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Droit de grève

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La grève est une action collective, qui consiste en une cessation concertée du travail par les salariés d'une entreprise. Elle vise à lutter contre une situation ou une mesure jugée inacceptable, en faisant pression contre le supérieur hiérarchique ou l'employeur (chef d'entreprise ou patron), par la perte de productivité qu'elle entraîne.

Droit de grève et philosophie libérale

Pour un libéral, la coopération dans le cadre du travail repose sur l'exécution de contrats librement et mutuellement consentis. Les seules personnes déterminant les termes du contrat sont les parties impliquées. Ces termes ne sont limités que par le Droit, qui définit les principes de la propriété et la responsabilité.

Par conséquent, dans un cadre libéral, le salariat est une relation d'échange, entre un salarié qui vend son travail et un employeur qui achète ce travail, sous les conditions du contrat de travail. Bien que ce contrat puisse inclure une référence à des contrats génériques tels que des conventions collectives, il n'existe pas d'obligation par défaut comme une rémunération minimale ou un préavis de rupture du contrat.

Une clause du contrat peut prévoir un droit de grève, c'est-à-dire qu'un arrêt de travail du salarié sous certaines conditions suspend le droit qu'a son employeur de le licencier. Cependant, pour les libéraux, il n'existe pas à proprement parler de droit de grève (hormis le cas où il est prévu dans un contrat). L'interdiction que subit aujourd'hui un employeur de se séparer d'un salarié au motif qu'il est gréviste est contraire à ses droits de propriété (sur ses locaux, sur son capital) qui sont prévus par le droit libéral.

Dans une société totalement libérale (ce qui est ici une fiction théorique), on pourrait concevoir que certains contrats de travail autorisent le droit de grève, et d'autres non (sous peine de rupture unilatérale du contrat). Il reviendrait alors au futur employé de savoir s'il préfère un emploi avec possibilité de droit de grève à un emploi sans droit de grève (sans doute mieux rémunéré toutes choses égales par ailleurs). De même il reviendrait à l'employeur de savoir s'il préfère offrir des contrats de travail avec possibilité de droit de grève ou des contrats sans droit de grève (au risque alors de ne trouver aucun candidat aux postes proposés). C'est donc le marché, c'est-à-dire les décisions de chacune des parties, qui déciderait en dernier ressort, et il est vraisemblable que les situations seraient très différentes d'un secteur d'activité à l'autre.

Il peut paraître paradoxal que les libéraux aient au XIXe siècle soutenu le droit de grève (appelé alors "coalition"), et que ce droit finisse par être officialisé en France par la loi de 1864 sous l'influence du libéral Émile Ollivier. Mais la grève était alors pénalement punissable, ce qui était une atteinte à la liberté des salariés. Frédéric Bastiat affirme que la grève ne doit être punie qu'en cas de violence :

Que le Procureur de la République dise : nous ne vous poursuivons pas parce que vous vous êtes coalisés, vous étiez parfaitement libres. Vous avez demandé une augmentation de salaire, nous n'avons rien dit ; vous avez voulu le chômage, nous n'avons rien dit ; vous avez cherché à agir par la persuasion sur vos camarades, nous n'avons rien dit. Mais vous avez employé les armes, la violence, la menace ; nous vous avons traduits devant les tribunaux.

Il est à cette époque implicite que par le droit de grève le salarié met aussi en jeu, sciemment et librement, son emploi dans l'entreprise (à comparer avec le droit de grève instauré ensuite par le droit positif, par lequel la grève ne fait que suspendre temporairement le contrat de travail, ce qui est une atteinte aux droits de l'employeur). Frédéric Bastiat précise que la grève est licite "si les ouvriers se sont concertés, se sont entendus, et qu'ils se disent : nous ne voulons pas vendre notre marchandise, qui est du travail, à tel prix; nous en voulons un autre, et si vous refusez, nous allons rentrer dans nos foyers ou chercher de l'ouvrage ailleurs" - moyen de pression légitime qui peut s'avérer efficace.

C'est en effet la seule position acceptable du point de vue du droit (qui est le point de vue libéral) : la grève est licite, soit que ce droit soit prévu explicitement dans le contrat de travail, soit que le salarié accepte le risque de rupture du contrat de travail qui peut en résulter. Toute autre position n'est qu'un abus de droit, que ce soit du côté de l'employeur (c'était le cas au XIXe siècle, où le patronat était sur-représenté politiquement) ou du côté des salariés (qui ont politiquement repris l'avantage, au mépris du droit de l'employeur). Les libéraux ne cherchent pas à favoriser les uns ou les autres, ils exigent une stricte égalité de droits. Interdire le droit de grève comme au XIXe siècle serait illégitime, mais la grève "sans risque", en contradiction avec le contrat de travail, telle que l'autorise de nos jours le droit positif, est tout autant illégitime.

Quant à la rhétorique collectiviste qui se fonde sur le prétendu "échange inégal" et une supposée dissymétrie entre employeur et salarié pour justifier un droit de grève inconditionnel, elle ne tend qu'à l'égalitarisme. Pourquoi ne pas donner aussi, pour corriger les "dissymétries", le même salaire à tous les employés, ou décréter le droit de ne pas travailler tout en étant payé ?

Les effets pervers du droit de grève

Droit de grève dans le secteur monopolistique et prise d'otages
  • non conformité au principe de continuité du service public (pas de service minimum) ;
  • prise en otage des usagers au nom d'intérêts qui leur sont étrangers ;
  • blocage de secteurs entiers de l'économie et des transports ;
  • souvent, non-respect du droit des employés non grévistes, qui ne peuvent travailler : entrave à la liberté du travail (présence de piquets de grève) ;
  • parfois, pressions exercées par les salariés grévistes sur les non-grévistes (mis à l'index)
  • spécialité française : le droit de grève comme prétexte à la violation du droit d'autrui (les étudiants et même les lycéens "en grève" - alors qu'ils n'ont pas d'employeur - que certains sont mineurs - et qui bloquent les universités ou les lycées).

Le "droit" de grève est trop souvent l'exemple typique d'un faux droit qui s'exerce au dépens de personnes non consentantes ; dans ce sens il s'agit d'une agression contraire tant aux principes du droit qu'à l'axiome de non-agression libertarien.

Grève fiscale

La grève fiscale est un refus concerté de payer l'impôt. Il s'agit d'une action politique contre un pouvoir oppresseur. On peut la rattacher au droit de résistance à l'oppression et à la désobéissance civile. Ce moyen de pression collectif, très fréquent dans l'histoire[1], fut utilisé notamment par Mohandas Gandhi ("marche du sel" en 1930) :

Je considère le refus de payer des impôts comme un droit naturel, ancestral et inaliénable d'un peuple qui a épuisé tous les autres moyens de chercher à se libérer d'un fardeau économique insupportable. (lettre du 1er janvier 1932 au vice-roi des Indes)

Cela peut également être une action individuelle de protestation, comme le fit Henry David Thoreau aux Etats-Unis, ou une contestation systématique de la légalité de l'impôt, comme le fit Irwin Schiff.

Voir aussi : consentement à l'impôt.

Grève des producteurs

Searchtool-80%.png Article détaillé : passivisme.

Le roman La Grève d'Ayn Rand illustre la possibilité d'une grève des producteurs (intellectuels ou travailleurs indépendants, chefs d'entreprise) opposés au socialisme de la société et à l'oppression des capables :

« Il y a une différence entre notre grève et toutes celles que vous avez menées pendant des siècles. Notre grève ne consiste pas à formuler des revendications, mais à les satisfaire. Nous sommes mauvais, selon vos principes: nous avons choisi de ne pas vous nuire plus longtemps. Nous sommes inutiles, d’après vos théories économiques: nous avons décidé de ne pas vous exploiter davantage. Nous sommes dangereux, il faut nous enfermer, selon vos idées politiques: nous avons choisi de ne plus vous mettre en danger et de ne pas encombrer vos prisons. Nous ne sommes qu’une illusion, à en croire votre philosophie: nous avons choisi de cesser de vous égarer en vous laissant libres de regarder la réalité en face. La réalité que vous vouliez, c’est le monde tel que vous le voyez maintenant, un monde privé de l’esprit humain. »

Citations

  • La grève ne paie pas, c’est bien connu. À chaque fois que les rémunérations salariales sont tirées vers le haut, par l’effet d’une grève « victorieuse » qui repousse les limites du marché, le marché se « venge » : augmentations des prix et réduction de la production sont les conséquences inéluctables. (...) Les théoriciens de la « grève » comme moyen pour améliorer les conditions des travailleurs sont donc de mauvais économistes. (Bruno Leoni)
  • Ne perdons pas de vue en effet que « faire grève » ne veut pas simplement dire s’abstenir de travailler : cela suppose de s’abstenir de travailler dans le cadre d’un « contrat de travail en cours de validité ». En d’autres termes, cela signifie manquer à ses obligations, prévues par le contrat. (...) C’est ainsi que la violation de contrat de travail, commise de la part de l’employé sous la forme d’une grève, devint un « droit », bien qu’il ne serait en aucun autre cas admis qu’une personne liée par un contrat puisse tranquillement le violer. (Bruno Leoni, La libertà del lavoro. Scritti su concorrenza, sciopero e serrata)
  • Dans plus de la moitié des pays européens, des solutions ont été trouvées pour concilier la liberté de protester et la liberté d'utiliser un service public légitimement dû. La France est ici encore une triste exception, où le dialogue social tourne systématiquement au dialogue de sourds, où des syndicats peu représentatifs (8% des salariés syndiqués, contre 35% en Italie) lancent des grèves avec des préavis très brefs, soit cinq jours dans la fonction publique (plus des deux tiers des grèves annuelles). Par ailleurs, la France détient le triste record européen du nombre de grèves (plus d'un millier en 2001). Cette fièvre hexagonale, faite de barricades, de coups de semonce et de rapports de force, a la vie dure. (Edouard Fillias, Liberté Chérie)
  • Si à propos d’une grève quelconque vous lisez les journaux socialistes ou radicaux-socialistes, vous verrez qu’ils donnent toujours raison aux grévistes. Ce fait comporte deux interprétations. La première, c’est que messieurs les grévistes échappent aux imperfections de la nature humaine. Ce sont des êtres infaillibles, ils ne sauraient jamais avoir tort, même quand ils sont juges et parties. L’autre interprétation commence par admettre que tout ce que reçoit le patron est volé à l’ouvrier ; ce principe posé, la conséquence est évidente. Un homme ne saurait avoir tort, quand il tâche simplement de reprendre ce qui lui a été ravi. (Vilfredo Pareto)
Quelle est la distinction entre syndicats intrusifs et non-intrusifs ? Contrairement aux premiers, les seconds obéissent à l'axiome libertarien de non-agression. En d'autres termes, les syndicats légitimes limitent leurs actions à l'augmentation des salaires, ce qui ne viole pas les droits des autres, alors que les syndicats illégitimes ne s'en privent pas.
Cela nous conduit bien sûr à la "question à 1.000 FF". Parmi les armes des syndicats, quelles sont celles qui sont intrusives et celles qui ne le sont pas ? Commençons par étudier une technique légitime : la menace ou l'organisation d'une grève si les revendications salariales ne sont pas satisfaites. Cela ne constitue pas une violation des droits d'autrui puisque l'employeur, en l'absence de contrat, ne peut obliger les gens à travailler pour lui à des salaires qu'ils estiment trop bas. Pas plus que n'est valide l'objection selon laquelle les travailleurs agissent de concert, à l'unisson, en collusion, ou par "complot". Il est évident qu'ils le font. Mais s'il est possible à un travailleur de quitter son emploi, alors tous les travailleurs, ensemble, ont le droit d'en faire autant en masse. Ceci s'inscrit dans la ligne de défense du socialisme volontaire, dont le syndicalisme volontaire n'est qu'une facette. En vérité, le groupe n'a pas plus de droits que les individus qui le composent, et si une personne a le droit de quitter son travail, elle ne perd pas ce droit simplement parce que les autres ont décidé d'en faire autant au même moment.
De nombreux économistes de "droite" considèrent que les lois anti-trust et les lois anti-entente devraient s'appliquer aux syndicats. Donc, même les syndicats volontaires tels que nous les avons décrits seraient illégitimes, car selon eux les "actions collusives" menées par les syndicats "'exploitent' la communauté tout entière" en violant la souveraineté des consommateurs. Mais ceci montre seulement que ce que nous avons appelé laissez-faire est radicalement différent du capitalisme d'État. Revenons à la législation du travail.
Si on peut envisager que les syndicats menacent ou organisent une grève générale, il est inconcevable que les gouvernements édictent une loi les obligeant à reprendre le travail. Cela est parfaitement en accord avec le principe libertarien d"'auto-détention". Selon Murray Rothbard :
"Le 4 Octobre 1971, le Président Nixon invoqua le Taft Hartley Act pour obtenir une décision de justice obligeant les dockers à une suspension de grève de 80 jours; c'était la neuvième fois que le gouvemement fédéral utilisait cette loi dans une grève de dockers. Quelques mois auparavant, le responsable du syndicat d'enseignants de New York avait passé plusieurs jours en prison pour avoir violé une loi interdisant la grève aux employés du secteur public. Il est sans doute très satisfaisant pour le public d'être protégé des longues perturbations dues à une grève. Pourtant la 'solution' qui s'imposa fut de contraindre purement et simplement au travail ; les grévistes furent obligés, contre leur gré, de se remettre au travail. Une société revendiquant son opposition à l'esclavage, et un pays qui a déclaré hors la loi la servitude non volontaire n'ont pas d'excuse morale s'ils font appel à la contrainte légale ou judiciaire pour interdire la grève, ou mettre en prison les leaders syndicaux qui ont refusé d'obtempérer. L'esclavage est toujours très apprécié des esclavagistes".
Rothbard explique ainsi qu'on ne doit pas contraindre les salariés à la reprise du travail par des mesures de contract enforcement esclavagistes. En contraste avec cette action illibérale de Nixon, Ronald Reagan licencia en 1981 plus de 11000 contrôleurs aériens en grève, pour avoir ignoré son injonction de reprise du travail.
  • La meilleure place, pour un gréviste, ce moustique jaune et nuisible, c'est le camp de concentration. (Léon Trotski, dans la Pravda du 12 Février 1920)

Notes et références

Liens externes


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