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Privatisation
La privatisation est une action consistant à transférer au secteur privé des pans d'activité dépendant préalablement de la puissance publique.
Arguments en faveur des privatisations
- l'État n'est pas incité naturellement à assurer le bon fonctionnement des entreprises qu'il détient, alors que les propriétaires privés y sont contraints (sous peine de disparaître du marché) ; pour cette raison, les entreprises privatisées deviennent plus efficaces.
- l'entreprise privatisée est débarrassée de l'interférence de la politique ; ses dirigeants ne sont plus choisis pour des raisons politiques ; son objectif correspond à une logique économique et non plus politique ou sociale (dans le mauvais sens du mot) ; la corruption n'existe plus puisque les décideurs sont également les payeurs.
- la privatisation contribue à alléger le fardeau fiscal que supporte le contribuable, contraint de financer malgré lui des services non profitables.
Faux arguments contre les privatisations
- à gestion égale, allégeant en apparence l'impôt du contribuable, la privatisation augmente en fait le coût total effectif du consommateur, puisqu'il faut ajouter le profit reversé aux actionnaires : mauvaise définition du profit, qui est ce qui reste à l'entrepreneur quand tout a été payé, et non pas un surplus fixé a priori qui impacterait le « coût total effectif » ; il est évidemment plus juste que le consommateur paye les produits et services qu'il achète pour son usage propre plutôt que le contribuable, payeur aveugle. Les cas de privatisation où le coût total pour le consommateur a augmenté s'expliquent économiquement (privatisation encadrée soumise à une règlementation abusive qui empêche d'atteindre un équilibre économique ; privatisation qui succède à une gestion publique subventionnée qui aboutissait à des prix artificiellement bas).
- la logique économique est en général en opposition avec l'intérêt général. La nationalisation permet d'imposer un traitement égal pour tous les citoyens (eau, téléphone, poste, électricité, routes, train) : l'intérêt général est une pure fiction au nom de laquelle certains contribuables payent pour les autres, c'est la justification du collectivisme ; le traitement soi-disant égal suppose que l'on vole les uns au profit des autres (voir égalitarisme).
- les entreprises ont pris l'habitude de nationaliser leurs pertes et de privatiser leurs profits : la nationalisation permet d'éviter ce jeu de dupe : les libéraux, au nom du principe de responsabilité, sont contre la « nationalisation des pertes », qui est réalisée par des politiciens cherchant à complaire à leur clientèle en sauvant les canards boiteux de l'économie. L'argument peut d'ailleurs être retourné quand on constate que sont privatisés des services déficitaires qui seront renationalisés quand ils redeviennent rentables, fût-ce au prix d'une forte augmentation des coûts, imputée seulement au privé (exemple des réseaux d'eau potable en France).
- lorsque, dans un domaine, le monopole guette, la nationalisation est le seul moyen d'éviter un pouvoir exorbitant au seul profit de quelques-uns : quand un monopole est aux mains de l'État (pouvoir exorbitant de par la loi du plus fort), nul peut y échapper, quand il est aux mains d'une entreprise privée, n'importe qui peut venir en concurrence pour peu que l'État n'ait pas fermé le marché par une décision autoritaire.
- Variante de la précédente : la théorie du monopole naturel explique que certaines activités tendant naturellement vers une situation de monopole (réseaux électriques, téléphoniques…) : le coût marginal de production ne cesse de décroître (du fait de l'existence des coûts fixes), ce qui grève la compétitivité de l'entreprise disposant des parts de marché les moins importantes ; on aboutit à la conception d'un monopole, qualifié pour cette raison de naturel, qui est le pur résultat de la logique de marché. Une fois en situation de monopole, le comportement rationnel de la firme est de fixer un prix largement supérieur au coût marginal. Privatiser une telle entreprise n'est alors pas dans l'intérêt général puisqu'elle peut pratiquer des prix arbitrairement élevés. Cet argument est admis par certains libéraux, mais refusé par d'autres. C'est entre autres l'argument en faveur du service public à la française : voir Monopole naturel.
La privatisation des rues
Même si ce sujet n'est pas une de leurs priorités, les libertariens militent pour la privatisation des rues. Bertrand Lemennicier relève les inconvénients de la rue propriété publique (c'est-à-dire propriété de personne) : davantage d'accidents, de criminalité, d'encombrements et de pollution, irresponsabilité du propriétaire collectif contre lequel les victimes ne peuvent jamais se retourner. Il fait observer que la privatisation des rues n'a rien d'utopique : 3 % des rues de Paris sont privées, et il existe même dans le monde plusieurs villes privées (Reston en Virginie, Sandy Springs et Braselton en Géorgie, Irvine, Lakewood et Nipton en Californie, Sun City en Arizona, Magarpatta ou Gurgaon en Inde, etc.).
Walter Block a consacré un livre au sujet (Privatization of Roads and Highways, 2009) : il y développe les mêmes arguments : rentabilité, meilleure sécurité.
La privatisation révolutionnaire
Pour les libertariens (par exemple Murray Rothbard, Confiscation and the Homestead principle, The Libertarian Forum, June 15, 1969), tous les biens publics sont financés par la violence (l'impôt) et doivent être rendus au secteur privé :
- Le libertarien voit l'État comme un gigantesque gang de criminels organisés, qui vivent de ce type de vol appelé « fiscalité », dont ils utilisent le produit pour tuer, asservir et malmener le peuple. Par conséquent, toute propriété aux mains de l’État est entre les mains de voleurs, et doit être libérée le plus rapidement possible. Toute personne ou groupe qui libère ces biens de l'emprise de l'État, qui les confisque ou se les approprie, effectue un acte vertueux et rend un service significatif à la cause de la liberté. (Murray Rothbard)
De cette façon, Rothbard semble encourager une forme de prise au tas anarchiste. Il propose aussi, de façon plus constructive, les actions suivantes :
- application du principe du homesteading : les biens publics deviennent la propriété de ceux qui y travaillent ou qui les utilisent (les entreprises publiques à leurs employés, les universités publiques aux étudiants, etc.) ; c'est la méthode la plus fréquemment employée (programme de désocialisation des biens publics lancé dans la Yougoslavie de Tito en 1952, programme Right to Buy de Margaret Thatcher encourageant les locataires du parc social à racheter leurs logements, etc.)
- attribution des biens publics aux contribuables en proportion des impôts payés
- privatisation par coupon
Les autres possibilités sont les suivantes[1] :
- retrouver les propriétaires originels ou leurs héritiers pour opérer une restitution des biens volés par l’État
- vente aux enchères, mise en vente par des agences privées
- mise en état de non-propriété des terres vierges, mises à la disposition de qui veut les travailler
- privatisation par initiative populaire pour les habitants intéressés à acquérir des biens étatiques
Hans-Hermann Hoppe (Démocratie, le dieu qui a échoué) préconise de privatiser en respectant l'ordre suivant :
- les héritiers des biens étatisés, s'ils existent et s'ils sont connus, ont priorité pour recouvrer la propriété dont ils ont été spoliés ;
- le contribuable devient propriétaire des biens publics à proportion des impôts payés[2] ;
- le homesteading s'applique aux terrains publics inoccupés.
L'exemple à ne pas suivre, la privatisation oligarchique, est fourni par la chute de l'URSS : les biens qui, selon la Constitution de l'URSS, étaient considérés comme appartenant au peuple, passèrent aux mains des anciens dirigeants du Parti et de leurs alliés (ainsi que de groupes mafieux), qui devinrent en peu de temps d'importants « entrepreneurs ».
Les fausses privatisations
On appelle souvent « privatisation » ce qui n'est qu'une déréglementation partielle ou une concession très encadrée (par exemple, les chemins de fer au Royaume-Uni, ou les compagnies électriques aux États-Unis). On a alors beau jeu de démontrer l'échec des privatisations, alors que la libéralisation n'est pas totale, que l'État continue de règlementer le marché (au nom de l'intérêt général et pour « éviter les abus ») et l'empêche de trouver son équilibre (exemple de l'électricité en Californie). C'est comme si l'on vous obligeait à courir le 100 mètres avec un boulet aux pieds et qu'ensuite on vous reproche de ne pas être compétitif...
En France on appelle également privatisation une mise sur le marché partielle, l'État gardant la majorité absolue !
Les privatisations menées en général, surtout ces dernières années, n'ont concerné que la distribution, pas les réseaux. Autrement dit, les sociétés gestionnaires ne sont partout que des concessions. Quand il y a une société privée dans le jeu, elle n'est chargée QUE de la distribution. Le réseau et les ressources sont publics, donc personne ne se soucie de la moindre économie.
Le problème est analogue pour l'exploitation outrancière de certaines forêts dans le monde.
Pour les libéraux, il est nécessaire de TOUT privatiser et de TOUT libéraliser, et non de se défaire de certaines activités pour des raisons budgétaires.
Concernant la « privatisation » des autoroutes en France, il ne s'agit en fait que de la privatisation de l'exploitation. Le réseau reste propriété de l'État et ce dernier fixe les règles dans le cahier des charges de l'exploitation. Pour les sociétés sur les rangs, le but sera donc de prendre un maximum de rente pendant le laps de temps imparti, et de faire le moins possible d'entretien et de développement.
On a pu constater l'échec de ces pseudo privatisations sous contrôle étatique avec l'exemple de l'électricité californienne.
Les libéraux sont donc opposés à ces privatisations — les actuelles.
Du reste, le terme de privatisation ne représente pas grand intérêt (d'ailleurs, tout n'est pas privatisable, par exemple les activités nuisibles ou illégitimes : les douanes ou le fisc). Pensons encore à la volonté de privatiser le pétrole irakien au bénéfice d'une certaine compagnie américaine…
Ce que les libéraux défendent et expliquent, c'est l'intérêt des libéralisations de tel ou tel secteur. « Privé » ne porte en soit rien de valorisant - le crime privé existe aussi.
La privatisation : une condition nécessaire mais pas suffisante
La privatisation est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il ne suffit pas de privatiser pour libéraliser les domaines économiques et sociaux. Il faut s'orienter vers la mise en concurrence des entreprises privatisées. Le principe de la mise en concurrence est inséparable de celui de la privatisation, car le consommateur ne gagne rien à ce qu'un monopole public soit remplacé par un monopole privé. Une entreprise ou une organisation sociale totalement privatisée et en situation de monopole se comportera comme si elle était encore un organisme étatique.
En France, un bon exemple de cette situation est fourni par les URSSAF, organismes de sécurité sociale qui sont de droit privé, mais s'arrogent le monopole de fait du recouvrement des cotisations sociales, avec la complicité des hommes politiques, en dépit des directives européennes qui impliquent l'abrogation du monopole de la Sécurité sociale.
Citations
- « La seule bonne raison pour s’opposer à la constitution d’un « domaine public » ou réclamer son démantèlement est la conscience du fait que l’État n’en est propriétaire qu’à titre illégitime et criminel. » (Murray Rothbard)
- « Non seulement la poste, mais aussi les rues, les routes et, surtout, les écoles, devraient toutes être des propriétés privées régies par le privé. Je défends la séparation de l’État et de l’économie. » (Ayn Rand)
Informations complémentaires
Notes et références
- ↑ Voir aussi « La restitution des biens publics », Gregory Ramirez, article 93 de Libres !! et « La privatisation des espaces publics », Philippe Lognoul, article 41 de Libres !!.
- ↑ It would appear that it is taxpayers, in accordance with their amount of taxes paid, who should be given title to public buildings and structures, while undeveloped public land simply should be opened up to private homesteading. (Democracy-The God That Failed)
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Voir aussi
Liens externes
- (fr)La vérité sur les chemins de fer britanniques par Allister HEATH
- (fr)Interview d'Allister Heath sur le même sujet
- (fr)Sur la crise de l'électricité en Californie, par Henri Lepage
- (fr)Second article de H. Lepage sur le même thème
- (fr) [pdf]La privatisation des rues par Bertrand Lemennicier
- (fr)La sécession municipale : la stratégie libertarienne de Hans-Hermann Hoppe
- (en)The necessity of road privatization and The mechanisms and benefits of road privatization par Gennady Stolyarov II
- (en) Libertarian property and privatization : an alternative paradigm par Kevin Carson sur Anti-State.com
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