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Schèmes
Un schème est, chez le philosophe Emmanuel Kant, une représentation mentale qui joue le rôle d’intermédiaire entre les catégories de l’entendement et les phénomènes sensibles.
En psychologie (Jean Piaget), un schème est un "noyau" de savoir-faire, une structure ou organisation des actions telles qu'elles se transforment ou se généralisent lors de la répétition de cette action en des circonstances semblables ou analogues.
Pour Friedrich Hayek, un schème est un modèle mental d'organisation, un système de règles abstraites, tacites voire inconscientes ("connues par personne, mais comprises de tous"), qui gouvernent la perception que l'individu a du monde extérieur et qui lui permet de produire différents modèles d'action :
- « L'esprit ne fabrique point tant des règles qu'il ne se compose de règles pour l'action ; c'est-à-dire d'un complexe de règles qu'il n'a pas faites mais qui ont fini par gouverner l'action des individus parce que, lorsqu'ils les appliquaient, leurs actions s'avéraient plus efficaces, mieux réussies que celles d'individus ou de groupes concurrents. » (Droit, législation et liberté, 1973)
La théorie des schèmes de Friedrich Hayek
La théorie des schèmes[1] de Friedrich Hayek tire son origine de ses recherches dans l’interaction entre l'individu et l'ordre social.
Étudiant la psychologie cognitive dès son entrée à l'université, Friedrich Hayek reprend ses travaux après la seconde guerre mondiale et plus nettement lorsqu'il est en poste à Chicago puis à Fribourg. Il met en évidence le rôle des « schèmes » de perception et d'action dont chaque être humain dispose et du psychisme « méta-conscient » dans la pratique quotidienne. Le cerveau est anatomiquement et génétiquement programmé pour construire des modèles (patterns).
Ainsi, les schèmes sont des systèmes de règles qui ouvrent la perception au monde extérieur, qui produisent différentes alternatives d’action et qui assurent une prédiction dans l'anticipation. Ces règles sont abstraites, largement tacites et méta-conscientes. Elles sont transmises (et apprises) dans les interactions individuelles ; elles évoluent en rapport avec l’ordre général qu’elles définissent[2]. Friedrich Hayek dénomme "Nomos", l'ensemble de ces règles.
Les individus sont physiologiquement capables de percevoir des signaux et les classer. Cognitivement, ils peuvent interpréter ces signaux issus de leur environnement. Les prix peuvent être de tels signaux, mais ils ne sont pas les seuls. Les prix ont cependant l'avantage de synthétiser un certain nombre d'informations et ils représentent donc un signal hiérarchiquement supérieur à d'autres indices.
A la différence du modèle de l’homo œconomicus, l'individu chez Hayek n'est pas un automate. Il ne réagit pas mécaniquement aux stimuli qui lui parviennent. Il n'est pas non plus égoïste comme le présente la théorie néo-classique car les schèmes ne reposent pas forcément sur des règles utilitaristes. A partir des signaux, l'individu, chez Hayek, peut inférer des schèmes d’action conformes à certains buts généraux. Devant la complexité des situations auxquelles il est confronté, l'individu fait face à son ignorance constitutive. Il a le pouvoir d'un calcul rationnel ou de se servir de règles auxiliaires comme les traditions afin "de mettre de l'ordre" dans l'inconnu de son processus cognitif. Autrement dit, lorsqu'un individu ne s'est pas si le comportement "soi-disant" rationnel [du modèle néo-classique] est pertinent, il choisit éventuellement d'autres schèmes d'action.
Par exemple, le Droit et la Morale fournissent et stabilisent des règles abstraites et générales. "Ces règles sont abstraites, en ce sens qu’elles ne déterminent que le cadre général des actions légitimes, et négatives, c’est-à-dire restrictives plutôt que prescriptives elles ne tendent donc pas à la réalisation d’objectifs jugés souhaitables, mais seulement à écarter les obstacles au fonctionnement spontané de l’ordre social"[3]. Grâce à la tradition, un processus d’apprentissage, fondée sur l’imitation de comportements réussis ou efficaces, offre la possibilité de transmettre les schèmes. Le concept de schème renvoie donc à la notion de "cartes cognitives"[4] développées par d'autres auteurs (par exemple, ceux de la Programmation neuro-linguistique) insistant sur le couplage avec d'autres caractéristiques les composant (l’apprentissage, la mémoire, la communication).
Application à la théorie du management
De nombreux auteurs s'intéressent à la façon dont la connaissance est stockée dans l'entreprise, ce qui a donné lieu à la théorie du management par la connaissance (Knowledge management). Par analogie à l'esprit humain, les chercheurs en science cognitive offrent deux modèles principaux de la connaissance : le modèle du réseau et la théorie des schèmes.
Dans le modèle du réseau, la connaissance est stockée dans des liens de propositions interdépendantes. Les connexions s'effectuent grâce à des lignes et des points de jonction formant un tout plus ou moins complexe. Les concepts d'apprentissage (mémoire), d'échange (action) et de sens (sémantique) jouent un rôle important dans cette approche. La théorie des schèmes fournit un point de vue différent et complémentaire à la théorie des réseaux. Celle-ci a tendance à présenter une certaine vision mécaniste de l'esprit, et donc, par analogie, de la connaissance dans les organisations (entreprise). Sa plus grande application s'exerce en intelligence artificielle avec le modèle de la mémoire de l'ordinateur. La théorie des schèmes a une vision plus créative et procédurale axée sur les objectifs de l'activité mentale humaine.
Un schème est un modèle mental généralisé qui sert à organiser la mémoire, à interpréter l'expérience, à codifier certaines actions et à concentrer son attention sur des opportunités. En effet, les schèmes permettent à des individus de percevoir des connexions entre les événements et la connaissance.
Le schème est similaire à un idéal-type, archétype, stéréotype ou à un modèle, sauf que le schème répond à un processus actif, qui peut s'auto-activer et s'auto-réviser. A la différence des modèles de réseaux, les schèmes contiennent des informations abstraites et catégorielles. Ils n'ont pas besoin de détails sur un cas spécifique pour les comprendre. Ils contiennent donc une forte partie de connaissance tacite que les individus doivent disposer pour comprendre les événements qui se produisent.
Les réseaux sont structurés (relations enter les composants) et figés au moment de leur conceptualisation. Les schèmes, dans l'entreprise, sont dynamiques et pas forcément structurés. Ils peuvent varier, se développer et interagir. Ils accomplissent des fonctions de routines (par exemple, la sortie des chiffres du Tableau de bord de gestion pour fixer les objectifs du prochain trimestre). Ils organisent l'expérience et la modifient eux-mêmes pour accueillir de nouvelles expériences.
La théorie des schèmes suggère que les individus interprètent différemment le monde en fonction de la manière dont ils analysent et traitent la connaissance. Selon leur cadre cognitif, les individus organisent des connaissances en fonction d'un concept ou d'un type de stimulus donné. La gestion des connaissances au sein de l'entreprise est donc de comprendre comment ses ressources sont élaborées et quelles sont les ruptures ou les fragilités possibles interagissant avec les objectifs et la performance de l'organisation.
Annexes
Notes et références
- ↑ Pattern, Schema ou schemata en anglais
- ↑ 2002, Ai-Thu Dang et Pierre-André Mangolte, Endogénéisation des règles sociales et évolutionnisme culturel chez Friedrich A. Hayek, L'Actualité économique, vol. 78, n°3, p324
- ↑ 2004, Loïc Cadiet, dir, Friedrich Hayek, In: Dictionnaire de la justice, Paris, PUF
- ↑ Pierre Cossette, 1994, "Cartes cognitives et organisations", Les Presses de l’Université Laval, pp3-12
Bibliographie
- 2002, Ai-Thu Dang et Pierre-André Mangolte, Endogénéisation des règles sociales et évolutionnisme culturel chez Friedrich A. Hayek, L'Actualité économique, vol. 78, n° 3, pp321-345
- 2004, Loïc Cadiet, dir, Friedrich Hayek, In: Dictionnaire de la justice, Paris, PUF
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