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Localisme
Définition du localisme
Le localisme est une doctrine qui consiste à privilégier ce qui est local, afin de favoriser les économies d'énergie en transport, les réseaux économiques et les tissus sociaux de proximité. Le localisme désigne parfois des revendications sécessionnistes, par exemple à Hong Kong, et généralement protectionnistes.
Sans en être des adversaires intransigeants, les libéraux sont généralement assez sceptiques de cette démarche proche du protectionnisme et de la recherche de l'autarcie, pour des raisons qui seront développées dans cet article.
Histoire du localisme
Le localisme est pratiqué depuis l'émergence des premières communautés humaines dans la préhistoire, et représentait même à l'époque l'unique forme de commerce basée sur les échanges volontaires (l'autre étant le pillage et la mise à sac). Dans cette optique, le localisme représente donc la première ébauche de société libérale, basée sur la liberté de commerce et respectant le principe de la loi des avantages comparatifs.
Parmi les exemples les plus récents du concept, on peut citer les années 1960 au Japon. Des mères de familles japonaises s’inquiètent de voir l’agriculture s’industrialiser avec un recours massif aux produits chimiques (en 1957, les premières victimes de Minamata, empoisonnées au mercure, sont déclarées). Ces mères fondent en 1965 les premiers Teikei (en japonais « le visage du fermier est sur le produit ») qui concernent d'abord des coopératives laitières. Le principe de fonctionnement est le suivant : en échange de l’achat par souscription de la récolte du paysan, ce dernier s’engage à fournir des aliments cultivés sans produits chimiques.
Les Teikei se sont énormément développés au Japon et ont inspiré les premiers mouvements localistes, les AMAPs (Association de maintien de l'agriculture paysanne).
Elles se sont développées en Suisse peu après et aux États-Unis dans les années 1980.
En France, les AMAPs se sont développées principalement dans les années 2000.
Le mouvement localiste suit l'évolution des pratiques du mouvement de l'agriculture biologique.
Fondements
Le localisme s'est développé autour d'une volonté de rejet de la mondialisation, et du système (agriculture intensive, grande distribution...), et de la consommation (publicité, gadgets..). Le localisme attribue à la mondialisation : l'épuisement des ressources naturelles, notamment du pétrole, dû à l'abondance des transports de marchandises ; la pollution, due aussi au transport de marchandise ; et le chômage dû aux délocalisations des entreprises.
Ces présupposés sont cependant largement discutables, comme on le verra plus bas.
Le localisme entend également favoriser la création et le maintien de circuits économiques locaux : production locale, distribution locale, consommation et recyclage locaux. Pour organiser la relocalisation de l'économie, les localistes souhaitent également relocaliser le politique en décentralisant le pouvoir de décision vers des assemblées locales, régionales ou communales, dans une démarche rappelant le principe de subsidiarité.
Applications
Les localistes proposent plusieurs moyens dont : la taxation des produits en fonction de leur origine (plus le produit vient de loin, plus il est taxé) ; l'étiquette carbone, pour orienter les consommateurs ; la micro-finance ; le développement des réseaux locaux comme les AMAPs et les systèmes d'échanges locaux (SEL).
Autrement formulé, ils estiment que l'État sait mieux que les consommateurs comment ceux-ci doivent dépenser leur argent et considèrent que la puissance légitime doit imposer ce qu'elle pense être bon par une fiscalité pénalisante.
Analyse libérale du localisme
Objections de fond aux présupposés du localisme
- Le libre-échange est profitable au niveau de vie de tous
En prônant un repli sur la protection locale, les tenants du localisme ne font rien d'autre que du protectionnisme. Les excuses invoquées peuvent être différentes de celles des autres protectionnistes, la conséquence n'en est pas moins similaire. Comme l'a montré David Ricardo avec sa loi des avantages comparatifs, tout le monde est gagnant au libre-échange. Le protectionnisme localiste appauvrit tout le monde et réduit la qualité de vie des personnes concernées. Il est également à noter que ce sont surtout les plus démunis qui en pâtiront les premiers, comme l'a montré l'économiste Christian Broda dans le cas des échanges entre la Chine et les États-Unis.
Il faut également rappeler que les délocalisations ont toujours été un phénomène très mineur. Une récente étude de l'INSEE[1] a chiffré, pour la période 1995-2001 l'ampleur des emplois perdus dans le secteur industriel à cause de délocalisations : en moyenne, 13 500, dont plus de la moitié vers des pays à hauts salaires. Ce chiffre est à comparer aux 6,8 millions d'emplois dans le secteur secondaire en France[2].
- Le libre-échange est profitable à l'environnement
Les tenants du localisme croient protéger l'environnement. Ces idées qui partent d'une intention louable aboutissent à l'effet inverse : en effet, le libre-échange permet d'utiliser plus efficacement les ressources et donc de produire plus avec moins de ressources. Ainsi, il sera plus simple de faire pousser des oranges dans un climat propice que d'essayer de les faire pousser sous serre dans un climat froid[3]. De même, il sera plus productif pour certains produits d'avoir une grande usine que dix petites. Ce raisonnement est également valable en termes de bénéfices environnementaux.
Prenons un autre exemple avec les transports d'un consommateur : comme l'ont montré plusieurs travaux, il est bien plus polluant de devoir aller dans dix magasins différents que de trouver une part importante de ses achats dans un grand magasin. C'est ce qu'a établi l'étude académique du professeur de l'université de Toronto Pierre Desrochers[4].
Comme l'exprime le journaliste René Godeau « il n'est pas sûr que [le localisme] soit une politique efficace car ce localisme est un simplisme : la principale source de gaz à effets de serre, c'est la production, pas le transport. Manger local ne signifie pas toujours manger plus écolo : le transport des produits produits en France en émissions par tonne transportée et par kilomètre, une camionnette produit 10 fois plus qu'un camion et 100 fois plus qu'un cargo. Les politiques s’accommodent bien des amalgames, les économistes moins, car la réalité est complexe. » [5]
- Le manque de ressources naturelles est il vraiment une menace ?
Un autre argument couramment avancé est celui de l'épuisement des ressources naturelles, en particulier pétrolières. Cet argument n'a rien de nouveau puisqu'il était déjà exprimé au XIXe siècle par Thomas Malthus et est périodiquement repris par certains. Prenons l'exemple du pétrole. Le discours sur l'épuisement du pétrole est ainsi aussi vieux que l'utilisation industrielle de cette ressource naturelle : Cécile Philippe rapporte dans C'est trop tard pour la Terre une longue liste des prédictions non avérées :
- « Les prévisions catastrophistes ou tout simplement pessimistes sont légion. Elles le sont depuis déjà longtemps puisque, dès 1914, le Bureau des mines aux États-Unis estimait que la production future de pétrole était limitée à 5,7 millions de barils, soit peut-être dix ans de consommation. En 1939, le département de l’Intérieur américain indique que les réserves ne dureront que treize ans; en 1951, ce même département, division pétrole et gaz indique de nouveau que les réserves ne dureront que treize ans.
- « En 1972 parut un livre qui allait devenir un best-seller et avoir une influence considérable : le rapport Meadows, Halte à la croissance. À l’en croire, le pétrole et bien d’autres ressources seraient épuisés avant 1992. Deux ans plus tard, le célèbre Paul Ehrlich confirmait ces prévisions pessimistes, en affirmant que « l’âge de la rareté est arrivé et, avec lui, une meilleure vision du futur, révélant les années sombres à venir ». Même pronostic en 1987, avec l’annonce de l’épuisement du pétrole dans les années 1990. En 1992, la nouvelle édition de Halte à la croissance programmait la fin du pétrole pour 2031 et celle du gaz pour 2050. »
Les malthusiens occultent le progrès technologique, qui a toujours permis à l'Homme de s'adapter, d'inventer de nouvelles solutions. Contrairement aux craintes de William Stanley Jevons sur l'épuisement du charbon en 1865, l'Homme sait rendre utiles des ressources insoupçonnées. Les libéraux, sur la foi de ce passé, ont confiance en l'Homme pour inventer, découvrir, innover.
Position libérale
Pour les libéraux, peu importe les motifs qui poussent une personne seule ou un collectif volontaire à produire, consommer et recycler local. C'est un droit légitime, car l'individu est libre de consommer ce qu'il veut, de restreindre sa consommation, de la limiter lui-même pour X raisons, qu'elles paraissent valables ou non, logiques ou non.
Ce qui est en revanche problématique, c'est d'en faire une politique coercitive. Par exemple de vouloir instaurer des taxes, ou d'obliger les entreprises à mettre des étiquettes spéciales sur leurs produits. Car à ce moment-là, on passe du choix volontaire au choix imposé, ce qui va à l'encontre des idées libérales. Il est légitime qu'un individu soit intéressé par une nourriture de terroir qu'il considère comme saine, et aussi qu'il veuille aider ses voisins et ses amis en achetant leur produit. Ce qui parait illégitime, c'est d'imposer le même comportement à tous. Le localisme individuel ou collectif mais volontaire ne semble pas contredire les principes du libéralisme. Par contre, le localisme collectiviste oui ! Il contredit de manière flagrante le libéralisme en s'attaquant à l'économie libre mondialisée, au détriment de tous et de l'environnement.
En outre, les initiatives localistes sont souvent teintées de militantisme anti-libéral ou anti-capitaliste.
Pour les libéraux, il est légitime qu'un groupe, une collectivité, dont les individus sont volontaires, puissent exercer un protectionnisme choisi, même si c'est rarement dans son intérêt. Par contre, il est dangereux de vouloir instaurer un protectionnisme non volontaire car il pourrait avoir de graves conséquences, comme l'augmentation du chômage, de la pauvreté et du risque de conflit.
Le localisme individuel sur la base du volontariat est un choix de vie qui a tout à fait le droit d'exister, même s'il se rapproche d'une volonté de se refermer sur soi ou sur une petite communauté qui est à l'opposé de la société ouverte proposée par les libéraux. Les libéraux s'opposent par contre à toute mesure coercitive qui ne serait que le cache-nez d'un protectionnisme contre-productif pour tous et pour l'environnement.
La tradition libérale insiste sur l'importance du commerce pacifique comme moyen de pacifier les sociétés. Car on ne détruit pas les ressources que l'on compte acheter. Le commerce permet de nouer des relations, et donc de réduire le risque de conflits. Le commerce a toujours existé, le commerce mondial existe lui aussi depuis très longtemps. S'y opposer par principe semble dépourvu de sens et de raison, et surtout, on ne voit pas comment on pourrait s'opposer au commerce mondial sans employer des mesures contraignantes et coercitives, donc antilibérales.
Le localisme, un cache sexe aux relents extrémistes ?
Si la majorité des tenants initiaux du localisme s'opposeraient aujourd'hui à cette utilisation, le localisme est aujourd'hui largement un cri de ralliement pour l'extrême droite, synonyme d'un repli sur soi présenté comme positif. En 2023, le Rassemblement national est ainsi l'un des plus fervents défenseurs du localisme[6],[7].
De la même manière, l'extrême gauche est prompte à utiliser le concept comme cache-sexe d'une « planification écologique » alors que le bilan de l'économie planifiée est le plus dramatique en termes environnementaux. Aujourd’hui encore, sur les dix endroits les plus pollués de la planète, cinq sont situés en Russie ou en Asie centrale, à chaque fois dans l'ancienne URSS[8]
Comme le constate le journaliste René Godeau, « le localisme réinterprété coche toutes les cases du parfait petit populisme. C'est un nationalisme qui fleure bon le nationalisme, le régionalisme, l'enracinement. C'est un protectionnisme déguisé »[5].
Notes et références
- ↑ [pdf]Délocalisations et réductions d'effectifs dans l'industrie française, INSEE
- ↑ (en)CIA World Factbook sur la France
- ↑ Les lecteurs de Frédéric Bastiat reconnaitront l'exemple tiré des Sophismes économiques, Première série, IV:Égaliser les conditions de production, [lire en ligne]
- ↑ Local food no green panacea, CBC News, 22 juillet 2009
- ↑ 5,0 et 5,1 Le localisme, une fausse solution écologique, XERFI Canal]
- ↑ L'écologie d’extrême droite... localisme et identité, France Inter, 18 avril 2019
- ↑ Localisme, quand le vert vire au bleu marine, Libération, 25 juin 2020
- ↑ Marxisme, communisme et gestion des ressources naturelles, Thomas Harbor, Contrepoints
Voir aussi
Liens externes
- (fr)Le vrai danger du « consommer local », Philippe Silberzahn sur Contrepoints
- (fr)Le localisme pour sauver le climat ? Pas si simple !, L'Opinion (article réservé aux abonnés)
- (fr) [video]Le localisme, une fausse solution écologique
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