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Charles Dunoyer
Charles Dunoyer | |||||
Économiste, juriste | |||||
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Dates | 1786-1862 | ||||
Tendance | |||||
Nationalité | France | ||||
Articles internes | Autres articles sur Charles Dunoyer | ||||
Citation | « Le gouvernement est dans la société, et non la société dans le gouvernement. » | ||||
Interwikis sur Charles Dunoyer | |||||
Charles Dunoyer, né le 20 mai 1786 à Carennac et décédé le 4 décembre 1862, est un juriste et économiste français. Il est le co-fondateur du journal libéral Le Censeur (1814).
Biographie
Fils de Jean-Jacques Dunoyer, seigneur de Segonzac, Charles Dunoyer se rend à Paris en 1803 pour y étudier le droit. Il s'y initie aux écrits des Idéologues, dont Antoine-Louis Destutt de Tracy, et de l'économiste Jean-Baptiste Say dont la théorie de l'industrialisme le marquera. En 1807, il rencontre Charles Comte avec qui il se lie rapidement d'amitié.
Opposant résolu au despotisme napoléonien - il crée Le Censeur en 1814 -, Dunoyer n'en sera pas moins un critique impitoyable de la Restauration (fondant Le Censeur européen en 1817). A l'instar de Benjamin Constant, il conteste les multiples atteintes à la liberté que commet le nouveau régime sous divers prétextes, dont celui de la sécurité intérieure.
Poussant la théorie industrialiste de Jean-Baptiste Say au bout de sa logique, il développe une critique radicale de l'État, fondée sur une analyse saisissante de la lutte des classes, selon laquelle une classe parasitaire - les gouvernants, l'administration et leurs nombreux clients - s'enrichit totalement aux dépens de la classe productive aux moyens d'instruments coercitifs tels que l'impôt, le monopole public, la règlementation, etc. A cet égard, on peut tenir Dunoyer et, évidemment, son ami Comte pour des pionniers de l'anarcho-capitalisme, mais aussi - comme le notera Henri Lepage - pour des précurseurs de l'école du Choix Public un siècle et demi avant son apparition ! Notons par ailleurs qu'un autre tenant de l'industrialisme s'orientera dans une tout autre voie: le comte Claude de Saint-Simon prônera, lui, une conception présocialiste et prétotalitaire de la vie en société et dénoncera même l'anarchisme des deux pamphlétaires.
Quand le très réactionnaire Charles X succède à Louis XVIII en 1824, pour mieux renforcer l'appareil répressif de l'État, Dunoyer perd toute illusion sur la nature du régime en place.
Comme c'est le cas pour d'autres libéraux, l'avènement de la Monarchie de Juillet lui rend cependant quelque espoir. Les premières années de ce régime qu'il espère plus libéral le voient d'ailleurs occuper plusieurs fonctions officielles: préfet à trois reprises, il devient ensuite conseiller d'État en 1838. A titre anecdotique, signalons que, dans ses Souvenirs d'égotisme (inachevés), Stendhal brocarde l'attitude qu'il juge opportuniste de Dunoyer (lequel s'y voit traiter d'imbécile par l'illustre écrivain !).
Au moment de la Révolution de 1848, il s'oppose cette fois aux thèses défendues par les socialistes, notamment en ce qui concerne la question du « droit au travail ». Contestant également le pouvoir du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, il démissionne de ses fonctions de conseiller d'État peu après que le putsch du 2 décembre 1851 eut substitué le Second Empire à la Seconde République.
Néanmoins, Dunoyer poursuit ses activités d'écrivain et d'économiste et offre ainsi plusieurs contributions au Journal des économistes, tout en continuant de polémiquer avec d'autres auteurs, parmi lesquels le philosophe hégélien Victor Cousin, alors très populaire. D'après Ralph Raico, inquiet de la menace socialiste grandissante, Dunoyer aurait troqué ses idées pré-anarcho-capitalistes au profit de la défense d'un État minimal autoritaire (anticipant, de ce fait, les revirements "conservateurs" d'autres libéraux radicaux, tels que John Prince Smith ou encore Vilfredo Pareto).
Il meurt le 4 décembre 1862.
Ses idées
Sa théorie de l'État en tant qu'organisation parasitant les activités productives a été soulignée plus haut. Néanmoins, selon Albert Schatz, Dunoyer est l'un des pionniers dans la définition de l'État comme « producteur de sécurité » (avant Gustave de Molinari), auquel le principe économique de la spécialisation commande de ne pas outrepasser ce rôle. En réalité, dans l'esprit de Dunoyer, il s'agit d'une phase transitoire.
Car Schatz note : « (pour Dunoyer) La fonction gouvernementale ne réclame qu'un petit nombre d'agents, la masse des travailleurs demeurant disponible pour accroître la somme des utilités sociales autres que la sécurité. Il convient donc de diminuer le nombre et les fonctions publiques et des fonctionnaires, et d'employer à cette fin le seul moyen efficace, qui est de réduire les émoluments ou salaires. Peu importe d'ailleurs l'enseigne de la Compagnie chargée de veiller à la sûreté commune, qu'elle soit monarchie ou république pourvu qu'elle coûte peu et ne vexe point, qu'elle réalise progressivement cet idéal d'une société si parfaitement éduquée que le gouvernement puisse disparaître, en laissant aux habitants la pleine jouissance de leur temps, de leurs revenus et de leur liberté. »
La notion d'utilité, on le voit, est centrale chez cet auteur. Car, à l'opposé des physiocrates, il ne considère pas la production comme une activité engendrant de la matière, mais comme formatrice d'utilité. De sorte que ce n'est pas au travail incorporé dans une chose, comme chez Adam Smith et ses disciples, mais à la satisfaction du consommateur que se vérifie la qualité productive d'une activité. De là aussi la réintégration dans l'économie d'entreprises humaines considérées ordinairement comme « non productives » (la sécurité, par exemple).
Citations
- « Le gouvernement est dans la société, et non la société dans le gouvernement. »
- « On se refuse à voir que les nations sont le matériau dont les gouvernements sont faits; que c'est en leur sein que les gouvernements émergent. »
- « Quelle est, des deux sciences, de la politique ou de l'économie, celle à laquelle il appartient le plus naturellement et le plus convenablement de traiter de la société? C'est incontestablement à l'économie politique que ce rôle doit appartenir; abandonner à la politique l'étude de la société, c'est réduire cette étude à un objet trop restreint (...) L'économie politique seule s'occupe essentiellement de la société, de sa nature, de son objet, de sa fin (...) Elle seule, par conséquent, peut bien parler de la société d'une manière générale. »
- « L’État, très capable de nuire, l'est très peu de faire le bien... Quand l'État fait le bien, il le fait mal, quand il fait le mal il le fait bien. »
- « Mais quand même, en s’emparant de la partie la plus claire de tous les revenus d’un pays, un gouvernement parviendrait à prévenir ou à réprimer tout attentat privé contre les fortunes, il ne serait encore pas vrai de dire assurément qu’il garantit la propriété. Que vous importe, en effet, que tel gouvernement défende votre bien contre les voleurs, s’il vous enlève tous les ans en impôts plus que les voleurs ne pourraient vous prendre ? s’il faut lui donner plus que ne pourraient vous ravir les brigands contre lesquels il s’efforce de vous protéger ? »
- « Il suffit de jeter les yeux autour de nous, pour y découvrir des preuves éclatantes du danger qu’il y a de faire du service public une profession lucrative. Voyez quelle extension désordonnée les salaires y ont fait prendre à l’administration ; surtout, depuis que l’exploitation des places a cessé d’être le privilège d’une caste, et que chacun a pu se vouer à cette sorte d’industrie ; surtout depuis que le chef du dernier gouvernement a commencé à la rendre si productive. Comme les hommes à places se sont multipliés ! comme les attributions du pouvoir se sont étendues ! comme le poids des impôts s’est aggravé ! »
- « On voit tant de gens courir à la fortune par des voies nuisibles ou honteuses, tant de gens qui vivent de pouvoir ou de larcin, c’est surtout à l’excès des dépenses publiques qu’il faut attribuer ce désordre. Ce sont ces dépenses qui, en tarissant les sources naturelles de la richesse, détournent une foule d’hommes de tous les rangs des occupations honorables, et les font recourir, pour s’élever, à des expédients honteux; excitent ceux des classes inférieures à la mendicité, au vol, au vagabondage; ceux des classes plus élevées à la poursuite des emplois, à l’intrigue, aux cabales, aux factions, et peuplent ainsi la société de cette multitude d’hommes pour lesquels ou contre lesquels les gouvernements sont nécessaires. »
Publications
- 1814, Réponse à quelques pamphlets contre la constitution
- 1817, Du système de l'équilibre des puissances européennes, Censeur Europeen, 1, pp119-126
- 1818, "Politique tirée des doctrines économiques", 1818, in Le Censeur européen
- 1822, Lettre à un électeur de département
- 1824, Du droit de pétition à l'occasion des élections
- 1825, L'Industrie et la morale considérées dans leurs rapports avec la liberté, [lire en ligne].
- 1827
- "Esquisse historique des doctrines auxquelles on a donné le nom industrialisme, c'est-à-dire, des doctrines qui fondent la société sur l'Industrie", in Revue encyclopédique.
- "Fragments de critiques économiques", in Revue encyclopédique.
- 1830, "Nouveau traité d’économie sociale, ou simple exposition des causes sous l’influence desquelles les hommes parviennent à user de leurs forces avec le plus de liberté, c’est-à-dire avec plus de facilité et de puissance", 2 vols. Paris: Sautelet et Mesnier
- 1840, Esprit et méthodes comparés de l'Angleterre et de la France dans les entreprises des travaux publics et en particulier des chemins de fer
- 1841, Des objections qu'on a soulevées dans ces derniers temps contre le régime de la concurrence
- 1842, "Du système de la centralisation, de sa nature, de son influence, de ses limites et des réductions utiles qu'il est destiné à subir", in Journal des économistes.
- 1844, De la liberté d'enseignement,
- 1845,
- a. "De la liberté du travail, ou simple exposé des conditions dans lesquelles les force humaines s’exercent avec le plus de puissance", Paris: Guillaumin, 2 Vol.
- b. « De l’agitation anglaise pour la liberté du commerce », Journal des économistes, tome 12, 4e année, p24
- 1849, La Révolution du 24 Fevrier,
- 1852,
- "Gouvernement", In: Charles Coquelin, Gilbert-Urbain Guillaumin, dir., "Dictionnaire de l'économie politique : contenant l'exposition des principes de la science. 1. A-I", Paris: Guillaumin, pp100-106
- "Des limites de l'économie politique et des fonctions du gouvernement", in Journal des économistes.
- Rapport à la suite d'informations prises en Angleterre, 1855.
- 1860; Rapport fait au nom de la section de morale sur le concours concernant les rapports de la morale avec l'économie politique
- 1864,
- a. Le Second Empire et une nouvelle restauration,
- b. Gouvernement, In: Charles Coquelin et Charles Guillaumin, Dir., Dictionnare de l'économie politique, 3rd. ed., Paris : Guillaumin, 1864), vol. 1, pp835-841
- 1870, Œuvres de Dunoyer, revues sur les manuscrits de l'auteur
Littérature secondaire
- 1869, Gustave du Puynode, "Charles Dunoyer", Journal des Économistes, 3ème série, vol 13, 15 janvier, pp1-28
- 1911, Edgar Allix, "La déformation de l'économie politique libérale après J-B. Say: Charles Dunoyer", Revue d'histoire économique et sociale, Vol 4
- 1977, Leonard P. Liggio, Charles Dunoyer and French Classical Liberalism, Journal of Libertarian Studies, vol. 1, no. 3
- 1978, Mark Weinburg, The Social Analysis of three early nineteenth century French liberals: Say, Comte, and Dunoyer, Journal of Libertarian Studies, vol. 2, no. 1, pp45-63
- 1997, Henri Lepage, « Redécouvrir les libéraux de la Restauration: Comte et Dunoyer », In: Alain Madelin, dir., "Aux sources du modèle libéral français", Paris, Perrin, pp139-154
- 2008, David Hart, "DUNOYER, CHARLES (1786–1862)", In: Ronald Hamowy, dir., "The Encyclopedia of Libertarianism", Cato Institute - Sage Publications, pp129-130
Voir aussi
Liens externes
- (fr)Charles Dunoyer et le libéralisme français par Leonard P. Liggio
- (en)Charles Dunoyer and French classical liberalism par Leonard P. Liggio
- (en)The Radical Liberalism of Charles Comte and Charles Dunoyer par David M. Hart
- (en)Charles Dunoyer and the Emergence of the Idea of an Economic Cycle Par Rabah Benkemoune
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