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Jugement entrepreneurial

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Le jugement entrepreneurial est une caractéristique déterminante d'un entrepreneur situé dans des conditions d'incertitude. Pour Peter Klein et Nicolai Foss, les traits de personnalités du leadership entrepreneurial, généralement associés à l'image de l'entrepreneur, comme le leadership charismatique ou le leadership créatif ne sont pas les éléments essentiels. Ils vont jusqu'à écarter la vigilance comme une qualité indispensable de l'entrepreneur. Un entrepreneur peut, ou non, avoir ces traits. Mais, il est toujours indispensable, pour l'entrepreneur, d'avoir un bon jugement dans la permanente incertitude du marché. Dans ce sens, l'approche de l'entrepreneuriat basée sur le jugement est plus proche des théories de l'effectuation, de l'intuition et du bricolage en considérant l'investissement et non pas l'opportunité, comme unité d'analyse. L'entrepreneur effectue son jugement dans un certain contexte[1] en prenant une décision appropriée. Le jugement permet à l’entrepreneur d’estimer si les informations en sa possession représentent une véritable opportunité. Il apparaît quand l'entrepreneur prend des décisions concernant la coordination des ressources rares.

Une controverse entre le jugement entrepreneurial et l'opportunité entrepreneuriale

Peter Klein et Nicolai Foss prennent une position dialectique avec le concept de la vigilance en affirmant que cette dernière est passive alors que le jugement est actif. Les entrepreneurs sont ceux qui cherchent à profiter de l'ajustement au changement. Ils ne se contentent pas d'ajuster passivement leurs activités à des changements ou à des situations facilement prévisibles qui se sont déjà produites dans les mêmes circonstances. Le changement est en lui-même une opportunité pour améliorer sa propre condition et de tenter avec une ferme volonté de l'anticiper et de l'exploiter. Par conséquent, le jugement entrepreneurial est une connaissance qui est entièrement idiosyncratique pour l'entrepreneur, ce qui explique pourquoi les coûts de transaction du jugement entrepreneurial sont prohibitifs.

Le jugement entrepreneurial suppose que la pensée de l'entrepreneur est en suspension[2] pour que de nouvelles recherches continuent à s’effectuer. L'entrepreneur volontairement associe un jugement provisoire conjointement à la multiplication des propositions intermédiaires. Cette liberté laissée au jugement permet d'accroître les variations d’opportunités entrepreneuriales. Ainsi, l’entrepreneur construit sa vision entrepreneuriale avec des orientations futures dépendantes des opportunités tout en évitant la clôture définitive de son raisonnement.

Le jugement entrepreneurial n'est pas un calcul de risque

La réflexion générale du commun des mortels et de la plupart des études entrepreneuriales prennent pour parti pris de démarrer que le concept d'entrepreneur est fondamentalement lié à la création d'une entreprise[3]. Il y a aussi un parti pris qui considère qu'un entrepreneur est quelqu'un d'autonome. Cela est souvent le cas mais cela n'est pas toujours le cas. Des activités comme la diversification, la restructuration, l'intégration verticale, l'externalisation, sont toutes des actions entrepreneuriales où le jugement est important, qu'il s'agisse ou non d'une start-up ou d'un emploi indépendant d'un individu unique et isolé.

L'incertitude n'est pas un risque. Les deux ne doivent pas être confondus. La situation de risque est présente lorsque vous connaissez la probabilité, la distribution et les attentes[4] d'une variable aléatoire. Par exemple, en connaissant les statistiques d'accident de la route lors du départ en vacances de Paris à Marseille, il est possible d'en évaluer les risques. L'incertitude, en revanche, est une situation dont vous ne connaissez pas la probabilité et que personne d'autre ne connait, parce qu'il est impossible de la calculer. Il n'y a pas de façon formelle de prendre des décisions dans l'incertitude, pour entreprendre, il faut juger.

Dans la situation de risque, il est facile d'utiliser le langage de la théorie des probabilités pour communiquer aux investisseurs, et à d'autres personnes qui contrôlent les ressources, de ses convictions de réussite ou non selon situation. Dans le cas de l'incertitude, sans probabilité numérique, il est plus difficile de communiquer ses croyances. Par conséquent, afin de surmonter l'incertitude, les entrepreneurs n'ont d'autres choix, généralement, que de créer une entreprise pour réaliser leur vision entrepreneuriale.

Puisque, par définition, les systèmes incertains ne peuvent pas être évalués de manière fiable en fonction de leur productivité marginale, on ne peut pas attribuer un prix au jugement entrepreneurial. Il ne peut pas être acheté et vendu de la même manière que d'autres facteurs de production. Le conseil est un service qui peut être évalué et échangé, mais pas un jugement. Aussi, l'entrepreneur doit faire aussi un acte de jugement ultime entre les conseils qu'il doit écouter et les autres qu'il doit délaisser. Encore une fois, comme les entrepreneurs ne peuvent pas vendre leur jugement, ils doivent habituellement créer une entreprise pour utiliser efficacement leur jugement. Le jugement entrepreneurial est précisément cet ingrédient supplémentaire ajouté à des compétences standards telles que la collecte de données, des compétences analytiques et des talents de leadership, qui donne de la valeur à l'entreprise. Mais, afin de bénéficier des fruits de son jugement, l'entrepreneur doit posséder un certain niveau de propriété. Aussi, les fonctions de l'entrepreneur et du propriétaire ne peuvent jamais être complètement séparées.

Selon Peter Klein et Nicolai Foss, le propriétaire d'une entreprise a la capacité de déléguer un droit de jugement entrepreneurial à ses employés. Si un cadre supérieur ou un propriétaire engage un directeur et que celui-ci n'est pas seulement responsable des tâches et des processus de production, mais qu'il est chargé aussi du jugement, le travail de ce gérant contient un élément entrepreneurial. De cette façon, une entreprise établie peut toujours s'engager dans une activité entrepreneuriale, même s'il ne s'agit plus d'une start-up. Un propriétaire d'entreprise peut permettre plus de liberté et de possession des actifs de l'entreprise aux employés afin d'encourager l'innovation et leur permettre de conserver les avantages comparatifs[5] de leur performance. Cependant, il existe un risque que les gestionnaires engagés conservent leur connaissance et leurs jugements afin de rejoindre une autre organisation ou pour créer une nouvelle entreprise. Par conséquent, le propriétaire de l'entreprise doit tenir un juste équilibre. S'il donne trop de liberté de jugement, alors les profits apportés par l'employé pourraient ne pas retournés à l'entreprise. Et, s'il y a trop peu de liberté, alors l'incitation à innover s'envole.

Informations complémenaires

Bibliographie

  • 2014, S. Kim, U. Uygur, "Evolution of entrepreneurial judgment. Effects of experience, uncertainty, and cognition", In: L. Gnan, H. Lundberg, L. Songini, M. Pellegrini, dir., "Advancing European Entrepreneurship Research: Entrepreneurship as a Working Attitude, a Mode of Thinking and an Everyday Practice", Information Age Publishing, Charlotte, pp221-250
  • 2015,
    • Nicolai J. Foss, Peter Klein, "Introduction to a forum on the judgment-based approach to entrepreneurship: accomplishments, challenges, new directions", Journal of Institutional Economics, Vol 11, n°3, pp585–599
    • Niklas L. Hallberg, "Uncertainty, judgment, and the theory of the firm", Journal of Institutional Economics, Vol 11, n°3, September, pp623-650
    • Jeffery S. McMullen, "Entrepreneurial judgment as empathic accuracy: a sequential decision-making approach to entrepreneurial action", Journal of Institutional Economics, Vol 11, n°3, September, pp651-681
  • 2016, Nicolai J. Foss, "Judgement, the theory of the firm, and the economics of institutions: my contributions to the entrepreneurship field", In: David B. Audretsch, Erik E. Lehmann, dir., "The Routledge Companion to the Makers of Modern Entrepreneurship", New York: Routledge, pp101-115

Notes et références

  1. Gerardo Patriotta Don Siegel, 2019, ["The Context of Entrepreneurship"], Journal of Management Studies, Vol 56, n°6, September, pp1194-1196
  2. John Dewey estimait que l'être humain doit adopter une pensée en conformité avec une "attitude de la conclusion suspendue" John Dewey, 2004, "Comment nous pensons", Paris, Empêcheurs de Penser en Rond, p24)
  3. Frank Knight soutenait par exemple que l'esprit d'entreprise et la formation de nouvelles entreprises sont les deux côtés de la même pièce de monnaie parce que l'exploitation de l'opportunité entrepreneuriale nécessite le démarrage d'une nouvelle entreprise. La théorie de Peter Klein et de Nicolai Foss est plus large donc que celle de Frank Knight
  4. espérances en langage statistique
  5. Carmen Elena Dorobat, Mihai Vladimir Topan, 2015, "Entrepreneurship and Comparative Advantage", The Journal of Entrepreneurship. - Entrepreneurship Development Institute of India, Vol 24, n°1, pp1-16