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tous les êtres sensibles. Ainsi la jouissance et la peine sont les guides de l'action, sans jugements de valeur, sans jugements de [[raison]].
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Toutefois, la doctrine utilitariste trouvera avec le philosophe anglais [[Jeremy Bentham]] une autre direction et fonde ''le principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre''.
Toutefois, la doctrine utilitariste trouvera avec le philosophe anglais [[Jeremy Bentham]] une autre direction et avec lui la fondation du ''principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre''.


C'est cependant avec l'apport de [[Stuart Mill|John Stuart Mill]] que l'utilitarisme devient une philosophie véritablement élaborée.
C'est cependant avec l'apport de [[Stuart Mill|John Stuart Mill]] que l'utilitarisme devient une philosophie véritablement élaborée.

Version du 16 janvier 2017 à 23:17

B0.jpg Discussions sur le forum
Utilitarisme Et Jusnaturalisme (for)
L'utilitarisme (for)
Hayek était-il utilitariste ? (for)

Définition

L'utilitarisme est une doctrine éthique (dans le sens comportemental) qui pose en hypothèse que ce qui est « utile » est bon et que l'utilité peut être déterminée d'une manière rationnelle.

Ses origines remontent à l’éthique épicurienne où le fondement naturel de la morale est la sensation. Car, pour Épicure « la nature seule doit juger de ce qui est conforme ou contraire à la nature », et définit le plaisir comme la fin naturelle de tous les êtres sensibles. Ainsi la jouissance et la peine sont les guides de l'action, sans jugements de valeur, sans jugements de raison.

Toutefois, la doctrine utilitariste trouvera avec le philosophe anglais Jeremy Bentham une autre direction et avec lui la fondation du principe du plus grand bonheur pour le plus grand nombre.

C'est cependant avec l'apport de John Stuart Mill que l'utilitarisme devient une philosophie véritablement élaborée. Il introduisit le vocable en 1871 et tira de ce principe les implications théoriques et pratiques les plus abouties. Le principe éthique à partir duquel il jugeait les comportements individuels ou publics était l'utilité sociale.

Le postulat de départ de la théorie utilitariste est que le bien éthique constitue une réalité constatable et démontrable. On peut le définir à partir des seules motivations élémentaires de la nature humaine : son penchant « naturel » à rechercher le bonheur, le plaisir et à esquiver la souffrance. Ce principe est formulé ainsi par Bentham :

« La nature a placé l'humanité sous l'empire de deux maîtres, la peine et le plaisir. C'est à eux seuls qu'il appartient de nous indiquer ce que nous devons faire comme de déterminer ce que nous ferons. D'un côté, le critère du bien et du mal, de l'autre, la chaîne des causes et des effets sont attachés à leur trône ». (Jeremy Bentham Principes de la morale et de la législation, 1789)

Les utilitaristes prétendent ainsi régler des problèmes sociaux très anciens :

  • quels principes guident les comportements des individus ?
  • quelles sont les tâches du gouvernement ?
  • comment les intérêts individuels peuvent-ils être conciliés entre eux ?
  • comment les intérêts individuels s'accordent-ils avec ceux de la communauté ?

Le principe de l'antagonisme du plaisir et de la peine répond ainsi à l'ensemble de cette problématique. L'utilitarisme affirme qu'il ne peut y avoir de conflit entre l'intérêt de l'individu et celui de la communauté, car si l'un et l'autre fondent leur action sur l'« utilité », leurs intérêts seront identiques. Cette démarche joue sur tous les plans de la vie sociétale : religieux, économique, éducatif, dans l'administration, dans la justice, ainsi que dans les relations internationales.

Dans des conditions de concurrence pure et parfaite, tout acteur économique ne recherchant qu'à maximiser sa satisfaction individuelle, les démonstrations mathématiques prouvent un optimum social.

Perspective économique

On retrouve parmi les théoriciens de l'économie quelques disciples de l'utilitarisme en particulier John Austin, James Mill, Herbert Spencer et John Stuart Mill qui ont marqué durablement l'histoire de la pensée économique.

L'utilitarisme permet de déterminer le comportement des acteurs économiques, en particulier dans le cas de la théorie micro-économique du consommateur. Tout individu essaie d'obtenir le maximum de satisfaction de sa consommation. Il va donc optimiser l'utilité qu'il retire de sa consommation, compte tenu de sa contrainte budgétaire.

Les difficultés méthodologiques de l'utilitarisme

L'avantage apparent des théories utilitaristes est qu'elles n'ont aucun a priori sur ce que devraient être les règles de vie en société ou l'organisation sociale optimale. Elles tendent à ramener toutes les questions sociales, sans préjugé, à un ensemble d'équations mathématiques dont la résolution devrait permettre aux "ingénieurs sociaux" que sont les politiciens de diriger leur action pour "faire le bonheur du peuple".

Malheureusement la notion d'utilité personnelle, qui reste subjective, et celle d'utilité collective, qui est définie arbitrairement, se prêtent mal à un tel schématisme.

Les principales difficultés méthodologiques de l'utilitarisme sont les suivantes :

  • comment définit-on l'intensité de l'utilité pour chaque individu ? Je préfère les poires aux pommes (préférence ordinale), cependant entre 3 pommes et une poire, je préfère avoir les 3 pommes : l'intensité mesure de combien je préfère les poires aux pommes ;
  • le point précédent étant supposé acquis, comment compare-t-on les différentes intensités individuelles ? Les comparaisons interpersonnelles semblent impossibles, car les mesures d’intensité restent relatives à chaque individu (voir aussi subjectivité de la valeur);
  • les points précédents étant supposés acquis, comment agrège-t-on les utilités pour définir une "utilité collective" : pourquoi serait-elle la somme des utilités individuelles plutôt que leur moyenne, ou autre chose encore ?

Il semble que toute théorie utilitariste soit forcée de faire des choix plus ou moins arbitraires sur les points énoncés, choix variables selon les écoles, ceci sans préjuger de la difficulté de la tâche préalable qui consisterait à mesurer, en pratique, les utilités des personnes d'une population donnée.

Différentes écoles

L'utilitarisme n'est pas une école monolithique, et on y trouve différentes façons d'aborder les difficultés méthodologiques propres à la doctrine (comment mesurer les niveaux de bien-être ? chaque individu a-t-il une échelle unique d'évaluation ? peut-on comparer entre elles les échelles de différents individus ?) :

  • Utilitarisme classique (Bentham, Mill, Sidgwick) : on s'intéresse à la somme des niveaux de bien-être des individus (inconvénient : on ignore les grandes différences de bien-être qui peuvent exister entre les individus).
  • utilitarisme moyen : on s'intéresse au niveau moyen de bien-être des individus (inconvénient : on est insensible à la variation du volume de la population).
  • Utilitarisme à seuil : on cherche à maximiser la somme des utilités (utilitarisme classique) mais en imposant une contrainte sur le niveau moyen, qui doit être supérieur à un minimum (le but est d'empêcher la misère).
  • Utilitarisme nashien (du nom du mathématicien-économiste John Nash) : on cherche à maximiser le produit des utilités.
  • L'économie du bien-être parétienne, qui abandonne l'hypothèse de comparabilité interpersonnelle et repose sur la notion d'optimum de Pareto (un choix est optimal au sens de Pareto quand la situation d'une personne ne peut être améliorée sans détériorer la situation d'une autre personne).
  • La théorie du choix social (Abraham Bergson, Kenneth Arrow, Amartya Sen) : généralisation de l'approche parétienne, les préférences des individus sont comparées sur la base de règles de majorité (une option est socialement préférable à une autre si une proportion plus importante d'individus la préfèrent).

La pensée moderne

Ces théories vont se retrouver dans les ouvrages de l'École classique et avoir des prolongements dans les théories de Friedrich von Hayek et chez les « nouveaux économistes » qui vont, notamment, influencer les politiques économiques de Margaret Thatcher et Ronald Reagan ; répandue chez les économistes de la fin des années 1970, cette théorie va devenir dominante dans la société toute entière.

Les critiques traversent de nombreux courants de pensées, des mouvements écologistes, aux théoriciens de l'anti-utilitarisme et aux mouvements alter-mondialistes : les valeurs pronées, d'une société sans justification supérieure, par les tenants de l'utilitarisme ressassant sur l'individualisme.

Utilitarisme et étatisme

En pratique, les hommes politiques et l'administration publique adoptent souvent dans leur mode de décision une approche à caractère utilitariste, quand des considérations politiciennes ou clientélistes plus classiques n'entrent pas en jeu : par exemple, pour savoir à partir de combien de morts ou d'accidents il faudrait modifier un carrefour en ville ou un segment d'une route nationale. Le "coût" des morts est mis en balance avec le coût des travaux nécessaires pour éviter de futurs accidents. Ce calcul mené par un acteur monopolistique agissant dans l'impunité est évidemment arbitraire, et échappe à toute rationalité économique, celle d'un marché totalement libre (qui tiendrait compte du coût des indemnités pour les assurances, des éventuels procès contre le propriétaire de la route, etc.). L’État utilise notamment le concept de "valeur de la vie statistique" (VVS) ; suivant ce concept, la vie d'un Français vaudrait environ 3 millions d'€ en 2015[1].

Le milieu médical étatisé a de la même façon recours a des "échelles de qualité de vie" qui peuvent éventuellement justifier une euthanasie, pour éviter des "coûts inutiles" à la "collectivité". Le "QALY" (Quality-adjusted life year) est utilisé (notamment en France par la Haute Autorité de Santé ainsi que par les laboratoires) pour représenter une année de vie pondérée par la qualité de vie ; on recherche alors le meilleur rapport coût/QALY (par exemple, le Kadcyla, médicament anti-cancer, battrait tous les records en coûtant 191661 € pour 1 QALY[2]).

L'importance accordée aux données macroéconomiques telles que le produit intérieur brut résulte de l'influence de l'utilitarisme auprès des hommes de l’État et de sa propension à toujours essayer de mesurer des données subjectives intrinsèquement non mesurables. Pour les économistes libéraux, utiliser le PIB comme mesure d'une "utilité" qu'il faudrait chercher à maximiser est une erreur profonde.

Critique libérale

Pour une bonne part des libéraux, l'utilitarisme (excepté celui qui repose sur l'optimum de Pareto) n'est pas acceptable, car il pose qu'une action se justifie nécessairement par ses conséquences (éthique conséquentialiste), ce qui n'est qu'une version pseudo-scientifique du bien connu "la fin justifie les moyens", fondement même du raisonnement criminel. Pour les libertariens, le principal défaut de l'utilitarisme est qu'il permet de justifier l'interventionnisme étatique.

Pour un utilitariste, les droits fondamentaux auxquels sont attachés les libéraux n'entrent en jeu qu'en fonction des conséquences qu'ils peuvent produire : ils sont des instruments plutôt que des buts. L'utilitarisme pourrait ainsi très bien justifier une société raciste ou ségrégationniste : en effet, les préférences des individus doivent être respectées et prises en compte dans le calcul de l'utilité, aussi rien n'empêche qu'elles soient discriminatoires. On pourrait même théoriquement justifier l'assassinat des personnes les plus malheureuses de la société, car cela augmenterait la quantité de bonheur totale.

L'utilitarisme reste cependant une composante importante de la pensée libérale, et les raisonnements utilitaristes suivent souvent les assertions déontologiques, comme une conséquence logique de ces dernières (le juste produit le bien). Tel est le point de vue de Hayek, les normes sociales émergeant pour lui d'un processus de sélection par le système social, en vue d'une maximisation du bien-être global.

Un libertarien utilitariste tel que David Friedman trouve les avantages suivants à l'utilitarisme ([1]) :

  • de par le lien fort qui semble exister entre bonheur et liberté, l'utilitarisme a un intérêt pour les libéraux ; même s'il n'est pas "prouvé", il peut s'avérer utile ;
  • l'efficacité économique a une relation avec le bonheur, et elle constitue un critère qui permet de dégager des règles significatives d'un point de vue utilitariste ;
  • une règle ou une loi qui accroît le bonheur n'est pas forcément juste, mais cela plaide fortement en sa faveur ;
  • un accroissement du niveau de bien-être global a très probablement des conséquences positives pour chaque individu, même si ça peut être à long terme.

Publications

  • 2003,Frederick Rosen, "Classical Utilitarianism from Hume to Mill", London and New York: Routledge

Notes et références

  1. Référence : Science et Vie, février 2016. Ce chiffre de 3 millions d'€ est obtenu en demandant à un échantillon de population combien chacun serait prêt à payer pour réduire de 1/100000 son risque de décès prématuré pour cause de pollution atmosphérique (la réponse est 30 € par personne).
  2. Référence : Science et Vie, février 2016.

Citations

  • « La morale des utilitaires, c'est leur psychologie économique mise à l'impératif. »
        — (Elie Halévy)

  • « Si la façon la plus efficace de maximiser le bonheur collectif agrégé est en fait de maximiser la liberté de l'homme, alors l'utilitarisme devrait prescrire de maximiser la liberté. En ce cas, l'utilitarisme non seulement serait cohérent avec une structure politique libérale, mais aussi la rendrait nécessaire. Par conséquent, des économistes libéraux tels que Ludwig von Mises (1881–1973), Friedrich Hayek (1899–1992) et Milton Friedman (1912–2006), qui ont soutenu que c'est bien ainsi que le monde fonctionne, peuvent être caractérisés comme des libéraux utilitaristes. »
        — (John Hasnas)

Liens externes


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