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Néo-institutionnalisme

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En Droit, contrairement à la tradition du «centralisme juridique», qui veut que les différends soient essentiellement réglés par les tribunaux et les agents officiels de l’État, la théorie néo-institutionnelle (TNI) économique ou néo-institutionnalisme est axée sur des solutions privées, estimant que dans de nombreux cas les participants peuvent trouver des solutions plus satisfaisantes à leurs différends que ne peuvent le faire les professionnels du Droit, contraints qu'ils sont d'appliquer des règles générales sur la base d'une connaissance limitée du différend.

En économie, en rupture avec l'analyse néo-classique, qui met l'accent sur le système des prix au sein du marché, l'approche néo-institutionnelle (Ronald Coase, Oliver Williamson, Eirik Furubotn) s'intéresse à la justification de l'existence des organisations, compte tenu des relations contractuelles au sein de l'organisation et celles qui les relient à l'extérieur. Ronald Coase montre l'existence des "coûts de transaction", car les échanges sur le marché engendrent des coûts, ce que les économistes avant lui, omettaient de spécifier.

Le néo-institutionnalisme doit son préfixe "néo" en raison de sa différence avec l'institutionnalisme américain, quelquefois dénommé "old Institutionalism", représenté par les écrits de Thorstein Veblen, de John R. Commons, de Wesley C. Mitchell, de Clarence Ayres. Une confusion peut venir de leurs successeurs qui utilisent également le label de néo-institutionnaliste (Allan G. Grucgy, Geoffrey Hodgson) ou des néo-institutionnalistes politiques ou des néo-institutionnalistes des organisations (Paul DiMaggio[1], Thomas B. Lawrence[2], Roy Suddaby[3], John W. Meyer[4], Walter W. Powell, Richard W. Scott, Lynne G. Zucker).

Ronald Coase, précurseur du néo-institutionalisme

Le néo-institutionnalisme se fonde sur les travaux initiaux de Ronald Coase avec sa théorie de l'entreprise [5] et le problème des coûts sociaux [6]. Cette approche fut complétée par Douglass North sur les conditions institutionnelles de la croissance[7], et par Oliver Williamson sur les modes d'organisation structurant une économie de marché et par la présence de comportements opportunistes[8]. D'autres auteurs ont accentué leurs recherches du succès économique des marchands et des commerçants dans certaines certaines ethnies culturelles (Janet T. Landa, Avner Greif, Avinash K. Dixit).

Une organisation est considérée comme un réseau de contrats, plus ou moins complexes, qui lient ses membres. Dans un monde d'incertitude, c'est le rôle de l'entrepreneur de choisir les conditions d'affectation des ressources, soit par l'intermédiaire du marché (système des prix), soit par l'organisation (rôle de la hiérarchie). Dans les ressources humaines au sein de l'entreprise, les relations sont contraintes par une asymétrie d'informations et elles reposent sur des contrats réalisés en interne où le salaire est une rémunération compensant une prestation avec une liaison de subordination. Dans les cas où la relation est externalisée, la prestation donne lieu à une facturation commerciale où la relation est fondée sur le partenariat et le contrat est commercial. C'est souvent la fréquence de la relation qui conditionne un dirigeant à l'arbitrage entre l'internalisation ou l'externalisation de la relation. Toutefois, cette vision hermétique supposant une frontière étanche entre la firme et l'extérieur est remise en cause par la théorie de l'organisation hybride, de la théorie du market based management et de la théorie de l'organisation sans frontière.

Internalisation ou externalisation de contrats incomplets

Les contrats sont quelquefois considérés comme incomplets car tous les détails de prestations ne sont pas exposés. Au sein de l'entreprise, cela explique l'existence d'une hiérarchie de middle management afin de surveiller et de contrôler les prestations. À l'extérieur, en cas de sous-traitance, des entreprises s'intercalent entre l'exécutant de la prestation (maître d'ouvrage) et le donneur d'œuvre (maître d'œuvre). Ces assistants en maîtrise d'ouvrage ont la même fonction que les cadres intégrés dans l'entreprise.

La diversification de la production influe sur la capacité de communiquer les ordres de la hiérarchie. Les décisions stratégiques adaptées en découlent. La forme d'organisation en U ("U- form") est préconisée dans les petites entreprises avec une mono-production. Une seule personne prend les décisions importantes concernant les grandes fonctions de la firme (production, commerciale, finances-comptabilité, recherche-développement). Dans le cadre des productions diversifiées, Il est préférable d'intégrer différentes activités distinctes, plutôt que de créer de nouvelles entreprises déconnectées. La forme multi-divisionnelle ("M-form") est alors préconisée. L'entreprise est décomposée en plusieurs unités avec une structuration en divisions opérationnelles. La direction générale garde la main sur les grandes décisions stratégiques, quelquefois épaulée par un "staff" d'experts. L'entreprise s'adapte aux évolutions du marché en achetant ou en vendant les sociétés. Car certaines divisions opérationnelles peuvent être constituées en sociétés juridiquement indépendantes. Une société "holding" ou "maison mère", assume le rôle de direction générale et elle contrôle l'ensemble.

La référence institutionnelle, telle qu'elle fut présentée Douglass North en 1991, s'écarte du cadre coasien des coûts de transaction. Les institutions occupent une certaine place dans l'espace économique et social car elles sont propices à l'émergence de l'ordre et à la réduction de l'incertitude. Les échanges économiques sont facilités et deviennent profitables liant le présent au futur. Dans cette diversité des échanges, par la pluralité des intervenants et par le manque d'information, les institutions économiques sont des guides pour les échangeurs. Symétriquement, les institutions "enregistrent" les succès commerciaux en renforçant leur rôle de guide.

Notes et références

  1. Paul DiMaggio et Walter W. Powell ont montré que l'imitation constitue un processus d'apprentissage au niveau des organisations par le jeu des interactions qui lient et qui guident le comportement des organisations. Par l'effet d'un isomorphisme secret, les firmes tendent à adopter des comportements similaires. Elle copient le comportement des acteurs centraux, qui, de par leur position de leader, ont un rôle d'autorité de légitimité. S'appuyant sur les travaux de Shmuel N. Eisenstadt (1980), Paul DiMaggio (1988: "Interest and Agency in Institutional Theory") a élargi le domaine de la théorie institutionnelle en introduisant l'entrepreneur institutionnel comme un agent qui mobilise des ressources pour transformer ou créer des institutions qui favorisent ses intérêts.
  2. Thomas B. Lawrence, Bernard Leca, Roy Suddaby, 2009, "Institutional Work. Actors and Agency in Institutional Studies of Organizations", Cambridge University Press
  3. * 2017, Benjamin Taupin, "Thomas B. Lawrence et Roy Suddaby – Le travail institutionnel : le rôle des acteurs dans la relation institution organisation", In: Sandra Charreire Petit, Isabelle Huault, dir, "Les Grands Auteurs en Management", Éditeur : EMS Editions, Collection : Grands auteurs, pp182-201
  4. * 2017, Sandra Charreire Petit, "John Meyer et Brian Rowan – Les organisations comme reflets de mythes rationnels", In: Sandra Charreire Petit, Isabelle Huault, dir, "Les Grands Auteurs en Management", Éditeur : EMS Editions, Collection : Grands auteurs, pp202-215
  5. (The Nature of the Firm, 1937)
  6. (The Problem of Social Cost, 1960)
  7. (Structure and Change in Economic History, 1981)
  8. (Market and Hierarchies, 1975)


Bibliographie

  • 1972, Allan G. Gruchy, Contemporary Economic Thought: The Contribution of Neo-Institutional Economics, Clifton, NJ, Augustus M. Kelley
  • 1987, Allan G. Gruchy, The Reconstruction of Economics: An Analysis of the Fundamentals of Institutional Economics, Westport, CT, Greenwood Press
  • 1989,
    • Pranab K. Bardhan, "The New Institutional Economics and Development Theory: A Brief Critical Assessment", World Development, 17(9), pp1389-1395
    • Avner Greif, Reputation and Coalitions in Medieval Trade: Evidence on the Maghribi Traders, Journal of Economic History, 49(4), December, pp857-882
    • Eric Brousseau, L'approche néoinstitutionnelle de l'économie des coûts de transaction, Revue française d'économie, vol. , pp123-166
  • 1991, Paul DiMaggio, Walter W. Powell, dir., "The New Institutionalism in Organizational Analysis", Chicago, The University Press of Chicago
  • 1993, Geoffrey Hodgson, Institutional Economics : Surveying the "Old" and The New", Metroeconomica, Vol 44, pp1-28
  • 1994, H. Gabrié et J.-L. Jacquier, "La théorie moderne de l'entreprise. L'approche Institutionnelle", Paris: Economica
  • 1995, Thrainn Eggertsson, Economic Perspectives on Property Rights and the Economics of Institutions, In: Pal Foss, dir., Economic Approaches to Organizations and Institutions, Ch 3, Aldershot
  • 1997,
    • John N. Drobak et John V. C. Nye, "The Frontiers of the New Institutional Economics", San Diego, Harcourt Brace Jovanovich
    • P. M. Hirsch et M. Lounsbury, “Ending the family quarrel: towards a reconciliation of “old” and “new” institutionalism”, American Behavior scientist, n°40, pp406-418
  • 1998, M. C. Brinton, V. Nee, dir., "The New Institutionalism in Sociology", New York: Russell Sage
  • 2000,
    • H. Hasselbladh et J. Kallinikos, The project of rationalization: A critique and reappraisal of neo-institutionalism in organization studies, Organization Studies, 21(4), pp697-720
    • Peter G. Klein, “New institutional economics”, In: Boudewijn Bouckaert et Gerrit de Geest, dir., Encyclopedia of Law and Economics, Cheltenham, U.K.: Edward Elgar, pp456-489
  • 2001, Victor Nee, "Sources of New Institutionalism", In: M. C. Brinton, Victor Nee, dir., "The New Institutionalism in sociology", Palo Alto, Stanford University Press, pp1-16
  • 2002, Gerald W. Brock, "The New Institutional Economics", Faith & Economics, 39, pp1-13
  • 2004, Alain Desreumaux, Théorie néo-institutionnelle, management stratégique et dynamique des organisations, In: I. Huault, dir., Institutions et gestion, Vuibert/Fnege
  • 2005, V. Nee, "The New Institutionalisms in Economics and Sociology”, In: N J Smelser and R Swedberg, dir., The Handbook of Economic Sociology, 2nd edition, Princeton University Press
  • 2006, D. Dequech, "The new institutional economics and the theory of behaviour under uncertainty", Journal of Economic Behaviour & Organization, 59(1), pp109-131
  • 2014, S. Gehlbach, E. Malesky, "The grand experiment that wasn’t? New institutional economics and the postcommunist experience”, In: S. Galiani, I. Sened, dir., "Institutions, Property Rights, and Economic Growth", New York: Cambridge University Press, pp223‒247
  • 2015, I. Huault, "Théories néo-institutionnalistes et management", In: M. Barabel, G. Meier, "Manageor : les meilleures pratiques du management, contribution", Paris‎: Dunod
  • 2021, Michael McGinnis, "New institutional economics: building from shared foundations", In: Jayme Lemke, Vlad Tarko, dir., "Elinor Ostrom and the Bloomington School: Building a New Approach to Policy and the Social Sciences", New Castle upon Tyre, Agenda Publishing Limited, pp25-46


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