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Raoul Audouin

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Raoul Audouin
Économiste, philosophe

Dates 1907 - 2005
Raoul Audouin
Tendance libéral-conservateur
Nationalité France France
Articles internes Autres articles sur Raoul Audouin

Citation
Interwikis sur Raoul Audouin

Raoul Audouin, né le 21 novembre 1907 et décédé le 6 avril 2005, a été l'une des figures les plus discrètes du libéralisme français du XXe siècle mais pas la moins prégnante[1].

Biographie

Dans l'entre deux-guerres, il prit conscience des manipulations monétaires et de l'inflation législative. Bien qu'isolé, il n'en ressentit pas d'amertume.

Raoul Audouin était profondément croyant, et c’est ce qui a donné tout son sens à sa vie et à son œuvre. Un tournant de son existence a certainement été sa rencontre avec Pierre Lhoste-Lachaume, en 1938. Dans le monde bouleversé par la Grande Dépression et le bruit de bottes, la liberté est en danger. Walter Lippmann organise à Paris un grand colloque sur La Cité Libre : il pressent que les totalitarismes marxiste et nazi vont vouloir imposer leur loi à la Terre entière, tandis que le camp de la liberté est inconscient, divisé et apeuré. Pierre Lhoste-Lachaume fonde le Centre Libéral Spiritualiste Français (CLSF) et s’adjoint les services d’un jeune rédacteur, Raoul Audouin. Tous deux feront équipe jusqu’en 1973, date de la mort de son fondateur. Raoul Audouin lui succède. Ils seront parmi les premiers en France à vouloir défendre la liberté au nom de l’idéal chrétien, marquant par là que le choix du libéralisme n’est ni utilitaire ni politique, mais bien spirituel, parce que la liberté s’ordonne à la dignité de la personne humaine (au demeurant, ce thème est le favori de Jean-Paul II).

Libéral, Raoul Audouin va bien entendu appartenir à l’Internationale des intellectuels libéraux, la Société du Mont-Pèlerin, dont il a été l’un des tout premiers membres. Il sera aussi administrateur de l'Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS).

Puis, à l'âge où d'autres prennent leur retraite, Raoul Audouin commença une seconde carrière en traduisant de nombreux auteurs, pour la plupart libéraux classiques : Ludwig von Mises, Friedrich Hayek, Harold Berman, Irving Kristol, Israel Kirzner, Michael Novak et tant d'autres.

L'écrivain

Il se tenait dans l'ombre, pour mieux servir, intimement convaincu que « la liberté consiste à ne pas être empêché de remplir les devoirs qu'on se reconnaît en conscience ». Son maître-mot était « Revendiquons nos devoirs d'état ». Cela est flagrant dans le dernier livre - préfacé par Pascal Salin - qu'il a écrit en 1998 et qui est intitulé Vivre Libres ou la splendeur de l'économie aux Éditions Laurens, Paris :

Vivre Libre !

La structure fondamentale de notre société libre est aussi simple que cohérente : devoirs d'état des citoyens et devoirs des gouvernants, c'est tout un, chacun à sa place. Devoirs d'état individuels dans la famille et l'école, le métier et le marché, l’armée et l'Église ; devoirs envers Dieu, envers soi-même, le prochain, l'humanité. Devoirs de l'État, qui ont des devoirs d'état de l'électeur et de l'élu, du fonctionnaire et du ministre, de l'avocat et du juge... Qui obéit à son devoir a autorité sur lui-même et sur les autres : c'est sa liberté à lui, bien définie et incontestable car il ne serait pas juste que quiconque l'entrave ; et le devoir de l'État est d'empêcher cette injustice, de sanctionner cette liberté, d'en faire un droit. La notion de droit naturel n'est que l'intuition de cette relation sociale idéale, où la paix régnerait entre les hommes parce que nul ne serait empêché de faire son devoir selon sa conscience. Relation « idéale », car même quand personne ne l'empêche, l'homme remplit rarement tout son devoir, et même fait parfois le contraire. Concédons encore que l'idée des devoirs diffère en partie d'une civilisation à l'autre (le chasseur de têtes de Bornéo tenait pour un devoir d'offrir à sa fiancée le crâne d'un autre guerrier). Mais dans l'ère de la civilisation hellénique et judéo-chrétienne, le contenu empirique de notre droit naturel est très semblable aux consignes simples et évidentes que donnait Jean le Baptiste à ceux qui lui demandaient : Que devons-nous faire, pour entrer dans le royaume ? (Luc, 3, 12-14). D'ailleurs, il n'y a rien d'irrationnel dans le conseil du Christ disant « Cherchez d'abord le Royaume et la justice, le reste vous sera donné par surcroît ». Qui douterait que la paix et la prospérité gagneraient énormément si, pour répondre à l'amour du Père commun et le répandre, chacun pratiquait honnêteté et la charité ? Seulement, la réalité est lourdement mêlée de transgressions et d'erreurs. C'est pourquoi la liberté doit être, en société, surveillée, c'est-à-dire encadrée par la responsabilité personnelle et le pouvoir de la cité. Examiner par un recoupement ce trinôme - liberté, responsabilité, pouvoir - nous permet de récapituler la substance du plaidoyer pour la société de droit naturel. Ayant conclu que la liberté n'est pas un postulat mais le corollaire des devoirs de l'individu, il nous reste à raccorder ce résultat avec celui que l'on doit aussi obtenir en partant du pôle opposé, c'est-à-dire du point de vue de la société. Étant entendu que la société, c'est tous les autres, pourquoi est-il utile à la société que l'individu soit libre ? Et comment garantir qu'en disposant de sa liberté, il nuit le moins possible aux chances qu'ont ses semblables d'être libres aussi ? La réponse à la première question est que la liberté constitue, dans la société, la fonction exploratrice : l'individu sert les autres, même sans le vouloir ni le savoir, lorsqu'il invente pour ses propres buts des moyens que d'autres pourront imiter et améliorer. Nous l'avons vu spécialement à propos de l'économie, mais c'est presque plus visible encore dans les arts et les sciences.

Autrement dit, l'intérêt social est de mettre le plus possible les individus à même de déployer leurs énergies créatrices. Pour éviter qu'ils s'en servent mal, il faut faire en sorte que les conséquences bonnes ou mauvaises de leurs initiatives retombent le plus directement possible sur eux-mêmes ! La responsabilité remplit, dans la société, la fonction régulatrice. Et comme il est évident que les hommes cherchent volontiers à éluder les sanctions de leurs fautes et erreurs, il est nécessaire d'organiser la responsabilité et d'en faire respecter les règles, au besoin par force : le pouvoir est donc essentiellement fonction stabilisatrice. (Extraits du dernier chapitre).

Bien avant ce livre, Audouin avait essayé de faire comprendre les thèmes qui lui étaient chers en écrivant La France que vous cherchez (éditions Sedif, Paris, 1946), Le corporatisme, pseudo-remède contre l'étatisme en collaboration avec son ami, P. Lhoste-Lachaume (aux mêmes éditions, en 1962), Coordonnées pour un remembrement social en collaboration avec René Berger-Perrin[2] (APEL, Lyon, 1975) et Thème et variations sur le Veau d'or (Editorial moneda y credito, Madrid, 1982). En 1985, son livre intitulé Les lois de la liberté (Libéral et croyant pourquoi ?) a été édité par l'Institut economique de Paris.

Il est à souligner que dans ses livres de 1985 et de 1998, on découvre l’économiste bien sûr, mais aussi le philosophe et le croyant. L’économiste suit de très près l’idée maîtresse de Frédéric Bastiat : la vie économique est faite d’échanges, le marché est une façon d’aller au devant des besoins des autres, et seul le service de la communauté mérite une rétribution. Il se place délibérément du côté des hommes à qui sont destinés les produits, et non pas de ceux qui fabriquent les produits. L’homme est la fin de toute activité économique. Quant au philosophe et croyant, il voit les beautés et la dignité de la personne humaine, créée à l’image de Dieu, prolongeant lui-même la création, mais aussi les limites des êtres humains.

A l'occasion d'un hommage qu'il rendait à Raoul Audouin, Jacques Garello a tenu à conclure son propos en citant la « parabole du vitrail » qui se trouve être l’épilogue de son ouvrage Les Lois de la Liberté. Pour conclure sur l'écrivain, la voici:

« L’Evangile surabonde d’intuitions les plus profondes dans l’âme humaine. Chacun de ses livres est comme un sanctuaire aux vitraux historiés. Pourtant, celui qui se tient à l’extérieur regardera vainement les scènes enchâssées, elles lui paraîtront obscures, étranges.

Mais si quelqu’un a soif de la Paix, de la Liberté et de l’Amour des hommes, qu’il entre dans ces vieux textes et fasse en lui-même le silence : les hautes fenêtres s’illumineront de sens et de splendeur.

Force et bonheur couleront vers lui, de cette révélation qu’un Cœur de Père, plus vaste que l’Univers, s’émeut quand on lui dit MERCI pour les beautés du monde et PARDON pour nos laideurs »

.

Comme Jean-Paul II, Raoul Audouin éveillait l’enthousiasme des jeunes et on se rappellera leur réaction au cours de la XXIIè Université d’Eté de la Nouvelle Economie de 1999 quand, à la fin de son remarquable exposé, le nonagénaire qu'il était alors a entonné un air d’opéra (il aimait rappeler que son père avait été chanteur) pour dire tout son espoir et toute sa foi dans la liberté.

Le traducteur

Friedrich von Hayek a été l’un des penseurs favoris de Raoul Audouin. Ils s'étaient côtoyés à la Société du Mont Pélerin. C’est vraisemblablement ce goût prononcé qui l’a poussé, alors qu’il dépassait la soixantaine, à entreprendre une nouvelle carrière : celle de traducteur. Il trouvait anormal et contraire à la propagation des idées libérales en France de ne pas pouvoir disposer d’une bonne traduction de Hayek, ni des autres grands penseurs libéraux qui écrivaient désormais tous en langue anglaise. Après avoir traduit des extraits de The Road to Serfdom en 1945 (aux éditions Sedif) sous le titre Société Libérale ou collectivisme totalitaire, Raoul Audouin a, en effet, accompli un travail merveilleux en se lançant dans la traduction des trois tomes du livre de Hayek intitulé Droit, législation et liberté.

Parallèlement, il a traduit le livre de Ludwig von Mises intitulé L'Action humaine (Traité d'économie) pour les Presses Universitaires de France. Dans la Collection Libre Échange, les PUF ont publié la traduction en 1985. Raoul Audouin a résumé la portée du livre en ces termes:

"Les chefs de file actuels du libéralisme économique considèrent ce livre comme la référence fondamentale sur l'explication du réel social dégagée par les Classiques, les Utilitariens et les Marginalistes. Mais Ludwig von Mises n'a pas seulement mis en ordre et épuré cet énorme héritage: il l'a enrichi de démonstrations définitives dans tous les compartiments de la théorie des marchés et de la monnaie. Surtout, il a lumineusement expliqué comment les manipulations politiques du crédit entraînent de profondes et complexes dislocations dans le système des prix et les courants d'investissement".

Ces traductions d'ouvrages d'économistes de l'École de pensée économique dénommée "autrichienne" ne doivent pas faire oublier les premières traductions de Raoul Audouin aux éditions Sedif, du livre de F. Delpino intitulé Appel aux hommes libres en 1951, de celui de A. de Graaf, Laissez travailler, laissez circuler en 1954, de Faustino Ballvé, L'économie vivante en 1957.

A fortiori, toutes ces traductions ne faisaient qu'en annoncer d'autres aux PUF, désormais, par exemple celle de Peter Bauer intitulée Mirage égalitaire et tiers-monde en 1984, celle de Bruno Frey, Économie politique moderne en 1985 et celle (révision de la traduction de L. Ranchin-Dundas) de Julian Simon, L'homme, notre dernière chance.

En 1987, il publia la traduction de Irving Kristol, Réflexions d’un néo-conservateur aux PUF.

Après avoir créé en 1992 Le point de rencontre (libéral et croyant), un bulletin trimestriel, dont il sera l'éditorialiste impénitent, il s'est adonné à un travail intensif de traduction.

En 1993, il est revenu à Hayek pour publier la traduction de son livre intitulée La présomption fatale (Les erreurs du socialisme), toujours aux PUF.

L'année suivante, en compagnie de Jacques Garello, il a publié chez Litec une traduction d'un livre que Hayek avait fait paraître en 1960, à savoir La constitution de la liberté pour Litec.

En 2002, il a fait connaître en France Harold Berman : Droit et Révolution, traduit par ses soins, et publié par la Librairie de l’Université (Aix en Provence). Ce livre important récapitule la révolution juridique accomplie par la papauté aux XIe-XIIIe siècles.

En 2004, c'est au tour de Avery Dulles avec « La vérité, socle de la liberté » qu'il a publié dans Le Point de Rencontre, n° 73, février, pp. 3-18.

Sa pénultième traduction, celle du livre de Israël M. Kirzner intitulée Concurrence et esprit d'entreprise a été éditée par Économica en 2005.

La vocation d'entreprendre, de Michaël Novak, et dernière traduction de Raoul Audouin, paraîtra chez François-Xavier de Guibert.

La maîtrise de la littérature de langue anglaise a permis à Raoul Audouin de rendre la politesse aux anglophones. Il a écrit « Providence and Liberty » où il présente (sous les auspices de l'Acton Institute) une traduction des principaux textes de Frédéric Bastiat : les Américains en feront un succès de librairie.

Notes et références

  1. Un site internet propose de faire connaître l'œuvre de Raoul Audouin et, d'une certaine façon, de la poursuivre, Libéral et Croyant
  2. René Berger-Perrin est décédé en 2020 à l'âge de 99 ans.
    • 1965, "Le travail dans une économie de marché. La situation sociale en France", Il politico, Vol 30, n°4, dicembre, pp842-847
    • 1977, "L'emploi dans la France actuelle", Paris: ALEPS

Publications

  • 1946, "La France que vous cherchez", Paris: Éd. Sédif
  • 1975, avec René Berger-Perrin, "Coordonnées pour un remembrement social", APEL, Lyon
  • 1982, Thème et variations sur le Veau d'or, Editorial moneda y credito, Madrid, pp111-121
  • 1984, "Peut-être libéral et Chrétien ?", La Croix, 2 mai 1984
  • 1985, Les Lois de la Liberté, Libéral et Croyant, pourquoi ?, Institut Economique de Paris, Paris
  • 1987, Liberté et spiritualité, In: Henri Lepage et Serge Schweitzer, dir., De l'ancienne économie à la nouvelle économie, Librairie de l'Université, Aix-en-Provence, pp29-34
  • 1998, Vivre libres, ou la splendeur de l'économie, Édition Laurens, Paris, avec une préface de Pascal Salin

Littératures secondaires

  • 1986, Émile Poulat, commentaire du livre de Raoul Audouin, "Les Lois de la liberté. Libéral et croyant, pourquoi?", Archives de sciences sociales des religions, 31e Année, Vol 61, n°2, Apr. - Jun., p227

Liens externes


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