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Chemin de fer et industrialisation

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Le chemin de fer est le symbole de la Révolution industrielle ou industrialisation au XIXe siècle mais on peut s'interroger sur le rôle qu'il a réellement joué dans le développement économique des pays occidentaux.

Le chemin de fer au Royaume-Uni

En 1850, la longueur de lignes est égale à celle des 5 pays d’Europe occidentale : c’est le seul pays qui possède un réseau à cette date. Sa réalisation a été totalement privée, à la différence du continent : le contribuable a été épargné. En dépit du coût élevé de construction, les compagnies sont cependant rentables.

La situation en 1850

Le meilleur moyen de transport

Pour les marchandises pondéreuses, la voie d’eau offre un transport au meilleur coût : un véritable réseau de canaux existe (deux tiers des voies navigables en 1830 : 4300 km de canaux) mais les canaux sont étroits et très encombrés (écluses, interruptions saisonnières, coût excessif car monopole). Le chemin de fer allie bon marché et rapidité et permet de faire circuler les produits pondéreux comme les marchandises de valeur, les marchandises comme les voyageurs.

Une tradition déjà ancienne

Le chemin de fer est déjà ancien : début XVIIe en Angleterre pour relier les puits de mine aux jetées d’embarquement. En revanche, l'utilisation de la traction par vapeur est plus récente : la première locomotive efficace date de 1812, la première ligne utilisant la vapeur date de 1825, mais tout commence vraiment avec la ligne Liverpool-Manchester en 1830 (utilisant la Rocket de Stephenson). Cette ligne est un succès financier (hausse du cours des actions et dividende rarement inférieur à 9 %).

Un réseau vite construit

La construction de chemins de fer nécessite des capitaux considérables. Des projets se développent donc surtout dans les années de prospérité, où le crédit est abondant et le taux d’intérêt bas. Mais le caractère spéculatif entraîne des faillites en période de récession. De 1833 à 1843, plus de 2000 miles de voies ferrées furent mises en service, mais de 1844 à 1851 le total dépassait 6800 miles (soit le triple). Le pays possédait un véritable réseau (sauf le Nord de l'Écosse et le centre du Pays de Galles). Cela a été réalisé avec une extrême rapidité, si on prend en compte l'absence de moyens mécaniques, à la pioche et à la pelle.

Entre 1850 et 1914, l'apogée du chemin de fer

L’achèvement du réseau

  • En 1860 : plus de 8700 miles
  • En 1870 : plus de 13 000 (doublé/1850)
  • En 1890 : plus de 17 000
  • En 1912 : plus de 20 000 miles

Au milieu des années 1850, le nombre d’employés devient plus important (recrutés parmi les anciens soldats, policiers ou ouvriers constructeurs) que celui des ouvriers de construction des lignes. Il s’agit essentiellement de lignes secondaires ou locales, mais aussi de raccourcissement d’itinéraires importants avec tunnels ou ponts ou doublement de lignes.

Les compagnies ferroviaires

le capital rassemblé par compagnies :

  • 239 millions livres en 1850
  • 530 millions livres en 1870
  • 1161 millions livres en 1900
  • 1318 millions livres en 1912

Comme les lignes rentables sont achevées, on constate un recours croissant à l'emprunt et à l'émissions d’actions de priorité.

Il y a certes extension mais aussi amalgame (fusion ou absorption de compagnies) En 1843, 200 compagnies plutôt petites : le mouvement devient important à partir de 1844-1847 avec la constitution de réseaux régionaux.

  • Le banquier G. C. Glyn met sur pied en 1846 le London and North Western Railway (fusion du London and Birmingham et du Grand Junction qui avait lui-même absorbé le Liverpool and Manchester) : LNWR est la plus importante des compagnies (en 1912 capital de 125 millions £).
  • En 1854, le North Eastern Railway (entre Humber et Tyne).
  • Dans les années 1960, Great Eastern (East Anglia) et en Écosse le Caledonian et le North Brittish.

Mais il y a aussi des accords entre les compagnies : droit de passage ou mise en pool de trafics. En 1904 subsistent cependant plus de 100 compagnies, mais 14 possèdent 85 % de la longueur des voies et les 4 super grands (LNWR, Midland, Great Western Railway, North Eastern Railway) représentent 43 % des voies et deux tiers des recettes. Beaucoup de petites compagnies sont contrôlées par les grandes.

Ces compagnies étaient les plus grandes entreprises du XIXe siècle : organisation bureaucratique, séparation entre propriété et direction (managers salariés).

Une bonne affaire ou un service public ?

  • voyageurs transportés : 121 millions (1856) à 1265 (1912)
  • marchandises : 64 millions tonnes (1856) à 514 (1912)

Après 1870, le rendement du capital décline et les dépenses d’exploitation augmentent plus que les recettes. On cherche désormais à attirer la clientèle, non plus en baissant les prix mais en améliorant confort et sécurité (suppression des sièges en bois, deux au lieu de trois classes, toilettes, wagons-lits, wagons restaurants…). La concurrence devient raisonnable, car une grande partie du trafic est inter-compagnie, cela entraîne un alourdissement des coûts. Les hommes d’affaires se plaignent des tarifs élevés et des pratiques discriminatoires.

Pour la première fois, une commission pour contrôler les chemins de fer (Railway commission) se met en place en 1873. Puis le Parlement vote de nouvelles mesures entre 1888 et 1894 : contrôle des tarifs pour le transport des marchandises ; le chemin de fer est de plus en plus considéré comme un service public. Or, la hausse des coûts devient importante en raison de divers facteurs : prix du charbon, coût de la main-d’œuvre, puissance des syndicats de cheminots, grève générale en 1911). Les efforts de certaines compagnies : ainsi la North Eastern avec G. Gibb, qui réorganise l'administration et double le chargement moyen des trains de marchandises (1902-1913) permettent néanmoins d'excellents dividendes. Mais si la productivité est meilleure, il y a dégradation pour les voyageurs comme on ne peut augmenter les tarifs.

Chemin de fer et croissance britannique

Stimulant de la croissance ?

Les travaux colossaux nécessaires, l'amélioration des transports intérieurs ont contribué à considérer le chemin de fer comme ayant sauvé l'économie de la crise d’achèvement de la première phase de la Révolution industrielle (v. 1830-1840) ? Le coût de construction est élevé : formation capital ferroviaire, 2 % revenu national 1838-40 ; 4,8 % 1845-1848 ; moins de 2 % années 1850. L'investissement ferroviaire représente 55 % des dépenses de formation brute du capital fixe en 1845-1849, mais 20-25 % dans les années 1850 et 1860. Son rôle a été celui de soutien plus que d’entraînement. Son influence est certaine sur certaines branches d’activité : travaux publics, matériaux de construction. En 1847, 4 % des actifs masculins travaillent dans la construction du chemin de fer qui absorbe un tiers de la production de briques.

Rôle sur la sidérurgie moins important que l’on pense : la construction des voies représente 18 % du total de la production de fonte en 1844-1851 mais 8-9 % dans les années 1850 et 1860. Après 1870, le chemin de fer ne joue plus guère de rôle sur la production sidérurgique. Mais le sud du pays de Galles a reçu un essor puissant en se lançant dans la production de rails. Sans le chemin de fer, les autres flux économiques auraient-ils été les mêmes ? La production sidérurgique aurait été certainement moindre.

Conséquences économiques ?

Rôle de service pour l’économie : réduction des coûts, transports et conséquences. En 1865, le coût de transport du charbon est de 27 % de ce qu’il aurait été par canaux uniquement. Il faut prendre en compte également l'élargissement des marchés, l'intensification de la concurrence, la réduction des stocks, l'amélioration des services postaux etc. Cependant, selon Hawke, l’Angleterre et le pays de Galles sans chemin de fer auraient eu un Produit national inférieur de 7 à 11 % en 1865, ce qui n’est pas négligeable mais plus faible que l’on ne pense. Mais ces calculs sont contestés. Le chemin de fer a créé des emplois :

  • 56 000 en 1850
  • 250 000 employés en 1875
  • 350 000 en 1890
  • plus de 600 000 en 1910

Il a favorisé de même l'essor de l'industrie mécanique : ateliers de réparation et de constructions.

Il a entraîné une forte augmentation de la mobilité humaine et favorisé la croissance urbaine, mais de façon assez localisée : Londres, les villes nouvelles, les stations balnéaires.

Conséquences financières ?

A-t-il entraîné le développement des marchés financiers ? Les transactions sur les actions supplantent les fonds d’État et autres valeurs à revenu fixe. La fondation des bourses de Liverpool et Manchester en est la conséquence. Il contribue à l'élargissement du public des investisseurs et l'idée de responsabilité limitée progresse avec la voie ferrée.

Les investissements britanniques dans les chemins fer étrangers ont concerné surtout les États-Unis, l'Amérique latine et l'Empire colonial.

L’importance du chemin de fer vient de ce qu’il a permis à tous les autres facteurs de se développer, son influence a été indirecte et dérivée plus qu’impact direct (limité surtout aux années 1840). Il n’était pas indispensable ni à la survie du capitalisme ni à la croissance bien établie.

Sources

  • 1944, Leland Jenks, "Railroads as an economic force in American development", The Journal of Economic History, Vol 4, n°1, pp1-20
  • 1978, F. Crouzet, L’économie de la Grande-Bretagne victorienne, SEDES

Citations

  • « La philosophe libérale Ayn Rand avait visé juste : rien de mieux que l’étude des chemins de fer pour sonder l’âme d’une nation. Son best-seller La grève décrit, à travers la saga de la compagnie ferroviaire Taggart, le déclin d’un pays rongé par l’étatisme. Tout y est : l’interférence mortifère des politiques, les réglementations absurdes, la résistance à la concurrence, le choix docile des déficits au nom du « bien commun »... » (Rémi Godeau, L'Opinion, 31 juillet 2017[1])
  • « Si vous prenez le train cet été, je vous recommande chaudement la lecture de La Grève d'Ayn Rand. Vous aurez quelques milliers de pages pour combler vos attentes et les délais imprévus. Vous y découvrirez les malheurs de la Taggart – ligne ferroviaire imaginaire - confrontée à l'économie administrée, paralysée par les subventions et taxations. Vous aurez matière à réfléchir sur la moralité du capitalisme et le "laissez-faire". En attendant, la SNCF – emblématique d'un service public aussi coûteux que dégradé – pèse quelque 50 milliards d'euros de dette dans les comptes publics. » (Simone Wapler, 30 juillet 2018)

Notes et références

Liens externes


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