes et les systèmes juridiques, les automatismes qui ont découlé de la croissance et du déclin des empires, les réactions inconscientes qui ont séparé les atomes. » Theory and History pp. 245-46

Comme l'indique Carl Menger, l'action humaine est intentionnelle, elle est tendue vers un objectif. Pour cela, l'individu doit contrôler les biens qu'il peut se procurer directement, mais également ceux qu'il obtient de façon indirecte. Et là le behaviorisme ne peut plus rien dire.

Les deux courants A et B sont très opposés au positivisme car celui-ci essaie de réduire l'Homme et son esprit à des grandeurs mesurables afin d'être étudiées et manipulées comme des sujets inanimés, comme peuvent le faire les sciences naturelles.

Les économistes néo-classiques traitent l'homme et la femme comme si leur comportement était une fonction mathématique. Ils sont supposés avoir donné par avance à l'observateur ses goûts et ses préférences. L'homo oeconomicus réagit de façon prévisible en fonction de diverses contraintes et hypothèses que le formaliste insère dans son modèle. Le courant A et B sont opposés à cette approche de l'humanité. Une partie du courant C est plus tolérante.

Ludwig von Mises insiste pour montrer que l'Homme est un être intentionnel, suivant ses propres objectifs. Il n'est pas en situation passive, comme le présentent trop souvent les économistes néo-classiques. L'individu choisit, planifie et agit. Son esprit ne peut pas être réduit à une vie de marionnette sans vie. Il dispose de sa propre conscience, ce qui lui donne la capacité d'imaginer, de créer et d'initier, renforce le courant A. Il réfléchit en fonction des circonstances dans lesquelles il se situe et il modifie les aspects physiques et sociaux qui l'entourent lorsqu'il ne les trouve pas satisfaisants.

Les fins et les moyens qu'utilisent les économistes néo-classiques sont considérés comme des données dans l'analyse des logiques de choix. Friedrich Hayek précise en 1937 qu'il n'y a pas de données figées. Les fins et les moyens sont créés et comparés dans le cerveau de l'acteur économique. Ils changent dès que l'individu expérimente des succès ou des échecs. Ces données ne sont donc pas statiques ou constantes. La formulation abondante des économistes néo-classiques ceteris paribus ne sert que les économistes de laboratoire, pas les économistes du réel.

Les points saillants des 3 courants

Comme le signale Gérard Bramoullé, l'apriorisme du courant B est un apriorisme méthodologique et épistémologique. Le chercheur n'a pas à tester les résultats de l'apriorisme dans la mesure où il a suivi un processus de raisonnement logique. Seul le processus logique peut être mis en question, non pas les résultats. Sur le plan épistémologique, l'apriorisme ne peut pas être testé sur sa base. C'est pourquoi ce courant est dénommé apriorisme extrême car il fait reposer son approche sur des catégories kantiennes, apodictiquement vraies, et donc non vérifiables par l'esprit humain. Il s'agit d'une loi de l'esprit. L'approche de Murray Rothbard est aristotelico-thomiste. Il fonde son épistémologie sur un apriorisme du réalisme fondée « sur l'expérience intérieure universelle de la réflexion aussi bien que sur la perception extérieure des objets ». Il partage avec Ludwig von Mises que l'expérience est antérieure aux événements historiques complexes, elle ne peut donc pas être testée mais elle est renforcée par le fait qu'elle soit partagée universellement. Il se différencie de lui en montrant que l'expérience est aussi confortation de la perception que l'expérience est conforme aux règles universelles.

La rationalité des agents économiques est un critère important dans l'épistémologie de Ludwig von Mises, de Hans-Hermann Hoppe et de Murray Rothbard. Cependant, à la différence de la rationalité du courant dominant néo-classique, la rationalité des autrichiens ne fusionne pas la raison avec l'intelligence. Est rationnel celui qui met en place certains moyens pour atteindre certaines fins. Du haut de sa position, l'économiste néo-classique va juger de l'adéquation entre les moyens utilisés et les fins atteintes. Les économistes autrichiens estiment qu'un individu stupide ou un individu intelligent sont rationnels dans la mesure où ils agissent. L'homo-oeconomicus est nécessairement un être supérieur et intelligent, disposant de toute la connaissance. L'homo-agens est ignorant, il est plus intelligent que la moyenne dans certaines situations, ou plus stupide que d'autres dans d'autres circonstances, ce qui ne l'empêche pas d'être toujours rationnel.

  • L'épistémologie évolutionniste du courant C

L'épistémologie évolutionniste suggère que la connaissance se développe empiriquement à travers un processus de sélection naturelle darwinienne. Les principaux instigateurs de cette approche sont Karl Popper (1979[3]), Donald Campbell (1974[4]) et K. Lorenz (1977[5]).

Notes et références

  1. Le terme anglais epistemology est attesté la première fois en 1856, et l'épistémologie apparaît en 1906 dans un dictionnaire français comme « critique des sciences », c'est-à dire en tant que discipline de remise en question de la connaissance et des méthodologies scientifiques
  2. Le paradigme scientifique dominant du XIXe siècle était le positivisme. Selon ce courant de pensée issu des sciences physiques, on ne peut étudier que des objets positifs, c’est-à-dire des objets réels. Pour la psychologie, ce caractère de réalité présente une difficulté importante. Comment étudier le psychisme et la pensée d'un individu ? Or, le fonctionnement du cerveau reste opaque (d’où l’expression de « boîte noire »). Les psychologies pensent alors devenir des scientifiques en adoptant la méthode positiviste. Ils ont décidé d'étudier, non pas le cerveau de façon interne, mais en l'observant de l'extérieur par l'intermédiaire du comportement (behavior en anglais) de l'individu. Le comportement est alors un substitut du psychisme cerveau, observable comme objet réel. Pour le behaviorisme, tout changement de comportement est observable sinon il ne peut pas être assimilé à de l’apprentissage. Cela repose sur l'acquisition d’un comportement, le renforcement de ce comportement et l’association entre les stimuli et le comportement observable de l’individu.
  3. Karl Popper, 1979, "Objective Knowledge: An Evolutionary Approach", Clarendon Press, Oxford
  4. Donald T. Campbell, 1974, "Evolutionary epistemology", In: P. A. Schlipp, dir., "The Philosophy of Karl Popper", Open Court, LaSalle, IL, pp413–463
  5. K. Lorenz, 1977, "Behind the Mirror: A Search for a Natural History of Human Knowledge", Methuen, London

Bibliographie

  • 1971, Gaston Bachelard, "Épistémologie", Paris, PUF
  • 2001, Allan Walstad, On Science as a Free Market, Perspectives on Science 9 (3), 324-340
  • 2002, Allan Walstad, Science as a Market Process, The Independent Review 7 (1), pp5-45
  • 2009, Bruce Caldwell, A skirmish in the Popper Wars: Hutchison versus Caldwell on Hayek, Popper, Mises, and methodology, Journal of Economic Methodology, Vol 16, n°3, pp315–324
  • 2012, Caterina Galluccio, "Epistemologia del benessere organizzativo" ("Epistémologie du bien-être organisationnel"), In: Raffaele De Mucci, Kurt R. Leube, "Un austriaco in Italia - An Austrian in Italy : festschrift in honour of professor Dario Antiseri", Soveria Mannelli: Rubbettino, pp365-372

Voir aussi


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