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Clarence Ayres

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Clarence Ayres (1891-1972) était un économiste institutionnaliste et philosophe social américain. Né à Lowell, Massachusetts, il a développé une pensée économique influencée par ses études à Brown University et à l'Université de Chicago, où il a été imprégné par l'environnement institutionnaliste et le pragmatisme de John Dewey. Il a contribué de manière significative à l'économie institutionnaliste américaine, remettant en question les approches orthodoxes et mettant l'accent sur l'importance des institutions, de la technologie et des valeurs sociales dans le processus économique. Il a élaboré sa vision dans des œuvres majeures telles que "The Theory of Economic Progress" (1944) et "The Industrial Economy" (1952). En plus de son impact académique, Clarence Ayres a également été un penseur social engagé, proposant des idées novatrices telles que le concept de revenu négatif pour lutter contre les problèmes de demande insuffisante. Son héritage s'étend au-delà de l'économie, touchant des domaines tels que la philosophie sociale, la politique et l'éthique.

Contexte et Formation Intellectuelle de Clarence Ayres

Clarence Ayres, figure majeure de l'institutionnalisme économique américain, a vu ses fondations intellectuelles prendre forme au croisement de son éducation formelle et de son immersion dans l'environnement institutionnaliste de l'Université de Chicago et de Brown.

  • . Éducation à Brown et à l'Université de Chicago. Clarence Ayres amorça son parcours académique à l'université Brown, obtenant da licence en 1912. Toutefois, son appétit pour la connaissance le ramena à Brown, où il décrocha son diplôme de Master en 1914. La transition cruciale s'opéra avec son passage à l'Université de Chicago, où il se plongea dans des études supérieures en philosophie et en économie. L'apogée de son parcours fut marquée par l'obtention de son doctorat en philosophie économique en 1917. Cette éducation formelle diversifiée servit de terreau à une approche multidisciplinaire. L'Université de Chicago, berceau du mouvement institutionnaliste, planta les graines d'une perspective avant-gardiste qui devait façonner le reste de la carrière d'Ayres.
  • . Influence de John Dewey et de l'environnement institutionnaliste de Chicago. Bien que John Dewey ait quitté Chicago avant l'arrivée d'Ayres, son influence perdura. Clarence Ayres adopta la variante deweyienne du pragmatisme, marquant profondément sa pensée. L'environnement institutionnaliste à Chicago, avec des éminences telles que Thorstein Veblen, John R. Commons et Wesley C. Mitchell, insuffla à Ayres une perspective institutionnaliste durable.
  • . Engagement avec la pensée pragmatiste et institutionnaliste américaine. L'influence majeure de John Dewey, à travers des œuvres comme "Studies in Logical Theory" (1903), orienta Ayres vers une approche pragmatiste. Cette approche a pour caractéristique d'accentuer la résolution de problèmes concrets par l'action. Ayres s'immergea dans les idées institutionnalistes et assimila des concepts clés, tels que la critique des institutions traditionnelles, l'importance des valeurs sociales et la reconnaissance de l'évolution technologique. La fusion des idées pragmatistes et institutionnalistes forgea son originalité intellectuelle.

Fondements Théoriques de la Pensée de Clarence Ayres : Une Édification Institutionnaliste

  • . Construction Progressive de sa Théorie Institutionnaliste. Clarence Ayres a entrepris une démarche intellectuelle méthodique pour élaborer sa théorie institutionnaliste. Initialement exposé dans ses premiers ouvrages, tels que "Science: The False Messiah" (1927) et "Holier Than Thou: The Way of the Righteous" (1929), son cadre conceptuel a évolué au fil du temps. Ces premiers écrits posent les jalons d'une réflexion qui s'enracine dans la remise en question des valeurs traditionnelles face à l'avancée technologique.
  • . Influence de Walton H. Hamilton. L'influence majeure de Walton H. Hamilton, disciple éminent de Veblen, fut déterminante dans la formation de la pensée d'Ayres. Ayant travaillé ensemble à Amherst, Walton Hamilton a contribué à façonner la vision institutionnaliste d'Ayres. De même, l'héritage intellectuel de Thorstein Veblen, l'un des pionniers du mouvement institutionnaliste, a laissé une empreinte profonde.
  • . Développement d'un Système Théorique Original. Ayres ne se contente pas d'adopter les idées de ses prédécesseurs, mais les synthétise pour construire un système théorique original. Sa pensée institutionnaliste se démarque par son caractère novateur, émergeant comme une réponse unique aux défis posés par l'évolution sociale et technologique. Cette originalité se cristallise dans des œuvres majeures comme "The Theory of Economic Progress" (1944), "The Industrial Economy" (1952), et "Toward a Reasonable Society" (1961).
  • . Importance Centrale de la Relation entre Science, Technologie et Valeurs. Au cœur de la pensée d'Ayres réside la conviction profonde que la science et la technologie sont des moteurs essentiels du progrès social. Dans "Science: The False Messiah," Ayres explore la manière dont la croissance rapide de la technologie subvertit les valeurs traditionnelles, soulignant l'importance cruciale de la technologie industrielle dans la transformation des civilisations. La liaison entre science, technologie, et valeurs devient un fil conducteur, articulant la compréhension d'Ayres des forces motrices du changement social.
  • . Exploration des Exigences Morales de l'Ordre Social. Un aspect distinctif de la pensée d'Ayres réside dans son exploration des exigences morales de l'ordre social. Dans ses premiers travaux, il met en lumière comment l'interaction entre les institutions et la technologie influe sur les valeurs morales et éthiques de la société. Ayres va au-delà des considérations purement économiques en se penchant sur la question cruciale des fondements moraux qui sous-tendent l'ordre social. Cette dimension éthique enrichit son institutionnalisme, en l'élevant au-delà d'une simple analyse économique.

En somme, les fondements théoriques de la pensée de Clarence Ayres sont le résultat d'une construction intellectuelle progressive, influencée par des penseurs institutionnalistes majeurs, mais transcendée par la créativité et l'originalité d'Ayres lui-même. Son exploration de la relation entre science, technologie, valeurs, et exigences morales imprègne sa théorie institutionnaliste d'une profondeur et d'une pertinence durables.

Convergence inattendue entre l'Analyse Institutionnelle de Clarence Ayres et l'École Autrichienne

Lorsqu'on examine l'analyse institutionnelle de Clarence Ayres et celle de l'École autrichienne d'économie, quelques points de convergence surprenants émergent, soulignant des similitudes fondamentales dans leurs critiques de l'orthodoxie économique et leur reconnaissance commune de l'importance des institutions et des dynamiques sociales.

  • . Critique des Approches Orthodoxes de l'Économie. Clarence Ayres, tout comme les représentants de l'École autrichienne tels que Ludwig von Mises et Friedrich Hayek, se distingue par sa critique franche des approches orthodoxes de l'économie. Rejetant les modèles simplistes et les dogmes rigides, Ayres et les Autrichiens partagent une aversion commune envers les approches néoclassiques centralisées et planifiées qui caractérisent souvent la pensée économique conventionnelle. Leur critique commune vise à dépasser les limitations des modèles mathématiques rigides et à réintégrer la complexité inhérente à la réalité économique.
  • . Reconnaissance de l'Importance des Institutions dans la Compréhension Économique. Un autre point de convergence majeur réside dans la reconnaissance partagée de l'importance cruciale des institutions dans la compréhension économique. Ayres, dans sa vision institutionnaliste, insiste sur le rôle fondamental des institutions dans la dynamique sociale et économique. De même, l'École autrichienne met l'accent sur le rôle central des institutions, considérant les règles et les structures sociales comme des éléments essentiels dans la formation des résultats économiques. Cette convergence met en lumière leur préoccupation commune pour une analyse approfondie des mécanismes institutionnels qui façonnent les comportements individuels et collectifs.
  • . Prise en Compte des Changements Sociaux et Technologiques. Les deux perspectives reconnaissent également l'impact significatif des changements sociaux et technologiques sur les dynamiques économiques. Ayres, avec son insistance sur la relation entre la science, la technologie et les valeurs, souligne l'importance des transformations technologiques dans le remodelage des valeurs et des institutions sociales. De manière similaire, l'École autrichienne, avec son attention particulière aux processus spontanés du marché, reconnaît que les évolutions sociales et technologiques font partie intégrante du processus évolutif de l'économie.

En résumé, bien que provenant de traditions intellectuelles différentes, l'analyse institutionnelle de Clarence Ayres et celle de l'École autrichienne convergent sur plusieurs points essentiels. Leur critique partagée des approches orthodoxes, la reconnaissance de l'importance des institutions et la prise en compte des changements sociaux et technologiques soulignent une confluence inattendue qui enrichit le paysage de la pensée économique. Cette convergence offre des perspectives complémentaires pour une analyse économique plus adaptative.

Domaines d'Opposition entre l'Approche de Clarence Ayres et l'Institutionnalisme Autrichien

Malgré certaines convergences, des domaines d'opposition irréconciliables émergent entre l'approche de Clarence Ayres et l'institutionnalisme autrichien, mettant en lumière des divergences fondamentales dans leurs perspectives sur la technologie, la philosophie sociale, la subjectivité des valeurs économiques, l'analyse économique et le rôle des droits de propriété.

  • . Impact Moral de la Technologie sur les Valeurs. Clarence Ayres met l'accent sur l'impact moral de la technologie sur les valeurs sociales. Il explore de manière approfondie la manière dont l'évolution technologique influe sur les systèmes de croyances et les valeurs éthiques d'une société. Bien que l'institutionnalisme autrichien reconnaisse l'impact de la technologie, son approche se concentre davantage sur les ajustements spontanés du marché.
  • . Intégration de la Philosophie Sociale dans l'Institutionnalisme. Clarence Ayres intègre activement la philosophie sociale dans son institutionnalisme. Il explore les dimensions éthiques et morales des changements sociaux et économiques, soulignant l'importance de comprendre la dynamique entre la technologie et les valeurs. Bien que l'institutionnalisme autrichien puisse aborder des questions philosophiques, il rejette souvent les approches moralisatrices au profit d'une analyse économique basée sur des principes comme la subjectivité des valeurs, l'action humaine et la coordination spontanée du marché.
  • . Insistance sur les Droits de Propriété dans leur Rôle de Stabilisation et de Développement. Bien que reconnaissant l'importance des droits de propriété, Clarence Ayres met davantage l'accent sur l'impact évolutif des institutions et des technologies, sans nécessairement insister sur les droits de propriété comme principal mécanisme stabilisateur. L'institutionnalisme Autrichien accorde une place centrale aux droits de propriété en tant que mécanisme crucial pour la stabilité et le développement économique.

En conclusion, les oppositions entre Clarence Ayres et l'institutionnalisme autrichien révèlent des différences philosophiques et méthodologiques dans leur approche de la technologie, de la philosophie sociale, de la subjectivité des valeurs, de l'analyse économique, et du rôle des droits de propriété dans la stabilité économique.

Informations complémentaires

Publications

  • 1927, "Science: The False Messiah", Clifton, N.J.: Kelley
    • Repris en 1973 joint avec "Holier Than Thou"
  • 1929, "Holier Than Thou: The Way of the Righteous", Clifton, N.J.: Kelley
    • Repris en 1973 joint avec "Science: The False Messiah"
  • 1932, "Huxley", New York: Norton
  • 1938, "The Problem of Economic Order", New York: Farrar & Rinehart
  • 1944, "The Theory of Economic Progress"
    • 2ème édition en 1962 (nouvelle préface de Clarence Ayres)
    • 3ème édition en 1978, Kalamazoo: New Issues Press of Western Michigan University (inclus une nouvelle introduction de Louis Junker et le "Ayres addendum")
  • 1946, "The Divine Right of Capital", Boston: Houghton Mifflin
  • 1952, "The Industrial Economy: Its Technological Basis and institutional Destiny", Boston: Houghton Mifflin
  • 1961, "Toward a Reasonable Society: The Values of Industrial Civilization", Austin: Univ. of Texas Press
    • Edition paperback en 1978

Littérature secondaire

  • 1973, William Breit, "The Development of Clarence Ayres's Theoretical Institutionalism", Social Science Quarterly, Vol 54, pp244-257
  • 1977, Warren J. Samuels, "The Knight-Ayres Correspondence: The Grounds of Knowledge and Social Action", Journal of Economic Issues, Vol 11, pp485-525
  • 1978, Donald A. Walker, "The Economic Policy Proposals of Clarence Ayres", Southern Economic Journal, Vol 44, pp616-628
  • 1979, William Breit, "Ayres, Clarence E.", In: David L. Sills, dir., "International Encyclopedia of the Social Sciences: Bilgraphical Supplement", Vol 18, New York: Free Press, pp33-35
  • 2015, Clive Lawson, "Order and process in institutionalist thought: Commons and Ayres", Cambridge Journal of Economics, Vol 39, n°4, July, pp1053-1069