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La doctrine de l’inéluctabilité du socialisme
Le socialisme, Étude économique et sociologique | |
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Die Gemeinwirtschaft: Untersuchungen über den Sozialismus | |
Auteur : Ludwig von Mises | |
Genre | |
économie, sociologie | |
Année de parution | |
1922 | |
la société est le produit de la volonté et de l'action, pas d'une planification collectiviste. | |
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La doctrine de l’inéluctabilité du socialisme constitue la troisième partie de l'ouvrage Le socialisme de Ludwig von Mises.
Section I – L’évolution sociale
CH I : Le chiliasme socialiste
Le socialisme tire sa force de deux sources. Une exigence éthique : l’économie immorale, la dictature économique d’une minorité, l’anarchie irrationnelle fondée sur le profit doivent être remplacées par l’ordre socialiste. Une nécessité historique : le socialisme représente la perfection, le stade le plus élevé de l’évolution. En tant que théorie du progrès, le matérialisme historique ne relève pas de la science mais de la métaphysique.
CH II : La société
La division du travail est le principe fondamental de toute vie. En ce sens, la société est un organisme. L’homme moderne est un être social car il ne peut subvenir seul à ses besoins matériels mais aussi parce que la société a rendu possible le développement de ses facultés intellectuelles et sensibles. L’inégalité des capacités des individus a imposé la division du travail et celle-ci a rendu possible le perfectionnement des dons individuels. Un individu a intérêt à coopérer non seulement avec celui qui est lui est supérieur à tel point de vue mais aussi avec celui qui lui est inférieur en tout. L’avantage de la division du travail est toujours réciproque. Entre organisme et organisation, la différence est la même qu’entre vie et machine. L’organisme est une association fondée sur la mutualité, l’organisation une association fondée sur l’autorité. Vouloir organiser la société est donc chimérique : il faudrait détruire toute vie sociale pour édifier l’état collectiviste.
La société n’est pas une fin mais un moyen mis au service de chacun pour atteindre ses propres buts. Il n’y a donc aucune opposition entre le principe individuel et le principe social. Plus la division du travail est poussée et plus le travail devient productif. Ainsi l’économie permet de satisfaire le plus grand nombre possible de besoins. L’histoire est une lutte de deux principes : le principe libéral de paix favorable au développement du commerce et le principe militariste et impérialiste qui fait dépendre la vie sociale de la domination des forts sur les faibles. Les progrès techniques ne sont possibles que là où la division du travail a créé les conditions nécessaires à leur réalisation. L’homme se spécialise et devient un être social dépendant. L’homme harmonieux d’avant la division du travail est une chimère : seule la division du travail apporte le loisir nécessaire à la culture intellectuelle. La personnalité est un produit de l’évolution sociale. Le nationalisme militariste se prétend organique et le socialo-communisme social mais les deux désorganisent et ruinent la société. Rien n’est plus insensé que d’accuser le libéralisme d’être antisocial. Le commerce rapproche et la division du travail permet de nouer le lien social. La division du travail produit la division en possédants et non-possédants. Toute contrainte imposée à la propriété, tout monopole ou privilège accordé à des producteurs sont des entraves à la fonction sociale de la propriété. Le possédant n’enlève rien à personne mais contribue à la prospérité générale.
CH III : La lutte comme facteur de l'évolution sociale
La socialisation consiste toujours dans une collaboration en vue d'une action commune ; la société repose toujours sur la paix, jamais sur la guerre. Une théorie sociale fondée sur le darwinisme devrait aboutir à démontrer que la lutte de tous les individus entre eux est la forme naturelle et nécessaire des rapports entre les hommes, et par là à nier la possibilité même de relations sociales ; ou bien elle devrait pouvoir montrer pourquoi d'un côté la paix peut régner à l'intérieur de certains groupes sociaux et pourquoi d'un autre côté le principe d'union pacifique qui conduit à la formation de ces groupes n'exerce pas son influence en dehors d'eux. Le darwinisme sociologique est absolument incapable d'expliquer le phénomène social. Pour le libéralisme la guerre n'est admissible que comme moyen de défense. Appeler la concurrence compétition ou lutte n'est rien de plus qu'une métaphore. La fonction de la lutte, c'est la destruction, celle de la concurrence la construction. La doctrine nationaliste et impérialiste est apparue comme une réaction contre le solidarisme œcuménique du libre-échange. S'il est mauvais pour l'Allemand d'acheter des étoffes anglaises ou des céréales russes, il est également mauvais pour le Berlinois de boire de la bière bavaroise et du vin du Palatinat.
CH IV : Opposition de classes et lutte de classes
Marx s'est abstenu de donner une définition précise du concept de classe qui a pourtant une valeur fondamentale dans son système. La théorie de la lutte des classes confond sans cesse les deux concepts de rang social et de classe. Les rangs ou ordres sociaux sont des institutions juridiques, non des faits déterminés par l'économie. On méconnaît la nature de l'économie capitaliste quand on met sur le même plan le travail salarié libre et le travail de l'esclave. En combattant toute atteinte à la liberté de la personne, en considérant le travail libre comme plus productif que le travail servile, en faisant de la liberté de circulation et du libre choix de la profession les bases d'une politique rationnelle, le libéralisme a sonné le glas des ordres sociaux.
Il ne suffit pas de diviser les possédants en propriétaires fonciers et capitalistes. Il faut aller plus loin et arriver par exemple à des groupes tels que : les filateurs de coton qui produisent le même numéro de fil, les fabricants de chevreau noir, les producteurs de bière blonde. Ce n'est pas la solidarité d'intérêts mais la concurrence qui domine les rapports des membres d’une même branche de production. Si aucune communauté particulière d'intérêts ne lie les filateurs de coton entre eux, il ne peut pas en exister davantage entre les filateurs et les fabricants de machines. Entre les filateurs et les tisseurs, entre les constructeurs de machines et ceux qui les utilisent, l'opposition des intérêts est aussi marquée que possible. La théorie qui divise la population en trois ou quatre grands groupes ayant chacun un intérêt commun se trompe déjà quand elle considère les propriétaires fonciers comme une classe ayant des intérêts identiques. Aucune communauté particulière d'intérêts ne lie les propriétaires de terres arables, de forêts, de vignobles, de mines, ou de terrains à bâtir, si ce n'est qu'ils défendent le droit de propriété privée de la terre. Il n'a pas davantage d'intérêts communs à tous les travailleurs salariés. Le travail non qualifié n'est pas non plus homogène. Le métier de balayeur et celui de porteur sont deux choses toutes différentes.
Les concepts de "travail" et de "travailleur", de "capital" et de "capitaliste", etc., sont des abstractions. Les travailleurs entrent en compétition en vue d'améliorer leur situation et de s'élever à un rang social supérieur. Plus la société est complexe et plus la spécialisation y est poussée, plus les groupes de personnes occupant à l'intérieur de l'organisme social une situation analogue sont nombreux. Toute communauté particulière d'intérêts est extrêmement limitée. L'unité du prolétariat ne résulte pas de sa position de classe mais de l'idéologie de la lutte des classes. La société, c'est la solidarité des intérêts. La constitution de groupes particuliers n'a jamais d'autre but que de détruire la cohésion de la société.
CH V : Le matérialisme historique
La pensée serait tout simplement déterminée d'une façon immédiate par le milieu économique et le régime de la production dans lequel vivent les hommes. Marx n'a pas songé à l'objection qu'on aurait pu lui faire que les forces de production sont elles-mêmes un produit de la pensée humaine et que par suite on s'enferme dans un cercle vicieux quand on veut déduire la pensée de ces forces. Les idées du socialisme moderne ne sont pas sorties de cerveaux prolétariens. La pensée théorique est indépendante des désirs de celui qui pense et des fins auxquelles il aspire. Il semble tout naturel à nos contemporains que la pensée et l'action du travailleur soient inspirées par le socialisme. Le travailleur considère que lui seul est un membre producteur de la société humaine et voit dans tous ceux qui ne sont pas comme lui attachés à la machine ou qui ne traînent pas des fardeaux, qu'il s'agisse de l'entrepreneur ou même de l'ingénieur ou du contremaître, des parasites. En raison même de sa position, le travailleur ne peut pas apercevoir les choses dans leur ensemble et leurs véritables rapports. Ce n'est pas parce que le socialisme est réellement conforme à leurs intérêts que les masses vont au socialisme, c'est parce qu'elles croient qu'il en est ainsi.
Section II — La concentration du capital et la constitution des monopoles, étape préliminaire du socialisme
CH I : Position du problème
Pour Marx, la concentration des exploitations, des entreprises et des capitaux — il ne fait aucune distinction entre les trois processus et les considère visiblement comme identiques — est inévitable. Cette concentration conduirait un jour au socialisme par ce seul fait qu'elle transformerait le monde en une unique entreprise gigantesque dont la société peut alors s'emparer sans difficulté. Il importe de remarquer que dans cette conception le passage du grand capitalisme au socialisme ne pourra s'opérer que par l'action consciente des masses. Un tel raisonnement ne résiste pas à deux objections. Il n'a rien à répondre à une argumentation du reste tout à fait analogue qui, inversant les termes, fait de la pensée l'élément premier et de la forme sociale la résultante. Et il ne saurait davantage répondre à la question qui lui serait posée de savoir si la pensée ne peut pas se tromper dans sa conception d'un état de choses à venir meilleur, de telle sorte que l'évolution tendrait vers une situation moins supportable encore.
CH II : La concentration des établissements
La concentration des établissements apparaît en même temps que la division du travail. La loi de la concentration ne s'applique réellement que dans la mesure où la division du travail conduit à une division de plus en plus poussée de la production en branches distinctes.
CH III : La concentration des entreprises
La réunion de plusieurs entreprises autonomes de même nature en une entreprise unique peut être désignée sous le nom de concentration horizontale des entreprises. Le groupement d'entreprises indépendantes, dont les unes utilisent les produits des autres, en une entreprise unique peut être appelée concentration verticale. Dans l'économie capitaliste surgissent sans cesse de nouvelles catégories d'entreprises. Des parties d'entreprises ne cessent de se détacher pour devenir des entreprises autonomes. La spécialisation croissante de l'industrie moderne offre le spectacle d'une évolution qui ne tend nullement à la concentration verticale.
CH IV : La concentration des fortunes
La tendance à la concentration des exploitations ou la tendance à la concentration des entreprises ne s'identifient aucunement avec la tendance à la concentration des patrimoines. C'est une affirmation dépourvue de fondement que de dire que dans la société fondée sur la division du travail la richesse des uns entraîne la pauvreté des autres. Le capital ne produit pas de fruits ; bien plus, il ne se conserve pas par une sorte de phénomène naturel et spontané. Rendement et conservation du capital sont toujours le produit d'une spéculation heureuse. Quiconque veut posséder une fortune constituée par des capitaux doit la gagner à nouveau chaque jour. Il n'existe pas davantage de placement éternel que de placement sûr pour le capital. L'entrepreneur enrichi qui veut conférer la durée à la fortune de sa famille cherche pour elle un refuge dans la propriété foncière.
A la théorie absurde de l'appauvrissement absolu les socialistes ont substitué la théorie de l'appauvrissement relatif. Mais si le capitalisme améliore la situation économique de tous, peu importe que cette amélioration ne soit pas la même pour tous. L'envie croissante n'est pas, comme le pense Kautsky, une preuve à l'appui de la théorie de l'appauvrissement relatif ; elle montre au contraire que l'écart économique entre les différentes couches sociales diminue.
CH V : Les monopoles et leurs effets
C'est une opinion très répandue qu'il est au pouvoir des monopoleurs de fixer les prix à leur fantaisie. Dans la société socialiste il existerait un monopole de ce genre : un ordre de l'État placerait l'individu en face de ce dilemme : obéir ou mourir de faim. Le seul caractère particulier des monopoles, c'est que, dans certaines conditions, — quand la courbe de la demande se présente sous un certain aspect — le maximum de profit net est obtenu à un niveau de prix plus élevé que celui qui aurait permis de la réaliser si le prix s'était établi sous le régime de la concurrence. Les effets du monopole sont donc de trois sortes : les prix sur le marché sont plus élevés, la vente apporte un bénéfice supérieur, la vente et par suite aussi la consommation sont plus limitées que sous le régime de la libre concurrence. A la diminution de production du bien monopolisé répond en conséquence une production accrue d'autres biens. Mais il y a à la vérité une différence : les biens de remplacement sont des biens moins importants, que l'on n'aurait pas produits et employés s'il avait pu être donné satisfaction dans toute son ampleur au besoin plus pressant du bien monopolisé.
Les monopoles des industries de transformation et du commerce doivent leur naissance, non pas à une tendance inhérente à l'économie capitaliste, mais à la politique interventionniste pratiquée par les gouvernements et dirigée contre le capitalisme. Les monopoles dont nous constatons aujourd'hui l'existence, lorsqu'ils n'ont pas leur origine dans l'intervention de l'État et abstraction faite des cas particuliers (lignes de chemin de fer, centrales électriques) sont toujours des organisations qui ont pour base la disposition exclusive de ressources naturelles du sol d'une espèce déterminée. Un monopole mondial des producteurs de pommes de terre ou de lait est inconcevable. Par contre les propriétaires des rares gisements de pétroles, de mercure, de zinc, de nickel et autres matières premières, peuvent se grouper pour constituer des monopoles. La société socialiste n'aurait pas, pour les richesses irremplaçables de la nature, les mêmes ménagements que la société capitaliste, elle sacrifierait l'avenir au présent.
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