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Liberté d'expression en France

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La liberté d'expression en France est officiellement reconnue, mais les atteintes légales à la liberté d'expression sont extrêmement nombreuses, davantage que dans les autres pays développés.

Situation de la liberté d'expression en France

Le philosophe Philippe Nemo[1] souligne ainsi que les lois Pleven, Gayssot, Taubira, etc. établissent une législation de censure comparable à l'Inquisition :

« Ce que les nouvelles lois françaises de censure demandent aux juges, c'est de sanctionner des pensées en tant que telles [...] On leur demande donc quelque chose de très proche de ce que l’Église demandait jadis aux Inquisiteurs [...] On est fondé à dire que cet usage de la force d’État contre la liberté d'expression et le pluralisme relève du fascisme : la détestation du libre débat, la haine de la pensée qui suintent des nouvelles lois de censure s'apparentent à l'obscurantisme et à la misologie des sociétés fascistes historiques qui ont toujours brûlé les livres, persécuté les intellectuels et prétendu fonder le consensus social sur l'élimination violente de toute critique. »
    — La régression intellectuelle de la France

La première atteinte à la liberté d'expression fut portée par la loi Pleven (1er juillet 1972), législation antiraciste qui réprime « la provocation à la discrimination, à la haine, ou à la violence ». Condamnant les intentions et non les faits, elle donne au juge le droit de sonder les esprits. Dans les décennies suivantes, son domaine ne cessera de s’étendre pour donner satisfaction à toutes les minorités qui s’estimeront discriminées.

En comparaison avec les décennies passées, on assiste à une forte régression de la liberté d'expression en France depuis les années 2002. Ainsi, Jean Raspail publie en 1973 Le Camp des Saints, une uchronie qui joue autour du fantasme d’une invasion apocalyptique de l’Occident par les pauvres du tiers monde. Dans sa réédition de 2011, l'auteur ajoute en fin de volume une liste des passages de son roman qui tomberaient aujourd’hui sous le coup des « lois Pleven, Gayssot, Lellouche et Perben »[2]... Certains sketches des années 1970 d'humoristes comme Coluche, moquant les minorités (Noirs, Arabes, immigrés, juifs...), tomberaient aujourd'hui sous le coup de la loi, et vaudraient probablement un procès à leur auteur.

Le cache-sexe des bonnes intentions est très largement présent derrière toutes ces lois (antiracisme, lutte contre le négationnisme ou la désinformation, etc.), ce qui n'enlève rien à la gravité des mesures prises, et est souvent le paravent des plus graves violations de la liberté d'expression. Les tentatives plus anciennes de lutte contre le négationnisme se sont élargies à tout discours contestataire comme le discours antivaccin lors de la crise liée au covid, ou les discours climatosceptiques[3] en 2023

Enfin, le wokisme, d'abord aux États-Unis puis en France depuis les années 2010, vise à réécrire tous les textes ou œuvres culturelles susceptibles de heurter, dans une définition large et vague, qui que ce soit. À la liberté d'expression, on substitue un droit à ne pas être choqué, à des « safe spaces » dont on exclut telle ou telle population.

Dans le champ du religieux, le droit au blasphème est attaqué, soit via le terrorisme (Charlie Hebdo et les caricatures de Mahomet), soit via des pressions politiques toujours plus insistantes, demandant à restreindre la liberté d'expression pour ne pas heurter.

Atteintes directes à la liberté d'expression


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Cette liste ne prétend pas à l'exhaustivité mais revient sur les principales atteintes.

  • Un arsenal de lois limite la liberté d'expression en matière de presse (par exemple la loi du 16 juillet 1949 sur les publications pour la jeunesse), de cinéma (régime d’autorisation préalable des films au niveau national), d'audiovisuel (instances de régulation de l’audiovisuel), de « respect de la vie privée » (article 226-1 du Code pénal) et de « droit à l’image ».
  • Une loi telle que la loi HADOPI, sous prétexte de combattre le téléchargement illégal et le piratage, permet de s'attaquer en profondeur à la liberté d'expression, ce que les étatistes nomment pudiquement une « approche globale de la sécurisation ».
  • La censure pour raisons politiques a toujours existé : par exemple le film Les Sentiers de la Gloire de Stanley Kubrick, estimé attentatoire à la dignité de l'armée française, a été censuré jusqu'en 1975. Le film Pierrot le fou de Godard (1965) fut interdit aux moins de dix-huit ans pour « anarchisme intellectuel et moral ».
  • Nier ou mettre seulement en doute si peu que ce soit le génocide des juifs pendant la Seconde guerre mondiale est sanctionné pénalement. Bruno Gollnisch a été condamné en janvier 2007 pour une phrase apparemment anodine : « je ne suis pas spécialiste de cette question et je pense qu'il faut laisser les historiens en discuter. Et cette discussion devrait être libre ». En février 2012, Jean-Marie Le Pen est condamné pour « apologie de crimes de guerre » et « contestation de crime contre l'humanité » pour avoir écrit en janvier 2005 dans l'hebdomadaire d'extrême droite Rivarol : « En France du moins, l'Occupation allemande n'a pas été particulièrement inhumaine, même s'il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550 000 km2 ». Dans beaucoup d'autres pays, de telles phrases passeraient inaperçues ; en France, certains sujets de discussion doivent être abordés avec d'extrêmes précautions si l'on veut éviter une condamnation pénale[4].
  • De façon plus générale, la France est le seul pays à avoir des lois dites « mémorielles » et servant le plus souvent à s'attirer le soutien d'une population d'électeurs. La plus récente de ces lois est la loi sur le génocide arménien[5].
  • L'apologie de la consommation de drogues (par exemple l'apologie du cannabis) est pénalisée (article L.630 de la loi du 31 décembre 1970), qu'il s'agisse de presse écrite ou audiovisuelle, de vente de gadgets (T-shirts, stylos, porte-clés, cendriers...), etc. Cet article du Code de la santé énonce que la provocation à l'usage ou au trafic de stupéfiants, par la publicité ou l'incitation ou la présentation sous un jour favorable des produits classés stupéfiants, est punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, même si l'incitation est restée sans effet.
  • Entre 2006 et 2011, un décret empêchait de fournir des recettes de produits naturels non-homologués (par exemple la recette du purin d’ortie, insecticide et fertilisant naturel[6]).
  • Enregistrer et/ou diffuser des images de scènes de violence (quelles qu'elles soient : violences policières, violences au cours de manifestations, « happy slapping »...) est sanctionné pénalement, sauf si on est journaliste[7] ; en 2018, Marine Le Pen est ainsi mise en examen pour avoir relayé des photos d’exactions de Daesh sur Twitter.
  • Inciter les « assujettis » sociaux à refuser de s'affilier à un organisme de Sécurité sociale ou à ne pas payer les cotisations à un régime d'assurance obligatoire est sanctionné pénalement[8] (précision : cet article de loi, dans l'optique de la fin du monopole légal de la sécurité sociale survenu en France en 2001, condamne en fait le non-respect de l'obligation d'assurance, et non le manquement à l'obligation de cotiser à un organisme français quel qu'il soit).
  • Mein Kampf, d'Adolf Hitler, n'a pu être publié en France qu'avec l'addition, par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 juillet 1979, d'un avertissement moralisateur de onze pages. Le livre Suicide, mode d'emploi a été interdit à la vente en 1987, par une loi réprimant la « provocation au suicide ». Le 12 mars 1987, c'est le roman L'Os de Dionysos qui est interdit par le tribunal de grande instance de Tarbes pour « trouble illicite, incitation au désordre et à la moquerie, pornographie et danger pour la jeunesse en pleine formation physique et morale ».
  • Le livre Le Grand Secret, publié en 1996 par le docteur Gubler, médecin de François Mitterrand, a été interdit en France pour violation du secret médical. Un arrêt de la Cour européenne (décision du 18 mai 2004) a sanctionné les juges français qui ont interdit la sortie du livre.
  • Il est permis de commenter une décision de justice, en revanche il est interdit « de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance » (article 434-25 du Code pénal). Par exemple, estimer qu'une décision de justice est « un chef-d'œuvre d'incohérence, d'extravagance, et d'abus de droit » a été sanctionné pénalement[9].
  • Interdiction lors des élections de diffuser des résultats de sondages, tendances ou résultats partiels, avant l'heure de fermeture des bureaux de vote (interdiction facilement contournée par les médias étrangers via Internet).
  • Brûler un Coran puis uriner dessus et diffuser le tout sur Internet vaut à son auteur en 2011 trois mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende pour incitation à la haine à l'égard des musulmans (le blasphème n'existe plus depuis 1881, sauf en Alsace-Moselle par incorporation de l'article 166 du Code pénal allemand)[10]. En revanche, l'exposition en Avignon de photographies d'un Christ plongé dans l’urine et le sang est soutenue moralement et financièrement par les pouvoirs publics.
  • Un commerçant n'a pas le droit d'afficher dans son magasin des photos de voleurs, tirées de sa vidéosurveillance, avec la mention « voleur »[11] (risque de poursuites pour atteinte au droit à l'image, au respect de la vie privée, et pour diffamation).
  • La loi Evin interdit la publicité des boissons alcoolisées. En 2012, la chaîne W9, qui diffuse la série télévisée d'animation américaine Les Simpson, a dû flouter systématiquement le nom de la Duff, la bière préférée du personnage principal (cette bière, qui était fictive au début de la série, a eu la malchance -ou la chance - d'exister par la suite).
  • De façon plus générale, les messages publicitaires obligatoires peuvent être considérés comme une atteinte à la liberté d'expression.
  • En 2013, un élu Front national, Julien Sanchez, est condamné à 4000 euros d'amende pour avoir omis de censurer sur sa page Facebook des propos de commentateurs qui dénonçaient en 2011 « l’islamisation » de la ville de Nîmes.[12]. En appel, en octobre 2013, sa condamnation est confirmée, considérant qu'il était le directeur de publication de sa page Facebook[13].
  • La prétendue protection de la vie privée (d'invention récente, puisque l'article 9 du Code civil date de 1970) permet de s'attaquer à la liberté de la presse : par exemple, le Nouvel Observateur a été condamné en février 2013 pour « atteinte à la vie privée » suite à la publication d'extraits du roman Belle et Bête de Marcela Iacub, relatant sa relation avec Dominique Strauss-Kahn (bien que ce dernier ne soit jamais mentionné nommément dans le roman). En 2015, un selfie moqueur de Brahim Zaibat, photographiant Jean-Marie Le Pen endormi dans un avion, est taxé par l’avocat de Jean-Marie Le Pen d'« atteinte au droit à l’image et au respect de la vie privée », le sommeil étant selon lui « par excellence un attribut de la vie privée »...
  • Depuis 2013, le patrimoine des députés peut être consulté en préfecture, mais pas publié : la publication d'une déclaration de patrimoine est passible d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende.
  • L’autorité des marchés financiers (AMF) invoque l’article 632-1 de son règlement général pour attaquer des blogueurs accusés d'avoir diffusé des informations inexactes sur leurs blogs au détriment de la Société Générale[14].
  • Le livre Le Salut par les Juifs de Léon Bloy (livre écrit en réponse à La France juive de l'antisémite Édouard Drumont), maintes fois réédité depuis 1892, a été censuré le 13 novembre 2013 par le juge des référés de Bobigny, suite à une plainte de la Licra.
  • En janvier 2014, la circulaire Valls interdit les spectacles de l'humoriste Dieudonné en invoquant la « dignité humaine ».
  • La publicité pour les contraceptifs féminins fut longtemps interdite (pour éviter la propagande antinataliste) ; l'interdiction ne fut complètement levée qu'en 1999 (après avoir été assouplie par la loi du 18 janvier 1991).
  • En octobre 2015, le présentateur du bulletin météo de France 2, Philippe Verdier, a été mis à pied pour avoir écrit Climat Investigation, un livre critique à l'égard du réchauffement climatique, dénoncé comme un « scandale planétaire ».
  • En novembre 2015, brûler un Coran est considéré comme un délit par le procureur de la République Jean-Pierre Valensi[15].
  • En décembre 2016, le maire de Béziers, Robert Ménard, est jugé pour provocation à la haine raciale pour avoir affirmé qu’il y avait trop d’élèves musulmans dans les écoles et avoir parlé de « seuils de tolérance ».
  • Le cinéaste Gérard Boyadjian est poursuivi par la Licra en 2017 pour son film « Chameau #Pas d’Amalgame! » ; son avocate souligne qu'on a fait entrer l’islamophobie dans le champ judiciaire pour empêcher toute critique de l’islam, en l'absence de loi sur le blasphème.
  • En 2018, Nicolas Dupont-Aignan est jugé pour provocation à la haine ou à la discrimination pour avoir évoqué une « invasion migratoire ».
  • En 2018, Eric Zemmour est condamné en appel pour des propos islamophobes tenus en 2016 : il avait parlé d'une « invasion », d'une « lutte pour islamiser un territoire », « un jihad ».
  • En janvier 2019, l’essayiste d’extrême droite Alain Soral est condamné à un an de prison ferme pour avoir injurié une magistrate et tenu des propos antisémites ; la Licra estime que « la place des antisémites comme Alain Soral est en prison ». À la fin de l'année 2019, il s'installe en Suisse pour échapper à la justice française. En juillet 2020, il est arrêté en France pour « provocation publique à la haine ou à la violence », délit prévu par la loi sur la presse de 1881.
  • L'écrivain Hervé Ryssen est incarcéré en septembre 2020 suite à ses condamnations pour propos antisémites.
  • En 2023, des députés tentent de faire voter une interdiction du discours climatosceptique dans les médias[16] en 2023
  • En 2023, de nombreuses manifestations pro-palestiniennes sont interdites de manière préventive, sans raison valable.

Notion d'injure ou de diffamation

  • L'injure publique ou non-publique est pénalisée, et plus gravement quand elle vise un agent public (notion d'outrage). On peut être condamné pour « offense au chef de l’État » (cas de l'homme qui avait brandi en 2008 une affichette « Casse toi pov'con » lors d'une visite présidentielle à Laval : en mars 2013, la Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France pour viol de la liberté d'expression).
  • L'injure raciale est sanctionnée pénalement. La notion d'injure raciale est très large : assimiler les juifs[17] (qui d'un point de vue scientifique ne constituent pourtant pas une « race » ni une ethnie) à une « secte » et à une « escroquerie » constitue une injure raciale « dont la répression est une restriction nécessaire à la liberté d'expression dans une société démocratique » (selon la Cour de cassation statuant sur le cas de l'humoriste Dieudonné en février 2007). Jean-Paul Guerlain est condamné pour injure raciale en 2012 pour avoir utilisé l'expression « travailler comme un nègre ». En juillet 2014, Anne-Sophie Leclère (ex-tête de liste Front national aux municipales à Rethel) est condamnée à neuf mois de prison ferme et 5 ans d'inéligibilité pour avoir comparé la garde des Sceaux, Christiane Taubira, à un singe. En revanche, le terme « souchien » (pour « Français de souche ») ne relève pas du racisme anti-blanc[18].
  • Il existe de la même façon un délit d'« injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion » (en février 2007, puis septembre 2012 : affaire des caricatures du prophète Mohammed publiées par Charlie-Hebdo)
  • Un caricaturiste peut être puni pour « injures publiques envers une administration, en l’occurrence la police nationale ». C'est le cas du dessinateur Placid, pour avoir réalisé une caricature de policier en 2001, en lui retroussant un peu le nez à la manière d'un cochon[19], le genre de la caricature n'autorisant pas les « représentations dégradantes »[20].
  • Traiter des policiers de « volaille » sur Facebook a valu à son auteur 4 mois de prison ferme et 1500 euros de dommages et intérêts (décision du tribunal correctionnel de Grasse en février 2017[21]).
  • Répression des injures sexistes ou « homophobes » : la loi du 30 décembre 2004 pénalise les propos liés au sexe ou l'orientation sexuelle de la personne. Une législation à contre-courant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme[22].
  • Google est fréquemment mis en cause pour son dispositif Google Suggest qui procède à des associations de mots que certains considèrent comme injurieuses ou diffamatoires ; les jurisprudences sont contradictoires[23]
  • En décembre 2013, Jean-Marie Le Pen est condamné pour « injure publique à caractère racial » pour avoir en 2012 attribué aux Roms la phrase : « Nous, nous sommes comme les oiseaux, nous volons naturellement ».
  • Traiter quelqu'un de fumiste relève de la diffamation, en revanche on peut sans risque qualifier son travail de fumisterie[24].
  • En août 2014, Christine Tasin est condamnée à 3000 euros d’amende pour avoir dit le 15 octobre 2013 « l'islam est une saloperie » ; son avocat souligne que « ce sont des propos hostiles à l’islam et non aux musulmans » ; elle est relaxée en appel par la cour d’appel de Besançon en décembre 2014. Cependant, elle est condamnée pour provocation à la haine en mars 2017 pour avoir utilisé plusieurs fois l'expression « islam assassin ».
  • En janvier 2015, Arno Klarsfeld est mis en examen pour avoir « porté atteinte à l'honneur et à la considération des jeunes de banlieue », après avoir déclaré qu'« une partie des jeunes de banlieue » est antisémite.
  • En janvier 2015, après les attentats à Charlie Hebdo, plusieurs dizaines d'arrestations pour « apologie du terrorisme » ont été menées, conduisant à des gardes à vue et à plusieurs peines de prison ferme.
  • En octobre 2015, l'avocat pénaliste blogueur Maître Eolas est condamné pour injure et diffamation envers l'Institut pour la justice (IPJ, association qui prône le durcissement de la politique pénale), pour un tweet datant de 2011 où il accusait l'IFP de « manipulation » et disait de lui : « je me torcherais bien avec l'Institut pour la justice si je n'avais pas peur de salir mon caca » (sic).
  • Le délit de « diffamation », en raison de son caractère très vague et très subjectif (atteinte à l'honneur ou à la considération, « volonté de nuire »), est en général le moyen le plus commode de faire taire un adversaire, et n'importe quel écrit politique un peu critique peut encourir une condamnation. Par exemple, exprimer l'opinion qu'en France « les contrôles d’identité au faciès sont non seulement monnaie courante, mais se multiplient » a valu à son auteur une condamnation pour diffamation[25]. La diffamation ne consiste pas à dire quelque chose de faux concernant une personne, c'est en fait une atteinte à l’honneur concernant un fait précis (sinon c’est une injure). Les deux moyens de défense (outre la requalification en injure) sont l'exception de vérité (souvent difficile à prouver : on peut être condamné pour quelque chose de vrai -par exemple l'affirmation de charlatanisme- qu'on n'a pu prouver, et relaxé pour quelque chose de faux) et l'exception de bonne foi (impliquant entre autres absence d’animosité personnelle et prudence dans l’expression).
  • Un décret d'août 2017[26] s'immisce dans la vie privée des personnes pour réprimer les « provocations, diffamations et injures non publiques » racistes ou discriminatoires.

Notion de discrimination

  • Passer une annonce pour recruter une aide ménagère à domicile qui soit chrétienne, ou une puéricultrice en précisant « homosexuel s’abstenir », aboutit à une condamnation pour discrimination[27] ; en revanche certaines discriminations religieuses semblent tolérées (exemple d'offres d'emploi de bouchers halals, les candidats devant être musulmans) ;
  • Plus généralement, le Code du travail rend la discrimination à l'embauche illégale : la France est le seul pays où l'apparence physique ou l'état de santé figurent parmi les critères de discrimination illégaux. Une annonce où l'on chercherait à recruter un candidat ou une candidate en bonne santé ou d'apparence agréable serait donc discriminatoire ;
  • La liberté de conscience et le droit de changer de religion ou d'abandonner sa religion ne sont pas officiellement reconnus pour les musulmans. L'apostasie est punie au minimum (en pratique) par une mort sociale, et au pire (en théorie) par la mort.[28]

Comparaison avec les États-Unis

Aux États-Unis, le Premier amendement à la constitution nationale garantit en théorie une liberté d'expression très étendue, puisqu'il ne permet « aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse ». La conception de la liberté d'expression est différente de celle de la France :

Dans un pays, on déclare une liberté que l'on met aussitôt sous la protection du législateur, alors que, dans l'autre, on garantit la liberté contre celui qui est considéré comme son violateur potentiel le plus dangereux : le législateur fédéral. (Jean-Philippe Feldman, Libéralisme et liberté d'expression, 2015)

Cependant, la liberté d'expression exclut « les propos relevant de l'obscénité, de la diffamation, de l'incitation à l'émeute, du harcèlement, des communications privilégiées, des secrets commerciaux, des documents classifiés, du copyright, des brevets, des opérations militaires, des discours commerciaux comme la publicité, et de restrictions de temps, de lieu et de manière »[29], ce qui met la liberté d'expression à la merci de l’État. La censure s'exerce à différents niveaux[30].

Citations

  • « Nous vivons dans un pays où le délit d'opinion est devenu du droit commun. [...] Le nombre de choses que nous n'avons plus le droit de dire est devenu absolument impressionnant, et ça s'est fait petit à petit, jusqu'à ce que finalement la prophétie de Tocqueville se réalise. [...] Le gouvernement politique devient presque une activité d'élevage. » (Jean-François Prévost[31])
  • « En autorisant des associations à porter plainte au nom de groupes pour provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance à une race, une ethnie, une nation, mais aussi à une religion, cette disposition [la loi Pleven de 1972] a eu pour effet paradoxal de réintroduire le blasphème sans le nommer. L'intention était peut-être bienveillante, le résultat s'est révélé désastreux. » (Anastasia Colosimo[32])
  • « Ce qui est terrible, c'est à quel point on ne peut plus rien dire... Nietzsche, Schopenhauer et Spinoza ne passeraient plus aujourd'hui. Le politiquement correct, tel qu'il est devenu, rend inacceptable la quasi-totalité de la philosophie occidentale. De plus en plus de choses deviennent impossibles à penser. C'est effrayant. » (Michel Houellebecq[33])

Notes et références

  1. Philippe Nemo, La régression intellectuelle de la France, Texquis, juin 2011
  2. Sommes-nous islamophobes ? sur Contrepoints.
  3. Bientôt une nouvelle loi pour museler le climatoscepticisme dans les médias ?, IREF, 4 septembre 2023
  4. En réalité, tout dépend de la personne qui s'exprime, d'où elle parle, et si elle est jugée comme faisant partie des bien-pensants. Par exemple, Stéphane Hessel n'a jamais été incriminé quand il a dit en janvier 2011 dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung : « la politique d'occupation allemande [...] était une politique relativement inoffensive".
  5. Historiens, changez de métier !
  6. Guerre de l’Ortie
  7. loi sur la prévention de la délinquance
  8. Article L 652-7 du Code de la sécurité sociale
  9. Billet de Maitre Eolas : Pourquoi on peut commenter une décision de justice
  10. Le prévenu a en fait été relaxé en appel (Il brûle un Coran et urine dessus : relaxe confirmée en appel). À noter que ce n'est pas la liberté d'expression qui a été invoquée pour la relaxe, mais le fait que « les éléments de la procédure ne permettent pas de démontrer avec certitude que l'intention (du prévenu) était de susciter un sentiment d'hostilité ou de rejet de nature à provoquer la discrimination, la haine ou la violence à l'égard des musulmans »...
  11. « Un commerçant cannois affiche ses voleurs », Var matin, 19 février 2012.
  12. Le conseiller régional Front national, Julien Sanchez, reconnu coupable de provocation à la discrimination raciale
  13. Un élu Front national condamné pour les commentaires Facebook de ses amis
  14. Fausses rumeurs : 8 000 et 10 000 euros d’amende pour deux blogueurs (PCINpact, 15/11/2013)
  15. Coran brûlé lors d’une manifestation islamophobe à Calais : le parquet ouvre une enquête (La Voix du Nord, 19/11/2015)
  16. Bientôt une nouvelle loi pour museler le climatoscepticisme dans les médias ?, IREF, 4 septembre 2023
  17. On écrit « les juifs » sans majuscule quand il s'agit de l'appartenance religieuse au judaïsme, pour les distinguer des Juifs, membres du peuple juif.
  18. "Souchiens" n'est pas une injure raciste
  19. Article d'Agora-international
  20. Billet de Maitre Eolas
  21. Il traite trois policiers de volaille et poste leur photo sur Facebook, quatre mois de prison ferme (Nice Matin, 02/02/2018)
  22. Article de RSF : Adoption de la loi contre l’homophobie : une atteinte à la liberté d’expression
  23. "Google Suggest" et l'injure publique
  24. Affaire Velasco/Alessandri en 2003.
  25. Condamnation dans l'affaire Vos, Syndicat de la magistrature
  26. Décret n° 2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire
  27. Patrick Simon, bulletin du Cercle Frédéric Bastiat n°80, p. 6
  28. Les musulmans ont-ils le droit d’apostasier en France ?
  29. Cité dans Dépasser la démocratie, 2013, p. 78.
  30. Voir Censorship in the United States et Book censorship in the United States.
  31. Jean-François Prévost, 24 octobre 2015, Congrès national des libérés de la Sécurité sociale
  32. Anastasia Colosimo: « La liberté d’expression a régressé au pays de Voltaire », Le Figaro, 7 janvier 2020
  33. Michel Houellebecq, L'opinion indépendante, janvier 2002

Bibliographie

Voir aussi

Lien externe


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