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Usure (finance)

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Le prêteur et sa femme, par Quentin Metsys

L'usure en finance est au Moyen Âge l'intérêt que produit l'argent prêté ; le terme désigne désormais un taux d'intérêt jugé abusif, ou taux de l'usure, obtenu d'un capital prêté ou d'une marchandise vendue à crédit au-dessus du taux fixé par la coutume ou la loi ; c'est aussi le fait de prêter de l'argent à ce taux d'intérêt.

Historique de l'usure

Les économistes et philosophes ont mis longtemps à percevoir la valeur créée par le prêt, et ont eu un regard critique historiquement : Dès 1750 av. J.-C., le Code de Hammurabi prévoit une régulation des taux autorisés, avec un maximum de 20 % ou 33 % selon le produit prêté

Aristote considère que le commerce substitue l’argent aux biens ; l’usure crée de l’argent à partir de l’argent ; le marchand ne produit rien : tous sont condamnables d'un point de vue philosophique. Au contraire, l’agriculture et le « métier » permettent de fonder une économie naturelle où les échanges et la monnaie servent uniquement à satisfaire les besoins de chacun, ce qu’il valorise.

Jusqu'à la fin du Moyen Âge, en Europe, l'Église catholique romaine interdit la pratique de l'usure à ses fidèles, sur la foi des versets bibliques qui dénoncent le prêt à intérêt, mais aussi en prenant appui sur la critique aristotélicienne de la chrématistique. Le 2e Concile de Latran condamna le fait que le remboursement d’une dette soit supérieur au capital prêté ; le Concile de Vienne interdit explicitement l’usure et on qualifia d’hérétique toute législation qui la tolérait ; les premiers scolastiques condamnaient la perception d’intérêts. Dans l’économie médiévale, les prêts étaient conséquence de la nécessité (mauvaise récolte, incendie de l’atelier) et, dans ces conditions, on ne pouvait que blâmer moralement la réception d'un intérêt pour celui-ci. La doctrine de l'usure, objet de nombreux et subtils débats et antienne des Scolastiques (dont Thomas d'Aquin, John Duns Scot, Alessandro di Alessandria[1]), évolue cependant tout au long de l'époque médiévale. A la fin du Moyen Âge, une distinction apparaît entre l'intérêt - pratique acceptable sous certaines conditions - et l'usure, qui va désigner la pratique du prêt à intérêt à un taux abusif, motivée par le seul profit. Thomas d'Aquin écrit ainsi[2] :

« Les lois humaines laissent certains péchés impunis en raison de l'imperfection des hommes ; elles priveraient, en effet, la société de nombreux avantages si elles réprimaient sévèrement tous les péchés en appliquant des peines. C'est pourquoi la loi humaine tolère l'usure, non qu'elle estime qu'elle soit conforme à la justice, mais pour ne pas porter tort au grand nombre. »

À la Renaissance, la plus grande mobilité des gens favorisa une augmentation du commerce et l’apparition des conditions appropriées pour que les entrepreneurs se lancent dans des négoces neufs et lucratifs. Puisque le prêt n’était plus destiné à la consommation propre mais à la production, on ne pouvait plus l’observer sous le même angle. L’École de Salamanque trouva diverses raisons qui justifiaient la perception d’un intérêt. Ainsi, la personne qui recevait le prêt obtenait un bénéfice grâce à l’argent obtenu. D’un autre côté, l’intérêt pouvait être considéré comme une prime pour le prêteur qui risque de perdre son argent. Il y avait également le fait que le prêteur perdait la possibilité d’employer son argent pour autre chose. Enfin, et c’est un des apports les plus originaux, il y avait la considération que l’argent était une marchandise pour laquelle on pouvait recevoir un bénéfice (qui serait l’intérêt). Martin de Azpilcueta considéra également l’influence du temps. À égalité de conditions, il est préférable de recevoir une quantité maintenant que dans le futur. Pour que cette dernière soit plus attractive, il est nécessaire qu’elle soit supérieure. Dans ce cas, l’intérêt suppose le payement du temps.

L'économiste britannique du XVIIe siècle William Petty s'impliqua aussi dans le débat sur l'usure et les taux d'intérêt, analysant le phénomène comme un paiement compensant l'absence de perception immédiate de sa rémunération par le prêteur, préfigurant l'analyse contemporaine de la rémunération de l'investissement comme renoncement à une consommation. Incorporant sa théorie de la valeur, il affirme qu'avec une sécurité parfaite, le taux d'intérêt doit être égal au loyer de la terre que le prêteur pourrait acheter. Quand la sécurité est plus ordinaire, la rémunération doit être plus importante afin de récompenser le risque. C'est une vision précoce de ce que seront plus tard les observations de l'équilibre général et les modèles financiers comme le CAPM. Ayant établi la justification de l'usure elle-même, celle de l'absence de perception immédiate, il démontre aussi ses qualités hobbesiennes, plaidant contre une régulation gouvernementale des taux d'intérêt, pointant « la vanité et la stérilité de vouloir faire des lois positives contre les lois de la nature »

Aujourd'hui, en partie sur la base de la vieille distinction moyenâgeuse, certaines législations condamnent l'usure (voir ci-dessous). Dans ce but, elles fixent des taux maximaux, dits taux de l'usure, pour les crédits qui sont accordés, cela en fonction du type de prêt. En revanche, l'islam, dont le livre saint dénonce avec fermeté la pratique du prêt à intérêt, continue à ne pas établir de distinction entre intérêt et usure.

Perspective libérale

Searchtool-80%.png Article détaillé : Contrôle des prix.

Les libéraux sont critiques de la notion d'usure, qui n'est qu'une forme de contrôle des prix.

Calcul du taux de l'usure en France

Le taux de l'usure est défini en France chaque trimestre par la Banque de France, en fonction des taux passés. Dans le cas de l'immobilier, le calcul du taux de l'usure par la banque de France se fait en ajoutant un tiers au taux moyen effectivement pratiqué lors du trimestre précédent. Si le taux moyen des prêts à moins de 10 ans est de 3 % au 1er trimestre, le taux de l'usure du second trimestre sera donc de 4 %.

Comme bien souvent avec l'action de l’État, cette méthode supposée protéger les emprunteurs, les a rapidement pénalisés au lieu de les aider :

  • avec la baisse des taux directeurs des banques centrales, là où le calcul permettait de donner une véritable variabilité des taux, le fait de raisonner en pourcentage additionnel sur le taux moyen tasse énormément les taux quand ils sont bas. Un taux d'usure à 4 % quand le taux moyen est à 3 % devient un taux d'usure à 0,65 % quand le taux moyen est à 0,5 %. Et un taux à 0 % quand le taux moyen est à 0 % ! Ce mode de calcul pénalise lourdement les ménages fragiles qui auraient dû être protégés par une telle réglementation
  • la périodicité du calcul (une fois par trimestre) ne permet pas une réactivité suffisante dans les périodes où le coût de l'argent augmente très rapidement, comme cela a été le cas en 2022. Les autorités monétaires ont tenté de corriger en partie le problème, par une mise à jour mensuelle, mais celle-ci est, comme souvent, arrivée trop tard, privant des dizaines de milliers de ménages solvables d'un prêt bancaire et possiblement d'un logement

Notes et références

  1. Alessandro di Alessandria fut le successeur de John Duns Scot comme évêque de Paris et ministre général de l'Ordre des franciscains. De son vrai nom, Alessandro Bonini fut renommé Alessandro di Alessandria pour le distinguer d'Alessandro di Hales. Il fut l'un des plus innovants scolastiques dans son exploration et son appréciation de l'art du commerce, de l'usage de la monnaie et l'activité de change. Il soutenait que le profit de l'échange monétaire n'était pas de l'usure. Il affirmait que ceux qui le pratiquent ne sont pas tenus de faire leur travail pour rien, ne serait-ce que pour la seule raison que l'art du changeur est nécessaire à ceux qui voyagent dans différents lieux pour le commerce, sans lequel il n'y aurait pas de vie sociale.
  2. Question 78 de la deuxième section de la seconde partie de la Somme

Bibliographie

  • 1943, Bernard William Dempsey, "Interest and Usury", Washington, D.C.
  • 1957, M. B. Becker, "Three cases concerning the restitution of usury in Florence", The Journal of Economic History, Vol 17, pp445–450
  • 1969, J. G. Frierson, "Changing concepts on usury: ancient times through the time of John Calvin", American Business Law Journal, 7 (2), pp115–125
  • 1974, J. W. Baker, "Heinrich Bullinger and the idea of usury", The Sixteenth Century Journal, 5 (1), pp49–70
  • 1992, F. L. Galassi, "Buying a passport to heaven: usury, restitution, and the merchants of medieval Genoa", Religion, Vol 22, pp313–326
  • 2003, L. Armstrong, "Usury and Public Debt in Early Renaissance Florence: Lorenzo Ridolfi on the Monte Comune", Pontifical Institute of Mediaeval Studies, Toronto

Voir aussi


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