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Droit d'ingérence

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Le droit d'ingérence, terme créé par le philosophe Jean-François Revel en 1979, est la reconnaissance du droit qu'auraient une ou plusieurs nations de violer la souveraineté nationale d'un autre État. En pratique, ce droit s'exerce dans le cadre d'un mandat accordé par une autorité supranationale (mandat qui peut cependant venir a posteriori).

Point de vue libéral

Ce "droit" ne fait pas l'unanimité parmi les libéraux, d'autant plus qu'il a depuis été transformé en "devoir d'ingérence".

D'après Hugo Grotius, le droit naturel, immuable et commun à toutes les époques et à toutes les régions peut imposer une nécessité d'ingérence dans les affaires d'un autre État. Les États étant liés par des obligations internes, leur violation entraîne un droit de résistance à l’oppression en faveur de ses sujets et des obligations internationales pour les États voisins. Pour Grotius, la primauté du droit naturel légitime l'ingérence et les interventions dans les affaires intérieures.

L’exercice de ce droit n’autorise que les guerres justes :

  • guerres défensives destinées à protéger d'une agression la population et le patrimoine de l'État ;
  • guerres coercitives pour punir ceux qui violent le droit des gens, à condition que la violation soit grave.

Point de vue libertarien

La question se pose, d'un point de vue libertarien, de la légitimité d'une intervention armée décidée par les hommes politiques sans qu'il y ait unanimité de consentement en faveur de cette action de la part de la population qu'ils sont censés représenter (et qui en dernier ressort finance cette intervention au travers de l'impôt). En l'absence d'unanimité, cette intervention est illégitime. Les libertariens sont donc par nature, si ce n'est isolationnistes, du moins en faveur d'une politique étrangère non interventionniste.

L'autre problème que pose le « droit d'ingérence » est qu'il peut servir à justifier n'importe quelle action belliqueuse contre un pays étranger :

  • les conquérants ont constamment trouvé, comme prétexte à leurs guerres d'invasion, la volonté de "libérer les populations" (par exemple Napoléon, en 1798, mène la campagne d’Égypte et prétend dans ses proclamations libérer la population des Mamelouks, chefs militaires au service de l'Empire ottoman ; de même la Chine envahit le Tibet en 1950 au prétexte de le « libérer »)
  • au XIXe siècle, on parlait alors d'« intervention d'humanité » : les Européens appelaient ainsi leurs actions pour aller, officiellement, sauver les chrétiens vivant en Turquie, mais officieusement, pour déstabiliser le sultan Abdülhamid II ;

Dans un monde purement anarcho-capitaliste, sans monopole étatique de la sécurité, on peut très bien imaginer que des volontaires de tous pays se coalisent pour entreprendre une guerre contre un dictateur quelconque, et cela à leur propre risque et à leurs propres frais (en l'absence de soutien étatique et avec un refus de couverture prévisible de la part des assurances privées) : ce serait la seule façon légitime de pratiquer le droit d'ingérence.

François Guillaumat estime cependant qu'étant donné que « la politique internationale traite par définition de relations complexes entre bandes de criminels » (les États), il est impossible de ne pas prendre parti, car l'inaction, comme l'action, a des conséquences. Un libertarien peut donc, selon lui, être amené à approuver une guerre déclenchée par un État.

De même, le libéral néo-conservateur Guy Millière étend le concept de « guerre juste » pour « prendre en compte la complexité et la dangerosité du monde » :

«  Dans un monde où il existe des régimes totalitaires, des fanatiques, des terroristes, la défense implique d'endiguer ces régimes, ces fanatiques et ces terroristes, voire de les mettre hors d'état de nuire s'il est avéré qu'ils s'apprêtent à nuire. »

Pour Ayn Rand la guerre contre une dictature est toujours justifiée :

«  Les dictatures sont des nations hors-la-loi. Toute nation libre avait le droit d'envahir l'Allemagne nazie et, aujourd'hui, a le droit d'envahir la Russie soviétique, Cuba ou n'importe quel autre enclos d'esclaves. »
    — Ayn Rand, La Vertu d'égoïsme

Ce à quoi un libertarien pourrait répliquer que tout État, « dictature » ou non, est une nation « hors-la-loi », et que par conséquent, la population reste dans l'esclavage, peu importe la forme du gouvernement en place. Tant qu'on n'est pas soi-même agressé, il n'y a aucun raison de combattre un mal (par exemple un régime dictatorial) par un autre mal (la conscription, la guerre financée par l'impôt).

Citations

  • «  Le devoir fondamental d’un État est la protection de la vie, de la liberté et de la propriété de ses citoyens sur son propre territoire. Si l’Etat poursuit ses menées au-delà de ces quelques prérogatives, il ne peut le faire qu’en accaparant le patrimoine, les revenus et les ressources de certains individus pour les redistribuer à d’autres par une ingérence coercitive. Soit nous choisissons l’égale protection des droits individuels pour tous, soit nous privilégions une société où les privilèges des uns sont financés par l’appropriation des ressources des autres. »
        — Richard Ebeling

  • «  Dans un monde où il existe des régimes totalitaires, des fanatiques, des terroristes, la défense implique d’endiguer ces régimes, ces fanatiques et ces terroristes, voire de les mettre hors d’état de nuire s’il est avéré qu’ils s’apprêtent à nuire. »
        — Guy Millière

  • «  Il est important de se rappeler que l'ingérence de l'Etat signifie toujours soit un acte violent, soit la menace d'un tel acte. L'Etat est en dernier recours l'emploi d'hommes armés, de policiers, de gendarmes, de soldats, de gardiens de prison et de bourreaux. La caractéristique essentielle de l'Etat est l'application de ses décrets par l'usage des coups, la mort et l'emprisonnement. »
        — Ludwig von Mises, Economic Freedom and Interventionism

Informations complémentaires

Voir aussi

Liens externes


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