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Vente d'organes

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La question de la vente de ses organes est un point de désaccord entre libéraux classiques et certains libertariens. Pour les libéraux classiques, un tel droit n'existe pas. Les libertariens le voient à l'inverse comme une simple extension de la doctrine de la propriété de soi-même, car elle ressort à la liberté exclusive qu'a chaque individu de disposer de son propre corps.

La vente d'organe est un sujet qui ne fait pas l'unanimité parmi les libéraux.

Vision libertarienne

Vision d'avenir ? « Le docteur Uba achète au meilleur prix vos organes...» (il s'agit en fait d'une fausse annonce, pour la promotion d'un film d'horreur sud-africain, Night Drive)

Les lois punissant la vente d'organes sont des lois illégitimes en regard des droits naturels. Dans les pays où prévaut l'interdiction (par exemple en France l'article 1128 du Code civil empêche de conclure des conventions sur tout ou partie du corps humain, en tant que "chose hors commerce"), la législation est en réalité absurde et incohérente, car elle autorise le don d'organe, signifiant que notre corps tantôt est notre propriété (le don est autorisé), tantôt ne l'est pas (la vente est interdite). Elle tente d'imposer une morale particulière fondée sur un postulat de l'« inviolabilité de la personne humaine ». Elle dénie la possibilité juridique d'être propriétaire de son corps au nom justement du respect du corps de chacun ! Le comble de l'absurdité est atteint quand la loi dit qu'une personne décédée est automatiquement présumée donneuse, sauf indication contraire ou volonté des proches : on ne peut vendre un organe, mais à sa mort, par défaut, il appartient à tout le monde. Le comble du cynisme est atteint lorsqu'on considère qu'un organe que le propriétaire original n'a pas eu le droit de vendre, comme son sang, est ensuite vendu par les intermédiaires, et taxé par l'État comme une marchandise normale.

La question de la vente ou du don d'organes remet au premier plan une distinction fondamentale du point de vue libéral : celle qui existe entre le droit et la morale. La confusion entre ces deux concepts produit un droit arbitraire "à géométrie variable", alors que pour le libéralisme est permise toute action qui ne viole pas un droit d'autrui, peu importe ce que les "moralistes" de tous horizons peuvent en penser.

En pratique, on recense, selon les pays, de 10 à 40 donneurs d'organes volontaires pour un million d'habitants, ce qui est très insuffisant. Du seul point de vue utilitariste, interdire la vente d'organes revient à condamner à mort ceux qui en ont besoin et ne pourraient se les procurer autrement. Comme à chaque fois que l'on s'en prend à la liberté des personnes, l'interdiction de la vente n'empêche pas l'existence d'un marché noir, avec des conditions sanitaires bien moindres, de par sa clandestinité.

Enfin, il faut distinguer clairement la vente des organes d’un individu vivant de celle d’un individu mort. Dans le second cas, les objections éventuelles sont totalement différentes.

À noter qu'en raison de l'inaliénabilité de la volonté humaine, on ne peut réellement vendre de façon définitive qu'un organe qui a déjà été extrait. En aucun cas on ne peut forcer quelqu'un à se faire ôter un organe même s'il s'y est engagé par contrat[1].

Objections courantes

« La vente d'un organe est du ressort de la liberté de chacun, certes, mais peut-on dire par exemple qu'une personne en difficulté qui vendrait un rein pour nourrir ses enfants soit libre ? »

Cette objection résulte d'une définition erronée de la liberté (voir ce terme), fréquente chez les collectivistes, par laquelle on confond liberté sociale (au sens du droit, c'est à dire absence de coercition) et capacité à faire une action, abusivement appelée "liberté" (c'est la vieille distinction marxiste entre liberté réelle et liberté formelle). Une telle objection peut en fait s'appliquer à tous nos besoins et dans toutes les situations. Par exemple je suis libre d'acheter ce que je veux qui est en vente, mais en fait je ne suis pas "libre" de le faire si je n'ai pas l'argent nécessaire : mais alors, pourquoi n'ai-je pas cette "liberté" ? qui "doit" me la donner ? et que dois-je faire pour l'obtenir ? Peut-on dire vraiment qu'il s'agit d'un manque de liberté ? De la même façon, on prétendra que le salarié pauvre qui vend librement sa force de travail n'est en réalité pas libre de le faire (théorie collectiviste de l'échange inégal), comme si on était mieux placé que lui pour savoir ce qui était bon pour lui, et comme s'il était un irresponsable tout juste bon à être assisté - c'est le vieux mépris paternaliste qui réapparaît dans ce point de vue.

Interdire la vente d'organes revient à se substituer à la personne concernée et à lui imposer un choix moral qui n'est pas le sien. Qui mieux que la personne elle-même est le meilleur juge d'une action qui la lèse ou non ? L'interdiction relève de l'oppression, car à travers elle on exerce un droit illégitime sur le corps d'autrui. Que propose celui qui déplore qu'une personne en difficulté doive vendre un rein ? Que la personne vole pour assurer sa subsistance ? Si l'objecteur est cohérent, rien ne l'empêche d'exercer sa solidarité envers la personne dans le besoin, plutôt que d'en appeler à une interdiction légale coercitive qui va fermer une issue possible pour une personne conduite à une telle extrémité. En réalité, l'objecteur ne se soucie pas d'être solidaire, il veut imposer de force sa vision morale des choses, peu importe si cela gêne en dernier ressort les personnes directement concernées (tant les vendeurs que les acheteurs potentiels).

« Autoriser la vente d'organes aboutirait à la création d'un marché dont profiteraient les riches aux dépens des plus pauvres »

Cette objection reflète plusieurs fantasmes très courants : le marché qui serait coercitif, alors que c'est un lieu d'échanges, rien n'obligeant un pauvre à vendre quoi que ce soit ; le pouvoir des riches, supposé sans limite, et permettant d'acheter même ce qui n'est pas à vendre ; et toujours une morale qui prétend régenter par la contrainte le comportement des personnes, tant de celles qui seraient disposées à vendre que de celles qui attendent des transplantations et seraient disposées à acheter. C'est la même morale liberticide qui condamne la prostitution ou l'usage de la drogue, attitude antilibérale qu'on peut résumer en quelques mots : "on sait mieux que vous ce qui est bon pour vous".

« Vous soutenez des pratiques qui ont cours dans les pays totalitaires »

Certainement pas. Que certains pays, comme semble-t-il la Chine, organisent des trafics d'organes à partir de condamnés à mort, ou de prisonniers des camps de concentration existants, est totalement illégitime, puisqu'il n'y a pas consentement de la part des victimes.

« L'argument du consentement ne peut tout absoudre ni tout permettre »

Refuser sous divers prétextes l'argument du consentement, qui est pourtant au centre même du libéralisme, conduit à l'arbitraire le plus paternaliste, invoqué pour interdire la prostitution, le suicide, le travail mal payé, etc. Il est évident que le consentement doit être éclairé. On peut adopter à cette fin un protocole bien précis destiné à s'assurer de sa validité, sachant que le consentement est récusable par la personne jusqu'au tout dernier moment (c'est ce que font les associations qui pratiquent le suicide assisté, comme Dignitas en Suisse).

Les libertariens regrettent qu'en matière de vente d'organes l'émotionnel prenne le dessus sur le rationnel : parce que vous ne pourriez envisager de vendre un de vos organes, vous voulez imposer à autrui votre point de vue. On aboutit ainsi à une interdiction de type religieux : "le corps humain est sacré", qui n'a aucune justification rationnelle (mais qui est respectable tant qu'on ne l'applique qu'à soi-même), mais qui sert efficacement à limiter la liberté d'autrui.

Vision libérale

Si on excepte le cas particulier du sacrifice (y compris pour cause médicale) et le don des fluides (renouvelables), un individu réellement libre ne peut concevoir de son vivant de réduire volontairement la capacité fonctionnelle de son corps, puisqu’il sait que l’intégrité de son corps est essentielle pour pouvoir exercer pleinement sa liberté. Il sait que la valeur de son corps considéré dans son ensemble est infiniment supérieure à la valeur de chaque organe pris séparément.

La question de la liberté du commerce des organes du point de vue du donneur vivant est un faux problème. Il peut y avoir une demande sur ce marché, mais jamais d’offre réellement libre : de ce qui précède, toute clause contractuelle en ce domaine est léonine. On notera d’ailleurs que cette question apparaît systématiquement dans des circonstances où l’environnement politique (donc économique) supprime ou réduit la liberté individuelle et la dignité humaine.

Il suit que ceux qui font commerce des organes (des autres) atteignent au plein exercice de la vie, de la liberté et de la propriété. Ils sont condamnables de ce fait.

En réponse à la position libertarienne, la vision libérale ne comprend pas pourquoi on limite artificiellement ce commerce à certains organes, jugés sans doute moins importants que d’autres. Pourquoi la vision libertarienne n’aborde-t-elle pas avec la même assurance la question de la vente du cerveau ou du coeur, par exemple ? Comment aborder la question morale, alors que la vision libertarienne impose sa propre éthique ?

Bibliographie

  • 2005,
    • Bertrand Lemennicier, La morale face à l'économie, Editions d'organisation, ISBN 2708134434
    • James Stacey Taylor, "Why Not a Kidney Market?", Free Inquiry, August/September, Vol 25, n°5

Liens externes


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  1. En littérature, on trouve l'exemple du Marchand de Venise de Shakespeare, où le héros autorise par contrat l'usurier Shylock à lui prélever une livre de chair en cas de défaut de paiement. Ce "contrat" (bien différent d'un contrat de vente d'organe) est en réalité inexécutable, ce n'est pas un échange, mais une promesse d'échange.