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Cicéron
Cicéron | |||||
Philosophe et homme politique | |||||
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Dates | -106 - -43 | ||||
Tendance | |||||
Nationalité | Italie | ||||
Articles internes | Autres articles sur Cicéron | ||||
Citation | |||||
Interwikis sur Cicéron | |||||
Cicéron (106 avant Jésus-Christ - 43 avant Jésus-Christ) est un homme d’État, orateur, avocat et vulgarisateur de philosophie politique et morale. Il est considéré comme l'un des fondateurs de la doctrine du Rule of Law et de la tradition occidentale de l'humanisme. De sa théorie de la nature humaine universelle découle une théorie du droit naturel fondée sur le respect des contrats et de la propriété privée et une théorie politique de l’État dont la mission première est de garantir les lois. Sa pensée, enrichie par son expérience politique personnelle, synthétise diverses sources grecques, principalement des stoïciens proches du cercle de Scipion comme Diodote, Aelius Stilo et Posidonius .
L'humanisme de Cicéron
La vision de l'homme de Cicéron est fortement influencée par le cosmopolitisme du Stoïcisme, l'humanitas est une qualité présente chez chaque homme à l'état de potentiel. S'il fait l'effort (philosophique) de se cultiver et de rechercher la vérité, tout homme peut donc réaliser son humanité et accéder à la perfection morale, l'honestas. En ce but, il possède la raison et le discours et doit pratiquer les quatre vertus cardinales :
- la prudence (discernement du vrai et du faux),
- la justice (respect des droits de propriété d'autrui),
- la magnanimité (courage),
- la modération (maîtrise de soi).
Au contraire du sage, le tyran n'a pas accompli son humanité car il ignore la justice en violant les droits d'autrui et constitue donc une menace pour l'harmonie de la société.
« Nous ne nous intéressons pas à la race mais à l'esprit »
— Cicéron , De la République
« Bien qu'il ait forme humaine, il dépasse néanmoins les bêtes sauvages en brutalité. Comment pouvons-nous légitimement conférer le titre d'être humain à une créature qui ne respecte pas la justice, qui ne fait preuve d'aucune loyauté à l'égard de ses concitoyens au sein de l'humaine civilisation »
— Cicéron
La justice, mère de toutes les vertus
Selon Cicéron, la justice est définie sur le principe du juriste Ulpien "suum cuique tribuere" , c'est-à-dire rendre à chacun ce qui lui est dû. L'homme juste doit donc ne pas nuire à autrui en spoliant sa propriété et honorer ses contrats, ce qui suppose d'agir de bonne foi (fides). Conformément à l'idéal stoïcien ces exigences de la justice sont de portée universelle, non restreintes aux seuls proches. Pour Cicéron, la propriété n'est pas issue de la nature mais d'un contexte historique, elle constitue la base sur laquelle se sont bâties les sociétés humaines. Spolier la propriété c'est rompre les liens d'association entre les hommes et menacer l’existence même de la vie en commun, c'est donc aller à l'encontre de la nature de l'homme [1].
Cicéron dénonce donc fermement les lois qui visent à l'égalité des fortunes ou une forme de redistribution. Les impôts doivent servir l'intérêt de tous et non cautionner le vol des uns par les autres. Il condamne les injustices des hommes d'État comme Crassus ou César qui, sous couvert de démagogie, s'enrichissent par la saisie contrainte des biens privés et les relient à l'instabilité politique qu'a connue la République Romaine.
« Quant à ceux qui, pour se rendre populaires, proposent audacieusement des lois agraires, veulent exproprier les légitimes propriétaires, faire remise de leurs dettes aux débiteurs, ils sapent les fondements de la République. Comment d'abord la concorde régnerait-elle, quand on prend aux uns leur avoir et le distribue à d'autres ? »
— Cicéron , De officiis,Livre II,XXI-XXV
« Considérer la chose publique comme une source de profit, ce n'est pas seulement laid, c'est criminel et impie. »
— Cicéron , De officiis, Livre II,XXI-XXV
L'individu chez Cicéron
Dans la droite lignée des Stoïciens, Cicéron divise la nature humaine en deux : une nature générale liée à l'espèce et une nature individuelle propre à chacun. Car, remarque t-il, s'il y a une grande diversité de physiques (certains sont plus adaptés à la course, d'autres à la lutte) il en est de même pour les âmes, la variation y est même plus élevée [2].
Cicéron ajoute qu'il faut s'efforcer de se conformer à nos qualités propres, qui forment notre personnalité. Il est vain de s'en écarter et de vouloir imiter celle des autres, car cela formerait un ensemble contradictoire et ridicule : mieux vaut parler sa langue maternelle, dit-il, que de remplir ses discours de mots étrangers.
Cicéron illustre la notion individualité avec la métaphore du théâtre : même au théâtre[3], les acteurs savent distinguer pour quel rôle ils sont taillés ou non. Chaque homme a un rôle à remplir et a donc intérêt à remplir les missions pour lesquelles il est le plus apte.
« Que chacun donc connaisse ses aptitudes naturelles, qu'il juge sans complaisance ce qu'il peut avoir de bon et ce qu'il a de mauvais; ne nous laissons pas dépasser en clairvoyance par les acteurs. Ils ne choisissent pas les pièces les meilleures, mais celles qui sont le plus dans leurs moyens »
— Cicéron , De officiis, Livre I,XXXI
Le Droit Naturel
De même qu'Aristote [4] ou que les stoïciens [5], Cicéron énonce que la justice précède le droit positif, elle forme un lien unissant tous les hommes (un droit des gens) au-delà du simple droit civil. Le citoyen possède donc une norme supérieure, à l'aune de laquelle il peut examiner les lois des dirigeants ou des juristes, de distinguer ce qui relève du légal et du légitime.
Cicéron cite des exemples de lois naturelles précédant les lois de la Cité : la hiérarchie [6] (les hommes ne naissent pas tous avec les mêmes talents), le mariage (nécessaire à la reproduction de l'espèce), la réciprocité des échanges. Le droit naturel est la source d'où provient le droit positif et l'idéal qu'il doit viser. Par exemple, la Cité devra respectivement se doter de magistrats qui détiendront le pouvoir [7], réprouver le célibat et interdire la mendicité [8]. Au contraire, l'égalité démocratique est injuste car elle ignore les différences de nature entre les hommes.
S'éloignant du rationalisme de Platon qui désirait créer ex nihilo une cité idéale, Cicéron souligne l'importance de la tradition. Il soutient que le droit et les institutions résultent d'un processus d'évolution impliquant les apports d'une grande quantité d'hommes sur un grand nombre de générations. Le droit actuel, résultat de cette sélection des bonnes règles et de l'élimination des mauvaises, dépasse de loin les capacités d'un seul esprit, aussi génial soit-il. Cicéron anticipe donc les travaux de Bernard Mandeville, David Hume, Adam Smith sur la valeur épistémologique de la tradition ou encore l'évolution culturelle et l'ordre spontané d'Hayek.
Ses écrits sur le droit naturel eurent une influence sur l’humaniste Érasme [9] et les philosophes du droit naturel John Locke, Samuel von Pufendorf, John Trenchard, Thomas Gordon.
« Notre république n'a point été constituée par un seul esprit, mais par le concours d'un grand nombre; ni affermie par les exploits d'un seul homme, mais par plusieurs siècles et une longue suite de générations. Il ne peut se rencontrer au monde, nous répétait Caton, un génie assez vaste pour que rien ne lui échappe; et le concours de tous les esprits éclairés d'une époque ne saurait, en fait de prévoyance et de sagesse, suppléer aux leçons de l'expérience et du temps. »
— Cicéron , De le République, Livre II, I
L’État idéal : un régime mixte
Cicéron est partisan de l’État de droit, car une cité où règnent la force et l'injustice ne peut être considérée comme un État quand bien même elle serait prospère et prestigieuse [10]. Selon lui, la mission principale de l’État est de protéger la liberté et la propriété [11]. Tout comme l'homme doit toujours préférer la morale sur l'utilité, l’État doit s'abstenir de faire preuve de cruauté et d'ignorer le droit, car se faisant il contredit sa raison d'être et agit contre l'humanité même, Cicéron refuse donc les théories de la raison d’État.
Cicéron, comme Polybe, examine les avantages et inconvénients de chaque régime et se prononce en faveur d'un régime mixte afin de cumuler les avantages et d'équilibrer les désavantages de chacun :
- Dans la monarchie, le pouvoir est uni mais le peuple n'est pas libre.
- L'aristocratie est un juste milieu : un homme tout seul n'est pas en mesure de diriger l’État, de même que la foule, trop disparate et ignorante.
- La démocratie permet à chaque citoyen de participer aux affaires de l’État. En règle générale Cicéron remarque que le peuple préfère passer de l'aristocratie ou de la monarchie à la démocratie et désire rarement le cas inverse. Néanmoins, la foule peut facilement être manipulée par des démagogues qui flattent ses passions et prendre des décisions irrationnelles conduisant à l'anarchie et au désordre.
Cicéron cite comme exemple de régime mixte Sparte, Carthage et Rome. Il est de plus favorable à l'institution des tribuns de la plèbe par pragmatisme : ils constituent des médiateurs pratiques entre la classe dirigeante et la plèbe et permettent à cette dernière de se croire au même niveau que les sénateurs, ce qui contribue à la concorde civile.
« C'est surtout dans les affaires de l’État qu'une apparence d'utilité fait commettre des actions mauvaises. Telle fut pour nous la ruine de Corinthe. Les Athéniens agirent plus cruellement encore quand ils décidèrent de couper le pouce aux habitants d'Egine trop bons marins. Cela parut utile : en raison de sa proximité, Egine était une menace pour le Pirée. Mais la cruauté jamais n'est utile, rien n'étant plus contraire à ce que la nature, que nous devons suivre, attend de l'homme. C'est encore très mal de chasser de la ville et de proscrire les étrangers, comme l'a fait Pennus au temps de nos pères et plus récemment Papius. Il est juste de ne pas souffrir qu'un non-citoyen s'arroge les droits d'un citoyen et c'est ce qu'ordonne la loi que firent voter deux très sages consuls, Crassus et Scévola, mais il est inhumain d'interdire aux étrangers le séjour d'une ville. Ce qui est beau, c'est de juger méprisable un prétendu intérêt public au prix d'une noble attitude. »
— Cicéron , De officiis, Livre III,I
« Si dans une république la constitution n'a pas réparti avec une juste mesure les droits, les fonctions et les devoirs, de telle sorte que les magistrats aient assez de pouvoir, le conseil des grands assez d'autorité, et le peuple assez de liberté, on ne peut s'attendre à ce que l'ordre établi soit immuable. »
— Cicéron , De le République, Livre II, XXXIII
Informations complémentaires
Publications
- 1953, "Letters to Atticus", Cambridge: Harvard University Press, 3 vols.
- 1958, "The Letters to His Friends", Cambridge: Harvard University Press, 3 vols.
- 1959,
- a. "De Re Publica, De Lagibus", Cambridge: Harvard University Press
- b. "The Speeches", In "Catilinam I—IV, Pro Murena, Pro Sulla, Pro Flacoo", Cambridge: Harvard University Press
- 1990, "De Officiis", Cambridge: Harvard University Press
Littérature secondaire
- 1903, F. Cauer, "Ciceros politisches Denken", ("La pensée politique de Cicéron"), Berlin
- 1920, Torsten Petersson, "Cicero, a Biography", Berkeley
- 1921, C. W. Keyes, "Original Elements in Cicero’s Ideal Constitution", American Journal of Philology, Vol XLIII, pp309-323
- 1930,
- George H. Sabine, "Cicero, Marcus Tullius", In: Edwin R. A. Seligman, dir., "Encyclopaedia of The Social Sciences", Vol III, New York: MacMillan
- Nouvelle édition en 1937, New York: MacMillan
- 10ème édition en 1953, "Cicero, Marcus Tullius", In: Edwin R. A. Seligman, dir., "Encyclopaedia of The Social Sciences", Vol III, New York: MacMillan, p469
- George H. Sabine, "Cicero, Marcus Tullius", In: Edwin R. A. Seligman, dir., "Encyclopaedia of The Social Sciences", Vol III, New York: MacMillan
- 1948, E. R. Cowell, "Cicero and the Roman Republic", London: Isaac Pitman & Sons
- 1971, D. R. Shackleton Bailey, "Cicero: Classical Life and Letters", New York: Charles Scribner’s Sons
- 1975, Elizabeth Bawson, "Cicero: A Portrait", Ithaca, N.Y.: Cornell University Press
- 1993, Michael Grant, dir., "Cicero on Government", London: Penguin
- 1997, Jim Powell, "Marcus Tullius Cicero, Who Gave Natural Law to the Modern World. A builder of Western civilization", The Freeman, January, Vol 47, n°1, pp41-49 [lire en ligne]
- Repris en 2000 dans son livre avec des modifications mineures, "A Higher law", In: "The Triumph of Liberty: a 2,000-year history, told through the lives of freedom's greatest champions", New York: The Free Press, pp3-10
- 1998, Philippe Nemo, "Histoire des idées politiques dans l'Antiquité et au Moyen Âge", Paris: PUF
- 2003, Jean-François Revel, "Histoire de la philosophie occidentale", Pocket
- 2010, Bryan-Paul Frost, "Corrupting or Edifying? The Role of Philosophy in Roman Civic Education According to Cato the Elder and Cicero", In: Timothy Burns, dir., "Recovering Reason: Essays in Honor of Thomas L. Pangle", Lanham, MD.: Lexington Press, pp379–397
- 2012, Philip Stokes, "Cicero", In: "Philosophy: 100 essential thinkers: the ideas that have shaped our world", London: Arcturus, pp56-58
- 2016, Lawrence Reed, "Cicero: Enemy of the State, Friend of Liberty", In: "Real heroes: inspiring true stories of courage, character, and conviction", Wilmington, Delaware: ISI Books, pp6-12
- 2022, Matthew Edwards, Scott B. Nelson, "Capitoline: Cicero, Politics, and the 21st Century", Washington D. C. AcademicaPress
Notes
- ↑ comme Aristote, Cicéron considère que l'homme est un être social qui vit au sein d'une communauté.
- ↑ Cicéron cite des exemples de figures historiques aux qualités fort différentes : Scipion était sérieux, Socrate farceur, Hannibal fourbe...
- ↑ à l'époque de Cicéron, les acteurs de théâtre sont perçus comme une profession déshonorante, fréquemment associée à la prostitution
- ↑ pour Aristote, l'univers est organisé selon un ordre supérieur, le droit naturel consiste pour chacun à s'y conformer pour être en harmonie avec le cosmos
- ↑ Ceux-ci pensent que le droit naturel relève au contraire de la nature intérieure de l'homme
- ↑ Pour Cicéron, il est dans l'intérêt de ceux moins dotés par la nature d'obéir aux plus favorisés
- ↑ Cicéron tient à nuancer ce principe d'aristocratie naturelle : les magistrats devront être élus
- ↑ Selon Cicéron, la mendicité est un échange inégal
- ↑ Érasme s'inspire de ses travaux, notamment de sa notion de la justice, en vue de former une morale universelle.
- ↑ Cicéron prend l'exemple de Syracuse qui malgré ses beaux monuments et son port imposant reste une tyrannie
- ↑ Cicéron va donc au rebours de Platon et Aristote, qui soumettait la propriété au bon vouloir de la Cité
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