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Antoine Pinay
Antoine Pinay | |||||
Homme politique | |||||
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Dates | 1891 - 1994 | ||||
Tendance | Libéral classique, libéral conservateur | ||||
Nationalité | France | ||||
Articles internes | Autres articles sur Antoine Pinay | ||||
Citation | |||||
Interwikis sur Antoine Pinay | |||||
Antoine Pinay, né le 30 décembre 1891 et mort le 13 décembre 1994, est un homme politique français, président du conseil sous la Quatrième République française (8 mars 1952 - 23 décembre 1952) et ministre des Finances du général de Gaulle. Resté dans l'histoire de France comme « le sage de Saint-Chamond » et un gestionnaire prudent et efficace, il lutta avec succès contre l'inflation et mena une politique libérale, souvent iconoclaste, qui permit la prospérité des Trente Glorieuses.
Biographie d'Antoine Pinay
Jeunesse
Il nait dans une famille catholique et conservatrice de chapeliers du Lyonnais, à Saint-Symphorien-sur-Coise (30 kilomètres de Saint-Étienne). Son père, Claude, exploite la chapellerie familiale qui emploie 150 ouvriers. Il étudie au collège Sainte Marie, tenu par les maristes, à Saint-Chamond. Peu intéressé par les mathématiques, il renonce à se présenter au baccalauréat. Il ne passera aucun titre scolaire ou universitaire de sa vie. Homme de valeurs, il se définira comme catholique « mais pas bigot ».
En octobre 1912, il est appelé sous les drapeaux. Son service militaire doit s'achever en septembre 1914, mais l'histoire en décide autrement et il part au front avec la Première Guerre mondiale. Il est blessé le 10 septembre dans une attaque allemande où sa bravoure lui vaudra la croix de guerre et la médaille militaire[1] :
« Le colonel commandant le 5e régiment d'artillerie de campagne cite à l'ordre du régiment le maréchal des logis Pinay Antoine. Sous un feu des plus violents et des plus meurtriers est resté à son poste avec une simplicité de courage digne des plus grands éloges. »
Dans cet accident, il perd l'usage définitif de trois des doigts de la main droite et manque être amputé. Après de longs mois de convalescence, il est réformé. Rendu à la société civile, il se marie le 25 avril 1917 avec Marguerite Fouletier, fille du propriétaire d'une tannerie à Saint-Chamond (12 000 habitants). La ville deviendra vite sa ville d'adoption. Quand le père de Marguerite décède, c'est lui qui reprend la direction de la tannerie.
Les débuts en politique et la guerre
Il acquiert vite une réputation de gestionnaire compétent, qui lui vaut d'être approché pour être candidat aux élections municipales de 1929. N'acceptant qu'avec réticence et à trois jours du scrutin, sa liste est pourtant largement élue, et c'est à l'unanimité du conseil municipal qu'il est élu maire. Jusqu'en 1982, année où il renonce à son fauteuil, il ne recueillera jamais moins de 71 % des voix au premier tour[2]. Il conservera tout au long de ses mandats un souci de modération fiscale et d'équilibre budgétaire. Sa réputation dépasse les limites de la ville et il est pressenti pour les élections du conseil général. Trait caractéristique d'une carrière politique presque malgré lui, on doit lui forcer la main pour qu'il se présente, après une réponse comme : « ne me demandez pas cela, je ne voulais déjà pas être maire »[3]. En 1934, il est finalement largement élu à la présidence du conseil général. Après la parenthèse de la guerre et de la Libération, il y sera réélu systématiquement de 1949 à 1979.
Les élections législatives de 1936 approchent, et malgré les demandes répétées, il refuse catégoriquement. Au soir du premier tour, le candidat communiste arrive en tête et menace d'emporter la circonscription. Il faudra alors l'intervention du président du conseil Albert Sarraut et de l'intelligentsia anticommuniste de la région pour le faire céder à quelques jours du second tour. Malgré la brièveté de sa campagne, il est élu avec 51,26 % des voix contre 43,23 % au candidat communiste Marcel Thibaud, réunissant les voix radicales et conservatrices.
Homme de consensus, il s'inscrit avec les radicaux. Arrivant à l'Assemblée avec le Front populaire, il s'accommode mal de la politique d'« exagérations » menée alors, et ses débuts politiques sont discrets. Deux ans plus tard, il se fait élire au Sénat dont l'ambiance plus feutrée lui convient davantage. Il fait alors partie des cinq plus jeunes sénateurs. Il siègera à la commission des Finances. La même année, il critique fermement les accords de Munich, y voyant un renoncement fatal devant Hitler[4].
En 1939 et 1940, l'offensive allemande ne le surprend donc pas. Le 10 juillet 1940, il fait partie des 569 parlementaires qui donnent les pleins pouvoirs à celui considéré alors comme le seul recours, le vainqueur de Verdun, le Maréchal Pétain. Il est nommé au conseil national, l'Assemblée consultative du régime de Vichy, et reçoit l'ordre de la francisque. En effet, le notable provincial qu'est Pinay représente ceux sur qui le régime de Vichy veut s'appuyer. Pourtant, au vu de l'évolution du régime, il démissionne dès 1942 du conseil national et refuse fermement toute proposition de participer aux institutions du régime comme, par exemple, à la préfecture de l'Hérault faite par Laval en 1942. Il fait passer des juifs et des résistants en Suisse et à Alger[5]. Son fils Pierre prend le maquis en 1944. S'il est un moment suspendu de ses droits civiques lors de la folie épuratrice de la Libération pour avoir été membre du Conseil national, il est pleinement restauré dans ses droits dès l'année suivante.
Les années d'après-guerre
Cette même année, il est élu à la deuxième Assemblée constituante. Il y siège alors avec les conservateurs des Républicains indépendants. Il est à noter que ce groupe laissait une grande liberté de vote à ses membres, et que Antoine Pinay, très attaché à la liberté de son vote, partageait nombre des critiques des libéraux sur les partis politiques. Il restera député jusqu'en 1958. Méfiant vis-à-vis de la collectivisation toujours plus poussée du pays sous l'impulsion des communistes, il reste fidèle à un libéralisme de conviction et déclare alors, à rebours des idées appliquées par le gouvernement que « le rôle du gouvernement est de gérer les affaires du pays. Ce n'est pas d'être banquier, de fabriquer des chaussures ou des voitures »[6]. S'il soutient l'idée d'une planification indicative, il s'oppose à toute manipulation de la monnaie, en particulier à l'inflation. Dès 1947, il est réélu largement à la mairie de Saint-Chamond.
Il entre au gouvernement comme secrétaire d'État aux affaires économiques en 1948 auprès du ministre Petsche. Ils y entament la libéralisation de l'économie, en rupture radicale avec le dirigisme de la Libération[7]. En 1950, il devient ministre des Travaux publics, poste qu'il occupera jusqu'en 1952. Il est alors membre du Centre national des indépendants (CNI) et s'y lie d'amitié avec Jacques Rueff.
Pinay le président du conseil
C'est en mars 1952 que, de façon relativement inattendue, il est nommé président du conseil par Vincent Auriol. Dans la situation de crise profonde que traverse le pays (inflation forte, dépréciation de la monnaie, perte de confiance dans le système démocratique). Résumant la gravité de la situation, une caricature d'un journal de Marseille présente Auriol tendant une peau représentant la France à Pinay avec comme légende : « prenez la, il ne reste que la peau ».
Pour résoudre ces problèmes sur lesquels les gouvernements précédents se sont cassé les dents, il met au point une stratégie novatrice et audacieuse :
- Afin d'arriver à briser l'inflation, il mène une politique iconoclaste qu'il qualifie de psychologique. Si, dans la lignée de la pensée libérale, il refuse le blocage des prix ou toute politique de déflation autoritaire, il estime que la situation extraordinaire légitime d'autres mesures ; la pénurie constante de l'après-guerre a créé un cliquet qui bloque les prix à la hausse, et qu'il faut faire sauter dans les esprits, alors que les prix mondiaux sont orientés nettement à la baisse. Il se présente donc comme l'ennemi de l'inflation et communique efficacement autour des mesures incitatives à la baisse des prix. Se faisant le champion de la baisse des prix pour le consommateur, il déclare par exemple : « je suis monsieur Consommateur et je vais faire de l'hôtel Matignon le siège d'une ligue de consommateurs groupant 43 millions de Français ». Plaidoyer libéral, même si les mesures pour y parvenir sont iconoclastes au nom de l'extrême urgence de la situation. Le succès est au rendez-vous, et l'indice des prix tombe de 152,5 en février 1952 à 140,5 en décembre[8].
- Pour inciter les capitaux à rentrer, il met au point une amnistie fiscale. Elle est assortie d'une plus grande rigueur pour ceux qui continueraient à pratiquer l'évasion fiscale, devenue devoir national sous l'Occupation, et restée pratique courante.
- Enfin, pour restaurer la confiance, élément clef, il prépare un emprunt gagé sur l'or, l'emprunt Pinay. Ce dernier est probablement la réalisation associée le plus souvent à Pinay. Son but était de mettre un terme aux emprunts d'État qui, au final, escroquaient les épargnants, et de montrer que l'État honorera désormais ses engagements. L'emprunt Pinay servira donc un taux exonéré d'impôt et surtout gagé sur l'or, ce qui assure aux prêteurs qu'ils récupèreront les montants avancés à l'État. Ce sont 428 milliards qui seront ainsi levés.
Ces mesures sont à mitiger avec plusieurs décisions prises souvent sous la pression d'alliés nécessaires. Ainsi, le MRP fait voter l'échelle mobile des salaires pour plaire à sa clientèle politique, alors que celle-ci a un effet inflationniste automatique. Pinay, réticent, doit cependant céder. De même, il doit se résigner à un blocage des prix le 12 septembre 1952. Les prix peuvent donc évoluer, mais uniquement à la baisse. Mesure à comprendre dans le cadre de la situation économique de l'après-guerre, mais qui n'en reste pas moins non libérale et inefficace. Cependant, dans d'autres domaines où l'État conserve un rôle de fixation des prix hérité de la guerre, Pinay lutte contre l'inflation ; ainsi des prix du blé, qu'il maintient fixés à 3600 francs le quintal contre l'avis des agriculteurs, ses premiers électeurs[9]. Au final, sur le plan économique, si les mesures prises par Antoine Pinay ne furent pas en tout point fidèles aux idées libérales, sa grande qualité fut de restaurer un climat de confiance et une économie plus stable, « une situation où le calcul économique reprenait sa valeur ».[10]
La crise mondiale frappe cependant la France et, malgré les victoires sur le front de l'inflation ou de la confiance, le déficit budgétaire se maintient. « Pinay ou pas, la France devait participer à la récession mondiale » résumera un historien[11]. Sa majorité se divise sur des questions de politique étrangère et, malgré la popularité exceptionnelle de Pinay, l'Assemblée est de plus en plus réticente à soutenir le gouvernement.
Le 22 décembre 1952, constatant l'impossibilité à faire voter ses réformes, il démissionne de la présidence du Conseil. Vincent Auriol, président de la République, essaie de le faire revenir sur sa décision, mais doit accepter sa décision.
Une carrière politique nationale
Après sa démission du poste de président du Conseil, il se retire quelques temps mais continue sa carrière nationale. En 1953, il est ainsi président du Centre national des indépendants et paysans, et candidat malheureux à la présidence de la Quatrième République.
Il devient également à nouveau ministre, des Affaires étrangères en 1955-1956, il ouvre la voie à l'indépendance tunisienne avec les accords de La Celle-Saint-Cloud.
En 1958, quand Charles de Gaulle arrive au pouvoir, il est nommé ministre des Finances. Il y lance alors un nouvel emprunt national et met en place avec succès le passage de l'ancien franc au nouveau franc. En outre, c'est lui qui lance le comité Rueff-Armand, qui produira le plan éponyme sur les obstacles à la croissance économique en France. Le rapport qui lui est remis en décembre préconise la suppression de toutes les indexations de prix, la libération quasi-totale des échanges, un ajustement monétaire permettant le retour à la convertibilité du franc, l'augmentation de l'impôt sur les sociétés et d'importantes économies budgétaires. La plupart de ces propositions sont mises en pratique par les ordonnances du 31 décembre 1958, contrebalançant dans le bon sens les mesures de blocage partiel des prix acceptées par Pinay en septembre 1952.
Cependant, en désaccord avec la politique algérienne et extérieure du gouvernement (anti-atlantisme en particulier), il remet sa démission en janvier 1960. Il abandonne ensuite toute activité politique nationale.
Le sage de Saint-Chamond
Malgré la rapidité de son passage à Matignon, sa réputation de vainqueur de l'inflation et de père de la restauration du franc l'entourent. Il est nommé médiateur de la République en 1973, le premier à occuper ce poste qu'il occupera jusqu'en 1974.
Il se retire progressivement de la vie publique tout en continuant à exercer son mandat de maire de Saint-Chamond. Nombreux sont les hommes politiques à venir le voir pour obtenir son conseil ou des encouragements.
Il s'éteint à son domicile de Saint-Chamond le 13 décembre 1994, à l'âge de 102 ans. Homme d'une grande modestie, il avait toute sa vie refusé de recevoir la légion d'honneur.
Citations
- « Entre la fiscalité et la confiance, j'ai choisi la confiance dans l'épargne française. [..] À la différence de l'impôt, l'épargne représente en effet le véritable esprit d'austérité ; elle est volontaire. Alors que l'impôt se répercute sur les prix, l'épargne, elle, retombe sur la consommation »[12].
- « [Le libéralisme est le régime qui implique le] plus de rigueur volontaire et de sens de l'intérêt collectif. Il ne s'accommode ni de la fraude en matière fiscale, ni de la rouerie en matière commerciale »[13].
Notes et références
- ↑ Christiane Rimbaud, Pinay, Perrin, 1990, p.15
- ↑ Rimbaud, op.cit., p. 23
- ↑ Rimbaud, op.cit., p.25
- ↑ Rimbaud, op.cit., p.37
- ↑ Rimbaud, op.cit., p.37 et suivantes
- ↑ Rimbaud, op.cit., p.56
- ↑ Rimbaud, op.cit., p.65
- ↑ Rimbaud, op.cit., p.200
- ↑ Rimbaud, op.cit., p.224
- ↑ La France économique de 1954, p.11, cité par Rimbaud, p.263
- ↑ Hubert Bonin, Histoire économique de la IVe République, Economica, 1987, p.210
- ↑ Antoine Pinay en 1952, cité par Christiane Rimbaud, p.165
- ↑ Antoine Pinay en 1952, cité par Christiane Rimbaud, p.222
Bibliographie
- 1956, André Stibio, Antoine Pinay, Editions du Parlement
- 1984,
- Sylvie Guillaume, Antoine Pinay ou la confiance en politique, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques
- Antoine Pinay, Un Français comme les autres, Belfond (entretiens avec Antoine Veil)
- 1990, Christiane Rimbaud, Pinay, Perrin
Voir aussi
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