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Stoïcisme

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Le stoïcisme est une école philosophique de la Grèce antique fondée par Zénon de Kition (332 av. J.-C.-262 av. J.-C.).

C'est l'une des principales philosophies de la période hellénistique, avec l'épicurisme et le scepticisme. Le nom de "stoïcisme" vient du grec "Stoa poikilê", un portique de l'Agora à Athènes où les Stoïciens se réunissaient et enseignaient. Ce mot désigne aujourd'hui, dans l'usage courant, l'aspect moral de cette philosophie : on entend en effet par stoïcisme une attitude caractérisée par l'indifférence à la douleur ou le courage face aux difficultés de l'existence.

Doctrine philosophique

Le stoïcisme est une philosophie rationaliste qui se rattache notamment à Héraclite (idée d'un logos universel), au cynisme (Zénon de Kition fut élève d'un philosophe cynique), et qui reprend certains aspects de la pensée d'Aristote. Les lignes de force de la doctrine sont les suivantes :

  • unité du monde, conçu comme un grand corps vivant ;
  • rationalité du monde (logos universel) ;
  • loi de causalité universelle ;
  • bonté du monde (justifiant une adhésion de l'homme à l'ordre cosmique).

On peut résumer cette doctrine à l'idée qu'il faut vivre en accord avec la nature et la raison pour atteindre la sagesse et le bonheur.

Il ne nous reste que des fragments des premiers Stoïciens (Zénon de Kition (344 - 262), Cléanthe), et les seules œuvres complètes que nous possédions sont celles de Sénèque, Épictète et Marc-Aurèle. Cicéron nous a transmis des débats de l'époque hellénistique qui nous renseignent sur l'ancien stoïcisme. Les adversaires des stoïciens (Plutarque, Sextus Empiricus) nous ont également laissé des témoignages sur leur pensée. Ce que nous pouvons en savoir en logique, en physique et en éthique nous montre des esprits puissants et originaux qui ont marqué l'histoire occidentale jusqu'à aujourd'hui.

La vision stoïcienne du monde est moniste, matérialiste, rationaliste, nominaliste et panthéiste. Comme les Épicuriens, les Stoïciens sont matérialistes : pour eux, la pensée est un phénomène matériel et seul ce qui est matériel a une réalité effective. Dieu n'est pas un être personnel, mais le principe de vie et de rationalité qui organise l'univers en y étant partout présent et en le rendant accessible à la raison humaine.

La question à laquelle tente de répondre le stoïcisme est celle qui préoccupe toute l'Antiquité : celle de la vie heureuse. Le point de vue stoïcien est que nos souffrances viennent d'un désaccord entre nos désirs et les lois du monde. Comme on ne peut changer ces dernières, il faut que nous y conformions notre volonté et nos désirs, ce qui signifie vivre conformément à la nature. Alors que le cynisme voyait la solution dans un dépouillement pratique (il est plus douloureux de perdre une chose que de ne pas la posséder), le stoïcisme la voit dans un dépouillement théorique : il suffit de regarder les biens comme superflus et dépendant de la fortune, comme des choses indifférentes, sans pour autant s'en dépouiller volontairement.

Actualité du stoïcisme

Le fatum stoicum, ordre naturel où « toutes choses ont lieu selon le destin », souvent interprété comme quelque chose s'imposant à l'homme lui ôtant sa liberté : face à des événements déterminés il ne tient qu'à lui, être rationnel, de faire un bon usage de sa raison pour tout ce qui dépend de lui, et notamment sa façon d'accueillir les événements qui ne dépendent pas de lui. On aboutit à l'Amor fati (l'amour de son destin), idée qui laissera des traces dans la philosophie occidentale (notamment chez Friedrich Nietzsche, qui reprendra également aux Stoïciens l'idée de l'éternel retour) :

Ne cherche pas à faire que les événements arrivent comme tu veux, mais veuille les événements comme ils arrivent, et le cours de ta vie sera heureux. (Épictète)

Idée reprise également par Baruch Spinoza :

Mais la puissance de l'homme est extrêmement limitée et infiniment surpassée par celle des causes extérieures ; nous n'avons donc pas un pouvoir absolu d'adapter à notre usage les choses extérieures. Nous supporterons, toutefois, d'une âme égale les événements contraires à ce qu'exige la considération de notre intérêt, si nous avons conscience de nous être acquittés de notre office, savons que notre puissance n'allait pas jusqu'à nous permettre de les éviter, et avons présente cette idée que nous sommes une partie de la Nature entière, dont nous suivons l'ordre. Si nous connaissons cela clairement et distinctement, cette partie de nous qui se définit par la connaissance claire, c'est-à-dire la partie la meilleure de nous, trouvera là un plein contentement et s'efforcera de persévérer dans ce contentement. En tant en effet que nous sommes connaissants, nous ne pouvons rien appéter que ce qui est nécessaire ni, absolument, trouver de contentement que dans le vrai ; dans la mesure donc où nous connaissons cela droitement, l'effort de la meilleure partie de nous-même s'accorde avec l'ordre de la Nature entière. (Ethique, chap. XXXII)

Les réflexions stoïciennes sur la liberté morale, l'homme comme "citoyen du monde" (Zénon de Kition, la République), le droit naturel (Chrysippe de Soli) recoupent les thèmes majeurs du libéralisme et constituent une bonne part de son héritage antique. Contrairement à l'épicurisme, le stoïcisme recommande de participer activement à la vie publique : par cette participation, il se sent en accord avec la raison éternelle qui régit le monde.

Citations

  • C’est « conformément à la nature » que vous voulez vivre ! O nobles stoïciens, quelle duperie est la vôtre ! Imaginez une organisation telle que la nature, prodigue sans mesure, indifférente sans mesure, sans intentions et sans égards, sans pitié et sans justice, à la fois féconde, et aride, et incertaine, imaginez l’indifférence elle-même érigée en puissance, — comment pourriez-vous vivre conformément à cette indifférence ? Vivre, n’est-ce pas précisément l’aspiration à être différent de la nature ? (Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, I, 9)
  • Les deux objectifs visés par la sagesse stoïcienne sont la tranquillité de l'âme (ataraxia) et la liberté intérieure (autarkeia). Cette dernière consiste à faire coïncider notre volonté avec l'ordre cosmique : je suis libre lorsque je veux ce qui arrive par nécessité. Ainsi, je ne me plains plus, ne me débats pas, n'éprouve plus aucun ressentiment, mais, au contraire, me réjouis de tout et préserve, en toutes circonstances, ma paix intérieure. (Frédéric Lenoir, Du bonheur, 2013)
  • Le bonheur ne consiste point à acquérir et à jouir, mais à ne pas désirer. Car il consiste à être libre. (Epictète)
  • Nos souffrances viennent non de la pauvreté, mais de la convoitise. (Epictète)
  • A quelque heure que la mort vienne, elle me trouvera toujours heureux. (Marc Aurèle, Pensées pour moi-même)
  • Malgré sa diffusion et son prestige, le stoïcisme demeura l'apanage des milieux délicats, l'éthique des patriciens. Eux disparus, il devait disparaître à son tour. Le culte de la sagesse allait s'éclipser pour longtemps, on pourrait presque dire pour toujours. On ne le retrouve en tout cas pas dans les systèmes modernes, conçus chacun, non pas tant par un anti-sage que par un non-sage. (Cioran, Ebauches de vertige)
  • Le stoïcisme n’est autre chose qu’un traité de la liberté prise dans toute son étendue. Si cette doctrine, qui a tant de points communs avec les cultes religieux, s’était propagée comme les autres superstitions, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus ni esclaves ni tyrans sur la terre. (Denis Diderot, Essai sur la vie de Sénèque le philosophe, sur ses écrits et sur les règnes de Claude et de Néron, 1778)
  • Le stoïcisme a surtout infusé chez les Romains trois idées qui leur allaient bien : la laideur de l’immoralité, qui abîme l’individu et le détruit (les empereurs devaient se sentir visés) ; l’interdépendance des êtres, qui exige de vivre en harmonie avec l’Univers et avec la Cité ; le culte d’une intelligence en éveil, attentive au présent, débarrassée des superstitions nées du passé ou des hantises face à l’avenir. La beauté du bien, l’unité des hommes, la lucidité de l’esprit : voilà le grand trio des devoirs moraux. (Xavier Darcos, Dictionnaire amoureux de la Rome antique, 2011)
  • Le stoïcisme est un jeu d’esprit et une idée semblable à la République de Platon. Les stoïques ont feint qu’on pouvait rire dans la pauvreté ; être insensible aux injures, à l’ingratitude, aux pertes de biens, comme à celles des parents et des amis ; regarder froidement la mort, et comme une chose indifférente qui ne devait ni réjouir ni rendre triste ; n’être vaincu ni par le plaisir ni par la douleur ; sentir le fer ou le feu dans quelque partie de son corps sans pousser le moindre soupir, ni jeter une seule larme ; et ce fantôme de vertu et de constance ainsi imaginé, il leur a plu de l’appeler un sage. Ils ont laissé à l’homme tous les défauts qu’ils lui ont trouvés, et n’ont presque relevé aucun de ses faibles. Au lieu de faire de ses vices des peintures affreuses ou ridicules qui servissent à l’en corriger, ils lui ont tracé l’idée d’une perfection et d’un héroïsme dont il n’est point capable, et l’on exhorté à l’impossible. (La Bruyère)

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Baptiste Gourinat. 2011. Le stoïcisme. 3e éd. Que sais-je ? Paris : P.U.F. (ISBN 978-2-13-059091-0) [lire en ligne]
  • Muller Robert, « L’intégration du désordre dans l’ordre : les stoïciens ou l’harmonie de tous les contraires », Sens-Dessous, 2013/1 (N° 11), p. 89-98

Liens externes

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