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Bonapartisme

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Le bonapartisme est un courant politique et un système attachés à la personne des deux empereurs français : Napoléon et Napoléon III, ainsi qu'au Premier Empire et au Second Empire.

Photo tirée du film "Guerre et Amour" (Love and Death) de Woody Allen (1975)

Un césarisme jacobin qui a marqué la France

Le bonapartisme ne se veut ni de droite ni de gauche; il se propose de réconcilier les Français en les tournant vers une œuvre d'avenir. Se posant en héritier de 1789 et de la France nouvelle, il affirme un principe d'autorité dans la lignée du jacobinisme et par son souci de la gloire se situe bien au-dessus des querelles de partis. Il n'a cessé cependant d'être tiraillé entre deux tendances : un bonapartisme de gauche, populaire, démocratique, voire anticlérical et un bonapartisme de droite, conservateur, s'appuyant sur les notables et l'église.

Louis-Napoléon Bonaparte président de la République déclare en 1849 : « Tout un système a triomphé au 10 décembre, car le nom de Napoléon est à lui seul un programme ; il veut dire à l'intérieur ordre, autorité, religion, bien-être du peuple, à l'extérieur dignité nationale ».

L'esprit général des institutions bonapartistes est celui d'un pouvoir personnel appuyé sur le suffrage universel et opposé au parlementarisme. Tocqueville a noté dans ses Mémoires sur Louis-Napoléon : « S'il avait une sorte d'adoration abstraite pour le peuple, il ressentait très peu de goût pour la liberté. Le trait caractéristique et fondamental de son esprit, en matière politique, était la haine et le mépris des assemblées. Le régime de la monarchie constitutionnelle lui paraissait plus insupportable que celui même de la république ».

La Cinquième République est souvent considérée par les libéraux comme une adaptation du bonapartisme au XXe siècle : centralisation autoritaire, prééminence de l'exécutif, pleins pouvoirs en cas de crise, rôle subsidiaire des parlements, etc.

Lettre du duc de Persigny aux électeurs de la Loire (17 juin 1871)

« Je m’empresse de répondre à l’offre que vous voulez bien me faire de soutenir une candidature aux prochaines élections de la Loire. Permettez-moi de décliner cet honneur et vous en exposer les raisons.
« Quelles que soient les causes qui ont écarté de l’Assemblée actuelle la plupart des hommes associés depuis vingt ans au gouvernement du pays, je me demande ce qu’ils feraient dans cette Assemblée. Ne pouvant en modifier sensiblement la composition, ils n’y seraient qu’un embarras, qu’une difficulté de plus.
« En réalité, la plupart des membres de l’Assemblée, légitimistes, orléanistes, républicains, n’ont pas d’autre idée que le maintien, sous une forme ou un nom quelconque, du parlementarisme anglais. Ce qu’ils veulent les uns comme les autres, c’est le contraire des institutions impériales, le contraire du régime des États-Unis, où il est interdit aux détenteurs de l’autorité publique, aux chefs de la hiérarchie administrative, aux ministres de paraître dans les Chambres; en un mot, c’est l’absorption du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif.
« Quoique le principe du régime américain se concilie parfaitement, non seulement avec l’état d’une société démocratique comme la nôtre, mais avec toutes les libertés nécessaires, quoique le régime anglais, au contraire, ne se conçoive logiquement qu’au sein d’une société aristocratique complètement différente de la nôtre : quoique enfin ce dernier régime importé en France ait renversé tous les gouvernements qui l’ont adopté, la force des habitudes ou des préjugés domine encore chez nous les leçons de l’expérience.
« Pour moi, fidèle aux principes fondamentaux posés au commencement de ce siècle par le grand empereur, par l’homme de génie qui a le mieux compris la nation française, j’ai toujours pensé que le parlementarisme anglais, tel qu’on le pratique chez nous, était incompatible avec le caractère impressionnable de notre pays.
« Même dans les temps les plus tranquilles, j’étais convaincu et je soutenais que, en préférant la parole à l’action, en livrant inévitablement le gouvernement aux avocats, en surexcitant toutes les ambitions, en obligeant même les plus honnêtes à ne songer qu’à conquérir ou à défendre le pouvoir au lieu de s’en servir, enfin en appelant sans cesse les passions populaires au secours des diverses compétitions, ce régime ne pouvait produire que des agitations stériles ou dangereuses. Aujourd’hui que les temps sont devenus plus difficiles et les éléments de désordre plus nombreux, plus redoutables, je me demande comment cette conviction n’est pas générale. »

Sources

  • René Rémond, 1982, Les droites en France, Aubier Montaigne 1982, p. 99-121
  • Monica Quirico, 2003, Nicos Poulantzas: il bonapartismo come paradigma dello Stato capitalistico, In: Bonapartismo cesarismo e crisi della società. Luigi Napoleone e il colpo di Stato del 1851, M. Ceretta, dir., Firenze, Olschki, pp143-152
  • D. Losurdo, 1993, Democrazia o bonapartismo. Trionfo e decadenza del suffragio universale, Torino, Bollati Boringhieri

Citations

  • « Ma politique est de gouverner les hommes comme le grand nombre veut l'être…C'est me faisant catholique que j'ai fini la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j'ai gagné les prêtres en Italie. Si je gouvernais un peuple de Juifs, je rétablirais le temple de Salomon. Aussi je parlerai de Liberté dans la partie libre de Saint-Domingue ; je confirmerai l'esclavage à l'île de France et même dans la partie esclave de Saint-Domingue, en me réservant d'adoucir et de limiter l'esclavage là où je le maintiendrai, de rétablir l'ordre et de maintenir la discipline là où je maintiendrai la liberté. C'est là, je crois, la manière de reconnaître la souveraineté du peuple ». (Napoléon Bonaparte au Conseil d'État, 16 août 1800)
  • « Si vous voulez que le buonapartisme meure avec Buonaparte, sortez vous-même du buonapartisme ; ne le pratiquez pas comme système en le dénonçant comme sentiment ». (Guizot, Des moyens de gouvernement et d'opposition dans l'état actuel de la France, 1821)
  • « L’idée napoléonienne consiste à reconstituer la société française bouleversée par 50 ans de révolution, à concilier l’ordre et la liberté, les droits du peuple et les principes d’autorité. Au milieu de deux partis acharnés dont l’un ne voit que le passé et l’autre que l’avenir, elle prend les anciennes formes et les nouveaux principes. Elle va dans les chaumières, non pas en tenant à la main de stériles déclarations des droits de l’homme, mais avec les moyens nécessaires pour étancher la soif du pauvre, pour apaiser sa faim ; et, de plus, elle a un récit de gloire pour éveiller son amour de la patrie ! L’empereur Napoléon a contribué plus que tout autre à accélérer le règne de la liberté, en sauvant l’influence morale de la révolution, et en diminuant les craintes qu’elle inspirait. Sans le Consulat et l’Empire, la Révolution n’eût été qu’un grand drame qui laisse de grands souvenirs mais peu de traces. Napoléon enracina en France et introduisit partout en Europe les principaux bienfaits de la grande crise de 1789 ». (Louis-Napoléon Bonaparte, Les idées napoléoniennes, 1839).
  • « Enfin Napoléon, qui réunissait les passions d'un jacobin aux préjugés d'un réactionnaire, sans aucun mélange de libéralisme, essaya de concilier le communisme de la Convention avec les monopoles et les privilèges de l'ancien régime. Il organisa l'enseignement communautaire, subventionna des cultes communautaires, institua un corps des ponts et chaussées dans le but d'établir un vaste réseau de voies de communication communautaires, décréta la conscription, c'est-à-dire l'armée communautaire; en outre, il centralisa la France comme une grande commune, et ce ne fut pas sa faute s'il organisa point dans cette commune centralisée toutes les industries sur le modèle de l'Université et de la régie des tabacs. » (Gustave de Molinari, Douzième soirée de la rue Saint-Lazare)
  • « Le bonapartisme (est) la quintessence de la culture politique française. C’est en effet en lui qu’ont prétendu fusionner le culte de l’État rationalisateur et la mise en scène d’un peuple-Un. Le bonapartisme est aussi pour cela la clef de compréhension de l’illibéralisme français. Il le radicalise, en effet, d’une certaine manière, en mettant brutalement à nu ses ressorts les plus profonds. » (Pierre Rosanvallon)
  • « Les bonapartistes : loin de vouloir un État neutre et soumis au droit, ils veulent un État "fort", c’est-à-dire soumettant le droit à la volonté d’un "chef" qui prendrait le contrôle de l’État et le dirigerait en fonction de l’Intérêt général qu’il serait bien sûr seul à même de déterminer. La Constitution de la Ve République est organisée selon ces principes. On en voit les résultats heureux tous les jours. » (Charles Gave)
  • « Si la définition du fascisme est « tout pour l’Etat, tout par l’Etat, rien en dehors de l’Etat (Mussolini) », la définition du bonapartisme serait « tout pour le grand homme, tout par le grand homme, rien en dehors du grand homme » et la nature bonapartiste de la Constitution de la Ve est bien sûr la principale raison qui explique l’effondrement de notre pays. » (Charles Gave)
  • « On prétend que Napoléon a propagé, les armes à la main, les idées de liberté et d'égalité de la Révolution française ; mais ce qu'il a principalement propagé, c'est l'idée de l'État centralisé, l'État comme source unique d'autorité et objet exclusif de dévouement ; l'État ainsi conçu, inventé pour ainsi dire par Richelieu, conduit à un point plus haut de perfection par Louis XIV, à un point plus haut encore par la Révolution, puis par Napoléon, a trouvé aujourd'hui sa forme suprême en Allemagne. Il nous fait à présent horreur, et cette horreur est juste ; n'oublions pas pourtant qu'il est venu de chez nous. » ("Réflexion sur les origines de l'hitlérisme", Simone Weil, 1940)
  • « Le bonapartisme est tout à la fois l'anticipation et la version française du fascisme. [...] Il escamote la souveraineté du peuple dont il prétend émaner. Il contraint et asservit le peuple prétendument souverain en réduisant les plébiscites à des farces, en érigeant en loi le bon plaisir d’un individu. Bien loin d’unir réellement les groupes et les partis, il laisse subsister, en les camouflant un temps, toutes les divisions et se borne à superposer l’arbitraire au chaos. » (Raymond Aron)

Liens externes

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