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The Libertarian Forum

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Le Forum libertarien (The libertarian forum) était une newsletter, dont Murray Rothbard était rédacteur en chef et Joseph Peden l'éditeur de 1969 à 1984. À partir du numéro de février 1982, Daniel M. Rosenthal est devenu l'éditeur et Dyanne M. Petersen éditrice adjointe, Joseph Peden passant rédacteur en chef adjoint.

L'histoire du Libertarian Forum

Au départ, il s'appelait tout simplement "The Libertarian" et était transmis à quelques convaincus. Il a changé de nom à partir du Vol 1, n°6 du 15 juin 1969. L'équipe éditoriale a découvert, à ce moment là, qu'un autre périodique mensuel ronéotypé, émanant du New Jersey, publiait depuis plusieurs années sous ce même nom. Le changement de nom a permis d'éviter tout risque de confusion mais également d'évoquer une volonté de représenter un forum, c'est à dire une place publique ouverte à l'expression des idées libertarienne. Quoi qu'il en soit, cela n'a pas changé le format de la publication. Le rythme de sortie était au départ bimensuel jusqu'à la fin de 1970 puis mensuel à partir de janvier 1971. Finalement, le rythme s'est ralenti vers la fin lorsque le magazine est devenu bimestriel à partir du numéro 1 du volume 11 de janvier-février 1978.

Cette entreprise intellectuelle a forgé l'édifice intellectuel du mouvement libertarien bouillonnant d'idées et truffé de passionnés. Elle s'est architecturée autour d'une stratégie d'alliance avec la Nouvelle gauche radicale dans la mesure où il existait des points libertariens de connexion avec celle-ci. C'était une publication dont le principal rédacteur, Murray Rothbard, écrivait des critiques de films, des commentaires politiques brûlants, sans concession, sur tous les personnages de droite et de gauche au pouvoir comme Richard Nixon, Jimmy Carter et Ronald Reagan. La newsletter témoigne de l'histoire contemporaine du mouvement libertarien des États-Unis, depuis la fondation du Parti libertarien jusqu'à l'implosion du mouvement dans les années 1980.

Plusieurs rédacteurs libertariens ont participé à cette aventure et notamment des économistes de l'école autrichienne dont Murray Rothbard, Walter Grinder, Richard Ebeling ; les historiens comme Joseph Peden ou Leonard Liggio, ceux de la nouvelle génération comme John Hagel ou Walter Block, ceux qui étaient un peu moins connu comme Ralph Fucetola[1] et ceux qui appartenait à la frange des idées libertariennes comme Karl Hess, le correspondant de Washington qui tenait sa chronique régulière "Letter from Washington".

Une plateforme pour le lancement des idées politiques libertariennes

L'ambition du "Libertarian Forum" sous l'impulsion de Murray Rothbard mais aussi de Jerry Tuccille était de tracer une trajectoire politique avec des perspectives de réussite aux élections. Il s'agissait de constituer un nouveau libertarianisme[2]. Pourquoi nouveau ? Parce que les États-Unis avait connu à la fin des années 1950, grâce à Ayn Rand, un mouvement intellectuel libéral organisé. Mais l'objectivisme avait dépéri car il n'avait pas réussi à toucher une corde sensible dans la population générale et ainsi constituer une large base électorale confortable. Les libertariens américains ont appris la leçon qu'une forte vente de livres ne garantit pas que le public achète également les idées présentées à l'intérieur. Il fallait admettre que les principes de base de la philosophie objectiviste ne prendront pas racine dans la société en général. Le plaisir des gens pour une bonne lecture provoquant l'ascension rapide et vacillante dans les listes de best-sellers n'est pas corollaire à l'ascension des intentions de vote à une élection majeure.

Les objectivistes se sont proclamés très tôt et avec un peu d'arrogance intellectuelle les champions et défenseurs de la place du marché ordonné. Mais, ils sont restés à l'écart du marché désordonné de la société américaine lequel marché était constitué des problématiques de l'instant[3] de la part du public qui les a dénigrés en conséquence par un silence électoral. Alors, les membres actifs du Libertarian Forum, les mêmes que ceux du parti libertarien, souhaitaient un mouvement radical qui s'inspirait de la réussite populaire du radicalisme de la nouvelle gauche au milieu et à la fin des années 1960. Pour cela, ils se sont appuyés sur la théorie de l'école autrichienne d'économie. Car, les gens veulent savoir comment les politiciens vont répondre à leurs préoccupations. Par conséquent, les libertariens doivent appliquer avec discernement mais plus strictement les droits de propriété qui protégeront les plus faibles de la société contre par exemple, les contaminants environnementaux. Ils doivent prouver que le libre marché leur fournira des cliniques et des garderies à un prix abordable ; comment des soins de santé élargis peuvent être mis à la disposition de tous sans le monopole d'une sécurité sociale et par la fin de l'attrition de la présence des médecins dans les zones rurales. Le message des libertariens américains était fort et d'une modernité qui pourrait s'appliquer à d'autres régions du monde désindustrialisé contemporain.

L'opinion publique électorale est un produit manufacturé

Murray Rothbard et ses amis furent les initiateurs de l'austro-public choice, c'est-à-dire de l'application des outils de la théorie autrichienne à la compréhension des mécanismes politiques[4]. Pour eux, le marché politique est similaire au marché des biens et des services. L'opinion publique qui est liée à l'attraction ou non d'un bien ou un service est identique lorsqu'il touche les idées politiques et qui font gagner des élections ou non. Par conséquent, il s'agit d'un produit manufacturé qu'il faut analyser comme tout produit avec la théorie économique.

Jerome Tuccille[5] considère que ce sont les médias d'information favorables aux idées de gauche qui ont mis en évidence la nouvelle gauche grâce à une exposition constante. Il affirme que sans les médias, quels qu'ils soient, aucun mouvement naissant ne peut prendre son essor et qu'il est voué à une mort intellectuelle certaine. Aussi, il existe sur le marché médiatique des faiseurs d'opinion[6], qui ne sont pas les créateurs des idées, mais qui les mettent en avant ou les détruisent et quelquefois les transforment face au grand public. Selon la théorie autrichienne d'Eugen Böhm-Bawerk, il y a un détour de production entre l'idée politique et sa mise sur le marché avec un processus de concurrence par la découverte.

Il y a une analogie avec la théorie de la distribution en économie et en marketing. Un entrepreneur a beau avoir le meilleur produit au monde, il vivra dans la misère toute sa vie s'il ne sait pas comment parvenir jusqu'au client final. Pour cela, il doit utiliser un circuit de distribution le moins coûteux possible et le plus rentable. C'est un compromis entre ces deux variables. Un entrepreneur ne peut pas obliger de force un commerçant de placer son produit dans ses rayons. Aussi, les artisans du Libertarian Forum, savent qu'il faut s'allier avec des personnes qui ont un savoir faire pour pousser la porte des médias. Ce sont ces personnes qu'il faut initier au dialogue, pour que les débats soient retransmis dans les grands journaux. Par conséquent, au début des années 1970, les libéraux conservateurs n'offraient pas une telle accessibilité. La barrière à l'entrée était trop élevée pour discuter avec eux car ils souhaitaient leur propre indépendance d'esprit. C'était la même chose avec les objectivistes dont l'entrée dans les médias était assez restreinte. Aussi, la stratégie convenue par le Libertarian Forum, comme du Centre des études libertariennes d'ailleurs, dont les leaders étaient identiques, étaient de nouer des contacts avec la zone des intellectuels de gauche, allant des plus modérés (Noram Mailer, Paul Goodman[7]) jusqu'aux plus radicaux (Hamill, Wicker) qui étaient considérés comme des personnalités de gauche[8] quasi libertariennes, les plus réceptives à la position néo-libertarienne. Cette frange intellectuelle étaient les critiques les plus virulents de la répression gouvernementale et, en plus, ils avaient un accès facile aux principaux médias de communication.

Notes et références

  1. * 1972, Ralph Fucetola, "Arbitration. A Fundamental Alternate Institution", The Libertarian Forum, août-septembre, Vol 4, n°8-9, p4
  2. Jerome Tuccille, 1970, "The New Libertarianism", The Libertarian Forum, Vol 2, n°11, 1er juin
  3. La politique militaire impériale des États-Unis avec les nombreux jeunes américains blessés ou tués, les difficultés du logement et de l'éducation; la montée des revendications des droits des femmes et des minorités dites opprimées, une assistance médicale et sociale onéreuse et de faible qualité, une fiscalité et une régulation de l'État croissantes...
  4. L'austro-public choice, c'est à dire sur l'étude des décisions publiques dans un cadre d'analyse de l'école autrichienne doit son nom à la même préoccupation que l'école du public choice tout en gardant sa méthodologie. Lors de la présentation de son prix Nobel d'économie en 1986, James Buchanan a défini les trois éléments constitutifs qui constituent le fondement de la théorie des choix publics : l'individualisme méthodologique, l'homo economicus et la politique en tant que marché d'échange. Il apparaît que l'école autrichienne le premier critère avec l'école du public choice, qu'elle définit la catallaxie comme la science de l'échange mais qu'elle s'écarte du deuxième critère fondé sur l'homo oeconomicus. La différence notable avec l'école des choix publics repose, selon Roger Arnold, sur l'impossibilité de considérer l'État comme une entreprise. Car, les autrichiens n'utilisent pas la théorie micro-économique de l'École du Public Choice standard avec sa formulation mathématique, par exemple les courbes d'offre et de demande mais utilisent la praxéologie. En effet, la théorie de l'État par James M. Buchanan et Gordon Tullock en tant que super entreprise, est susceptible d'être analysé par les outils agrégés de l'offre et de la demande. Pour Ludwig von Mises, l'analyse de l'offre et de la demande est une construction mentale que l'économiste utilise pour analyser les conséquences des échanges volontaires. Dans son livre "Bureaucratie", il démontre que l'État développent de nombreuses activités qui sont catégoriquement différentes de celles des entreprises commerciales et, par conséquent, il ne se prête pas à l'analyse de l'offre et de la demande. La praxéologie misesienne transcende la théorie micro-économique néo-classique fondée sur la théorie de l'utilité et de la recherche donc des intérêts particuliers des agents économiques. Elle fournit une théorie générale de l'action humaine, applicable au monde réel des individus agissants. Or, la théorie de l'école des choix publics est plus étroite car elle est développée à partir de l'hypothèse de l'homme économique (homo oeconomicus). L'être humain doté de la connaissance y semble idéal et parfait ou alors il est tiré par les études statistiques de la notion d'homme moyen. Pour l'auteur autrichien, toute action humaine est un thème de la praxéologie. Par conséquent, l'étude du marché politique est analysable avec les mêmes outils que ceux qui analysent la catallactique (science des échanges). L'autro-public choice traite donc des actions réelles d'hommes et de femmes réels, qui vivent et qui agissent sur le marché des décisions publiques avec toutes leurs forces, leurs faiblesses et leurs limites.
  5. Jerome Tuccille, 1970, "The New Libertarianism", The Libertarian Forum, Vol 2, n°11, 1er juin, p3
  6. Friedrich Hayek parlait lui d'intellectuels de seconde main de façon élogieuse et non obséquieuse comme on pourrait le croire à première vue
  7. Nobuo Shimahara, 1970, "Goodman's Attempt to Explain Anarchy as a Philosophy of Education", commentaire du livre de Paul Goodman, "New Reformation: Notes of a Neolithic Conservative", The Phi Delta Kappan, Vol 52, n°1, (Unfinished Business in the Teaching Profession), Septembren, pp54-55
  8. "liberals" dans la terminologie américaine trompeuse