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Guerre de Sécession
Histoire des États-Unis |
La guerre civile américaine (Civil War) connue en France comme la Guerre de Sécession a été la tragédie majeure de l’histoire des États-Unis. Ce conflit très meurtrier a opposé Nord contre Sud de 1861 à 1865. Pour les Américains, cette guerre est un événement tout aussi fondateur que la Révolution américaine.
Plus de 620 000 combattants ont péri, dont 360 000 yankees, ce qui en fait la guerre la plus coûteuse en vies américaines, aboutissant à l’affranchissement de quatre millions d’esclaves. La conséquence la plus importante de ce conflit a été l’effacement de la vieille république fédérale dominée par les sudistes. Lui succède un État dirigé par les nordistes dont les pouvoirs ne vont cesser de s'étendre aux dépens de ceux des États.
Un planteur de Louisiane écrivait en 1865 : « La révolution de 1789 n’avait pas provoqué un plus profond changement dans l’Ancien Régime que celle-ci ne l’a fait dans notre société. »
La contre-révolution de 1861
Le mouvement sécessionniste
La Sécession se fit très rapidement mais ne fut pas le fruit d’une action collective. Dès le 20 décembre 1860, la convention de la Caroline du Sud décidait de dissoudre l’union existant avec les autres États. Cet exemple fut imité dans le courant du mois de janvier 1861 par le Mississippi (le 9), la Floride (le 10), l’Alabama (le 11), la Géorgie (le 19), la Louisiane (le 26) et enfin le Texas le 1er février. Cela se fit dans la joie, les gens dansaient dans les rues, beaucoup ne croyant pas à la possibilité d’une guerre. Les sécessionnistes croyaient à la légalité de leur décision, la souveraineté des États ayant précédé, selon eux, la souveraineté nationale. D’autres mettaient en avant le droit de révolution affirmé par la Déclaration d’indépendance.
« Le 4 mars 1861, proclama un Géorgien, nous serons soit des esclaves au sein de l’Union, soit des hommes libres en dehors d’elle ». Pour s’assurer le soutien des pauvres Blancs sans esclaves, les sécessionnistes mettent en avant la suprématie blanche. Grâce à l’esclavage, le pauvre appartient à l’aristocratie des hommes blancs. Ainsi la « liberté démocratique » n’était pas possible sans l’esclavage. Mais les sécessionnistes apparaissaient surtout soucieux de préserver leurs institutions et leur système social : c’était donc une contre-révolution préventive.
La réponse des unionistes
A la surprise des sudistes, le président James Buchanan leur dénia le droit de sécession : l’Union n’était pas une association volontaire d’États susceptible d’être dissoute à volonté et seul le gouvernement fédéral avait les attributs suprêmes de la souveraineté. Pour Abraham Lincoln, la souveraineté des États n’était qu’un sophisme : « l’Union est plus ancienne que n’importe quel État et c’est elle à vrai dire qui en fait des États. » Nul gouvernement « n’a jamais inclus dans sa loi organique une clause prévoyant sa propre fin ». La révolution étant un droit moral, le Sud ne pouvait l’invoquer sa cause étant mauvaise : « il faut décider si, sous un libre gouvernement, la minorité a le droit de détruire ce gouvernement à chaque fois que l’envie lui en prend. »
Mais en attendant le syndrome du « canard boiteux » laissait s’écouler quatre mois entre l’élection du nouveau président et du nouveau Congrès et leur installation effective. Et de toute façon, le président ne disposait que d’une minuscule armée de seize mille hommes dispersée le long de plus de 3000 km de frontière. Certains abolitionnistes adoptaient la position d’Horace Greeley dans le New York Tribune (9 novembre 1860) : « si les États cotonniers parviennent à se persuader qu’ils auront un meilleur sort en dehors de l’Union qu’au-dedans, nous tenons à les voir partir. » Le partez en paix était une façon d’éviter les compromis, les républicains étant persuadés que les sécessionnistes bluffaient et tentaient d’imposer une nouvelle reculade aux États libres. Or Lincoln refusa tout compromis : « avant un an, nous serons obligé de prendre Cuba, car ce ne sera qu’à cette condition qu’ils accepteront de rester dans l’Union. »
La rupture
De toute façon, les sécessionnistes rejetaient par avance tout compromis. Les sept États esclavagistes se réunirent à Montgomery le 4 février 1861 pour organiser la nouvelle nation mais sans réussir à rallier les huit autres États où l’esclavage avait une moindre importance. Les Républicains se mirent à espérer le retour des brebis égarées, et, en attendant, tentaient de maintenir les États septentrionaux dans l’Union. Pendant ce temps, à Montgomery, la Confédération se dotait d’un Constitution provisoire, d’un Congrès provisoire et d’un président intérimaire. Jefferson Davis fut élu à l’unanimité le 9 février 1861.
Dans son discours inaugural, le 4 mars 1861, Lincoln se voulait ferme mais rassurant. La question du fort Sumter, à l’entrée de la baie de Charleston, réclamé par les autorités confédérées, devint le test de la fermeté de la nouvelle administration. Pour le ministre des Postes, Montgomery Blair : « renoncer au fort, c’était renoncer à l’Union » tandis que le général Scott souhaitait l’évacuation pour apaiser les huit États esclavagistes restants dans l’Union. Lincoln choisit habilement d’envoyer une expédition pour approvisionner simplement le fort en nourriture, laissant la responsabilité au Sud d’ouvrir le feu sur des embarcations non armées. Jefferson Davis ordonna alors de réduire le fort avant l’arrivée de la flotte de secours. Le 12 avril, les confédérés ouvrent le feu et s’emparent de fort Sumter, le 14 avril. Le lendemain, Lincoln appelait 75 000 miliciens sous les drapeaux pour mater l’insurrection. Partout dans le nord, des assemblées acclamèrent la bannière étoilée et jurèrent de se venger des traîtres. Stephen A. Douglas se rendit à la Maison-Blanche et déclara : « dans cette guerre, il ne peut y avoir de neutres, rien que des patriotes - ou des traîtres. »
Le dilemme du Haut Sud
Le Kentucky, le Tennessee, le Missouri, la Virginie, la Caroline du Nord et l’Arkansas rejetèrent la requête de Lincoln réclamant des miliciens. John Bell, unioniste du Tennessee de 1860, dénonçait la « guerre inutile, agressive, cruelle, injuste et gratuite » imposée au Sud par Lincoln. En fait la nouvelle de la prise de fort Sumter avait été accueillie avec enthousiasme par la population. La Virginie faisait sécession (17 avril) et offrait sa capitale Richmond comme capitale permanente : c’était l’État le plus peuplé et le plus industrialisé du Sud, mais aussi le pays de Robert E. Lee. Refusant de devenir commandant en chef de l’armée de l’Union, il devait être général en chef de l’armée confédérée. Mais d’autres officiers sudistes restèrent fidèles à l’Union comme Scott, Thomas ou Farragut. L’Arkansas, la Caroline du Nord et le Tennessee rejoignent la Confédération au mois de mai.
Les enragés de la sécession étaient ceux qui possédaient des esclaves. Aussi, la question des États limitrophes devint cruciale. À Baltimore, le 19 avril, le sixième régiment du Massachusetts est assailli par des émeutiers. Lincoln décida alors, le 27 avril, de suspendre l’habeas corpus dans certaines parties du Maryland. Il n’hésita pas à faire arrêter des parlementaires sécessionnistes, et le Maryland finit par rester dans l’Union. Dans le Missouri, le gouverneur Jackson tentait d’entraîner son État dans la sécession, tandis que les unionistes s’appuyaient sur les régiments germano-américains du général Lyon qui parvint à prendre le contrôle de la majeure partie du territoire. Le Missouri devint le lieu d’un affrontement entre guérilla confédérée menée par William Quantrill, « Bloody Bill » Anderson et Todd et les « Jayhawkers » du Kansas sous la conduite de Charles Lane, Charles Jennison et James Montgomery. Ainsi le gouvernement sécessionniste du Missouri fut-il un gouvernement en exil.
Dans le Kentucky, la population était plus également partagée entre Nord et Sud, aussi adopta-t-il une position de neutralité. Mais les confédérés envahissent l'État le 3 septembre, aussitôt contrés par les troupes fédérales commandées par un certain Ulysses S. Grant. Si le Kentucky formait le 13e État confédéré, les trois quarts de son territoire étaient occupés par les fédéraux. En revanche, le Delaware resta fidèle à l’Union, comptant très peu d’esclaves. Les comtés du Nord-Ouest de la Virginie refusèrent la sécession et formèrent un nouvel État de Virginie occidentale aussitôt reconnu par Lincoln et rapidement occupé par les forces de l’Union : en effet, le chemin de fer de Baltimore et de l’Ohio était la liaison la plus directe entre Washington et les États du Midwest. Toutes les tentatives confédérées pour les déloger échouèrent. Finalement, les États du Haut Sud devaient fournir à la Confédération la moitié de ses effectifs contre seulement 15 % de tous les hommes qui se battirent pour l’Union.
L’organisation de la guerre
Les motivations des combattants
Les yankees se battaient pour le drapeau et la patrie. « Une grande lutte pour l’Union, la Constitution et la loi » écrivait un soldat du New Jersey. Les sudistes luttaient pour la souveraineté des États, leur idée de la Constitution, et celle d’une nation sudiste. Ils se battaient aussi pour se défendre contre l’invasion, voyant dans les yankees des pillards prêts à violer leurs autels et leurs foyers. La question de l’esclavage était soigneusement mise sous le tapis par les deux camps, car elle aurait favorisé les divisions dans chacun d'entre eux.
Les insuffisances matérielles du Sud
Au début du conflit l’armée américaine était presque inexistante. La marine n’était guère mieux lotie, mais le Nord possédait presque tous les chantiers navals et avait rallié presque toute la marine marchande. Le Sud était contraint à l’innovation, mettant en service le premier sous-marin de combat du monde, utilisant des « torpilles » (mines), des petits torpilleurs et d’autres navires pour couler les bateaux ennemis. Mais en raison de sa faiblesse sur mer, le Sud comptait surtout sur son armée, méprisant par avance les boutiquiers froussards du Nord. Néanmoins, l’intendance resta le talon d’Achille de la Confédération, et son armée a toujours manqué de tentes, d’uniformes, de couvertures, de souliers et même de chevaux et de fourgons : en 1860, le Nord fabriquait 97 % des armes à feu, 94 % des textiles, 93 % de la fonte brute, et 90 % des bottes et souliers du pays.
Problèmes d’organisation et de logistique au Nord
En mai 1861, le Congrès confédéré autorisait la mobilisation de 400 000 volontaires pour une période de trois ans et en juillet le Congrès des États-Unis celle d’un million de volontaires pour la même période. Mais Lincoln dut avouer le 4 juillet : « l’une des plus graves sources d’embarras pour le gouvernement est de voir arriver les troupes plus vite qu’il ne peut les équiper. » Les États, les villes, voire des associations de simples citoyens devaient remédier aux carences du pouvoir central. Dans les débuts de la guerre, la diversité des uniformes causa de tragiques méprises avant que ne s’impose le bleu au Nord et le gris au Sud. Le ministère de la Guerre finit cependant par s’organiser de façon efficace à la fin de l’année 1861 et le corrompu Cameron remplacé par l’incorruptible Stanton. Le directeur de l’Intendance, Montgomery Meigs devait se révéler un organisateur hors pair, l’armée de l’Union ayant des besoins en logistique très élevés devant opérer en territoire ennemi. Ainsi s’imposa la notion de mesures standard dans la fabrication des vêtements qui devait donner par la suite les « tailles » dans le vêtement masculin et se développa la mécanisation dans la fabrication des souliers.
Des armées de citoyens
Dans le Nord comme dans le Sud, les régiments de volontaires conservaient des liens étroits avec leur État d’origine, et se basaient parfois sur des affinités ethniques. Les soldats élisaient un grand nombre de leurs officiers. Moins d’un an après sa formation, un régiment avait perdu la moitié au moins de ses effectifs d’origine par suite de maladies, morts au combat et désertion. Au lieu de renflouer les anciens régiments, les États préféraient en former de nouveaux, ce qui empêchait l’amalgame entre les combattants chevronnés et les recrues inexpérimentées. À mesure que la guerre devait se prolonger, la promotion fondée sur le mérite devint la règle, et les élections d’officiers avaient pratiquement cessé en 1863. Cette pratique persista plus longtemps dans les rangs confédérés, mais leurs officiers avaient reçu plus fréquemment une éducation militaire que ceux du Nord. Lincoln et Davis s’aperçurent que pour choisir un général, ils devaient tenir compte des intérêts des partis, des factions, des États, comme pour n’importe quelle autre nomination.
Quelle stratégie mener ?
L’amateurisme et la confusion caractérisaient tout autant la stratégie. Dans cette guerre politique, l’action du pouvoir politique et l’opinion publique influèrent énormément sur la conduite de la guerre. Les dirigeants du Nord songeaient à une guerre limitée pour regagner la loyauté latente de la population sudiste. La méthode de Scott était d’envelopper le Sud pour le couper du reste du monde et ainsi éviter de faire couler le sang. Ce « plan Anaconda » suscitait le mépris de l’opinion publique qui réclamait à corps et à cri une invasion pour « écraser » l’armée rebelle dont la capitale n’était qu’à 40 Km de Washington (Tous à Richmond !). De son côté, le Sud pouvait gagner la guerre simplement en ne la perdant pas. Mais les Sudistes refusaient de mener une guerre d’usure qui avait été celle de Washington pendant la Guerre d’Indépendance : « l’idée d’attendre les coups au lieu de les donner est radicalement étrangère au génie de notre peuple » selon le Richmond Examiner.
L’échec de la guerre limitée
Adieu à la guerre de 90 jours
À la tête de troupes sans expérience, le trop prudent McDowell devait échouer dans sa tentative contre le nœud ferroviaire de Manassas. Le général confédéré Thomas J. Jackson devait y gagner son surnom de « stonewall » en arrêtant l’assaut de l’Union. La bataille de Bull Run (Manassas pour le Sud) (21 juillet 1861) se termina en débandade des troupes fédérées. La détermination du Nord fut renforcée par cet échec, et George McClellan était chargé d’organiser l’armée du Potomac. Mais si les sudistes avaient acquis un sentiment de confiance exagéré, les officiers nordistes devaient être longtemps rongés par un sentiment d’infériorité.
Dans le Missouri, les rebelles l’emportaient à Wilson’s Creek et s’emparaient momentanément de Lexington (20 août). Dans le même temps une brèche se créait dans l’union par la loi de confiscation (6 août) : les esclaves gagnant les lignes de l’Union (dit « contrebandes ») cessaient de l’être s’ils avaient été employés par les services armés de la Confédération. Les Démocrates du congrès et les élus des États limitrophes votèrent contre. En revanche, les Républicains radicaux trouvaient Lincoln trop timoré : « Libérons tous les esclaves – tuons tous les traîtres – brûlons toutes les demeures rebelles, si cela est nécessaire pour préserver notre temple de la liberté » déclara Thaddeus Stevens, leur chef à la Chambre.
Cédant aux pressions, Lincoln avait mis à la retraite Scott, et fait de l’ambitieux George McClellan, le « jeune Napoléon » (34 ans), le général en chef (1er novembre). Mais il devait vite révéler une fâcheuse tendance à surestimer la force de l’ennemi. S’il excellait dans les préparatifs, ceux-ci n’étaient jamais tout à fait terminés : n’ayant connu que des succès dans sa carrière, il redoutait un échec. Lincoln supportait néanmoins l’arrogance de celui qui le traitait de « babouin » pourvu qu’il lui apporte la victoire. Davis agissait bien différemment dans le Sud et eut très vite des démêlés avec ses généraux, notamment Joseph E. Johnston.
La guerre maritime favorable au Nord
En janvier 1862, le Nord connaissait son nadir : « Tout va de mal en pis. Que puis-je faire ? » confiait Lincoln à Meigs. Les seuls succès de l’Union avaient été obtenus par la marine de guerre : Samuel du Pont s’emparait de Port Royal (Caroline du Sud) le 7 novembre 1861. Une opération amphibie de la marine et de l’armée menée en février 1862 par Ambrose E. Burnside permit d’isoler tous les ports de Caroline du Nord, et en avril 1862 à l’exception de Charleston et Wilmington, tous les ports importants de la côte atlantique étaient aux mains de l’Union ou fermés aux forceurs de blocus.
Le 8 mars, les sudistes avaient sorti leur arme secrète, le cuirassé CSS Virginia qui réussit à couler les frégates Cumberland et Congress. Mais le lendemain le cuirassé nordiste USS Monitor l’oblige à battre en retraite. Les navires en bois allaient à l’avenir laisser la place aux cuirassés. Même si de nombreux navires réussissaient à forcer le blocus, cinq sur six au cours de la guerre, il contribua à affaiblir le Sud où tout était devenu rare et hors de prix. Les exportations de coton de 1862 à 1865 représentaient 5 % des exportations de la période 1858-1860. Les sudistes avaient tenté de se faire reconnaître des gouvernements français et britannique en utilisant l’arme du coton, mais les Européens faisant un commerce florissant de matériel de guerre avec le Nord et importaient de plus en plus de grains : le roi Maïs se révélait plus puissant que le roi Coton. L’Angleterre et la France s’étaient proclamées neutres mais refusèrent de reconnaître officiellement la Confédération.
Succès nordistes dans la vallée du Mississippi
A compter de février 1862, partant de Cairo, les forces expéditionnaires de l’armée et de la marine nordistes lancèrent des invasions remontant le Tennessee et le Cumberland et descendant le Mississippi. Leur succès devait reposer en partie sur le travail d’équipe entre le commandant de l’escadre, Andrew H. Foote, et le général de brigade Ulysses S. Grant. Si le Mississippi avait été fortifié par une série de forts sudistes, notamment Columbus, le « Gibraltar de l’ouest », les deux autres cours d’eau l’étaient beaucoup moins. Le Fort Henry tomba le 6 février et le fort Donelson le 16. Grant devint général de division et célèbre. Nashville était occupé par l’Union le 25 février et Columbus évacué à son tour, tout le Kentucky et la majeure partie du Tennessee tombant aux mains des nordistes. La prise de fonctions officielles de Jefferson Davis se fit dans cette atmosphère sinistre le 22 février. Les 17 et 18 mars, une tentative d’offensive sudiste tourna au désastre à Pea Ridge contre des forces de l’union pourtant inférieures en nombre.
Sidney Johnston et Beauregard avaient rassemblé leurs forces pour chasser les yankees et prennent par surprise Grant à Shiloh le 6 avril mais sans réussir à écraser l’ennemi. Ayant reçu des renforts, Grant contre-attaqua victorieusement le lendemain. La violence des combats et le nombre de victimes (20 000 morts et blessés) fit entrer le pays dans la guerre totale. Grant fut la cible de violentes attaques dans l’opinion publique pour s’être laissé surprendre mais Lincoln répondit : « Je ne peux pas me passer de cet homme ; il se bat ».
Le 8 avril, Pope s’emparait de l’île numéro 10 qui contrôlait l’accès du Mississippi. Halleck pouvait désormais marcher sur Corinth évacuée par les confédérés le 25 mai. La flotte fluviale faisait tomber Memphis le 6 juin et une escadre de la marine sous la direction de David Glasgow Farragut s’était déjà emparée de la Nouvelle-Orléans le 25 avril. Seul Vicksburg empêchait la flotte de l’Union de contrôler tout le Mississippi.
Échecs nordistes dans la Shenandoah et sur la Chickahominy
Les relations entre Lincoln et McClellan s’étaient dégradées : le 11 mars 1862 il lui retira le titre de général en chef. Au mois de mai, en dépit de ses atermoiements, le commandant de l’armée du Potomac s’installa à moins de 10 Km de Richmond. En se déplaçant, de façon très rapide, Stonewall Jackson infligeait plusieurs défaites aux troupes nordistes dans la vallée de la Shenandoah (Mc Dowell, 8 mai ; Front Royal, 23 mai ; Winchester 25 mai ; Port Republic, 9 juin). Robert E. Lee prit le commandement de l’armée chargée de protéger Richmond et se lança dans la bataille des Sept Jours (25 juin-1er juillet 1862) contre un McClellan démoralisé qui ne cessa de reculer mais sans pouvoir anéantir l’armée du Potomac qui montra plus déterminée que son chef : les combats avaient fait 30 000 tués ou blessés.
Entre 1862 et 1863, le fusil au canon rayé remplaça le canon lisse avec deux conséquences : la multiplication du nombre des victimes et le recul de l’offensive au profit de la défensive. Cela permet de comprendre pourquoi cette guerre fut si longue et si sanglante. Cependant, deux fois plus de soldats succombèrent à la maladie que des suites du combat.
Vers la guerre totale
Le renforcement de l'État
Le 16 avril 1862, le Congrès confédéré avait voté une loi de conscription, la première de l’histoire américaine, et la mesure la plus impopulaire jamais prise dans le Sud. Comme dans le Nord, l’habeas corpus avait été suspendu, et la loi martiale déclarée dans les zones « en danger d’être attaquées par l’ennemi ». Ne pouvant compter sur les impôts ni sur les emprunts pour financer la guerre, le Sud eut recours à la planche à billets : pénuries et inflation frappèrent durement les plus pauvres. L’Union pouvait davantage recourir à l’emprunt et finança les deux tiers de ses revenus par ce moyen. Un impôt sur le revenu fut cependant créé le 5 août 1861. La loi monétaire (25 février 1862) autorisait l’émission de 250 millions de dollars en billets payables sur le Trésor public, puis 150 millions de nouveaux « billets verts » en juillet. L’inflation resta modérée : 80 % pendant la guerre, contre 9000 % dans les États confédérés. La loi fiscale du 1er juillet 1862 taxait à peu près tout et retenait l’impôt à la source sur les salaires des fonctionnaires et les dividendes payés par les firmes. Les contributions indirectes frappaient surtout les gens fortunés mais les salariés souffraient d’une hausse des prix supérieure à celle des salaires.
La question de l’esclavage revient sur le tapis
L’échec de la campagne de McClellan contre Richmond mettait fin à l’espoir d’une victoire limitée permettant de maintenir le système esclavagiste. La loi sur la milice (17 juillet 1862) permettait d’imposer une quasi conscription sur les hommes de 18 à 45 ans. Elle se heurta à des résistances, notamment de la part des catholiques irlandais et allemands. Dans le même temps, les Républicains étaient de plus en plus convaincus que le sort de la nation ne pouvait être séparé de celui de l’esclavage. Le Congrès votait l’interdiction de l’esclavage dans les territoires et le district de Columbia, l’interdiction aux officiers de rendre les esclaves fugitifs, et Lincoln proposa « une aide pécuniaire » à « tout État qui voudra bien adopter une abolition progressive de l’esclavage ». Démocrates et unionistes votèrent contre le 10 avril 1862.
La loi de confiscation (juillet 1862) marquait un durcissement : les esclaves considérés comme captifs de guerre seraient dorénavant libres. En Virginie, John Pope fut le premier à pratiquer la confiscation des biens des rebelles : les Noirs étaient utilisés pour l’intendance. Mais Lincoln décida d’attendre une victoire pour proclamer leur émancipation. Lors des élections de 1862, les Démocrates du Nord exploitèrent au maximum la question raciale : « les classes laborieuses doivent-elles être ravalées au rang des Noirs ? » Des émeutes racistes éclatèrent dans l’été, notamment à Cincinnati. Face aux répugnances d’une partie de la population, Lincoln se montra habile : « Si je pouvais sauver l’Union sans affranchir aucun esclave je le ferais ; si je pouvais la sauver en affranchissant tous les esclaves, je le ferais ; et si c’était en affranchissant les uns et en laissant les autres dans leur état, cela aussi je le ferais. »
L’échec des offensives sudistes
Les forces de l’Union connaissaient des revers dans l’Ouest : elles dépendaient des lignes ferroviaires et se heurtaient à une population hostile. Les sudistes tentèrent de reprendre le Kentucky et le Tennesse : par des raids audacieux, Smith et Bragg installaient un gouverneur confédéré du Kentucky en septembre avant de battre en retraite après la confuse bataille de Perryville (8 octobre). Dans le même temps, la tentative sudiste en direction du Tennessee s’était achevée par un douloureux échec à Corinth (3-4 octobre).
À l’est, Lincoln avait nommé général en chef Henry Halleck mais il avait sous ses ordres deux généraux qui se détestaient mutuellement, Pope et McClellan. Par un nouveau raid audacieux, Stonewall Jackson avait brûlé la principale base de ravitaillement de l’Union à Manassas (26 août 1862). Le 28 août, McClellan refusa d’aller soutenir Pope qui rejoignit à marche forcée Jackson. La seconde bataille de Manassas (Bull Run) les 29 et 30 août montre la supériorité stratégique de Lee qui défit Pope et déplaça le terrain d’opération à 30 km de Washington.
C’était le moment de porter la guerre dans le Nord pour forcer Lincoln à implorer la paix. Mais le Maryland accueille très froidement ses « libérateurs ». McClellan, par son habituelle prudence excessive, laissa passer l’occasion d’écraser l’armée sudiste, mais finit par se heurter à Lee lors de la féroce bataille de l’Antetiam (17 septembre 1862) qui fit quatre fois plus de victimes que le débarquement du 6 juin 1944. Les Nordistes n’osèrent pas poursuivre les rebelles qui se réfugièrent dans la vallée de la Shenandoah. Britanniques et Français, enclins à soutenir la cause du Sud, renoncèrent à leur projet de reconnaître le gouvernement confédéré.
La proclamation d’émancipation
Le 22 septembre, Lincoln annonce à son cabinet une proclamation d’émancipation s’appliquant aux États en rébellion à compter du 1er janvier 1863. Il s’agissait désormais d’une guerre de conquête visant à détruire le vieux Sud. Les élections intermédiaires se révélèrent moins favorables aux Démocrates que prévu. Le 7 novembre, Lincoln retirait à McClellan le commandement de l’armée du Potomac, et en décembre le Congrès ratifiait la proclamation d’émancipation. Le 1er janvier 1863, Lincoln autorisait l’enrôlement de soldats et marins noirs dans les forces de l’Union, reconnaissant d’ailleurs une situation de fait. Le refus par la Confédération de traiter les soldats de couleur en prisonniers de guerre contribua à mettre fin aux échanges de prisonniers.
De l’enlisement à la victoire
Un hiver difficile pour l’Union
Burnside succédait à McClellan à la tête de l’armée du Potomac et marchait sur Richmond avant de se heurter à Lee à Fredericksburg (13 décembre 1862). Le courage des soldats de l’Union ne pouvait compenser l’incapacité du commandement. Ce fut une des plus dures défaites nordistes : « Il me semble que le Tout-Puissant est contre nous » (Lincoln). Dans l’ouest, les sudistes continuaient à lancer des raids de cavalerie contre les axes de ravitaillement de l’Union faisant échouer la première campagne de Grant contre Vicksburg. Toutefois, Rosecrans à la tête de l’armée du Cumberland se heurtait à l’armée du Tennessee à la Stones River (31 décembre) : en dépit de pertes sévères, les nordistes refusent de battre en retraite et les sudistes se révèlent incapables de les déloger. Affaibli, Bragg se vit dans l’obligation de battre en retraite, le 3 janvier 1863 après avoir prématurément crié victoire. Les difficultés de Grant pour prendre Vicksburg suscitaient de violentes critiques de la part des Républicains le traitant de raté incompétent et ivrogne.
Critiques et mécontentements
La faction pacifiste du parti démocrate, importante dans le Sud-Ouest, n’avait cessé de se renforcer et rêvait de rétablir le gouvernement limité cher à Jefferson tout en rejetant l’émancipation comme « sanglante, barbare, révolutionnaire » visant à affranchir les Noirs et asservir les Blancs. Ils furent également choqués par le National Banking Act (25 février 1863) visant à réglementer la circulation monétaire et l’activité bancaire. Les démocrates réclamaient un armistice et une conférence de paix. Clement L. Vallandigham, représentant de l’Ohio, fut arrêté sur l’ordre du général Burnside pour trahison suite à un discours public et condamné par une commission militaire le 6 mai à l’emprisonnement. Lincoln préféra le bannir et justifier la suspension de l’habeas corpus en temps de guerre : « Faut-il donc que je fasse fusiller un jeune soldat naïf qui déserte, alors que je n’ai pas le droit de toucher à un cheveu de l’agitateur rusé qui l’incite à le faire ? » La loi sur la conscription (3 mars 1863), qui visait en fait à stimuler le volontariat, au moment où se terminait les périodes d’enrôlement des régiments organisés en 1861 et 1862, ne fit que renforcer l’hostilité des démocrates. Elle provoqua les plus graves émeutes de l’histoire des États-Unis à New York (12-16 juillet) faisant au moins 500 morts. Dans le Sud, des émeutes pour le pain éclatèrent dans la région de Richmond au printemps 1863.
La victoire change de camp
Ayant envoyé la brigade de Grierson jusqu’au cœur du Mississippi pour détruire les axes de ravitaillement de Pemberton et détourner son attention, Grant fit traverser le fleuve à ses troupes et, vivant sur le pays, s’emparait de Jackson (14 mai 1863), bousculait les confédérés à Champion’s Hill (16 mai) et poursuivait Pemberton jusqu’à Vicksburg. Ne pouvant prendre la ville d’assaut, les fédéraux creusèrent un réseau de tranchées. Mourant de faim, la garnison sudiste capitulait le 4 juillet 1863, ce qui entraîna la capitulation de Port Hudson (9 juillet) : toute la vallée du Mississippi était désormais contrôlée par l’Union et la Confédération coupée en deux. Abraham Lincoln déclara : « Grant est l’homme qu’il me faut, et moi je suis son homme pour le restant de la guerre. »
À l’est, tout avait mal commencé pour l’Union. Le nouveau commandant de l’armée du Potomac, Joseph Hooker dit Jo « le battant », se montrait d’une confiance excessive : « Que Dieu ait pitié du général Lee, parce que moi, je serai sans merci. » La bataille de Chancellorsville (2-6 mai) devait démentir ces propos et révéler de sa part une grande passivité en se faisant battre par Lee disposant de forces deux fois moins nombreuses. Mais, perte cruelle pour la Confédération, touché par des balles sudistes, Stonewall Jackson succombait à ses blessures. Jouissant d’un énorme prestige, Lee convainc Davis de mener une campagne en Pennsylvanie pour infliger aux yankees une défaite écrasante à leur propre porte et obtenir la reconnaissance des puissances européennes. L’invasion de la Pennsylvanie en juin prit l’allure d’un gigantesque raid de ravitaillement. Convaincu d’avoir un second McClellan avec Hooker, Lincoln le remplaçait par George Gordon Meade le 28 juin. L’armée du Potomac se montrait d’autant plus résolue que les soldats se battaient sur leur propre sol. Le [[1er juillet]] 1863, le combat s’engagea à Gettysburg alors même que Lee n’avait pas fini de regrouper son armée. La bataille commencée malgré lui, le commandant en chef sudiste y vit l’occasion d’anéantir l’ennemi mais le 2 juillet, les assauts des confédérés échouèrent. Le 3 juillet, la charge de Pickett pour enfoncer le centre nordiste tourna au massacre. Meade n’osa cependant pas contre-attaquer. Pour la première fois, l’armée du Potomac avait remporté la victoire en perdant plus du quart de ses effectifs (23 000 morts et blessés), sur l’armée de Virginie qui avait plus souffert (28 000 morts, blessés ou disparus, soit plus du tiers du total). Lee réussit néanmoins à repasser le Potomac avec ses troupes. La guerre continuait.
À l’ouest, les forces de l’Union prenaient Little Rock, capitale de l’Arkansas (10 septembre) tandis que Rosecrans chassait les rebelles du centre du Tennessee fin juin avant de s’emparer de Chattanooga. Cependant, quelques jours plus tard, Bragg et Longstreet brisaient l’avance de Rosecrans à la Chickamauga (19-20 septembre). L’armée du Cumberland se retrouve assiégée dans Chattanooga. Grant, nommé commandant de la division du Mississippi, reprit l’initiative et battait l’armée du Tennessee les 24 et 25 novembre.
Émancipation et Reconstruction
Lors des élections locales de 1863, le thème de l’émancipation avait tourné à la confusion des Démocrates. L’héroïsme du 54e régiment noir du Massachusetts dans son vain assaut contre Fort Wagner à Charleston (18 juillet) peu après les émeutes racistes de New York inspira la lettre ouverte de Lincoln aux Démocrates du 26 août : « Vous dites que vous ne voulez pas vous battre pour affranchir les Noirs, pourtant certains d’entre eux semblent prêts à se battre pour vous ». 94 % des soldats qui votaient depuis le front choisirent le parti républicain. Dans son discours de Gettysburg (19 novembre 1863), Lincoln redéfinissait les buts de guerre : réaliser le rêve des Pères de l’Indépendance d’une nation libre où tous les hommes sont égaux. Le 8 décembre, il offrit le pardon et l’amnistie aux confédérés qui prêteraient serment d’allégeance, espérant reconstruire l’Union État par État. Des élections sont organisées en Arkansas, et en Louisiane, avec la mise en place de nouvelles Constitutions, et l’esclavage est aboli. Mécontents de la politique de reconstruction trop modérée de Lincoln, les Républicains radicaux cherchèrent en vain un candidat de rechange pour les élections présidentielles. Un Démocrate belliciste du Tennessee, Andrew Johnson, fut choisi pour la vice-présidence.
L’enlisement du conflit
Au printemps 1864, Grant devenu lieutenant général était désormais le général en chef de l’armée de l’Union, Sherman prenant la tête des armées de l’Ouest. Mais les victoires nordistes entraînait la nécessité de contrôler les territoires conquis ce qui remettait les deux camps à égalité. Les soldats confédérés étaient des vétérans aguerris, le Congrès sudiste leur ayant ordonné de rester sous les drapeaux alors qu’une partie de l’armée de l’Union devait quitter l’uniforme avec la fin de l’engagement de trois ans. Les sudistes espéraient influer sur le sort des élections présidentielles pour faire élire un démocrate.
Grant et Lee s’affrontaient pour la première fois lors de la bataille de la Wilderness et Spotsylvania (5-12 mai). Pour la première fois en Virginie, l’armée du Potomac restait sur l’offensive après un échec initial et la cavalerie de Sheridan l’emportait sur celle de Jeb Stuart qui trouvait la mort. Aucune des deux armées ne cédant, la boucherie fut importante : 32 000 nordistes pour 18 000 sudistes. Résolu à ne pas perdre le contact, Grant va pendant tout le mois continuer à tenter de contourner Lee, réduit à une guerre d’usure. A Cold Harbor, Grant crut saisir sa chance mais l’offensive se révéla une coûteuse erreur (3 juin). Le syndrome de Cold Harbor et les pertes très élevées devaient peser lourd dans les semaines suivantes empêchant les fédéraux de pousser à fond leurs assauts. Aussi Grant, qualifié par les démocrates de « boucher », mit-il fin à une campagne de sept semaines d’une brutale intensité sans égale.
Envahissant la Géorgie, Sherman (Oncle Billy) se livrait avec Johnston à un duel de manœuvres et à un jeu de cache-cache qui s’éternisa tout le long des mois de mai et juin, sans grand résultat. Exaspéré, Davis remplaça Johnston, stratège prudent, par Hood, lutteur audacieux. Trois batailles se succédèrent (Peachtree, 20 juillet ; Atlanta, 22 juillet ; Ezra Church, 28 juillet) sans plus de résultat. Tandis que Grant faisait en vain le siège de Petersburg, une petite armée commandée par Jubal Early menaçait Washington (11-12 juillet). Grant nommait Sheridan à la tête d’une armée de la Shenandoah et lui demandait de traquer Early jusqu’à la mort. En attendant, la bataille du Cratère se révélait un massacre de plus et Grant ne parvenait toujours pas à emporter les fortifications.
Le moral nordiste était au plus bas au mois d’août 1864. Lincoln s’attendait à être battu par McClellan, le démocrate le plus populaire. Le programme démocrate s’engageait à préserver « les droits des États » (l’esclavage) et exigeait la fin des hostilités.
La route vers la victoire
Mais le 2 septembre 1864, Sherman entrait dans Atlanta. Sheridan, pour sa part dans la vallée de la Shenandoah, infligeait deux sévères échecs à Early les 19 et 22 septembre avant de transformer la vallée en « désert aride » détruisant toutes les cultures. Early décidait d’attaquer par surprise les nordistes le 19 octobre mais Sheridan réussissait, par sa légendaire chevauchée de la Cedar Creek, à transformer une défaite cuisante en victoire décisive, provoquant la dislocation de l’armée adverse. Au Missouri, le général Sterling Price avait cru pouvoir reprendre l’État en s’appuyant sur les sinistres bandes menées par Quantrill et Anderson, en septembre : il finit par se faire rosser par les forces de l’Union vers Kansas City du 20 au 28 octobre. En dépit de la grossière campagne démocrate contre « Abraham Ier l’Africain », Lincoln s’imposa dans tous les États hormis le Kentucky, le Delaware et le New Jersey, les soldats votant très majoritairement pour lui, les républicains obtenant une majorité des trois quarts au Congrès.
Les deux marches de Sherman
Sherman continuait sa guerre féroce en Géorgie : en détruisant toutes les ressources, il fallait ôter au peuple sudiste la faculté de poursuivre la guerre. Refusant de poursuivre Hood, il s’enfonça dans le Sud et s’empara sans combat de Savannah à la mi-décembre, achevant sa stupéfiante marche à la mer. Entretemps, l’armée du Tennessee, victime de la témérité de Hood, avait été anéantie par Thomas devant Nashville (15-16 décembre). Le 6 décembre, dans son message annuel au Congrès, Lincoln avait dit : « Notre force s’accroît et nous pouvons, s’il le faut, poursuivre indéfiniment la lutte. »
Mais le Sud refusait d’admettre sa défaite. Le 13 janvier 1865, Terry enlevait le fort Fisher sur la Cape Fear River pour couper la route des forceurs de blocus et le port de Wilmington devait suivre peu après, aggravant les problèmes de ravitaillement de l’armée de Lee où le taux de désertion atteignait un niveau catastrophique. En mars l’Alabama succombait, tandis que Sherman venait d’infliger à la Caroline du Sud une méthode plus rigoureuse que celle appliquée en Géorgie : il s’agissait aussi de punir l’État qui avait lancé la rébellion. Pillages et incendies dépassèrent tout ce qu’on avait vu (notamment la destruction de Columbia, 17 février) et s’arrêtèrent dès l’entrée en Caroline du Nord. Près de 700 km avaient été parcourus en 45 jours par l'armée de Sherman qui avait franchi pas moins de neuf fleuves et leurs affluents sous une pluie torrentielle.
L’émancipation générale
Souhaitant que le 13er amendement ne soit pas le résultat d’un vote partisan, Lincoln obtint de quelques Démocrates du Congrès sortant de voter en sa faveur le 31 janvier 1865. Aux abois, Davis annonça en février 1865 : « Nous en sommes réduits à décider si les Noirs doivent se battre pour nous ou contre nous ». Mais comme le faisait remarquer un Géorgien : « si les esclaves doivent être de bons soldats, c’est que notre théorie toute entière de l’esclavage est fausse. » Lee estimait qu’il fallait armer les esclaves et affranchir les enrôlés mais la Confédération disparut avant que la moindre force noire n’entra en action.
Le dernier acte
L’échec de deux tentatives de Lee pour desserrer l’étreinte nordiste (25 et 1er avril) incita Grant à lancer un assaut général le 2 avril. Grant et Lincoln entraient ensemble à Petersburg le 3 avril, puis le président gagna Richmond évacuée par les rebelles où il fut accueilli par des Noirs en liesse. Dans les jours qui suivirent, l’armée de Lee se désagrégea. Acculé, le général sudiste finit par capituler à Appomattox (9 avril 1865). Trois jours plus tard, lors de la reddition officielle des armes, les soldats des deux armées se présentèrent les armes mutuellement. Le 14 avril, Abraham Lincoln était assassiné par un fanatique sudiste. Un mois plus tard, Jefferson Davis, en fuite, était capturé en Géorgie et emprisonné.
Sources
- James M. McPherson, La Guerre de Sécession, ed. Robert Laffont, coll. Bouquins, 1991, 1004 p.
Citations
- En 1860, à la suite d'honnêtes élections et d'un acte légal, 11 États du sud ont voté afin de se séparer des États-Unis – lesquels les ont ensuite envahis, ont tué 400 000 de leurs citoyens, selon les estimations, et jeté leurs leaders en prison. (Bill Bonner, janvier 2017)
- Après la défaite écrasante et la dévastation de la Confédération sécessionniste par Lincoln et l’Union, il fut clair que le droit à la sécession n’existait plus et que la démocratie signifiait le règne absolu et illimité de la majorité. (Hans-Hermann Hoppe, Démocratie : le dieu qui a échoué)
- Toute l’affaire, de la part de ceux qui ont fourni l’argent, a été, et est aujourd’hui, un plan délibéré de vol qualifié et de meurtre ; non seulement dans le but de monopoliser les marchés du Sud, mais aussi de monopoliser la monnaie, et donc de contrôler l'industrie et le commerce, et donc de piller et asservir les travailleurs du Nord et du Sud. Et le Congrès et le Président sont aujourd'hui les meilleurs instruments à ces fins. Pour cacher, si possible, à la fois leur servilité et leurs crimes, ils tentent de détourner l'attention du public, en criant qu'ils ont « aboli l'esclavage ! » Qu'ils ont « sauvé le pays ! » Qu'ils ont « préservé notre glorieuse union ! » Par « maintien de l'honneur national », ils signifient simplement qu’eux-mêmes, les voleurs assassins, supposent être la nation, et seront liés à ceux qui leur prêtent l'argent nécessaire leur permettant d'écraser le grand corps du peuple sous leurs pieds. La prétention que « l'abolition de l'esclavage » était soit un motif, soit une justification de la guerre, est une fraude. (Lysander Spooner, No Treason, 1867)
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