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Bioéthique
La bioéthique est un ensemble de réflexions et pratiques liées à des questions d'éthique apparue au XXe siècle suite aux évolutions et interrogations suscitées par le développement de la biomédecine et des technosciences.
Définition
Le terme de Bioéthique est forgé en 1970 par le cancérologue américain Van Rensselaer Potter dans son article Bioethics, the science of survival, puis dans son livre Bioethics, bridge to the future. Son ambition d'origine est de travailler à la création d'une nouvelle discipline liée aux questions de la survie de l'espèce humaine en combinant éthique et sciences de la vie.
L'expérimentation humaine dans le domaine médical et scientifique a toujours généré des préoccupations et des controverses. Avec le progrès scientifiques et ses applications en médecine, certaines questions se sont soulevées, questions que le savoir et la déontologie médicale traditionnelle n'étaient plus en mesure de répondre d'une façon unilatérale. La pratique médicale a toujours été confrontée à différents sujets sensibles concernant les différents stades de la vie jusqu’à l'accompagnement du malade en fin de vie.
Par conséquent, la bioéthique et l'éthique médicale traite des sujets tels que :
- Le principe d'autonomie du patient et le rôle du consentement libre et éclairé.
- Le secret médical et le respect de la confidentialité dans l'intérêt du patient et/ou sa famille.
- Les pratiques sur l'utilisation du corps humain, le statut et le droit de disposer de son corps et sa personne
- Les problèmes éthiques liés aux techniques de procréation (insémination artificielle, fécondation in vitro, etc.), le don et la transplantation d'organes, la réanimation, l'acharnement thérapeutique, le brevetage du vivant, la recherche sur l'embryon humain, la reproduction génétique et les techniques de clonage d'ADN, etc.
Les principaux principes de la bioéthique
Les principes de la bioéthique fixent les limites de l'exercice et expérimentation médicales tout en déterminant les recherches appropriées sur les sujets humains. L'expérimentation médicale nazie, consistant à se servir d'êtres humains comme cobayes pour justifier des actes criminels inacceptables, a révélé les dérives de la science et en particulier de la recherche médicale. Les crimes perpétrés par des médecins nazis, au nom d'idées comme l’hygiène raciale ou de sélection humaine, ont éveillé un profond sentiment de malaise et désolation. Il était alors devenu évident que la science médicale ne devait et ne pouvait pas promouvoir des objectifs idéologiques néfastes, que l'exercice de tout acte médical ne doit être fait au mépris de toute considération morale et humaine.
Le Rapport Belmont, publié en 1978 aux Etats-Unis par la National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research, est le résultat de longs débats et discussions déroulés en 1976 qui ont débouché sur une déclaration des principes éthiques fondamentaux liés à la recherche biomédicale. Ce rapport énonce quatre principes clés qui doivent régir la recherche et les décisions médicales :
- Principe d'autonomie : règle du "consentement éclairé" et du respect des décisions des patients ; refus d'un paternalisme médical
- Principe de bienfaisance : tout acte médical doit être pratiqué au bénéfice du patient, les actes de soin doivent prendre en compte les risques et les bénéfices associés.
- Principe de non-malfaisance : éviter le maximum de risques possibles, selon le primum non nocere d'Hippocrate
- Principe de justice : l'allocation des résultats de la recherche ne doit pas faire de discrimination et avantager exclusivement les plus favorisés.
Tous ces principes sont liés entre eux et s'imposent dans les relations entre médecins et patients. Bien que l'attitude de bienveillance fasse partie de la déontologie professionnelle médicale, elle doit aussi prendre en compte, d'une façon calculée, le principe d'autonomie du patient. Le principe d'autonomie du patient implique la capacité de discernement et choix de celui-ci. Cette capacité dépend du lien de confiance établi avec le corps médical, l'information et la connaissance rendue au patient, l'appréciation sur l'intervention prévue, ses conséquences et éventuels moyens de les éviter. Aucune évaluation d'ordre éthique doit écarter la participation des acteurs engagés, aucune considération ne doit être négligée afin de ne pas priver le patient de son autonomie de décision.
Tendances
Les principales approches ou tendances en bioéthique sont les suivantes :
- L'utilitarisme, prise en compte des exigences de bien-être général, minimisation des facteurs de souffrance, logique distributive selon les intérêts de la société, notion de service public de la santé et calcul des bénéfices pour la collectivité.
- Le déontologisme fondé sur la pratique médicale, prise en compte des notions d'autonomie du sujet, l'acte médical doit être considéré par devoir et respect de la dignité de la personne.
- L'écologie, prend en compte l'insertion du patient dans un environnement protecteur contre toute dérive d'ordre technicienne, assimilation du corps humain à un écosystème, écologie humaine intégrale.
Le principisme (principlism) repose sur la synthèse entre une approche conséquentialiste et déontologique. L'action médicale serait ainsi jugée sur la base de résultats, objectifs et conséquences mais aussi sur les devoirs, impératifs et obligations.
Position libertarienne
La position libertarienne se fonde sur l'axiome de non-agression et la propriété de soi-même.
Elle privilégie toujours le consentement, aussi bien des patients que du personnel médical ou des chercheurs. Elle en vient à adopter les positions suivantes :
- L'entière liberté de disposer de son corps, tout en respectant les principes de responsabilité : à ce titre, devraient être autorisés le don d'organes, la vente d'organes, l'avortement, l'euthanasie volontairement considérée et choisie, l'usage des drogues
- Liberté entière du corps médical, refus d'une médecine étatisée
- Refus de l'étatisation de la science, des hôpitaux, des organismes de recherche
- Incomparabilité des préférences : une décision éthique doit s'interdire de privilégier les avantages d'une personne quand ils sont acquis aux dépens d'une autre non consentante
- Refus des arguments fondés sur une "dignité" humaine ou un "intérêt commun" quand ils s'opposent à des choix individuels non agressifs
Le philosophe américain H. Tristram Engelhardt, Jr. défend une bioéthique libertarienne qui admet la relativité de toute morale et qui repose sur deux principes :
- Principe d'autonomie : refus de l'emploi de la force contre des individus pacifiques, respect des choix non agressifs
- Principe de bienfaisance : agir selon le bien, mais sans imposer une vue particulière de ce qu'est le "bien". Ce principe est donc limité par un principe de non-malfaisance.
Il s'agit plus ou moins des trois premiers principes du "Rapport Belmont" de 1978 et des Principles of Biomedical Ethics (Beauchamp & Childress 1979), mais Engelhardt considère que l'ensemble des 4 principes repose sur une morale établie par la loi et les politiques publiques, et sur l'illusion qu'il peut exister une éthique partagée par tous alors que notre époque est caractérisée par un "pluralisme moral"[1].
Le principe d'autonomie est primordial. Il nie tout "droit à recevoir des soins" que pourrait imposer le principe de bienfaisance, ainsi que tout système de soins basé sur la redistribution étatique via la taxation.
Sujets liés
La bioéthique intervient naturellement dans de nombreuses questions d'ordre éthique :
- avortement
- droit animal
- euthanasie
- suicide
- vente d'organes
- eugénisme
- droit à la vie
- psychologie
- drogues
- sexe
- transhumanisme
- OGM
- biopolitique
Bibliographie
- Principles of Biomedical Ethics, Beauchamp & Childress, 1979
- The Foundations of Bioethics, H. Tristram Engelhardt, Jr., New York: Oxford University Press, 1986
- Bioethics-Opportunities, Risks, and Ethics: The Privatization of Cancer Research, Robert K. Oldham, M.D. Franklin, Tennessee: Media America, Inc., 1995
- 1996, Jeffrey A. Singer, commentaire du livre de Robert K. Oldham, "Bioethics-Opportunities, Risks, and Ethics: The Privatization of Cancer Research", The Freeman, Février, Vol 46, n°2, pp119-121
- L'éthique appliquée, Michela Marzano, PUF - Que sais-je n°3823, 2008
- Article Bioethics de The Encyclopedia of Libertarianism (Ronald Hamowy)
Citations
- Respecter un individu autonome, c’est, au minimum, reconnaître le droit de cette personne à avoir des opinions, à faire des choix et à agir en fonction de ses valeurs et de ses croyances. Un tel respect implique une action respectueuse, et pas uniquement une attitude respectueuse. Un tel respect implique davantage que la non-intervention dans les affaires personnelles d’autrui. Il inclut, du moins dans certains contextes, des obligations de développer ou de maintenir les aptitudes au choix autonome des autres, tout en dissipant leurs craintes et autres conditions qui détruisent ou perturbent leurs actions autonomes. (Tom Beauchamp et James Childress, Les principes de l’éthique biomédicale, éditions Les Belles Lettres, 2008)
Notes et références
- ↑ Beyond the principles of bioethics: facing the consequences of fundamental moral disagreement, H. Tristram Engelhardt (Rice University / USA), 2012
Lien externe
- (fr)Bioéthique et propriété de soi par Bertrand Lemennicier (1991)
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