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Afghanistan
L'Afghanistan est un pays d’Extrême Orient, situé au carrefour de quatre aires civilisationnelles : la Russie au nord, l'Inde au sud, l'Iran à l'ouest et la Chine à l'est. Surnommé le cimetière des empires pour les nombreuses déconvenues militaires de ses conquérants (Grande Bretagne, URSS, États-Unis), l'Afghanistan est aussi, paradoxalement, le berceau des empires : Achéménides, Gréco-bactriens, Koushans, Huns Hephthalites, Saffarides, Samanides, Ghaznévides, Ghorides, Ilkhan mongols, Timurides, Séfévides et Durrani. Son territoire aride et montagneux est parcouru par la chaîne de l'Hindu Kush (« tueuse d'hindous ») dans le sens de la longueur. La population afghane se décompose en différentes ethnies : pashtoune [1] (40 %), tadjiks (40 %), hazara (10 %) puis turcs, nouristani, baloutches (au sud) et quelques sikhs. La plupart des Afghans ont pour confession l'islam sunnite de rite hanéfite (sauf les hazara qui sont chiites). Les deux langues principales sont le pashto et le persan (pour les tadjiks et les hazara). L'ethnie majoritaire, les pashtounes, se subdivise en tribus puis en clans plus restreints qui se fondent sur un ancêtre commun masculin. L'histoire récente du pays est marquée par une rivalité entre les tribus Durrani et Ghilzai.
Histoire
Antiquité
Le territoire actuel de l’Afghanistan correspond aux provinces de l'Empire achéménide suivantes : l'Arachosia, l'Aria, l'Ariana, la Bactria et le Gandhara. À la suite des conquêtes d'Alexandre le Grand, la région passe sous le contrôle du royaume greco-bactrien lorsque Diodote s'émancipe de la tutelle séleucide. La capitale du royaume gréco-bactrien est Balkh, la langue de l'administration est le grec ancien, et la langue locale, le bactrien, est hellénisée via l'adoption de l'alphabet grec et des emprunts linguistiques, dont certains se retrouvent encore dans le pashto moderne. Une culture originale se développe, syncrétisme des apports grec, persan et hindou [2], ainsi que les fameuses routes de la soie qui firent la fortune de l'Asie centrale. Fortune à la fois matérielle et intellectuelle, car les marchandises cheminent de pair avec les religions et les idées, le bouddhisme se diffusera en Afghanistan depuis l'Inde et se propagera via les caravanes vers la Chine. Les routes caravanières en direction de la Chine connaitra un age d'or fabuleux avant d'entamer un certain recul lors de la conquête islamique.
La Conquête islamique
La conquête islamique du VIIe siècle fait passer l'Afghanistan de la sphère culturelle hindoue et de la religion bouddhiste à celles de l'islam. Les conquérants se succèdent dans la région, qui sert d'avant-poste pour la conquête de l'Inde : Sultanat de Ghazni au XIe siècle , Mongols XIIe siècle, et enfin Tamerlan au XVe siècle. Ses successeurs timourides régnèrent sur la principauté d'Herat, haut lieu de culture (algèbre d'Al-Kashi, miniature, spéculation mystique, poésie de langue persane). Il est d'ailleurs intéressant de noter la coïncidence temporelle entre la Quatrocentto italien et la renaissance timouride. En outre, des échanges commerciaux avec l'Italie sont attestés par les témoignages de Pegolotti, l'Atlas catalan et des portulans. La splendeur de Herat connaîtra un chant du cygne sous le dernier timouride, Husayn Bayqara Mirza, qui régna jusqu'en 1506, et dont la cour attire sages, poètes (Jami et Ali-Shir Nava'i) et peintres. Après la perte des terres familiales, depuis sa capitale Kaboul, son cousin Babur s'élancera à la conquête de l'Hindoustan à partir de 1526. Sous son règne et celui de sa dynastie, les grands Moghols, les cercles littéraires et artistiques se déplacent de Samarcande et Herat à Agra et Delhi.
L'émirat Durrani
En 1747, une tribu de montagnards semi-nomades, les pashtounes, de langue indo-iranienne, soumettent la région depuis leur base de Kandahar dans l'est du pays, sous la houlette d'un lieutenant de Nadir shah, Sadozai. Celui-ci s'intronise comme Ahmad khan et fonde la dynastie des Durrani, dont la capitale est Kandahar puis Kaboul.
Les chefs pashtounes s'étaient déjà rebellés contre le shah Sefevide dont ils assiègent la capitale Ispahan en 1721/1722. Le dernier souverain de la dynastie Séfevide, Hossein, est fait prisonnier, mais le général Nadir Khan se met au service du prétendant Sefevide, met en déroute les pashtounes et exécute leur chef à Kandahar en 1730. Nadir Khan s'attelle ensuite à restaurer l'Empire perse, est couronné shah en 1736, puis reprend Kandahar en 1737. Convoitant les vastes richesses de l'Empire moghol qu'il sait en déclin, Nadir Shah s'empare de Delhi qu'il livre au pillage en 1738-1739, et ramène avec lui les trésors de l'Inde, notamment le trône du Paon. Il soumet ensuite les Ouzbeks de Boukhara, et repart à l'ouest lutter contre les Ottomans. Il finit assassiné par son entourage lors d'une campagne au Khorassan le 20 juin 1747.
Le nouvel émir Durrani cherche à étendre son empire vers l'Inde, mais il est vaincu par les sikhs dans le Pendjab, vers l'Iran, en conquérant Herat et ses alentours, et enfin vers le nord de l'Amou Darya en prenant les possessions méridionales des souverains de Boukhara (Balkh et Khorassan oriental). Dans l’émirat afghan, on parle essentiellement le dari, langue de cour (forme archaïque de persan), et le pashtoune.
Le Grand jeu
L'émirat Durrani se trouve pris en étau : au nord, les khanats des steppes d'Asie centrale(Boukhara, Khiva)sont sous domination russe tandis qu'au sud se trouve le Raj britannique. Les deux puissances cherchent à exercer leur influence dans la région mais sans s'affronter directement : c'est le Grand jeu. En effet, il s'agit tout à la fois d'intérêts stratégiques et d'une affaire de prestige : les Britanniques souhaitent protéger la route des Indes, les Russes voudraient se rapprocher des mers chaudes. Les Britanniques parviennent initialement à remplacer l’émir afghan pro-russe et à occuper Kaboul, mais en 1841-1842, la révolte de la ville puis une déroute militaire ruinent l'influence des Anglais en Afghanistan (Alexandre Burnes meurt lors de la retraite vers Djalabad en janvier 1842).
En 1876, les événements balkaniques, la répression des révoltes de la Bosnie puis de la Bulgarie provoquent l'intervention de l'Empire russe, tendent les relations russo-britanniques. En février 1878, les Russes sont aux portes de Constantinople, que protège une flotte anglaise. Au traité de San Stefano, l'Empire russe exige d'amples concessions territoriales qui rompraient l'équilibre des puissances. Un conflit s'annonce, et Constantin Kauffman, gouverneur général du Turkestan russe, projette des plans d'invasion des Indes via l'Afghanistan dont il cherche à s'attirer le soutien. La tension retombe finalement avec le congrès de Berlin qui tempère les velléités de conquêtes russes.
Mais Kauffman n'en a cure et négocie un traité d'amitié avec l'émir afghan Shir Ali Khan. Les Britanniques réagissent, envoient un ultimatum puis marchent sur Kaboul le 21 novembre 1878 : c'est la seconde guerre anglo-afghane. L'armée britannique s'empare du pays, détrône l'émir et installe son fils, Mohammad Yakub Khan, qui abandonne toute prérogative en matière de diplomatie extérieure. Or, le 3 septembre 1879, intervient une nouvelle révolte à Kaboul, qui provoque la mort du résident anglais Louis Cavagnari et un nouvelle intervention. Les Britanniques, par vengeance, procèdent à des exécutions sommaires qui terrifient la population. Le corps expéditionnaire, assiégé, livre bataille le 23 décembre 1879, et réalise un véritable carnage : 3000 morts afghans contre 5 morts seulement du côté britannique. Ils renoncent néanmoins à occuper le pays et misent sur l'installation d'un émir plus conciliant, cousin du précédent.
Le 22 juillet 1880, le nouvel émir Abdur Rahman Khan est intronisé. Mais il doit encore affronter son cousin et rival Ayub Khan, maître de Herat, qui inflige une sévère défaite aux Britanniques le 27 juillet à Maiwand, puis s'en va assiéger Kandahar. Cette dernière est délivrée le 1er septembre par des renforts de Kaboul. Les Britanniques confient ensuite Kandahar à Abdur Rahman Khan, qui s'engage à n’entretenir de relations extérieures qu'avec la couronne britannique. En 1887, une commission fixe la frontière des zones d'influences entre Russie tsariste et empire britannique. L’Afghanistan conserve une certaine indépendance mais au prix d'un isolement géographique et culturelle et d'un certain archaïsme.
XXe siecle
Au début du XXe siècle, les élites occidentalisées amorcent une modernisation, le pays est peu urbanisé, la mortalité infantile reste élevée en campagne, une hiérarchie très rigide organise les villages qui sont très croyants. La famine de 1973 discrédite la monarchie, et en 1973 un coup d’État instaure une république. L'Afghanistan est un membre fondateur des pays non-alignés (Conférence de Bandoeng de 1955), dans la droite lignée de sa neutralité entre Britanniques et Russes, jusqu'à l'invasion soviétique du 27 décembre 1979.
L'invasion soviétique
L'invasion de l’Afghanistan par l'URSS répond à des objectifs politiques et stratégiques.
Au niveau politique, il s'agit d'empêcher la chute du gouvernement communiste afghan car « le processus révolutionnaire est irréversible ». Bien que très minoritaire, le parti communiste afghan avait pris le pouvoir par un coup d’État militaire le 27 avril 1978 et menait depuis lors une politique de terreur : « Nous ne laisserons qu'un million d'Afghans vivants, c'est suffisant pour construire le socialisme » aurait déclaré le commandant d'un camp d'internement dans la banlieue de Kaboul. Cette répression entraîne des révoltes qui mettent a mal le parti, d'où l'intervention.
Au niveau stratégique, l'URSS cherche à se rapprocher des mers chaudes, notamment du golfe Arabo-persique par lequel transite le commerce pétrolier, objectif constant de la diplomatie russe. L'URSS reproduit donc la politique impérialiste de la Russie tsariste : déjà en 1900 l'émir afghan Abdur Rahman s'inquiétait des conquêtes russes dans le Turkestan et comparaît la progression des armées à la démarche d'un éléphant « qui examine soigneusement le sol avant d'y poser le pied mais qui une fois posé ne recule plus. Au contraire sans se presser et avancer tout de suite, il pèse de tout son poids sur ce premier pied jusqu'à ce qu'il ait écrasé tout de ce qui se trouve en dessous ».
La conquête puis l'occupation du pays par l'Armée rouge sont l’occasion d'une répression sanglante et de nombreux crimes de guerre. Après avoir écrasé brutalement les résistances des Tchèques et des ouvriers polonais, l’URSS pense pouvoir aisément se défaire de la résistance des paysans afghans fanatisés. Le massacre de Padkhwab-e Shana du 13 septembre 1982 devient le symbole des crimes de guerre soviétiques : l'Armée rouge enfume des villageois partis se mettre à l'abri dans des conduits souterrains avec du gazole ou des gaz toxiques, puis fait exploser les canaux. En outre, la guerre conduit à l'exode de 4 millions de personnes, principalement au Pakistan. On estime qu'environ un quart de la population est partie en exil.
Pour faire oublier ses crimes et exactions, l'URSS joue sur la propagande du libérateur d'Afghans sous-développés, ruraux, féodaux et fanatiques. Si bien que son invasion constituerait malgré tout une forme de progrès. Bien que les partis socialistes européens condamnent en majorité l’invasion perçue comme une forme d’impérialisme et de colonialisme, certains adhèrent aux discours soviétiques. Le secrétaire général du PCF, Georges Marchais félicite l’URSS de mettre fin en Afghanistan à des pratiques barbares comme le droit de cuissage[3]. Pierre Zarka, responsable des jeunesses communistes de France, excuse l'invasion par l’Armée rouge et la violation du droit international par l'enthousiasme révolutionnaire, puisqu'il s'agissait de fermer les « marchés d'esclaves ». Or l'esclavage était aboli depuis 1895 [4]. Enfin, Le Monde diplomatique de septembre 1983 décrit les paysans résistant à l'invasion de leurs terres comme des rebelles. Tout comme les Indiens d'Amérique furent condamnés au bûcher par les conquistadors pour motif de rébellion alors qu'ils venaient de découvrir l'existence du roi des Espagnes. Bartolomé de Las casas déclarait pourtant qu'il ne peut y avoir de rebelles là ou il n'y a pas de sujets.
Enfin certains, plus ambigus, soutiennent l’URSS par souci de la cause féminine. Dans un article de Libération du 1er août 1980, Jill Tweed regrette l'invasion illégale du pays, mais se demande si en tant que féministe elle ne devrait pas plutôt soutenir l’Armée rouge « pour défendre le droit des femmes », plutôt que les rebelles musulmans prônant le voile islamique. Au contraire, Michael Barry remarque que cela revient à oublier que les Afghans résistent contre l'oppression étrangère, et non contre le droit des femmes, et que le régime afghan renversé n’était pas théocratique et intégriste mais royal et d'inspiration laïque et occidentale. En effet, il y avait eu au cours du XXe siècle des réformes progressives vers l’émancipation des femmes : le voile devient facultatif en 1959, il y a un fort développement des écoles pour filles, et l'université devient mixte. Il reconnait toutefois que l’Afghanistan redevenu indépendant s'attaquera aux droits des femmes car les élites progressistes et féministes ont fui le pays ou ont été exécutées par les Soviétiques, dont l'invasion [5] a paradoxalement renforcé les intégristes, devenus champions de l'indépendance nationale.
Bibliographie
- Mir Afghan, L'Afghanistan l'aigle en cage, 2001
- Michael Barry, Le royaume de l'insolence, 2002
- Pierre Chuvin, Histoire de l'Asie centrale contemporaine, 2008
Notes
- ↑ les pashtounes constituent l'ethnie majoritaire, qui donne son nom au pays
- ↑ on peut voir à Bamyan deux gigantesques bouddhas sculptés à même la falaise, symbole de l'Afghanistan pré-islamique
- ↑ qui n'a jamais existé dans ce pays islamique
- ↑ la Russie ayant interdit quant à elle le servage en 1862
- ↑ de même que l'invasion ultérieure des Américains
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