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Intuition entrepreneuriale

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L’intuition est fondamentale dans un projet d'entreprise, particulièrement lorsque celui-ci s'effectue dans un environnement incertain ou que l'intuition est liée à la créativité[1]. La première ressource dont dispose un entrepreneur est son intuition. Il se pose la question suivante : quel est mon jugement sur la potentialité du succès de mon projet ?

Les ressources intuitives subjectives de l'entrepreneur

Parmi les théories de l'entrepreneuriat, la théorie de l'effectuation ou la théorie du jugement entrepreneurial s'appuient également sur la notion de l'intuition entrepreneuriale parce qu'elle précise que les entrepreneurs disposent de ressources internes à la nature humaine, différente de la capacité d'une machine qui stocke et qui redistribue des informations[2]. Pour réaliser son projet, l'entrepreneur doit se connaître (qui je suis ?). Il doit évaluer ses compétences par rapport au projet (qu'est-ce que je sais ?) et il doit connaître d'autres individus (qui, dans mon réseau, peut m'aider à construire mon projet ?).

Dans un univers d’incertitude totale où règne une grande part de complexité, il est difficile, pour l'entrepreneur d'appréhender le futur avec une logique prédictive. Celle-ci est encore valable dans un environnement incertain dans la mesure où il existe quelque peu une partie de certitude afin de prévoir. Mais, plus l’incertitude de l'environnement est élevée, plus la posture de l'intuition entrepreneuriale doit évoluer. Alors, l'intuition de l'entrepreneur est sa matière première avec laquelle il doit composer.

Le rôle de l'intuition dans le processus des prises de décision

Les entrepreneurs fondent leur décision entre différentes options d’affaires qu'ils imaginent. Ils voient les contraintes (contingences) de leur environnement comme des opportunités. Ils recherchent donc à exploiter les opportunités (recherche de partenariats, pré-engagements informels des acteurs internes et externes...). Les entrepreneurs identifient ces opportunités en utilisant leur intuition. Selon les théories des processus d'information, deux approches sont possibles : un traitement algorithmique de l'information et un traitement heuristique de l'information. Selon ces théories, la capacité à rechercher et à intégrer de nouvelles connaissances sont susceptibles d'influer sur les processus de reconnaissance des opportunités d'un individu. Les entrepreneurs transforment l'information et les données en connaissances, pour l'organisation, afin d'accroître leurs atouts stratégiques. Dans un traitement algorithmique, la pensée de l'entrepreneur est orientée par l'intuition, les modèles de comportement et la résolution de problèmes. Ce modèle introduit les erreurs (biais) que les intuitions produisent et qui affectent la cognition entrepreneuriale. Dans le traitement heuristique, la pensée est influencée par une prise de sens ("sensemaking" : Karl Weick), où l'intuition, la discussion et l'interprétation jouent un rôle prépondérant. Les heuristiques cognitives sont des règles informelles (ou intuitives) qui sont suivies par les individus (entrepreneurs) pour prendre une décision ou pour résoudre un problème. Souvent, l'heuristique intuitive est facilement rattachée à la notion de biais cognitifs. Dans ce sens, elle constitue une stratégie de simplification dans la prise de décision similaire à un mécanisme cognitif automatique. Elle est susceptible de se déclencher lorsque l’information est surabondante, en contexte d’incertitude et quand la limite de temps est un facteur important dans la prise de décision. Les entrepreneurs ont tendance à prendre des décisions avec moins d'informations que les managers salariés. Mais même s'ils continuent de recevoir des informations, les individus sont soumis à des biais cognitifs qui surviennent en raison de l'utilisation de règles de décision simplifiées (ou heuristiques). Premièrement, ils ont tendance à "ancrer" leurs estimations sur les résultats passés et à ne pas réviser leurs estimations sur la base de nouvelles informations. Ils agissent donc sur des hypothèses inexactes. Deuxièmement, ils ont tendance à fonder leur prise de décision sur les informations les plus récemment acquises ou les plus faciles à se rappeler. C'est ce qu'on appelle l'heuristique de "disponibilité". Mais, ces données peuvent ne pas être représentatives de la gamme de résultats attendus. Troisièmement, "l'heuristique représentative" est la tendance à fonder ses décisions sur un nombre relativement restreint d'observations. Cette croyance apparente dans la "loi des petits nombres" selon laquelle le décideur se fie fortement à quelques observations (plutôt qu'à un échantillon représentatif) introduit un risque car l'échantillon limité peut ne pas être représentatif de l'éventail des résultats probables. Ainsi, s'appuyer sur un petit échantillon fait que l'entrepreneur sous-estime le risque.

L'intuition, par définition, est une partie de la connaissance très personnelle de l'entrepreneur. Elle est donc difficile à appréhender et à intégrer aux cadres de pensées des autres membres de l'organisation. Le modèle 4I (intuition, interprétation, intégration et institutionnalisation)[3] reflète l'apprentissage organisationnel en tant que processus dynamique. Les entrepreneurs développent leur intuition sur la base de leur expérience et ils utilisent leurs connaissances existantes pour interpréter de nouvelles informations. Ce processus dynamique montre que, en raison de différentes interprétations de ce que pensent les entrepreneurs et comment ils le pensent, la phase d'intégration des connaissances et de leurs applications dans l'organisation est difficile car cette partie de connaissance est souvent intransmissible.

Annexes

Notes et références

  1. W. H. Agor, 1991, "How intuition can be used to enhance creativity in organisations”, Journal of Creative Behavior, Vol 25, n°1, pp11-19
  2. H. Dreyfus, St Dreyfus, 1986, "Mind over machine. The power of human intuition and expertise in the era of the computer", Oxford: Blackwell
  3. M. M. Crossan, H. W. Lane, R. E. White, 1999, "An organizational learning framework: From intuition to institution", Academy of Management Review, 24 (3), pp522–537

Bibliographie

  • 1999,
    • L. A. Burke, M. K. Miller, "Taking the mystery out of intuitive decision making”, Academy of Management Executive, Vol 13, n°4, pp91-99
    • M. M. Crossan, H. W. Lane, R. E. White, "An organizational learning framework: From intuition to institution", Academy of Management Review, 24 (3), pp522–537
  • 2000, C. W. Allinson, E. Chell, J. Hayes, "Intuition and entrepreneurial behavior", European Journal of Work and Organizational Psychology, 9 (1), pp31–43
  • 2005, R. Franz, "Knight on Intuition, Risk, and Uncertainty", In: "Two minds: Intuition and analysis in the history of economic thought", New York: Springer
  • 2007, E. Dane, M. G. Pratt, "Exploring intuition and its role in managerial decision-Making", Academy of Management Review, 32 (10), pp33–54
  • 2011, B. D. Blume, J. G. Covin, "Attributions to intuition in the venture founding process: do entrepreneurs actually use intuition or just say that they do?”, Journal of Business Venturing, Vol 26, n°1, pp137-151
  • 2015, Leonie Baldacchino, D. Ucbasaran, L. Cabantous, A. Lockett, "Entrepreneurship Research on Intuition: A Critical Analysis and Research Agenda", International Journal of Management Reviews, Vol 17, n°2, pp212–231
  • 2016, Eugene Sadler-Smith, "The role of intuition in entrepreneurship and business venturing decisions", European Journal of Work and Organizational Psychology, Vol 25, n°2, pp212-225
  • 2019, Leonie Baldacchino, "Intuition in entrepreneurial cognition", In: A. Caputo, M. Pellegrini, dir.? "The Anatomy of Entrepreneurial Decisions", Cham, Springer, pp29-56