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Marché noir
Un marché noir, marché informel ou marché parallèle est un marché clandestin et illégal, qui échappe aux réglementations et à la fiscalité. Loin de la présentation très négative qui en est faite par le pouvoir politique qui en pâtit généralement, le marché noir est aussi un moyen qu'utilise la société civile pour contourner certains obstacles d'origine politique ou économique :
- pénuries, réglementations et rationnements étatiques, faisant monter les prix des marchandises, notamment en temps de guerre
- marché noir des devises pour contourner la faiblesse d'une monnaie-fiat imposée par l’État, de peu de valeur, minée par l'inflation ou au cours forcé et déconnecté du taux de change réel
- commerces interdits par la loi : drogues, armes, organes humains
- volonté d'échapper à l'impôt dans un enfer fiscal, vente sous le manteau, contrebande (le marché noir permet d'échapper à la TVA)
- travail dissimulé, pour des clandestins ou des personnes voulant échapper aux charges sociales ou à l'impôt sur le revenu
Comme le résume Winston Churchill, le marché noir est la résultante logique d'une réglementation excessive : « Si vous détruisez le marché libre, vous créez le marché noir. Si vous imposez 10 000 règlements, vous détruisez tout respect pour la loi » [1].
Visions libérales
Les libéraux s'accordent à reconnaître une utilité au marché noir et une justification morale. Comme l'écrit l'économiste Jacques Garello : « Quand le marché est bloqué par les administrations et quand les pénuries apparaissent, le marché noir se développe. Quand il faut l’accord d’un fonctionnaire pour les actes de la vie courante, le bakchich est de droit. Et s’il n’y avait pas d’enfers fiscaux, il n’y aurait pas de paradis fiscaux »[2].
Pour les libéraux classiques, tout est histoire de gradation sur la justification du marché noir dans sa finalité d'échapper à l'impôt.
Alain Wolfelsperger écrit ainsi dans une logique kantienne : « Le fait de choisir de ne pas payer d'impôt entraîne pour moi un devoir. Ce devoir, c'est celui de ne pas continuer à profiter des biens et services dont l'État finance la production ou la fourniture. Je ne suis en effet pas moralement fondé à prétendre gagner sur les deux tableaux : exploiter au maximum les ressources offertes par l'activité de l'État et préserver au maximum mes revenus personnels de tout prélèvement forcé de sa part. La raison en est que dès que j'accepte de bénéficier des largesses de l'État j'entre avec lui dans une relation contractuelle implicite, et que le test d'universalisation montre qu'il y aurait incohérence à attendre de l'État qu'il me fasse bénéficier de divers biens et services comme le révèle mon comportement de non renonciation à ces avantages et de ne rien payer en échange du fait de la fraude fiscale que je commets »[3]
Pierre Schweizer écrit pour sa part que la fraude fiscale pourrait se justifier pour un libéral quand l'État utilise cet argent à des fins non justifiées : « Pour un libertarien, la question de la fraude fiscale n’est pas un tabou, puisque l’impôt est un vol. Mais même pour un libéral classique la question de la résistance au prélèvement forcé du fruit de son travail se pose lorsque l’impôt ne sert plus à financer les missions régaliennes de l’État depuis longtemps, et que sa fonction principale est d’acheter les voix des électeurs par le versement de bénéfices dans un feu d’artifice de gaspillages et une opacité totale tant le schéma des dépenses publiques est devenu illisible hormis par quelques experts »[4].
Les libertariens sont favorables par principe au marché noir et au travail au noir. On peut montrer qu'un travail au noir enrichit davantage le pays qu'un même travail déclaré, car tout ce qui enrichit l’État appauvrit le pays et ses habitants (voir aussi : loi de Bitur-Camember). D'autres, comme François Guillaumat, soulignent que le marché noir permet, comme la concurrence fiscale, de maintenir plus bas la pression fiscale en offrant des échappatoires aux citoyens si le pouvoir va trop loin : « Quand une personne, autre que vous, échappe à l’impôt d’une manière ou d’une autre, soit qu’elle travaille au noir, soit qu’elle aille s’installer à l’étranger, soit qu’elle ait placé son argent dans un paradis fiscal, elle limite le pouvoir de vous voler : elle empêche les hommes de l’État d’accroître les taux d’imposition. »
Dans une vision radicale, les agoristes cherchent même à quitter de manière générale les marchés « officiels » et participent activement à la contre-économie (marché noir et marché gris) pour échapper au contrôle et à la taxation de l'État.
Citations
- « Le travail au noir et la fraude fiscale, commodément associés à la spéculation financière, deviennent les boucs émissaires d’une classe politique devenue incapable de financer ses innombrables promesses électorales. » (Patrick Smets)
- « Le marché noir tel qu'il s'est développé dans tous les pays communistes avant la chute des nomenklatura a constitué tout à la fois une revanche de l'économie réelle, une tentative pour les individus de continuer à respirer face au risque d'une asphyxie imposée, et la manifestation pratique du rejet d'un système si bienveillant qu'il condamnait des populations entières à une grande maladie du sommeil. » (Guy Millière, Faut-il faire l'éloge de la fraude fiscale[5])
- « Étant donné que les impôts sont du vol, il ne peut y avoir aucun mal à ne pas payer les voleurs ou à mentir sur son revenu et ses actifs imposables. Pour autant, ce n’est pas prudent ou sage de faire cela -après tout, comme Nietzsche l’a dit, l’État est « le plus froid de tous les monstres froids » et il peut ruiner votre vie, même vous détruire, si vous n’obéissez pas à ses règles. Mais cela ne fait aucun doute qu’il est juste de ne pas payer d’impôt. » (Hans-Hermann Hoppe, interview pour Philosophie Magazine, mars 2011)
- « Le marché noir joue un rôle en tant que moyen naturel et efficace de résistance passive à la coercition et à l’excès réglementaire. Il est le véritable marché face à une économie dirigée par l’État. En outre, un travail ou un commerce au noir enrichit davantage le pays qu’un même travail ou commerce déclaré, car tout ce qui enrichit l’État appauvrit le pays et ses habitants : confisquer la richesse d’autrui et la redistribuer entraîne une perte en effort pour l’obtenir, ajoutée à la perte pour celui qui en a été spolié ; c’est à l’opposé de l’échange volontaire, cœur de l’économie selon l’analyse libérale, seul échange par définition profitable à toutes les parties (loi de Bitur-Camember). » (Jean-Philippe Paile, Libres !!)
- « Pour rendre artificiellement rare une ressource, il suffit d'en faire une matière fiscale. On taxe le carbone pour lutter contre la pollution ou les cigarettes pour lutter contre le tabagisme. C'est bien ce qui se passe aussi pour le travail en France : taxez le travail et il se raréfiera ! » (Jean-Louis Caccomo[6])
Notes et références
- ↑ Discours à la Chambre des communes, 3 février 1949, [lire en ligne]
- ↑ Libéralisme, argent et corruption, Libres.org
- ↑ La fraude fiscale peut-elle être légitime ? Un point de vue Kantien
- ↑ Pierre Schweitzer, Bitcoin : la revanche inattendue des libertariens, mai 2020, [lire en ligne]
- ↑ Anciennement accessible à lemennicier.bwm-mediasoft.com/displayArticle.php?articleId=191
- ↑ Jean-Louis Caccomo, Le Modèle français dans l'impasse, [prés. en ligne]
Bibliographie
- 1997, Owen Lippert et Michael Walker, dir., "The Underground Economy: Global Evidence of Its Size and Impact", Vancouver, BC, Canada: The Fraser Institute
- 2008, Paul Dragos Aligica, "BLACK MARKETSS", In: Ronald Hamowy, dir., "The Encyclopedia of Libertarianism", Cato Institute - Sage Publications, pp36-37, [lire en ligne]
Voir aussi
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